1. La fin d'un temps.

Finir ses études, rentrer dans la vie active, rêver d'avenir, d'espoir, d'amour même, c'est ce que des jeunes gens comme Lily Evans ou James Potter étaient en droit d'attendre. Seulement, pour eux, quitter Poudlard signifiait tout l'inverse. Bercée dans l'incertitude du lendemain dans un monde qui rejetait une partie des siens uniquement parce qu'une idée véhiculée par un mage d'influence voulait qu'on n'était sorcier uniquement si ses parents l'étaient, rien ne pouvait garantir à une enfant née de parents moldus qu'elle aurait un jour sa place dans cette société en crise. Oh bien sûr, Poudlard et son directeur souhaitaient que chacun de ses élèves portent en lui une foi qu'il avait tenté d'inculquer durant sept années d'étude, mais personne n'était dupe sur l'engagement précoce de certains d'entre eux dans cette confrérie que les autres nommaient « Mangemort ». Jusque là, Lily avait réussi à passer outre toutes les injures qu'elle recevait du fait de sa naissance, mais aussi de son intelligence qui ne plaisait pas, ou de son statut de préfète qui dérangeait. Seulement lorsque son ami d'enfance, celui avec qui elle avait découvert la magie et tissé des liens aussi forts qu'elle imaginait parfois la possibilité qu'ils ne se quittent jamais, celui là même dont elle connaissait parfaitement les sentiments qui l'habitait à son égard, oui, lorsque Severus lui attribua un qualificatif des plus représentatif de cette haine grandissante envers les gens comme elle, l'innocence de sa jeunesse s'envola.

La seule chose qui lui avait redonné le sourire était James Potter. Ce garçon à lunettes voyait la vie d'un regard presque enfantin au point que bien des fois, elle ne pouvait s'empêcher de lui reprocher d'occulter ce qui se passait à l'extérieur du château. Certes, ils avaient eu beaucoup de différents parce qu'il avait déjà son avis sur ces Serpentards tatoués, alors qu'elle espérait encore qu'ils retrouvent la raison.

Le principal d'entre eux était naturellement Severus Rogue, que James et ses amis avaient pris en grippe alors qu'il était précieux à ses yeux, jusqu'à une fameuse parole de trop. Lily avait régulièrement adressé de vives colères à James, cet adolescent vindicatif et orgueilleux tout comme son meilleur ami Sirius Black quand ce n'était pas les maraudeurs tous ensemble. Il en avait fallu du temps pour que Lily arrête de voir ces quatre là comme le pire recrutement que sa maison Gryffondor avait pu faire et cesse de prendre du plaisir à exercer son badge de préfète contre eux.

Elle pouvait parfaitement se rappeler ce jour où les choses lui avaient parues différentes, ce jour où Severus lui avait ouvert les yeux sur ce qui se préparait sans qu'elle ne puisse y faire quoi que ce soit. Les maraudeurs auraient pu se moquer, rire de son malheur et lui dire que ce n'était pas faute de l'avoir prévenue sur le cas indécrottable de « Servilus ». Non, ce jour là, ils avaient parfaitement compris sa détresse, et la haine qu'ils avaient envers le Serpentard n'en fut que décuplée. Lily était l'une des leurs, en plus d'être au centre des attentions de James, et ce qui touchait l'un des maraudeurs, touchait tous les autres. Ce soir là, tous les quatre s'exercèrent à l'empêcher de pleurer, de remuer ces paroles dans sa tête et lorsqu'ils y arrivèrent, ils se satisfirent à la faire rire.

Au fil du temps, ce qui les avaient séparé jusque là, les réunissait et le fait que James et elle partageaient les même appartements en tant que préfets en chef avait accéléré les choses. Il avait su finalement lui faire ouvrir les barrières qu'elle avait mis entre eux depuis des années, lui montrer que la vie n'était pas si noire qu'elle ne laissait paraître lorsqu'on le décidait et vers la fin de l'année, elle avait enfin cédé. Même si cela n'avait duré que plusieurs semaines, Lily s'était sentie comme revivre au point que toutes les préoccupations extérieures ne l'atteignaient presque plus. Ce qui comptait pour elle était à présent James, ses Aspics et son amitié grandissante avec les trois autres garçons. Il était donc tout naturel qu'ils se promettent de se revoir lorsqu'ils se quittèrent sur le quai, à Londres.

Echanges d'hiboux pour se donner rendez-vous, sorties seuls ou en groupe, James avait déjà tout un programme chargé à lui proposer, comme s'il avait planifié toute leur vie ensemble depuis des années. Le sourire aux lèvres, elle n'aurait jamais douté que cette nouvelle vie puisse lui être refusée.

- Tu verras, Lily, rien ne changera... Je t'écris très vite pour te fixer un rendez-vous et on profitera de tout ce que la vie nous proposera, lui murmura-t-il une dernière fois avant de l'embrasser.

- Allez James, on y va, pesta Sirius, tes parents vont nous attendre et ta mère va être déçue si on n'arrive pas à l'heure pour le repas! Tu vas la revoir ta Lily, elle ne va pas mourir demain que je saches, ironisa-t-il avant de se racler la gorge en s'apercevant de la réflexion de trop. Bon, une minute et pas plus!!!

- Il faudra qu'on discute sérieusement Lily tu sais... Après une année en te voyant tous les jours, je ne sais pas si je vais supporter de ne plus te voir à mon réveil...

- Une chose à la fois James, tu ne crois pas? Même si ça ne sera pas évident de moins se voir pour le moment, je ne pense pas qu'on ait d'autres choix tant qu'on a pas trouvé un travail ou un logement...

- Personnellement, le travail, ce n'est qu'une option Lily tu sais, à vrai dire, tout dépend plus de toi, mais on en reparlera parce que Sirius risque de me faire payer très cher le fait de ne pas le nourrir à l'heure, rigola-t-il.

- J'attends ton hibou alors, soupira-t-elle en le regardant partir, non sans une boule au ventre.

Cependant le retour à la réalité contraria très facilement toutes ses certitudes sans aucun ménagement. Le monde sorcier était en guerre civile et malgré elle, le conflit la touchait directement. Jusque là, Poudlard l'avait un peu protégée de ce qui se passait à l'extérieur, ce qui en était d'autant plus violent que même ses parents en étaient changés. Eux qui étaient si fiers d'avoir une fille sorcière, marchaient avec beaucoup d'hésitations, le regard toujours à l'affût, en venant la chercher à la gare. Sa mère lui demanda d'être la plus « normale » possible et Lily, un peu perdue par ce nouveau comportement, ne chercha pas forcément à légitimer l'aspect magique de sa personnalité. Le fait de retourner chez elle, à quelques centaines de mètres de la maison de Severus, ne lui laissait pas la conscience tranquille. La nostalgie de cette jeunesse à deux où tout semblait si simple la perturba énormément au point de presque suffoquer dans cette maison qui avait pourtant été un refuge très apprécié jusque là. Lorsque quelqu'un frappait à la porte, une partie d'elle espérait le voir apparaître pour s'excuser mais les traits du nouveau petit ami de sa soeur revenaient à chaque fois briser ses attentes. Entre ça et le hibou de James qui n'arrivait pas, le moral de Lily chuta de jours en jours.

Ajouté à cela, noyé dans la peur, le stress, l'angoisse et l'odeur de la mort, il ne se passait pas un jour sans que chaque sorcier ne déplore un « accident » malheureux pour l'un de ses proches. La gazette que recevait Lily commençait à devenir une annonce mortuaire à chaque parution au point de s'étonner lorsqu'il n'y avait pas d'annonce macabre. Cette atmosphère plongeait cette communauté dans un mal être qui poussait chaque famille dans un retranchement de protection. Afin d'asseoir son influence et son autorité dans ce règne de la peur, Lord Voldemort, le mage dont il ne faisait plus bon de prononcer le nom sous peine d'être traité de résistant et d'être dénoncé par son plus proche voisin, espérant ainsi être écarté lui-même de tout soupçons, avait élargi son domaine d'action sur le monde moldu. Cette partie de la population que ne connaissait ni l'existence d'une telle communauté sur son territoire et encore moins les règles de vie qui la régissaient n'arriva pas à comprendre la provenance de cette menace invisible. L'ignorance renforça alors l'esprit de méfiance qui se propagea comme un virus. Chez les Evans, ce sentiment fut bien plus lourd que dans une famille où la magie rimait avec petit spectacle d'enfant pour Noël, la « maladie » les touchaient de plein fouet. En moins de deux semaines après son retour, Lily dut se désabonner de la gazette pour ne plus avoir de hibou à la fenêtre de la cuisine chaque matin, comportement inhabituel pour un animal sauvage selon les voisins. A contre coeur mais surtout pour répondre à l'angoisse grandissante de ses parents, elle accepta et se contenta d'écouter la radio sorcière à une heure tardive pour ne pas s'en faire priver à son tour. Garder ce contact à sens unique devenait essentiel pour elle tant que les choses ne se calmaient pas, et là, plus que jamais, la présence de James lui manquait. Lui qui avait toujours réponse à tout ou solution à tout, aurait probablement stimulé son caractère pour qu'elle ne se laisse pas abattre par tout ça. Son silence était d'ailleurs plus qu'étonnant vue leur dernière discussion sur le quai. Seulement, privée de hibou, Lily n'avait pas d'autre choix que d'attendre le sien pour pouvoir lui répondre. Heureusement pour son esprit, la chouette élégante de James arriva à l'aube de la troisième semaine de Juillet. Lily lut alors un message aussi froid qu'il en était possible, rempli de banalités, provoquant une détresse intérieure qui ne lui laissa pas la possibilité de répondre des mots plus enflammés que ceux de l'expéditeur.

Prise dans une spirale dont elle ne comprenait pas les règles, elle ne chercha toutefois pas le conflit vu que ses échanges étaient le seul contact qu'elle gardait avec lui et la magie, cependant, à force, les parents de Lily lui demandèrent de cesser cela avant qu'il ne leur arrive malheur. Forcée de discrétion, l'espacement entre les courriers se fit de plus en plus long à son grand regret. La distance entre James et elle devint toute aussi réelle que celle qui s'installait au sein de sa famille et impuissante face à cela, Lily se laissa porter dans une relative survie, abattue par sa frustration et son manque de confiance en elle. La lionne était ainsi muselée par un filet noir invisible, à l'instar de toute une population où le mot courage frisait l'imprudence.