Le nuage se rapprochait, comme la marée des rivages, prêt à tout engloutir sur son passage. Un cheval écumait, à bout de souffle mais maintenait l'allure malgré tout, terrorisé par les bruits et la fureur de l'immense tempête. La silhouette d'une montagne se détachait sur l'horizon, redonnant du courage au cavalier qui le chevauchait car ce qu'il voyait, c'était sa maison, sa famille, la plus grande victoire des siens.
Erebor.
La Montagne Solitaire, libérée des griffes du dragon Smaug si peu d'années auparavant, en un temps qui paraissait déjà si lointain.
Le cavalier se tourna pour s'assurer de la distance qui le séparait de la malédiction. Il aurait suffisamment de temps pour rejoindre la montagne. Son seul espoir était de pouvoir mourir au côté des siens, et pas seul et oublié dans la Désolation.
Des larmes coulèrent le long de ses joues.
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« -Monseigneur! La tempête se rapproche encore! » cria l'une des sentinelles. « Nous devons fermer les portes!
-Que nous les fermions ou non, cela ne changera rien! Ce n'est pas une simple tempête, qui ne ferait que détruire les champs et les bâtiments, non! C'est plus terrible encore, bien que j'ignore la nature de cette abomination. » répondit le roi. ''J'eusse préféré affronter Smaug cent fois que voir ainsi mon peuple si faible'' « Y a-t-il quelqu'un sur la Désolation?
-Un cavalier, aussi loin que portent mes yeux Sire! Il porte les couleurs d'Erebor! Il est poursuivi par ce nuage et se rapproche des portes!
-Aura-t-il le temps de les franchir avant la fin?
-Je le pense Sire! Il avance à vive allure car il est monté sur un cheval de haute taille! C'est un Homme, si ma vue ne me trompe pas! »
''Merín!'' Le Roi sous la Montagne regagna un peu d'espoir. Il fit face à ses hommes, et vit la peur dans leurs yeux, le traumatisme de la perte d'Erebor dans leurs yeux. ''Non! Pas cette fois!'' Il inspira afin que tous dans le coeur de la Montagne puisse l'entendre. « Rejoignez tous vos femmes, vos enfants ou vos familles! Nous ignorons ce à quoi nous avons affaire, toutes les possibilités sont à prendre! Nous ne pouvons nous battre, au moins ne mourons pas seuls! »
Alors que tous ces hommes regagnaient leurs foyers, il se retourna vers la plaine aux pieds de la montagne.
''Dépêche toi mon enfant...'' Des larmes perlaient à ses yeux.
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Les portes étaient là! Enfin! Le cavalier laissa échapper un soupir de soulagement tout en démontant. Il les franchit en courant, espérant retrouver son père. Ses longues jambes d'Homme lui permettaient d'avancer vite, et sa haute taille du Nord l'aidaient à voir au dessus de la marée de Nains se pressant pour rejoindre les leurs le plus vite possible. Le rouleau du roi James pesait lourd contre sa hanche, il n'était plus d'aucune utilité maintenant. La mission avait été un échec. Montant les étages, les jambes douloureuses de fouler les gigantesques escaliers de pierre, il s'arrêta net quand deux silhouettes lui bloquèrent le passage. Deux Nains.
Grands pour des Khazâd, l'un d'eux était blond, ne portait pas de barbe, mais avait tressé sa moustache comme le font les Nains. Armé jusqu'au dents, il en imposait et rayonnait de majesté. L'autre avait les traits fins, plus jeune et était brun. Trait important dans sa physionomie était son menton rasé, sur lequel subsistait l'ombre d'une pilosité. Contrairement à l'autre, il n'avait pour arme qu'une épée et un puissant arc court dans le dos. Tous deux avaient abandonné leurs habits princiers au profit de vêtements de bataille, plus confortables.
« -Tu es en retard... » dit le blond. Son regard était malicieux, mais une étincelle de mélancolie envahissait ses prunelles grises. « Notre Oncle est mort d'inquiétude.
-Fili... Où est le roi?
Le plus jeune répondit à sa place. « Il est à la grande tour de garde. Lui et les autres, ainsi que notre mère, sont restés avec lui. Notre peuple s'est réfugié au cœur de la Montagne.
-Venez avec moi. Il a dit à tous de rester avec leurs familles. Obéissons lui... » Un faible sourire éclaira son visage, bien que ses yeux soient remplis de larmes.
Ils montèrent ensemble à la Tour de Garde, parcourant des couloirs vidés de toute vie. C'était là-bas que Thorin se rendait quand il avait besoins de réfléchir. ''Pardonnez moi d'être si en retard, Père''. La plateforme donnait sur l'extérieur de la Montagne et était assez grande pour accueillir une bonne trentaine de Nains armés en cas d'attaque. A ce moment là, cependant, il n'y en avait que douze. Les douze fidèles du Roi Thorin II, Fils de Thraín, fils de Thrór, L'Écu de Chêne, et Roi sous la Montagne, ainsi que sa sœur, Dís. Le regard fier, malgré des yeux pleins de larmes, ils observaient l'horizon, se préparant à la fin. Le cavalier s'avança, suivi des deux jeunes Nains.
« -Père...
Le roi se retourna. Son visage s'illumina en voyant son enfant.
-Merín...
-Je vous demande pardon père. J'ai échoué. Le roi James m'a fait porter un message pour vous, rapportant les évènements qui se sont produis le jour de ses noces avec la princesse Blanche Neige. Mais j'arrive trop tard... Rien ne peut être défait. C'est une malédiction Père! Envoyé par la Méchante Reine!
-Cela n'a plus d'importance mon enfant. Quelque soit l'effet de cette malédiction, nous serons ensemble. Tous. Notre peuple est à l'abri, et rien ne pourra défaire la magnificence d'Erebor. Faisons face mes amis, mes frères. Restons fiers. Balín, Dwalín, Gloín, Oín, Ori, Nori, Dori, Bifur, Bofur, Bombur, Fili, Kili, Dís, Merín, mes amis, mon sang... Soyons forts. »
Tous se tournèrent vers la tempête qui se rapprochait à vue d'œil. Leurs gorges se serraient, les larmes coulaient encore sur les visages.
« -On a connu pire, n'est ce pas? » demanda Merín. « Smaug était bien plus impressionnant et féroce...
-Puisses-tu dire vrai mon enfant... Puisses-tu dire vrai... » répondit Thorin.
Le nuage était arrivé au pied de la Montagne. Le roi saisit la main de Merín et tourna la tête dans sa direction. Si c'était la fin, alors il voulait avoir pour dernière vision les yeux mordorés de sa fille.
