A/N : Ceci est un OS écrit dans le cadre des Nuits du Fof, où nous avons une heure pour écrire à partir d'un mot, ici « Vision ».
Bon, alors je sais que j'aime écrire des UA historiques, mais je ne pensais pas que le premier serait un truc vaguement antico-gréquisant. Hum. En passant : je n'ai jamais aimé les moments de changement de prénoms pour faire plus couleur locale, donc… je ne le ferai pas. Et la seule rigueur historique que je peux clamer ici est le vague souvenir d'une vieille conférence sur Narcisse qui souligne qu'il a longtemps été une sorte de divinité chasseresse avant de n'être qu'un homme amoureux de son reflet…
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Rien n'empêchera le destin
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« Toutes les choses doivent mourir, a dit l'oracle, et aucun miracle ne peut empêcher celle de Wei Wuxian lors de la bataille qui s'annonce. »
Lan Zhan s'incline. Rien ne trahit le désespoir familier qui remue dans son ventre, ni la protestation désespérée – Wei Wuxian a réussi tant de fois à survivre à une mort annoncée, pourquoi ne peut-il pas survivre une fois de plus ? Il se recule et va pour sortir quand une main ridée saisit son poignet. La voix, rauque et cassée à force d'inhaler la fumée, envahit de nouveau la grotte :
« Il a appris à jouer avec les fils que tissent les Parques. Elles joueront encore avec le sien. Patientez. »
Il hoche brusquement la tête et se détourne. Il n'arrive pas à prononcer les paroles rituelles de salut, mais il fait attention de laisser une offrande supplémentaire sur l'autel d'Apollon.
Stupide ! La pythie des Jin a toujours été fiable, pas de celles qui prévoient la fin d'un grand empire sans en préciser lequel. Stupide ! Pourquoi s'est-il senti obligé de faire un voyage à Delphes, simplement pour l'entendre de ses propres oreilles, seulement pour être sûr qu'il ne s'agissait pas d'annonces guidées par l'avidité de leur cité ?
Il poursuit sa descente de la montagne sans un mot, croisant d'autres pèlerins venus ici pour trouver des réponses à leurs questions. Il sait qu'il attire des regards curieux, mais personne n'est capable de le reconnaître : chaque cité a son oracle et la venue à Delphes ne se fait que lorsqu'on craint une trahison ou lorsqu'on veut insuffler à une décision une atmosphère suffisamment dramatique.
Il sait maintenant, sans l'ombre d'un doute que revenir à Yiling ne servira à rien. Il le fera quand même, qu'importe les Narcisses barbares sur les stèles sur le chemin qui lui font mal aux yeux. Pourquoi Wei Wuxian a-t-il choisi comme protecteur un tel… Question inutile. Il ira de nouveau à Yiling, lui demandera de venir à Gusu, et les mots fuiront dès qu'il devra s'expliquer. Il échouera.
Rien n'empêchera le destin. Ni Œdipe ni les Atrées n'ont pu y échapper et leurs villes ont beau regorger de héros de leur trempe, personne n'a su changer la volonté des Dieux. Wei Wuxian leur a tourné le dos depuis la mort de ses parents adoptifs et le fait de plus en plus bruyamment – il ne trouvera aucune pitié de ce côté-là.
Mais cette dernière information…
Il ne sait qu'en faire.
Les Dieux sont ce qu'ils sont : il n'y a ni réconfort ni compassion dans ces paroles. Peut-être que Wei Wuxian, dans ses recherches a trouvé un moyen de faire revenir son propre corps à la vie comme Wen Ning en son temps… Ou peut-être qu'il ne s'agit que d'une vengeance divine contre son hubris, une condamnation qui supplantera les intrigues humaines un autre supplice à rajouter à la liste que récite parfois Lan Quiren pour faire peur à ses élèves, à rajouter après celui de Tantale, de Sysiphe ou de Prométhée. Il est heureux d'être le seul à avoir entendu cette partie : les poètes se seraient fait une joie d'inventer quelque chose. On dit que LianFang-Zun a déjà demandé l'écriture de plusieurs pièces sur la vie et la chute de Wei Wuxian et que des grands noms ont répondu à son appel. Les mêmes poètes qui chantent encore la gloire dont il s'est couvert contre les Wen. Il sait que le spectacle attirera les curieux, que Wei Wuxian rejoindra les noms qui provoquent fascination et effroi comme celui de Médée ou de Minos.
Il avale sa salive. Rien n'empêchera le destin et la pythie a parlé.
Il faut se résigner.
