Prologue: Rencontrer le prince des Enfers dans un parc.

Quatre mois avaient passé depuis le solstice d'été, durant lequel un grand tremblement de terre avait ébranlé les États-Unis, et le mois de Septembre avait à nouveau rempli les couloirs des lycées d'élèves encore rêveurs de leurs vacances.

Les élèves de l'école d'art Saint-Alice, eux, n'avaient pas à passer leur rentrée enfermés dans des salles de classe, à leur plus grand bonheur. Toute la classe de seconde 3A se prélassait dans un parc à San Francisco et profitait des derniers jours de Soleil, à la recherche de quelque chose à peindre ou à dessiner. Parmi eux, Cassiopée Klain, une adolescente de quinze ans. Elle était en tenue d'artiste : gilet de sport et jupe confortables, un crayon dans les cheveux pour faire tenir son chignon, histoire de ne pas avoir de mèches devant les yeux quand elle peindrait son modèle. Enfin, quand elle en trouverait un. Car elle errait dans le parc depuis une demi-heure et impossible de trouver l'inspiration. Elle se baladait dans les allées, son carnet à croquis sous un bras et ses pinceaux dans l'autre, à la recherche de quelque chose à dessiner. Désespérée, elle finit par s'asseoir sur l'herbe et repousser une mèche de ses cheveux blonds de devant ses yeux bleus. Elle poussa un long soupir et caressa du regard ce qui l'entourait. À sa gauche un grand arbre, devant elle, un lac, et à sa droite, un autre banc vide. Derrière elle... Cassiopée écarquilla les yeux et retint un petit cri. Quand ce garçon était-il apparut ? Lorsqu'elle s'était assise quelques secondes plus tôt, il n'était pas là... Elle le détailla du regard alors qu'il ne semblait pas l'avoir remarquée. Il était assis contre un arbre, le regard perdu dans le vide. Son air pas très sympathique et sa tenue... comment dire... très noire, intriguait Cassiopée. Il devait avoir environ quatorze ou quinze ans, avait des cheveux d'ébène, un peu trop long, des iris si sombres qu'elle n'y distinguait pas ses pupilles et de grosses cernes bleuâtres. Le garçon finit par lever les yeux vers elle, et elle fut transpercée par son regard de glace. Il y avait quelque chose d'étrange qui se dégageait de lui, quelque chose qui la mettait mal à l'aise et qui lui donnait des frissons. Quelque chose comme... une aura de mort. L'adolescent se leva et s'apprêta à partir sans un mot quand Cassiopée l'interpella.

- Hé toi ! Death Boy !

Cassiopée ne savait pas pourquoi elle l'avait appelé comme ça, c'était tout simplement la première chose qui lui était venue à l'esprit. N'empêche, il se reconnut et se retourna, la fixa d'un air méfiant.

- Qu'est-ce que tu me veux ? Demanda-t-il de sa voix un peu rauque.

Cassiopée ne répondit pas, parce qu'elle ne savait pas. Elle avait trouvé le courage de l'appeler. Cool. Mais pour lui dire quoi ?

- Est-ce que... Est-ce que je peux te dessiner ?

« Wow. » pensa-t-elle. « Dans le top des excuses improbables,t'es montée direct dans le top 3, ma vieille... » La garçon fronça les sourcils.

- Je suis un peu pressé.

- T'inquiète, le rassura Cassiopée, ça prendra que cinq minutes. Assieds-toi là et ne bouge pas.

Elle ne savait pas d'où lui venait cette assurance mais elle en profita. Elle avait enfin quelque chose, ou plutôt quelqu'un à dessiner, alors elle n'allait pas le lâcher maintenant ! Elle posa les mains sur ses épaules et le fit s'asseoir, frissonnant au contact de sa peau froide. Il paraissait confus, mais s'assit. Cassiopée recula de quelque pas, s'assit à son tour et commença un croquis rapide au crayon de papier.

- Comment tu t'appelles ? Demanda-t-elle à l'adolescent pour faire la conversation.

- Nico, répondit-il après un moment d'hésitation. Nico Di Angelo.

- Enchantée Nico, moi c'est Cassiopée Klain, mais tout le monde m'appelle Cassie.

Nico hocha la tête, toujours confus qu'une inconnue lui parle ainsi. Cassie, de son côté, avait fini son croquis et commença à peindre.

- T'es d'ici ? Continua-t-elle.

- Non.

- D'où tu viens alors ?

- De... De Long Island.

- Wow, c'est loin, s'étonna Cassie. Qu'est ce que tu fais dans les environs ?

- Je suis venu voir le Camp.. euh... des amis, se rattrapa le jeune homme. Je suis venu voir des amis.

- Mmh, répondit-t-elle.

- J'ai fini ! S'exclama-t-elle quelques minutes plus tard.

Cassie regarda son œuvre avec fierté. Avec ça elle aurait au moins un A+ ! Elle le montra à Nico par politesse. Celui-ci fronça les sourcils. La petite toile le représentait assis sur un trône noir, le regard cerné et perdu dans le vide, une diadème d'obsidienne posé sur la tête.

- Je vais l'appeler Le prince des Enfers ! Annonça Cassie.

Nico se rétracta soudain, s'éloigna de quelques pas et plissa les yeux.

- Pourquoi ce nom ? Cracha-t-il agressivement.

- Je sais pas, ça sonne bien, non ? Répondit Cassie, surprise par ce soudain revirement de situation.

- Je dois y aller.

- Ah. Bon ben, sal...

Elle n'eut pas le temps de le saluer qu'il avait disparu. Comme ça, au milieu du parc, il était là et maintenant il n'y était plus. Cassie cligna des yeux, se demandant si elle avait rêvé, puis baissa les yeux sur sa toile. Non, elle n'avait pas rêvé, sa peinture était bien là. Mais alors... Cassie secoua la tête. « C'est rien » pensa-t-elle, « je deviens juste folle. C'est rien. » Elle regarda sa montre et constata que l'heure était déjà terminée depuis cinq minutes. Elle sortit du parc en vitesse et courut jusque devant son école, où Mme Raillion, sa prof principal, lui passa un savon : « Mlle Klain... bla bla bla... retards sont inadmissibles... bla bla bla... heure de colle... » Cassie rentra au pensionnat déprimée. Elle trouva dans sa chambre sa colocataire, Aïko Katsuo, une japonaise aux cheveux turquoises et aux yeux noirs. Les deux filles partageaient cette chambre depuis une semaine seulement et elles étaient déjà devenues meilleure amies du monde. Elle se plaignit du sermon de sa professeure auprès de son amie, puis alla prendre une douche. Elle resta sous l'eau chaude pendant dix bonnes minutes, savourant l'odeur apaisante de son shampoing au caramel. Elle sortit de la douche, se passa une serviette autour de la poitrine et poussa un cri strident en découvrant son reflet dans le miroir de la salle de bains. Aïko débarqua à la rescousse, paniquée, et resta elle aussi bouche bée devant l'apparence de son amie. Les cheveux de Cassie étaient multicolores. Mais vraiment. Ses racines étaient bleues, puis un côté devenait orange et l'autre vert, ses longueurs viraient ensuite au violet pour finir rouges aux pointes. La vision de Cassie de brouilla et quand elle s'agrippa au lavabo, il devint rose, comme si la couleur se répandait à partir des ses mains.

- Aïko, qu'est-ce que... Qu'est-ce qui m'arrive ? Demanda la jeune fille, affolée.

La bouche de son amie se ferma et son regard s'assombrit.

- Habille-toi, ordonna celle-ci. Il faut qu'on parte.

- Quoi ? Aïko ? Qu'est-ce que tu racontes ? Aïko !

Aïko lui balança ses vêtements à la figure et partit chercher les clés de son scooter. Quand Cassie enfila ses vêtements, son t-shirt blanc devint turquoise, son gilet gris vira rose bonbon et sa jupe prit une couleur vert pomme. À peine fut-elle habillée que son amie l'entraîna en courant jusqu'au garage à vélo de son école, où elles montèrent sur son scooter. Elle démarra sans même prendre le temps de mettre son casque et s'élança en dehors de l'établissement sans un regard en arrière.

- Aïko ! Paniqua Cassie, voyant que les vêtements de son amie changeaient de couleur là où elle posait ses mains. Aïko, dis-moi au moins où on va !

- À la Colonie des Sang-Mêlés, Cassie. On va à la Colonie des Sang-Mêlés.