A savoir avant la lecture: Les seules choses que les protagonistes de ma fiction ont en commun avec les protagonistes de Glee sont leurs physiques, leurs noms et, parfois, leurs familles. Les personnages du Glee Club sont amenés, dans ma fiction à se rencontrer de différentes façons que dans la série. Il n'y a jamais eu de Glee Club dans lequel ils auraient été réunis, ni de M. Schuester pour leur donner les "bons" conseils. Certains personnages n'apparaitront pas dans le récit mais seront seulement cités. D'autres auront une place beaucoup plus importante, vous le découvrirez au fil des chapitres. Les personnages sont depuis longtemps sortis du lycée.


Le temps des camélias :

Blaine Anderson arrangea l'épaisse écharpe de laine grise qui était enroulée autour de son cou afin de tenter de perdre le moins de chaleur corporelle possible. Le jeune homme ne se souvenait avoir connu d'hiver aussi froid depuis qu'il était arrivé à New York, il y avait de cela six ans. Le plus étrange était que la neige ne semblait pas se décider à recouvrir la ville d'un manteau immaculé, ce que regrettait énormément le jeune homme, pour qui c'était un merveilleux spectacle que de voir les grands immeubles et les boulevards sous la neige. Le ciel restait obstinément gris, si bien que Blaine avait parfois l'impression de vivre sous un amoncellement de moutons de poussières. Mais cela ne le dérangeait pas plus que cela, lui qui avait passé son enfance dans l'état du Maine, où le soleil n'avait pas souvent rendez-vous avec l'horizon.

Par bonheur pour Blaine, l'entassement de la population dans la métro, en cette heure matinale, créait de la chaleur. Mais ce n'était pas suffisant pour l'empêcher de grelotter sur son siège de plastique bleu lorsque la porte de sa rame s'ouvrait, laissant entrer un courant d'air glacial qui traversait chaque personne présente. Le jeune homme avait toujours apprécié le métro, contrairement à la plupart des habitants de New York qu'il connaissait. Blaine aimait contempler ses congénères, analyser la façon dont ils étaient vêtus ou bien essayer de lire le contenu des documents que certains hommes en costume élégants tenaient entre leurs mains. Il n'avait jamais compris pourquoi les personnes qui prenaient le métro semblaient toujours tellement absorbées par leurs pieds alors qu'il y avait tant à apprendre sur les autres en les regardants vivre.

Blaine serra ses deux mains et les monta jusqu'à sa bouche pour souffler à l'intérieur, dans l'espoir de les réchauffer. Il était conscient que cela ne serait que temporaire mais voulait soulager ses doigts qui commençaient à devenir douloureux. C'est alors qu'il vit son reflet dans la vitre située en face de lui, parce que l'homme qui était assis venait de se lever pour descendre de la rame. Bien qu'il fut loin, le jeune homme vit que ses traits étaient tirés et que le brun de ses cheveux délicatement bouclés était terne, signe de fatigue chez lui. Cela faisait longtemps qu'il avait renoncé à passer de longues minutes dans la salle de bain pour tenter de camoufler ses petits signes qui trahissait son épuisement, qui devenait de plus en plus grand au fils des jours. Blaine avait accepté que son état physique et moral se lise sur son visage, lui qui, autrefois, voulant pourtant être à son avantage dès qu'il franchissait la porte de la maison familiale. New York avait fait changer ses priorités.

Désormais ce qui souciait Blaine, ce n'était plus d'avoir une image parfaite et d'être populaire, comme cela avait été le cas lorsqu'il était encore au lycée d'Old Town. Non, ce qui préoccupait le jeune homme, c'était d'avoir assez d'argent sur son compte à la fin de chaque mois pour pouvoir payer le loyer de son minuscule appartement New-Yorkais et pour que sa carte bancaire ne soit pas refusée lorsqu'il allait au supermarché, acheter de quoi se nourrir durant la semaine. S'il avait cru, les premiers mois, qu'il était outrageusement simple de devenir riche à New York, Blaine avait rapidement été rattrapé par la réalité. New York était une machine à broyer les rêves de ceux qui venaient y chercher une vie facile et la célébrité. La plupart des gens qui arrivaient dans la ville ne tardaient pas à en repartir, les poches vides et l'esprit rempli de déception. Mais, le jeune homme s'était accroché et six ans, et bien des espoirs jetés à terre, plus tard il était fier de toujours résider en ville. Certes, il survivait plus qu'il ne vivait, mais il ne serait retourné chez ses parents, dans le Maine, pour rien au monde.

Parfois, surtout lorsqu'il ne restait plus à Blaine que quelques billets en poche pour finir le mois, il laissait pourtant son esprit dériver vers la petite ville d'Old Town, où il avait vécu son enfance, et il lui semblait soudain que c'était le plus bel endroit du monde. Ses souvenirs les plus heureux semblaient alors défiler devant ses yeux clos, comme s'il était spectateur de son passé. Le jeune homme revivait les parties de football nocturnes en compagnie de ses camarades de lycée, les soirées télévisées qu'il passait en compagnie de Tina, qu'il ne voyait plus depuis plusieurs années, et les rares journées ensoleillées durant lesquelles il partait faire de longues promenades solitaires. Et alors, pendant une seconde, il songeait à abandonner la ville qui ne dort jamais et à rentrer dans le Maine. Mais, une petite voix murmurait que l'époque de sa jeunesse était depuis longtemps révolue et que retourner à Old Town ne la lui ramènerait pas.

La femme qui se trouvait à la droite de Blaine Anderson fut prise d'une crise de toux, et le jeune homme eut un mouvement de recul involontaire, ce qui lui valut un regard outré de sa voisine. Ce n'était pas la moment pour Blaine de tomber malade, car s'il ne pouvait pas se rendre au travail pendant plusieurs jours, il était certain que son employeur refuserait de renouveler son contrat de travail à durée déterminée le mois suivant. Et il avait déjà tant peiné à obtenir son poste de vendeur dans une grande enseigne de vêtements prêts-à-porter qu'il ne tenait pas à le perdre pour une grippe ou une angine. De plus, le jeune homme savait qu'il était extrêmement ardu de trouver un emploi à New York car il en avait plusieurs fois fait l'amère expérience. Et Blaine ne pouvait se permettre de rester plusieurs mois sans toucher d'argent car il se retrouverait alors sans ressources pour vivre.

Devenir un mendiant était le pire cauchemar du jeune homme. Il était effrayé à l'idée de devoir un jour attendre que la journée se termine, enroulé dans une couverture crasseuse à même le béton des trottoirs. Et s'il n'avait pas de domicile, Blaine ne pourrait pas prétendre à un emploi. Il savait que la pauvreté extrême était un cercle sans fin dont, à moins de faire preuve d'une volonté surhumaine et d'avoir une chance hors du commun, il était impossible de sortir. Il se souvenait d'un ami de son père, qui lorsque Blaine n'avait encore qu'une dizaine d'années, avait soudainement perdu son travail. La rapidité avec laquelle l'homme avait sombré dans la misère la plus totale avait horrifié Blaine : en moins d'un mois, l'élégant représentant en pharmaceutique était devenu un pauvre hère qui vivotait en tendant la main dans l'espoir que quelqu'un y dépose une pièce à l'entrée des supermarchés. Et son image restait encore vivante dans la mémoire du jeune homme, plus de dix ans plus tard.

Quand Blaine était arrivé à New York, jeune homme sortant tout juste du lycée, son vœu le plus cher était de devenir chanteur. Il avait appartenu à la chorale de l'école et il en était la vedette, raflant à ses camarades la totalité des solos et des grands rôles dans les comédies musicales qu'ils s'amusaient parfois à monter. Le jeune homme avait un talent certain et il avait naïvement cru qu'il aurait sa chance à Broadway. Mais si Blaine était le chanteur le plus doué du lycée d'Old Town, dans la ville debout, il avait trouvé une rude concurrence et avait dû faire face à d'autres jeune hommes qui possédaient une voix comparable à la sienne et même, parfois, supérieure. La sévère compétition entre les candidats aux rôles, la franche animosité qui régnait entre les jeunes gens pendant les castings, et les déceptions régulières avaient fini par avoir raison du rêve de Blaine, qui avait prit la décision de ne plus chanter que pour lui et ses amis proches.

Ensuite, pendant plusieurs années, le jeune homme avait vécu de menus travaux. Blaine avait promené des chiens dans toutes les rues de la ville, passé de longues soirées à faire des services dans des restaurants à l'hygiène souvent douteuse, s'était occupé d'enfants que les parents lui abandonnaient pour sortir et se faire croire qu'ils s'aimaient toujours et autres activités peut reluisantes. Tout ce qui lui importait était de ne pas devoir retourner chercher de l'aide auprès de son père ou de son pathétique frère, Cooper. Il s'était juré, dans le train qui l'emmenait pour la première fois loin de sa famille, que jamais il ne leur demanderait plus la moindre chose. Le jeune homme avait dû les écouter répéter, pendant les repas familiaux, qu'il n'arriverait jamais à rien, qu'il ne lui faudrait que quelques semaines pour revenir à Old Town, et il ne voulait pas leur donner satisfaction.

Dans un grésillement sonore, une voix désincarnée annonça aux voyageurs de la rame le nom du prochain arrêt et peut après, la porte métallique s'ouvrit, laissant se déverser hommes et femmes sur le quai de la station. Blaine soupira profondément et se tortilla sur son siège afin d'être assit de manière plus confortable. Il avait encore un certain temps à attendre avant de descendre et le jeune homme comptait bien ne pas avoir le dos brisé par la rigidité de l'assise en sortant de la rame. Blaine se demandait journellement pourquoi personne n'avait songé à remplacer les sièges de plastiques bleu rigides par des sièges rembourrés dans les rames de métro. Les bureaux de la New York City Transit Authoritydevaient pourtant être remplis de gens payés pour penser à ce genre de choses. Si quelqu'un mettait un jour cette idée en application, le jeune homme s'était promis de lui vouer en culte sans bornes.

C'est alors que le regard de Blaine se posa sur un jeune homme qui s'asseyait presque en face de lui et qui semblait venir tout droit des pages des magazines de mode que Blaine achetait parfois, quand il avait assez d'argent pour s'offrir du superflu. Les vêtements dont l'inconnu était vêtu ne trompaient pas : il avait une carrure parfaite et il le savait. Son étroit jean gris mettait parfaitement en valeur ses longues jambes élancées et son T-shirt rouge vermillon, qui laissait apparaître la boucle de sa ceinture, laissait deviner une taille dessinée malgré le trench noir que l'inconnu portait ouvert, en dépit du froid. Un sac à main de cuir marron foncé venait s'assortir parfaitement avec les derbies de la même couleur. Et un bonnet de laine noir accompagné d'une épaisse écharpe couleur gai finit de convaincre Blaine que la personne qu'il contemplait discrètement avait un sens de l'esthétique parfait.

L'inconnu leva soudainement les yeux vers Blaine, qui sentit ses joues s'enflammer. Mais il ne détourna pas le regard pour autant, ne voulant pas donner au jeune homme l'impression qu'il l'observait en douce. L'inconnu lui adressa un sourire et l'estomac de Blaine se contracta. Puis, il chassa de son front une courte mèche de ses cheveux châtains et la coinça sous son bonnet, tout en ne lâchant pas Blaine des yeux. Tout chez lui était un appel au plaisir charnel, de l'étroitesse de son jean à l'encolure du T-shirt qui laissait apercevoir sa peau, malgré l'écharpe. Blaine déglutit et inspira profondément, pour tenter de mettre un terme au flot d'images dans lesquels lui et l'inconnu étaient seuls dans la rame et s'adonnaient à des activités corporelles. Il avait soudain la sensation que la rame du métro avait fait un détour par l'Afrique équatoriale et que, par conséquent, la température avait augmenté fortement.