Disclaimer : L'univers d'Harry Potter appartient dans son intégralité à JKR.

Note d'auteur : Me revoilà déjà avec un petit two-shot sans prétention. ^^ Ce texte a été écrit dans le cadre du concours "Quelles sont les nouvelles ?" de yunus sur HPF. Il s'agit de personnages sur lesquels je n'ai pas l'habitude d'écrire, j'espère quand même que cette histoire vous plaira. Je vous souhaite une bonne lecture. ;)


Fleur s'était réveillée très tôt ce matin-là. Le soleil n'était pas encore levé qu'elle se tournait et se retournait dans son lit, sans parvenir à retrouver le sommeil. Un mauvais pressentiment lui tenaillait le ventre, l'empêchant de se rendormir.

Vers sept heures, ne tenant plus en place, elle finit par quitter la chambre sur la pointe des pieds, laissant Bill ronfler comme un bienheureux. Elle glissa silencieusement devant les portes des enfants, et se rendit dans la cuisine. Pour se calmer les nerfs, elle se prépara un thé à la menthe. Elle le savoura tranquillement, dans le silence apaisant de la Chaumière aux Coquillages, écoutant distraitement le flux et le reflux de la mer au loin.

Le calme qui l'entourait fut brisé par un bruit sec contre la vitre de la cuisine. Elle ouvrit immédiatement le carreau à la chouette aux plumes ébouriffées. Le volatile lâcha le journal qu'elle apportait sur la table et se posa sur une chaise, attendant son paiement. Fleur s'empressa de glisser une pièce dans la bourse qu'elle tenait à la patte, puis la laissa partir. Et, tranquillement, elle s'empara de la Gazette du jour.

Elle parcourait distraitement les nouvelles, jusqu'à ce qu'un nom de la rubrique nécrologique attire brusquement son regard. L'information mit plusieurs secondes à monter à son cerveau. Puis, Fleur laissa échapper un cri d'horreur, ses yeux s'écarquillèrent de stupeur. Sans s'en rendre compte, elle lâcha sa tasse de thé, qui s'écrasa en mille morceaux sur le sol carrelé de blanc.

D'un geste vif, elle ouvrit brusquement le journal à la page de l'article, manquant le déchirer. Sous ses yeux s'étalait une photo en noir et blanc de sa sœur Gabrielle. Cette dernière, souriante et gracieuse, était aussi belle que dans ses souvenirs. Sous l'image se trouvaient quelques lignes, que Fleur s'empressa de lire, son cœur battant sourdement.

« M. Clément Leloup et ses deux filles, Jade et Anaïs Leloup, ont l'immense douleur de vous faire part du décès inattendu de Mme Gabrielle Leloup. Mme Leloup, à peine âgée de trente ans, a été retrouvée hier soir dans le lit conjugal par son mari, à côté d'une lettre écrite de sa main. Les Aurors venus confirmer le décès ont classé l'affaire et déclaré qu'il s'agissait d'un suicide. La cérémonie aura lieu le samedi prochain, 18 juillet, à 14 heures. M. Leloup espère sincèrement que la famille de sa femme, avec qui elle n'entretenait plus aucun rapport depuis plusieurs années, sera tout de même présente à l'enterrement. »

Un court article se poursuivait sur le sujet en page 12, où le journaliste profitait de la tragédie pour citer Fleur et les événements de la dernière guerre. Elle ne put s'empêcher de le lire, la bile au bord des lèvres.

« Mme Gabrielle Leloup, née Delacour, était la sœur de Fleur Weasley, connue en tant qu'épouse de Bill Weasley, héros de guerre défiguré à vie par le tristement célèbre monstre Fenrir Greyback. Participante au Tournoi des Trois Sorciers pour l'école de Beauxbâtons lors de sa jeunesse, Miss Delacour a rencontré son mari à cette occasion. Mr et Mrs Weasley se sont notamment illustrés lors de la guerre en abritant des ennemis de Lord Voldemort, dont Harry Potter en personne.

Mrs Weasley et sa cadette étaient fâchées depuis de nombreuses années, pour une cause qui nous est toujours inconnue. Nous espérons dans tous les cas que Mrs Weasley parviendra à pardonner à sa défunte sœur, et à venir lui rendre hommage le 18 juillet prochain. »

Pâle, les mains tremblantes, Fleur ne s'aperçut pas immédiatement de la présence de son mari, debout devant elle. Elle ne reprit conscience avec la réalité que lorsqu'il lui arracha le journal des mains pour regarder par lui-même. Il comprit rapidement la situation, et il lui jeta un regard impuissant. Les larmes aux yeux, Fleur se laissa aller dans ses bras. Son cœur battait douloureusement contre sa poitrine.

— Je suis désolé, dit Bill d'une voix rauque.

— Papa, maman ? Que se passe-t-il ?

Le visage encore plein de sommeil, les yeux curieux, Victoire se tenait sur le seuil de la porte. D'un coup d'œil, elle avisa le journal, la tasse brisée sur le sol, et les larmes que sa mère essayait de lui cacher. Fleur s'était détournée, les yeux rouges et le nez coulant, laissant Bill gérer la situation. Ce dernier commença par réparer la tasse d'un coup de baguette avant de se tourner vers sa fille.

— Tu te souviens de ta tante Gabrielle ? lui demanda-t-il d'une voix apaisante.

— La sœur de maman ? s'étonna Victoire. Un petit peu.

— Elle s'est suicidée hier, et ta mère vient de l'apprendre en lisant le journal.

La voix douce de Bill n'empêcha pas l'adolescente de se sentir secouée. Elle jeta un regard hésitant à sa mère, qui avait toujours le dos tourné. Elle ne savait que dire, mal à l'aise. Elle n'avait jamais vraiment connu sa tante Gabrielle. Fleur avait coupé les ponts avec elle il y avait bien longtemps, et son nom n'avait plus jamais été mentionné dans cette maison.

— Quelle heure est-il ? demanda soudain Fleur en essuyant les traces de larmes sur son visage, consultant d'un coup d'œil rapide l'horloge de la cuisine. Le prochain Portoloin part dans vingt minutes, je dois y aller.

Sans plus réfléchir, évitant les regards de son mari et de sa fille, Fleur monta rapidement les escaliers et se prépara un petit sac de voyage. En quelques minutes, elle redescendait, agitée.

— Fleur, qu'est-ce qui te prends ? l'arrêta Bill, perplexe. Tu veux vraiment partir en France tout de suite ? La cérémonie est dans cinq jours, attends au moins jusque-là.

— Non, protesta-t-elle. J'en ai besoin. Je dois... Il faut... Juste une journée, finit-elle par dire, suppliant son mari du regard. Je reviens ce soir, et on repartira tous ensemble samedi.

— Hors de question. Je viens avec toi.

Fleur en fut extrêmement soulagée. Sa douleur s'apaisa légèrement. Pendant que Bill allait préparer quelques affaires, elle s'adressa à sa fille.

— Garde ton frère et ta sœur, lui dit-elle. Si vous avez le moindre problème, rejoignez vos grands-parents par Cheminette.

Victoire hocha bravement la tête, puis, sans crier gare, elle serra sa mère dans ses bras.

— Sois forte, lui chuchota-t-elle.

Emue, Fleur répondit à son étreinte. Lorsque Bill arriva, prêt à partir, elle embrassa son aînée sur le front, lui donna quelques dernières recommandations, puis ils quittèrent la Chaumière aux Coquillages, croisant les doigts pour ne pas rater le prochain Portoloin.

Une fois au Ministère, on les dirigea vers le service approprié. Bill tenait fermement la main de Fleur, et cette dernière était persuadée que c'était la seule chose qui l'empêchait de tomber. Ils firent la queue quelques instants devant le comptoir des départs pour l'Europe, avant d'être emmenés devant une vieille botte en cuir à la semelle décollée.

— Départ dans une minute, leur annonça la sorcière souriante qui les avait conduits à leur Portoloin. Bon voyage !

Ils la remercièrent d'un sourire, puis posèrent sans attendre leurs mains sur la chaussure usée. Une minute plus tard, ils furent transportés d'une manière peu agréable jusqu'au pays natal de Fleur. Secouée par l'atterrissage difficile, cette dernière se releva en prenant appui sur la main tendue de Bill. Elle regarda autour d'elle, son regard errant sur les moulures blanches du plafond et l'immense porte en bois laqué qui débouchait sur le hall.

Elle était enfin de retour en France. La joie se mêlait aux remords dans son regard. Elle ne savait pas encore si elle était heureuse d'être rentrée.


Fleur avait voulu se rendre directement à la villa qu'habitait Gabrielle et sa famille, mais Bill l'avait retenue. Après s'être pliés aux procédures d'usage et avoir quittés le Ministère, ils gagnèrent donc un petit hôtel de la rue voisine, où ils déposèrent leurs affaires. Bill força sa femme à aller prendre un petit déjeuner dans le restaurant de l'établissement avant de faire quoi que ce soit d'autre.

— Tu as besoin de manger, tenta-t-il de la convaincre. Et il n'est même pas huit heures, débarquer chez eux à l'improviste aussi tôt n'est pas la meilleure solution.

Fleur finit par acquiescer à contrecœur. L'impatience lui nouant le ventre, elle fut cependant incapable d'avaler quoi que ce soit. Elle regardait son mari engloutir les toasts grillés et les viennoiseries qu'il avait entassées dans son assiette en pianotant nerveusement des doigts sur la table.

Comment allait-elle s'annoncer ? Et comment la famille de sa sœur la recevrait-elle ? La dernière fois qu'elle les avait vus, c'était au mariage de Gabrielle et Clément. Elle n'avait aucunement caché l'aversion qu'elle ressentait envers son beau-frère, et à la fin de la soirée, sa cadette avait implosé sous la pression. Les mots étaient montés très vite, des insultes avaient fusé, sûrement aidées par le champagne qu'elles avaient bus, et Fleur avait quitté le lieu de la réception très énervée.

Le lendemain, lorsqu'elle avait voulu s'excuser, Gabrielle l'avait accueillie très froidement, et lui avait dit que tant qu'elle n'accepterait pas son nouveau mari, elle ne lui pardonnerait pas. Fleur n'avait pu s'empêcher d'essayer de lui ouvrir les yeux, de lui montrer à quel point Clément n'était pas fait pour elle. Depuis ce jour-là, les deux sœurs ne s'étaient plus adressées la parole.

Au début, la situation avait été difficile. Fleur avait toujours été très proche de sa sœur, et couper les ponts d'une manière aussi rude l'avait chamboulée. Puis la distance avait eu raison de ses remords, et Gabrielle était finalement devenue un souvenir douloureux, qu'elle repoussait au fin fond de sa mémoire.

A présent, elle ne savait comment se comporter. Elle se sentait affreusement coupable. Peut-être que si elle avait été là pour elle, rien ne serait jamais arrivé à Gabrielle. La sœur qu'elle connaissait ne se serait jamais donné intentionnellement la mort, elle en était persuadée. Elle ne pouvait pas s'être suicidée, il s'agissait sûrement d'un accident stupide. Ou Clément avait quelque chose à voir là-dedans. Cette pensée, insidieuse, s'était frayée un chemin dans son cerveau depuis qu'elle avait lu l'article, et s'était incrustée profondément. Elle en était presque sûre.

— J'ai fini, annonça soudain Bill, la faisant sursauter.

Il jeta un coup d'œil à sa montre avant de se lever.

— Allons-y à pied, lui proposa-t-il.

Fleur se contenta d'acquiescer vaguement. Une fois dehors, elle ôta son pull en laine bleu et noua ses cheveux en une queue de cheval. Le soleil du sud de la France chauffait déjà les trottoirs et emplissait les rues d'une température bien supérieure à celle de Londres. Sa main dans celle de Bill, Fleur savoura les rayons qui lui réchauffaient le visage, calant son pas sur celui de son mari, qui avançait lentement.

Ils déambulèrent dans les rues qui commençaient à s'éveiller, passant sans s'arrêter devant les nombreuses boutiques pour touristes, dont les devantures venaient à peine de s'ouvrir. Malgré le malaise et la tristesse qu'elle ressentait, Fleur ne pouvait s'empêcher d'apprécier ce moment. Cela faisait bien trop longtemps qu'elle n'était plus venue. La France lui avait manqué.

Ce moment de quiétude s'acheva beaucoup trop rapidement à son goût. En peu de temps, ils arrivèrent dans un quartier résidentiel, et atteignirent leur destination, une élégante villa aux pierres ocre et au toit rouge pâle, entourée d'un jardin propre où s'épanouissaient de nombreuses fleurs. Les rideaux étaient tirés, et aucun signe de vie n'émergeait de la maison. Pourtant, Fleur s'avança, croisant les doigts, le cœur battant à toute vitesse.

Ils n'eurent pas à patienter bien longtemps. Dès qu'elle eut sonné, un petit Elfe de Maison à la voix suraiguë et au nez en trompette vint les accueillir. Lorsqu'ils se furent annoncés, il les mena cérémonieusement au salon et leur demanda de patienter. Nerveuse, Fleur tentait pourtant de paraître calme. Elle posa ses mains croisées sur ses genoux et raidit son dos. Elle croisa mentalement les doigts pour que tout se passe bien.

— Fleur, Bill, les salua une voix rauque à l'entrée de la pièce. Je suis heureux de vous revoir.

Les époux Weasley se levèrent immédiatement pour saluer le nouveau venu. Clément était tel que Fleur s'en souvenait. Grand, carré d'épaules, séduisant, des cheveux bruns ondulés et des yeux bleus. Il avait peut-être plus de rides que la dernière fois, mais les différences s'arrêtaient là. Elle ne put s'empêcher de ressentir une vague d'antipathie en le voyant, sans qu'elle sache bien pourquoi.

— Je ne vous attendais pas avant samedi prochain, leur fit-il remarquer en serrant la main tendue de Bill.

— J'ai voulu venir dès que j'ai appris la nouvelle, dit Fleur d'une voix un peu cassée. Nous reviendrons avec les enfants pour la cérémonie. Je voulais savoir... Que s'est-il passé ?

Sa question, posée d'un ton presque suppliant, résonna bizarrement à ses oreilles.

— Il n'y a rien à dire, répliqua Clément d'une voix sourde. Je suis rentré très tard du travail hier soir. Jade et Anaïs dormaient chez une de leurs amies, Gabrielle était toute seule à la maison. Lorsque je suis entré dans la chambre, j'ai tout d'abord cru qu'elle dormait, mais j'ai rapidement réalisé que quelque chose n'allait pas. Lorsque je me suis rendu compte de ce qu'il se passait, j'ai immédiatement contacté l'hôpital, mais... C'était trop tard.

Fleur voyait ses mains trembler, mais elle ne lisait aucune peine dans ses yeux. Elle ne voyait rien, pour tout dire. Comme si cet homme n'avait pas de sentiments. Pourtant, elle s'approcha, et posa une main apaisante sur son épaule. Elle lui murmura quelques mots réconfortants, avant de couper court à l'entretien, mal à l'aise. Elle promit à Clément de revenir plus tard, pour se présenter à ses filles, qui dormaient encore, puis entraîna son mari au-dehors. Une fois sur le trottoir, elle jeta un regard angoissé derrière son épaule, attendant que Clément ait fermé la porte et que la maison soit hors de vue.

— Nous devons retourner au Ministère, annonça-t-elle à Bill lorsqu'elle fut sûre qu'elle ne risquait rien. Il y a quelque chose qui cloche.

Elle n'attendit pas de le voir réagir et partit à grands pas, réfléchissant à toute vitesse.

— Fleur attends, l'arrêta Bill en courant pour se maintenir à sa hauteur. Réfléchis avant de faire quelque chose d'insensé.

Il lui saisit le bras et la força à le regarder, plongeant son regard persuasif dans le sien.

— Je sais que tu n'as jamais vraiment apprécié Clément, mais ce n'est pas une raison pour le soupçonner de quoi que ce soit. Il vient de perdre sa femme.

— Alors pourquoi n'a-t-il pas l'air triste ? contra Fleur d'un air de défi.

— Tu n'as pas l'air triste non plus, lui fit doucement remarquer Bill. Elaborer des théories ne fera que repousser la douleur, elle ne disparaîtra pas.

Fleur sentit des larmes perler au coin de ses yeux. Elle savait pertinemment que c'était vrai. Mais mener l'enquête lui permettait de repousser sa peine, de se concentrer sur autre chose que sa tristesse. Elle aurait tout le temps de s'apitoyer après.

— Gabrielle ne s'est pas suicidée, je le sais, répliqua-t-elle, butée, en essuyant les larmes qui coulaient sur ses joues. Et je vais le prouver. Soit tu es avec moi, soit tu peux rentrer à la maison.

Bill poussa un profond soupir, résigné.

— Je vais finir par le regretter, marmonna-t-il. Je le sais.

Fleur lui adressa un pauvre sourire, puis ils se dirigèrent ensemble vers le Ministère.

Retrouver l'Auror en charge de l'affaire fut véritablement épineux. Ils durent utiliser au maximum leur statut d'héros de guerre pour pouvoir avoir son nom et obtenir un entretien avec lui. Lorsqu'ils entrèrent finalement dans son bureau, le petit homme blond qui leur faisait face paraissait fort occupé, et leur signala d'une voix sèche qu'il n'avait pas beaucoup de temps.

— Monsieur Thomas, le salua Fleur avec une certaine froideur. Je suis Fleur Weasley, la sœur de Gabrielle Leloup. On nous a signalé que vous étiez la personne en charge de l'enquête.

L'homme daigna enfin lever la tête de ses papiers. A la vue de Fleur, il tiqua. Ses yeux s'écarquillèrent, et il se fit tout de suite plus poli. Mais Fleur ne se sentit pas flattée, au contraire cela l'agaça. Elle en avait assez que les gens se fient tant à son apparence.

— C'est bien moi, répondit l'homme d'un ton obséquieux. Vous désirez ?

— Quelles preuves avez-vous qu'il s'agit d'un suicide ?

Dès que les mots sortirent de sa bouche, Fleur se douta qu'elle avait été trop directe. A ses côtés, elle vit Bill s'agiter, mais elle n'en tint pas compte, et soutint le regard un peu égaré de l'Auror en face d'elle.

— Je ne suis pas autorisé à communiquer les détails de l'enquête, résista Thomas, troublé par les yeux perçants de la jolie Française.

Fleur lui adressa un charmant sourire, et n'hésita pas une seconde avant de déployer tout son charme de Vélane. Elle avait pris soin de détacher ses cheveux avant d'entrer dans la pièce, et elle les rejeta par-dessus son épaule, sous le regard réprobateur de Bill. Il n'avait pas été entièrement d'accord avec cette tactique, mais ils n'avaient pas le choix. Cela marchait bien mieux que l'intimidation, il n'y avait aucun doute.

— Cela restera entre nous, répliqua Fleur en souriant de plus belle.

Elle se dégoûtait, mais elle ne voyait pas d'autres moyens pour obtenir ce qu'elle voulait le plus rapidement possible. L'Auror resta hébété de longues secondes, avant de reprendre ses esprits, secouant plusieurs fois la tête.

— Et bien, si cela reste entre nous, balbutia-t-il, je ne vois pas de raisons de garder le secret.

Il saisit une liasse de parchemins posée au-dessus d'une pile de dossiers, et la feuilleta rapidement en leur résumant les faits, sous le regard impatient des époux Weasley.

— J'ai constaté le décès hier soir à vingt-et-une heures, lorsque l'hôpital nous a contactés. Cette lettre se trouvait à côté de son lit, leur dit-il en leur tendant ladite missive, ainsi qu'un flacon de potion presque vide, qui après analyse s'est révélé contenir un puissant poison. Le laboratoire d'analyse nous a confirmé ce matin que la fiole était couverte des empreintes de Mme. Leloup.

Le silence retomba dans la pièce tandis que Fleur lisait le parchemin qu'il lui avait donné, les mains tremblantes. L'écriture correspondait à celle de sa sœur. Elle sentit son cœur se serrer. Il s'agissait bien d'une lettre de suicide, écrite de la main de Gabrielle, cela ne faisait aucun doute. Pourtant, elle refusa d'abandonner.

En rendant la lettre à Thomas, Fleur posa quelques questions supplémentaires.

— De quel poison s'agissait-il ? demanda-t-elle, la gorge serrée, ignorant les fréquents regards que Bill posait sur elle.

— Il a été fabriqué à base de venin d'Acromentule d'après nos experts, répondit l'Auror en la regardant d'un air fasciné.

Pensive, Fleur fronça les sourcils. Une intuition venait de germer dans son esprit. La voyant plongée dans ses pensées, Bill mit fin à l'entretien, remercia leur interlocuteur pour ses réponses, et l'entraîna hors de la pièce.

Ce ne fut qu'une fois hors du Ministère qu'il lui posa la question qui lui brûlait la langue.

— A quoi penses-tu ?

— Allons manger, répliqua Fleur.

On les avait fait patienter si longtemps qu'il n'était pas loin de midi, et son estomac criait famine. Elle n'avait rien avalé de consistant depuis plus de douze heures, et elle avait faim.

Ils regagnèrent le restaurant de leur hôtel, Fleur ignorant ostensiblement le regard insistant de Bill. Ce ne fut que lorsqu'ils furent attablés dans un coin isolé et que la serveuse leur eut apportés leurs plats qu'elle daigna s'expliquer.

— Lorsque j'étais plus jeune, j'étais amie avec le fils des voisins, commença-t-elle. Il s'appelait Adrien. Nos parents étaient très proches, et nous avons comme qui dirait grandis ensemble. Nous parlions souvent de Beauxbâtons, de ce qu'on allait y apprendre, de la baguette qu'on aurait, des cours qu'on suivrait.

Son ton se fit mélancolique tandis qu'elle mâchait délicatement un morceau de tomate. Bill restait silencieux, se demandant où elle voulait en venir.

— Il ne nous est jamais venu à l'idée que nous serions séparés un jour, poursuivit Fleur. Pour nous, il était évident que nous ferions notre rentrée ensemble.

Elle secoua légèrement la tête, comme pour chasser ses souvenirs.

— Un jour, notre impatience nous a poussés à partir en exploration dans le quartier sorcier. Nous venions d'avoir dix ans, et attendre encore un an nous paraissait une éternité. Alors nous sommes allés fureter dans les boutiques, regarder les chaudrons, les baguettes, les hiboux. Mais nous nous sommes égarés. Nous nous sommes retrouvés dans une ruelle plus sombre, avec des boutiques bien plus douteuses.

Fleur se tut et but une gorgée d'eau. Bill, pendu à ses lèvres, écoutait religieusement. Sa femme ne parlait pas beaucoup de son enfance avant Beauxbâtons, et il était terriblement curieux.

— Nos parents n'ont pas tardé à nous retrouver. Ils étaient paniqués par notre disparition et nous ont passé un savon. Mais avant qu'ils arrivent, nous avons été accostés par un homme, au regard mauvais, terrifiant. Je me souviens encore de son visage, il avait une horrible cicatrice qui lui déformait la joue. Il a essayé de nous vendre sa marchandise.

Fleur détacha son regard de son assiette à moitié vide pour le planter dans celui de son mari.

— Il se vantait particulièrement du fait qu'il était le seul vendeur du quartier à proposer du venin d'Acromentule.

Bill fronça les sourcils, mais avant qu'il ne puisse poser la question, Fleur répondit à sa demande silencieuse.

— Il pourra sûrement me renseigner sur l'acheteur, affirma-t-elle.

Bill évita soigneusement de la contredire. Il resta silencieux encore quelques instants avant d'ouvrir la bouche.

— Qu'est devenu Adrien ?

En voyant une ombre passer dans les prunelles de sa femme, il souhaita ne pas avoir posé la question.

— Il est mort, lâcha-t-elle. Les Médicomages lui ont diagnostiqué une leucémie l'été qui précédait la rentrée. Elle a été détectée trop tard, et il n'y a pas survécu.

— Je suis désolé, souffla Bill en posant sa main sur la sienne.

Fleur lui offrit un pâle sourire.

— C'est du passé, soupira-t-elle. L'important maintenant, c'est Gabrielle.

Dès leur repas fini, les époux Weasley sortirent du restaurant et gagnèrent le trottoir maintenant encombré. La chaleur était devenue plus pesante maintenant que le soleil était à son zénith.

— Je vais retourner voir cet homme, annonça Fleur. Seule, ajouta-t-elle en voyant Bill ouvrir la bouche.

Elle avait besoin de se retrouver seule un moment. Son mari parut le comprendre, même si cela ne l'enchantait guère.

— Je vais aller rendre visite aux amis de Gabrielle, dit-il avec réticence. Leur poser quelques questions sur son état d'esprit des derniers jours.

Fleur le remercia d'un sourire reconnaissant.

— On se retrouve ici dans une heure ? proposa-t-elle.

Bill hocha le menton, puis l'embrassa tendrement. Fleur répondit à son baiser, puis se détacha doucement de son étreinte. Elle tenta de le rassurer du regard, puis s'éloigna d'un pas rapide.

Elle sentit son regard inquiet fixé sur sa nuque jusqu'à ce qu'elle tourne au coin de la rue.


Note de fin : Le premier chapitre est fini, le deuxième et dernier sera posté ce week-end. J'espère que cette première partie vous a plu, n'hésitez pas à laisser une review pour me dire ce que vous en avez pensé. Je vous souhaite une bonne semaine et à samedi ! ;)