Auteur: Natsu
Titre: PULSE WRIGGLING back TO the world
Genre: Heero/Duo, très romanchiku, le reste à voir (personne ne meurt;))
Disclaimer: Sauf le texte, rien n'est à moi
Note de l'auteur : ¤quand l'auteur fait une apoptose cérébrale...¤ Surprise ! C'est encore moi aujourd'hui ! Me demandez pas d'où ça sort, ça, j'en sais rien, c'est sorti tout seul et pour une fois je m'en plains pas :D
PULSE WRIGGLING back TO the world
Je pourrai crier, personne ne m'entendrait. Pas ici, dans ce vide infini. Dans cette pénombre aveuglante. Dans ce silence assourdissant. Dans cette angoisse perpétuelle. Dans ce vertige obsessionnel.
J'aimerai crier, mais je n'ai plus de voix. Je n'ai plus de souffle. Je suffoque, les yeux grand ouverts sur du néant, perdu dans cet espace creux. Je n'ai plus d'air que je peux respirer. Je ne respire plus. Je reste en apnée. L'absence de tout m'enveloppe, me froisse, me déchire, me broie, me dépasse, m'attire de plus en plus profond dans l'ivresse, la désillusion et l'amnésie.
Pas de froid. Pas de chaud. Je suis paralysé par ce cauchemar sans fin ni commencement, pétrifié comme une gargouille sur une vieille cathédrale dans laquelle plus personne ne vient, tétanisé par ce désert hurlant de nécrose.
De mes mains je touche le non-être, j'attrape des objets invisibles et inexistants. De mes bras je brasse et j'enlace autour de moi. La bulle dans laquelle je flottais s'est éclatée. Je ne tombe pas. Je reste en suspension. Il n'y a pas de sens ici, pas de direction, pas de chemin, pas de porte, pas d'ouverture, pas de pause, pas de discontinuité. Tout est noir, flou, nébuleux. Il n'y a rien, et je ne suis probablement pas plus que ça non plus.
Les paradoxes me chantent une berceuse rétrograde pour que je m'endorme. Des monceaux de malaises filandreux essayent de me faire fermer les yeux. Mais est-ce qu'ils sont ouverts? Je suis effrayé, je regarde partout… sans rien voir. Il n'y a pas plus de vie ici que dans l'univers loin de la Terre, et même moins. Je suis emprisonné par ma paranoïa, ma propre folie, et si je sors d'ici, je crains ne plus vouloir et pouvoir dormir.
C'est comme un tourbillon, une vague d'un océan de peur qui nous noie. Brûlure sans douleur. En voulant voir mon reflet à travers un miroir, il se brise avant que je n'aie aperçu mon image. Ma peine explose dans ma tête. C'est l'anarchie dans mes idées. Dans mon passé. Ai-je un passé? Je ne sais même pas si tout cela est vrai, est présent. Je me laisse sans le vouloir me projeter dans l'éclipse de ma vie.
Je jette un coup d'œil entre mes doigts. Est-ce que je vis? Ou suis-je mort? Est-ce que le petit point lumineux là bas est une vision? Il parait loin, je ne sais pas si je m'y approche, si je m'y éloigne ou si je reste où je suis. Est-ce la sortie? A quoi ressemble le monde réel? Est-ce que j'ai un corps? De quoi suis-je fais? Je tends la main vers le point, et le cache. Il est toujours là quand je la retire. Je ne peux pas l'attraper. Je ne peux pas le ramener vers moi. Je ne peux pas l'atteindre. Je n'espère même plus. Je ne sais plus ce qu'est l'espoir.
Je n'entends rien. Des fois des acouphènes résonnent dans mes oreilles et dans ma tête, et disparaissent d'un coup. Le silence ici n'est pas comme le silence d'avant. Il n'y a aucun son ici, aucune onde. Je ne sais plus si je veux mourir ou survivre de cette perdition. Je ne sais plus de quoi ma vie était faite. Je ne sais plus mon âge.
Je commence à ressembler à ce rien qui m'étouffe.
Un hiatus s'est introduit en moi.
Depuis combien de temps suis-je ici? Depuis toujours? Ou encore plus longtemps?
Combien de temps vient-il de se passer?
Est-ce qu'il y a une notion du temps ici?
Et là, combien de temps s'est-il encore écoulé?
Aucune odeur, aucun gaz, aucune substance. La neurasthénie fourmille partout. Je me débats, je me tords, je lutte contre l'exacerbation et l'ankylose. L'univers semble rendre toute matière une émanation lugubre. Dans mes yeux vitreux miroite un spectre qui me ronge de l'intérieur. Qui me vole tout sentiment, qui me prend tout, en me laissant le pire. Des visages cadavériques défilent dans mon âme, comme des épines qui me transpercent la peau. Des visages sans noms, sans yeux, sans bouche, sans nez, vides, avec des expressions inquiétantes. Et sans le savoir, je sombre.
Je regrette le bruit du papier que l'on froisse, du feu qui crépite, de l'eau que l'on verse. Je regrette la tristesse des ciels gris, pendant les mi-saisons. Les bourgeons qui naissent trop tôt après l'hiver, et qui gèlent. Les couleurs de l'arc-en-ciel quand il pleut et que le soleil perce les nuages. Le bruit d'une aspirine qui se dissout dans un verre d'eau. La saveur sucrée et acide d'une fraise. Je regrette la senteur de ta peau. La solitude omniprésente de mes nuits avec toi. La moiteur de ton corps engourdi le matin à ton réveil. La volupté d'un coup de pinceau d'une esquisse à l'encre de Chine. La pureté d'un nouveau-né qui ignore encore tout et qui comprend petit à petit qu'il vit. L'inconscience du danger.
Parce que tout cela, je le sentais, je le ressentais, je le touchais, je l'entendais, je le goûtais, je le voyais.
Parce que je me suis perdu, et que j'ai perdu toutes ces choses.
Parce que le chaos gagne mes esprits déjà troublés, et que bientôt, il n'y aura plus de barrière entre mon être et ce néant.
Je suis la proie de la confusion, de l'obscurité et de l'insipidité.
L'irrésolu me perce, un déferlement de morosité m'ensevelit, la frénésie du désir de démenassions me quitte.
La douleur de la défaite et de l'abandon me submerge, tout à coup je me sens vide aussi.
Je me sens vide, et j'oublie… j'oublie tout…
O--O--O
O--O--O
-Vous croyez qu'il est conscient?
-Envoyez un stimulus.
-Il réagit?
-Oui.
-Ses yeux regardent ailleurs maintenant.
-Il nous entend.
-Il nous voit?
-Probablement.
Des formes…
-Sa tension est de 8,1. Son cœur bat à 37 pulsations par minutes.
-C'est toujours trop peu.
-Mais il ne souffre pas de bradycardie. Cela doit être normal.
-38, maintenant.
-Les proches ont été prévenus.
-Quand?
-Il y a quelques heures. Ils ne devraient pas tarder.
-Nous en avons finit avec lui de toute façon.
-40 pulsations par minutes. Tension de 8,2.
-Mais s'il fait une rechute? Hier encore ils étaient très bas et réguliers.
-Il n'y a pratiquement aucun risque. Cela fait depuis dix-huit heures qu'il semble avoir reprit connaissance. Il n'y a pas de changement. Son état est stable.
Le temps…
-La garde restera continuelle.
-La perfusion est bientôt terminée. Il faut la changer.
-Messieurs, madame?
-Oui?
-Monsieur Yuy est là, il attend à l'accueil.
-Très bien. Nous y allons. S'il vous plait, notez les améliorations.
-Il faudra reprendre sa tension dans une heure.
-Les doses de morphines doivent-elles être modifiées?
-Non. Nous verront cela dans vingt-quatre heures.
Je me réveille…
… alors que je n'ai pas le souvenir de m'être endormi…
…tout est trouble…
… il y a de la lumière…
… du bruit…
… de l'agitation…
… tout se précipite, je ne sais pas ce qu'il se passe…
… où je suis…
… ce que je fais, ce que j'ai fais…
… ce qu'il y avait avant…
… et pendant…
… je sais que maintenant, je ne m'endormirai plus comme ça… mais pourquoi?
Quelle est cette certitude que je serais conscient de la suite?
Quelle est cette incertitude de cet «avant» et de ce «pendant» dont je ne me rappelle pas?
Comment se fait-il que le temps se soit remis en route?
-Duo?
Quelqu'un appelle Duo en ma direction… ça veut dire que c'est moi, Duo.
Oui… c'est moi. J'en suis presque certain.
J'aperçois un visage. Je l'ai sûrement déjà vu, il ne m'est pas inconnu.
Mais je crois avoir perdu tous mes souvenirs, toute ma mémoire. Comme si j'avais eu un lavage de cerveau. Comme si tout avait été effacé.
Et je suis fatigué, tellement fatigué…
… j'ai envie de retourner là où j'étais… et en même temps… je veux rester ici.
Je veux dormir, et revenir après.
Je ne sais pas.
Je ne sais plus.
Sur ma main, je ressens soudainement de la chaleur.
Un contact.
Quelqu'un a pris ma main dans les siennes.
Il y a une personne à nouveau près de moi.
Les autres personnes ne sont plus là.
Ce visage…
-Duo…
Mon corps immobile refuse de m'obéir.
J'entends mon sang battre dans mes tempes.
J'ai la bouche pâteuse.
Je me sens lourd.
Je sens une odeur de propre.
Et un parfum d'homme.
J'inhale ce parfum, et nourris mes poumons d'un peu d'apaisement.
Le visage réapparaît dans mon champ de vision.
La voix qui me parle est douce, calme, et a l'air de venir de loin, mais je l'écoute, je la suis, elle me guide vers le vivant.
Je lutte pour ne pas fermer les yeux.
-Je sais que tu m'entends…
Le visage est encore un peu brouillé, ma vision est vaporeuse…
… mais je me sens bien… et ça fait depuis longtemps, je crois, que je ne m'étais pas sentis aussi bien.
Je prends conscience que je respire.
Je prends conscience que je ne suis pas seul.
Je prends conscience de mon corps, même si je ne le sens pas tellement.
Je prends conscience de peu de choses… qui représentent tout.
Si seulement on pouvait me laisser encore un peu de temps pour rassembler mes pensées… si seulement je pouvais me rappeler…
Est-ce que quelque chose n'a pas été prévue?
Pourquoi suis-je ici, à ressentir tout ça? A me poser ces questions?
-Je suis avec toi, Duo…
Doucement, j'associe le visage avec la voix. Visage qui devient un peu plus net.
Et familier.
J'ai déjà vu ce visage…
J'ai déjà entendu cette voix…
Je connais cette façon de parler tout bas…
… de presque chuchoter, murmurer…
Je sais que ce n'est pas la première fois que ces mains me touchent…
… ni que j'inspire ce parfum…
Doucement, je reviens dans le cours du temps. Je le rattrape au vol.
Je reconnais ce visage…
Je plonge dans ces yeux…
J'y envois un message…
Il me sourit.
-Je suis avec toi…
Mes lèvres s'entrouvrent légèrement mais aucun son ne sort.
Un de mes doigts vient de bouger sans que je le veuille, c'est un nerf qui a du faire ça.
Je t'entends, je veux te répondre. Tu vois
Je peux essayer de coordonner un mouvement, même si je ne sais pas si j'en suis capable.
Mes yeux peuvent regarder ailleurs, et font le tour d'une petite pièce. Je vois des machines. Une fenêtre. Une chaise. Une porte. Une deuxième porte de l'autre coté. Des murs vert pâle. Il n'y a pas qu'un plafond dans cette pièce.
Et puis il y a cette personne, à coté de moi, assise, qui me tient la main dans les siennes, sans trop la serrer.
J'aimerai mettre un nom sur ce visage que je connais.
J'aimerai définir le lien qui nous relie.
J'aimerai savoir ce que ces mains veulent dire.
Alors en un souffle, j'essaye de prononcer quelque chose, la première chose qui me vient à l'esprit si embué.
-Hee…
Et son sourire grandit encore un peu, chaleureux, paisible. Encourageant.
-…ro…
Deux syllabes à peine audible, mais elles m'ont demandé un énorme effort.
Heero…
Oui… c'est lui… je le connais…
Il laisse échapper un faible soupire saccadé.
Un léger voile parait sur ses yeux.
Et je vois ses yeux briller.
Sa figure paisible se déformer un peumontrer une faille, de l'anxiété se dessiner sur ses traits.
Des larmes se distinguer dans ses yeux cobalt.
Et je vois qu'il les retient
C'est à cause de moi?
Non…
Je ne veux pas lui poser de problème…
Je ne veux pas qu'il se sente triste à cause de moi…
Je ne vivais que pour le rendre heureux…
Oui… c'est ça…
Pourquoi ai-je échoué?
-Tu vas aller mieux maintenant.
J'ai manqué quelque chose.
J'ai manqué quelque chose de très important.
Je ne me souviens plus de rien… rien n'existe avant…
Je m'étais perdu… je ne sais pas où… je ne sais pas depuis quand…
POURQUOI?
-Heero…
Une larme glisse sur sa joue comme une ombre sur un mur, le long de son nez. Elle s'échappe. Les autres sont contenues.
Je parle d'une voix si basse que je ne sais même pas s'il comprend ce que je dis.
Il se penche un peu sur moi.
Une de ses mains migre vers moi.
Sur ma figure
Sur ma joue.
Sa main tiède… me caresse la joue avec légèreté.
Son visage inquiet… me sourit avec une lueur désolée dans ses yeux qu'il a de si pénétrants…
Mais je me souviens de cette main aux longs doigts fins…
… cette main agile, qui connaît ma peau et que ma peau connaît…
… qui épouse mon visage…
... qui chasse mes démons…
Alors je cherche à savoir pourquoi cette main a tremblé, juste avant qu'elle ne me touche.
Pourquoi…
-Excuse-moi…
Je ne comprends pas.
Je ne comprends pas tout ça… pourquoi ces excuses.
Je n'attends aucunes excuses.
Je ne me rappelle pas qu'il m'ait fait quoique ce soit.
Je ne me rappelle pas lui avoir demandé qu'il s'excuse.
Ma vision est beaucoup mieux à présent.
Je le vois presque clairement.
J'ai l'impression que mon corps va plus me répondre.
Je pense que tout ce qu'il s'est passé pendant cette période chaotique… est fini.
-Pour…quoi…?
J'arrive à parler en chuchotements.
Même si tout ce que je demande à mon corps m'est accordé après un temps de latence.
Je resserre mes doigts sur la main qui me tient encore la mienne.
En réponse, ses doigts s'emmêlent aux miens…
… et me procurent une sensation de déjà vu…
… car oui… ça aussi je connais…
Ses doigts effilés, ses doigts de fées…
Entre les miens, et j'éprouve un sentiment de bien-être, entre tout ce que je ressens et que j'identifie mal.
-D'avoir douté de toi.
Je ne sais pas pourquoi il a douté de moi, mais j'ai dû faire quelque chose qui n'était pas normal.
Quelque chose de mal?
De bien?
De fou?
Heero… je me souviens de toi.
Je suis rassuré que tu m'aies fais me souvenir de toi.
Je te vois, maintenant.
Je te vois bien.
Tu as une mine pas comme d'habitude… bien que je ne me rappelle pas de ce «d'habitude».
Je t'aimais, Heero… je crois que c'est ça…
C'est pour ça que tu frôles ma joue…
… que tu as entrelacé nos doigts…
… que tu me souris…
Je t'aime… c'est ça que je ressens pour toi… est-ce que je te l'ai déjà dis? Dans ce «avant» dont seulement quelques bribes de souvenirs, ou plutôt quelques images, me reviennent à l'esprit?
J'espère seulement pouvoir le faire à partir de ce jour, ou continuer si je l'ai déjà fais.
-J'ai eu tellement peur.
Sa voix a elle aussi tremblé pour le dernier mot. J'ai senti les vibrations du ton.
Je ne comprends pas encore, mais il parle au passé. Quelque part ça me rassure.
Peut-être faudrait-il que j'aie peur? Comment être sûr de ce qu'il se passe? Comment savoir?
Trop de questions…
Trop de questions se bousculent dans ma tête.
Trop de questions doivent avoir des réponses.
J'arrive mal à tout mettre en ordre.
On doit m'expliquer.
Et la voix fragile de Heero me perturbe.
-C'est la première fois…
J'entends tout juste cette parole.
Je ne sais pas pourquoi, mais elle me touche.
Je veux mettre ma deuxième main ailleurs, sur mon ventre par exemple.
Vérifier que j'ai bien la maîtrise de cette main.
Je commande à mon bras de se lever, de se replier.
Mais une douleur me lance dans le bras.
Je ferme les yeux sur le coup, puis les rouvre
Je tourne un peu la tête. Dans le pli de mon bras, un tube est relié à une sorte de bouchon, avec une aiguille qui rentre sous ma peau.
La douleur s'estompe très lentement… trop lentement. J'ai mal dans tout le bras, jusqu'aux doigts.
Un liquide diaphane se diffère dans le tube. Je remonte le tube des yeux, et tombe sur une pochette qui contient du liquide transparent.
Bon sang…
-… qu'est ce… que…
Et une nouvelle douleur fulgurante me vient. A la tête, cette fois.
Comme si on m'avait enfoncé un couteau dans le crâne.
Je grimace, en attendant que ça se passe… en attendant qu'elle parte…
Une douleur horrible, insupportable. Aiguë.
Je supplie mentalement que ça cesse…
… et la névralgie s'en va comme elle est apparu.
Moins fugacement. Comme voulant encore me torturer un peu à son départ.
Quand je sens qu'elle n'est plus là, mon visage se détend.
Je reporte mon attention sur Heero qui n'a cessé de m'observer.
J'aimerai lui parler, lui poser des questions, qu'il me réponde.
Mais je ne sais pas quelle question poser en premier…
… par où commencer…
… qu'elle est la question la plus importante…
… la plus urgente…
… celle qui m'aiderait à retrouver la mémoire…
-Tu as eu un accident.
La main qui me caressait la joue vient se poser sur mon front.
Là, je sens autre-chose sur mon front. Qui intercepte le contact entre son annuaire et son petit doigt.
J'aimerai toucher moi-même cette chose qui est disposée sur la moitié de mon front.
Je bouge mes doigts, ce qui fait sa main me lâcher, comme en compréhension, et je dirige faiblement ma main à ma tête.
Mon bras est dépourvu de force.
Quand je pose ma main sur mon front, Heero retire la sienne.
Je touche quelque chose de rugueux.
Quelque chose de rêche.
Je tâte. Ca entoure ma tête.
Mon bras sans énergie m'abandonne, je suis obligé de le reposer.
La main de Heero vient écarter des mèches de cheveux me barrant la vision. Il me les replace derrière mes oreilles.
-Je suis…
Je me sens bizarre tout à coup.
Le bien-être s'est dissipé. Je commence à sentir tout mon corps et tous mes muscles, certainement depuis longtemps non utilisés.
La douleur se réveille elle aussi. Celle de mon bras ne veut plus s'en aller. J'ai les veines en feu.
Celle à ma tête revient par intervalle de temps, et me détruit ma concentration pour essayer de me rappeler quelque chose.
Les caresses de Heero ne suffisent plus à détourner mon attention quant à ces deux douleurs majeures.
Puis je regarde encore… et je vois sur ma main libre un bleu. Et aussi sur mon bras. Des traces d'ecchymoses.
Quelques petites cicatrices aussi, à peine visible, qui ne me disent rien.
J'ai eu un accident…?
-… à l'hôpital.
Heero termine ma phrase sereinement, comme si je n'avais pas à m'inquiéter.
Mais je suis trop engourdi pour m'inquiéter de quoi que ce soit.
Sa larme qui a coulé a séché, et celles dans ses yeux se sont taries.
Il arbore toujours un faible sourire qui me met en confiance.
Son regard rassurant m'enveloppe dans un cocon.
Je tente de ne plus penser à la douleur…
Mais je n'essaie pas de me concentrer trop, de peur que celle à la tête revienne plus vite.
Si seulement je pouvais communiquer par télépathie… J'ai tellement de choses à dire que je ne sais pas quoi dire.
C'est peut-être ça la confusion.
Trop de choses… pas d'ordre…
-Comment tu te sens?
Comment je me sens?
Très, très déconcerté.
Je me sens comme sortant de la brume humide.
Comme un nourrisson qui nait, après l'accouchement. Qui découvre la lumière, autre chose que ce qu'il avait vu avant, et sans s'en rendre compte.
Comme la Belle au Bois Dormant qui a dormi pendant cent ans.
-Vaseux…
Il me caresse la joue, du dos de ses doigts.
Il me capture le regard.
Il m'illumine de l'intérieur.
-C'est normal.
J'ai presque totalement repris le contrôle de mon corps.
Mais j'ai mal à la gorge, elle est un peu enrouée. Elle n'a pas dû servir pendant un bout de temps elle non plus.
Je me la racle pour la chauffer et pour stopper l'irritation que ça me fait quand je parle.
J'essaye vaguement de me mettre assis, mais déjà je n'ai pas assez de force, et ensuite, Heero, ayant compris mon intention, m'empêche tout changement de position en mettant sa main sur mon torse et en exerçant une petite pression.
-Non, tu ne bouges pas. Tu restes calme.
Je lui obéis, pas seulement contraint par lui mais aussi par la douleur à mon bras qui s'intensifie, et celle à ma tête qui revient. Je regrette tout de suite mon geste. Je ferme les yeux, essayant de garder le calme en moi. Essayant de chasser la douleur qui me perfore la tête. Mais elle ne s'en va pas cette fois, je n'aurai pas dû tenter quoique ce soit. Je serre les dents pour ne pas qu'un gémissement s'échappe de ma bouche. Je dégluti pour me contenir.
Enfin, la douleur consent à s'atténuer graduellement, puis à me quitter. Envolée.
Je soupire de soulagement.
Quand mes paupières se lèvent pour que je puisse voir Heero, il a de nouveau une expression inquiète affichée sur le visage.
-Heero… qu'est ce qu'il m'est arrivé?
-Tu ne te rappelles de rien?
-J'ai… un énorme blanc…
Le silence suit à ma phrase, Heero veut que je continue. C'est peut-être en parlant que je me souviendrai de quelque chose.
-… là je… n'ai plus aucun souvenir… de rien… de personne…
Je le vois pincer ses lèvres.
Il fait ça quand il est contrarié. Quand quelque chose ne va pas. Est hors de son contrôle. Il fait ça depuis…
… depuis quand?
-Mais quand je te regarde, il y a des choses qui me reviennent… pas beaucoup… mais… elles me reviennent.
Pas depuis toujours.
Je sais que quand je l'ai rencontré, il n'était pas comme ça.
Comment est-ce qu'on s'est connu?
Comment était-il avant?
Et moi, comment est-ce que j'étais?
Je sais qu'il m'a changé.
Il a changé ma vie.
Il lui a donné un sens. Un but. Une raison.
-Alors c'est bien si elles te reviennent.
Il reprend ma main libre et recroisent nos doigts naturellement.
-On était en voiture, tu étais au volant. J'étais sur la place du passager. Il n'y avait pas grand monde sur la route. A un carrefour où le feu était vert pour toi, tu l'as passé tranquillement. Mais une voiture est arrivée en fonçant droit sur nous. Tu as essayé d'éviter qu'on la prenne en plein fouet. Tu as tourné brutalement. Tu as tout pris.
Rien. Je ne me souviens de rien.
D'une voiture?
Une voiture… je savais conduire…
Oui, j'en avais une.
J'en avais unenoire avec des sièges en cuir. Sa marque portait le nom d'un animal.
Elle était souple, elle était confortable, féline, puissante, pratique. Elle était faite pour moi. Un pur bijou.
J'avais pu me l'acheter…
… comment déjà?
J'avais un bon salaire, oui… Je travaillais dans la même boîte que Heero. Pas au même poste, pour qu'on s'est pas tout le temps sur le dos non plus.
Je ne sais plus ce que je faisais…
… avec qui d'autre je travaillais…
… même de quoi ça concerne.
Je n'ai pas travaillé toute ma vie dans cette boîte.
Je crois… que tout était différent dans ma jeunesse…
Une jeunesse inexistante… déséquilibrée… instable… volée?
-Et toi…? Tu n'as rien?
-J'ai été secoué, mais non je n'ai pratiquement rien eu. Mais toi tu n'as pas eu un squelette modifié quand tu étais jeune.
Je fronce les sourcils.
-… squelette modifié…?
-C'est pas grave, oublie. Ce jour là tu as eu un bras cassé, des côtes fêlées, et un choc violent à la tête. Hémorragie. Traumatisme crânien. Coma. Tout le monde a cru que tu n'allais pas survivre.
Son ton grave me fait me rendre compte de cette nouvelle. La torpeur me prend le ventre, un frisson me parcourt le corps.
Ses paroles se rediffusent désormais dans ma tête, en boucle.
Je n'allais pas survivre…
Tout le monde a cru…
J'aurai dû mourir…
D'autres seraient mort à ma place…
-J'ai essayé de garder espoir… mais ça ne suffisait pas à me convaincre entièrement…
Pour la deuxième fois sûrement de sa vie et de la mienne, je vois de nouvelles larmes s'accumuler dans ses yeux.
Et perler.
Sa voix avec difficulté maintenue, pour ne pas qu'elle tremble.
Une ride sur son front, entre les deux yeux.
Sa main resserrée plus étroitement sur la mienne.
Mais je ne suis pas mort.
Je soutiens son regard affligé, avec une boule qui se forme dans ma gorge. L'envie de le prendre dans mes bras, de me blottir dans les siens, de me pelotonner contre lui qui me prend tout entier.
L'envie d'enfouir ma tête dans son cou. D'avoir la sienne dans le mien. D'avoir ses lèvres sur ma peau. D'avoir ses murmures contre mon oreille.
L'envie de lui prouver à quel point je suis vivant, bien vivant. Bien éveillé.
-Mais… mon bras… je croyais qu'il était cassé?
Mon bras, celui qui est libre, n'a pas du tout l'air d'être mal en point.
Je peux le lever, le bouger, le plier. Avec difficulté, bien sûr, mais il est engourdi comme le reste de mon corps à cause de la remise en route progressive de mon corps.
Des questions encore… des questions me tourmentent. Je fixe Heero plus grièvement.
-Je suis resté combien de temps dans le coma?
-Quatre mois…
-Quoi?
-… deux semaines, deux jours et seize heures.
Et ma fatigue s'envole pour de bon.
Quatre mois… deux semaines… deux jours… seize heures… j'ai été absent pendant tout ce temps…
… et Heero et les autres ont cru que j'allais m'éteindre, puisque je n'avais pas de raison de survivre à un pareil accident.
A tout moment je pouvais cesser de vivre définitivement. Cesser d'être, complètement.
J'ai assez perdu de temps.
J'ai assez perdu de tout.
Je veux tout me souvenir.
Je veux tout savoir sur ce qu'il s'est passé pendant cette période, aussi.
Je veux savoir comment ils m'ont fais tenir… comment ils m'ont sauvé la vie… puisque mon corps et mon esprit ne répondaient plus de rien.
Je veux remercier les gens qui ont persisté à me ramener à la raison, à regagner mon esprit, même s'ils avaient perdu espoir.
-Tout ce temps…
-Oui…
Songeur, je m'imagine inconscient, seul dans cette pièce, allongé sur ce lit de mort, entouré et branché à des machines diverses. Tout le temps surveillé.
Je m'imagine ici, mon corps reposant, et mon esprit égaré.
J'imagine des gens inconnu prendre soin d'un homme sans entendement. Un corps qui vit sans vivre. Un corps qui garde sa seule fonctionnalité de machine, sans réfléchir.
Un corps dépourvu d'intellect ou de raison car on la croyait morte, perdue à jamais.
Un corps au teint cireux reposant sur un lit, avec une personne à coté d'elle, elle, bien vivante, bien consciente. Et bien malheureuse.
-Duo… on dit que les gens dans le coma entendent ceux qui leur parlent… est-ce que tu m'as entendu?
Rien ne me vient sur ce trou noir, vide.
Un espace entre deux périodes. Je conduis, je perds connaissance sans m'en rendre compte et tout à coup je me retrouve ici.
Rien, entre avant et maintenant.
Pas grand-chose d'avant, pour commencer, mais rien par la suite.
Un pont coupé, entre deux images. Un trait d'union qui est tombé. L'ignorance intégrale.
-Je ne peux pas te dire… je ne me rappelle pas.
Et pourtant, j'aimerai. J'aimerai décrire cette phase manquante pour moi. Si je pouvais au moins savoir si c'était plaisant ou non… quelle sensation on a… où est-ce qu'on croit qu'on est… si on entend les gens autour de nous ou pas…
Heero… toi, tu sais tout, tu connais tout, tu as tout vu… sauf ça. Et je viens de le vivre.
Et je viens de l'oublier.
Et je ne peux pas le partager avec toi.
-Tu me disais quoi?
-De revenir.
Il se rapproche de moi, sa tête n'est plus très loin, elle touche presque la mienne.
Il se penche, et dans un éclair de félicité, je sais ce qu'il va me faire.
Ses lèvres progressent, et il les pose sur les miennes. Me cueille ce contact, cette sensation. Les sépare. Et recommence. Encore et encore, lentement, en prenant le temps de me faire savourer chaque baiser que la simplicité et la sincérité me touchaient.
Heero a connu la peur pour la première fois de sa vie à cette période là, là où je n'étais psychiquement pas présent.
Je ne l'ai pas vu. Je n'ai pas pu le réconforter. Je n'étais pas avec lui. J'étais ailleurs.
Je n'ai pas pu calmer cette aversion de me perdre.
Mais maintenant, je sens sa chaleur, je ressens sa paix enfin retrouvée, sa liberté, sa bouffée d'air.
Entre deux pressions de ses lèvres, il me souffle «je t'aime…» les yeux fermés, visage contre visage.
Mes blessures ont eu le temps de cicatriser pendant mon coma. De guérir. De devenir des souvenirs que je n'aurais pas. Et moi, j'aurai le temps de retrouver ceux que j'ai eu. J'ai perdu la mémoire, mais elleme reviendra, sauf pour ce «pendant» inconnu de tous. Il suffit juste de l'éperonner.
OWARI
The end :)
Parce que des reviews d'inconnus, quelques mots, m'ont émue...
