Drago détestait particulièrement se mêler aux moldus, pourtant il était, ce jour-là, au cœur de Londres, comme chaque semaine depuis déjà deux ans. Il arriva à destination sans encombre, ignorant délibérément le monde extérieur. Il s'arrêta devant une bâtisse à l'air miteux. Aux yeux des moldus tout au moins. Car il s'agissait en réalité, dans le monde des sorciers, d'un centre médical : l'hôpital Sainte Mangouste.
Lorsque Drago pénétra dans le bâtiment, il se fit la même réflexion qu'il se faisait à chaque fois : malgré les efforts désespérés du personnel, l'ambiance des lieux restait austère, froide. Le jeune homme se demandait toujours comment quelqu'un pouvait retrouver le goût de vivre dans un endroit où aucun recoin n'inspire une once de sympathie. Et pourtant, il espérait toujours qu'elle y arrive, même s'il n'y avait aucun signe encourageant.
Le jeune homme ne s'arrêtait plus à l'entrée de l'hôpital car il connaissait le chemin par cœur et finissait par ne plus supporter les soignants qui tournaient autour de lui. Il avait, certes, une petite notoriété du fait de son statut de lieutenant du Seigneur des Ténèbres, mais en cet endroit, il s'en serait volontiers passé. Il ressassait ces pensées lorsqu'il arriva devant la porte de la chambre 539. Il retint sa main avant de frapper, afin de reprendre contenance et d'adopter un sourire des plus crédibles même s'il n'était pas forcément sincère.
Drago frappa alors à la porte et entra sans attendre la réponse. La porte s'ouvrit sur une chambre où les volets étaient tirés, ce qui jetait sur la pièce une obscurité assez dense. Dans un angle de la pièce, un grincement retentissait. Il émanait d'un rocking-chair que quelqu'un actionnait lentement. Drago s'immobilisa et murmura :
- Bonjour, mère.
Drago s'en voulait énormément d'avoir du faire hospitaliser sa mère. Mais, comme l'avait dit le médicomage, il n'était pas apte à lui apporter les soins dont elle avait besoin. Il fallait à sa mère une aide psychologique car elle glissait lentement mais surement dans un gouffre sans fond depuis plus de cinq ans. Depuis ce soir-là, elle n'était plus la même. Elle avait arrêté de sourire, même si cela n'était pas vraiment fréquent avant « l'incident » et elle pleurait souvent. Son état n'avait cessé d'empirer jusqu'à ce que son père et lui soient dans l'obligation de la faire hospitaliser. Elle aurait pu devenir dangereuse pour elle-même. Drago avait fondé beaucoup d'espoir dans les médicomages mais il n'avait vu aucune amélioration depuis son arrivée.
Il réalisa soudain que cela faisait longtemps qu'il s'était tu et qu'il était perdu dans ses pensées. Il regarda sa mère et lui sourit, mais comme il s'y attendait, celle-ci ne le lui rendit pas. Il pensait qu'elle avait du oublier la façon de faire. Elle avait désormais en permanence un air lugubre et ses traits s'étaient singulièrement creusés. Il lui en fit la remarque :
- Mère, vous maigrissez à vue d'œil.
- Ne t'en fais pas pour moi, mon chéri. Je me sens mieux ces jours-ci.
- Vous me dites ça à chaque fois et je n'en crois pas un mot. Mais enfin, mère ! S'exclama Drago qui rageait face à son impuissance. Quand arrêterez-vous de vous punir pour un crime que vous n'avez pas commis ?!
- C'est bien là le problème : je l'ai commis ce crime. Par ma faute, un enfant est mort !
- Vous savez pertinemment que vous n'aviez pas le choix, reprit Drago avec patience.
- J'aurais du mentir ! Si j'avais dit à ce moment-là qu'il était mort, peut-être qu'aujourd'hui il serait encore en vie. Peut-être que le Seigneur serait tombé et que la vie serait différente.
- Mère ! Ne redites jamais ça ! Vous risqueriez d'avoir des ennuis. Qui plus est, Harry Potter devait mourir, d'une façon ou d'une autre. Et même si vous aviez menti, le Seigneur l'aurait su et vous aurait tuée, vous aussi. Vous nous avez sauvé la vie à tous. Que serait-il advenu de nous si le Seigneur avait disparu ?
- Mais Drago …
- Il n'y a pas de « mais » ! Vous savez que j'ai raison. J'espère qu'un jour vous l'accepterez. Maintenant, je dois vous laisser. Mais ne vous en faites pas, je reviendrais bientôt.
Drago se leva et se pencha sur sa mère pour déposer un baiser sur sa joue. Il ressentit un frisson lorsque ses lèvres entrèrent en contact avec la peau froide de Narcissa. Son état se dégradait même physiquement, son corps semblant vouloir accueillir la mort.
- Faites attention à vous, mère. Au revoir.
- Oui, si tu veux … chuchota Narcissa sur un ton désabusé.
Drago regagna le manoir rapidement, impatient de se mettre à l'abri car il savait qu'il lui faudrait craquer quelques minutes pour pouvoir tenir sur le long terme. Lorsqu'il arriva, il gagna sa chambre sans faire de bruit et se laissa tomber sur son lit où il se laissa aller. Il était abattu comme après chaque visite à sa mère mais ce n'était pas uniquement à cause de l'état de Narcissa. Quelque part, au fond de lui, il savait que sa mère avait peut être raison. Que serait-il arrivé ? La paix serait-elle plus facile à vivre ? Il n'aurait, certes, pas tout ce qu'il possédait à l'heure actuelle, mais cela le rendait-il vraiment heureux ? Il ne voulut pas trouver de réponse à cette question.
