~ Entre deux mondes ~

Partie 1

L'ennemi


Musique: Rihanna, ''Unfaithful'' / Le Roi Soleil, "Tant qu'on rêve encore".


Pourquoi ?

Le son de l'alarme qui résonne sans discontinuer. Une mobilité rarement aussi importante des combattants. Un bureau. Une lieutenante. Des ordres.

_ Equipe une et deux, partez à la rencontre des blessés.

_ Bien, lieutenant !

Un intrus avait fait son apparition dans la Soul Society six heures auparavant. N'ayant d'abord mobilisé que la deuxième division, celui-ci se retrouvait maintenant pourchassé par les treize divisions de combats, dû aux dégâts grandissants qu'il provoquait partout où il passait. La lieutenante retint un juron. Oui, les capitaines, tous les shinigamis et la plupart des lieutenants avaient été envoyés pour tuer cet intrus décidément bien gênant. Alors pourquoi elle, Ise Nanao, lieutenante de la huitième division, était-elle coincée dans son bureau à remplir des rapports ou donner certaines directives quand cela s'imposait ? Pourquoi n'était-elle pas en train de combattre elle aussi ?

Un bruissement de papier la fit sortir de ses pensées alors qu'elle s'aperçut qu'elle venait de réduire en bouilli l'une de ses feuilles de notes. Elle leva les yeux au ciel avant de soupirer bruyamment. Ne pas s'énerver. Ne pas s'énerver.

La journée allait être longue.

_ Kaede !

Une jeune shinigami apparu soudainement dans le bureau. De petite taille, brune aux yeux marron, c'était l'une des récentes diplômées de l'école des shinigamis. Figurant parmi les meilleures élèves de sa promotion, la division aurait pu véritablement se vanter d'avoir un nouvel élément aussi prometteur si son capitaine avait vraiment pris cette jeune demoiselle pour ses résultats et non parce que celle-ci semblait solitaire et exclue de tout groupe.

La lieutenante remarqua qu'elle n'osait pas approcher, probablement consciente de l'état dans lequel était sa supérieure.

_ Oui, lieutenant Ise ?

_ Quelles sont les nouvelles ?

_ L'intrus semble avoir été repéré dans le district 41. Le capitaine Kyôraku ainsi que le capitaine Kuchiki et son lieutenant s'y dirigent actuellement.

La lieutenante lâcha un merci presque inaudible avant de congédier la toute nouvelle recrue de la division.

Ne pas s'énerver.

Pourquoi s'énerverait-elle d'ailleurs ? Après tout, son capitaine ne souhaitait que son bien-être et ne voulait donc pas qu'elle prenne de risques en combattant quelqu'un dont les capacités restaient inconnues...

Elle baissa la tête. Elle-même ne croyait pas en ses paroles. Plus maintenant alors que cela faisait des décennies qu'elle occupait ce poste et que son capitaine semblait rechigner à lui faire faire quoi que ce soit de dangereux.

Ses mains se crispèrent et elle relâcha rapidement le rapport qu'elle tenait dans la main. Il n'y avait pas que ça. C'était impossible. Parce que dans ce cas-là, aucun lieutenant ne se battrait jamais, ce qui n'était pas le cas. Son cœur se serra. Quelque chose lui disait que quoique ce fût, cela ne lui plairait pas. Après tout, une lieutenante n'était pas censée douter de son capitaine. Et aussi éloigné dans son attitude en tant que chef de division il soit, Ise Nanao était censée lui accorder toute sa confiance.

Elle releva soudainement la tête, les battements de son cœur redoublant d'ardeur.

Son capitaine ne lui faisait pas confiance.

Elle se redressa sur son bureau, légèrement tremblante. Voilà ce qui n'allait pas. Oui, c'était pour ça que lui, qui préférait largement lézarder au soleil, se mettait tout le temps en quatre pour la protéger. Parce qu'il n'avait pas confiance en elle, en ses aptitudes au combat.

_ Quelle idiote tu fais ma pauvre !

Son cœur lui faisait mal. Au fond d'elle, une voix lui répétait qu'elle le savait depuis longtemps mais qu'elle avait longtemps refoulé cette possibilité. Trop longtemps. Et en même temps... A chaque fois qu'il la sauvait ne lui montrait-il pas un peu plus à quel point il tenait à ce qu'il ne lui arrive rien ?

Son poing s'abattit sur le bureau sans lui faire le moindre mal. Elle n'y arrivait pas. Elle ne comprenait pas. Son capitaine, ne pas avoir confiance en elle ? Il fallait qu'elle lui parle. Maintenant. Pourquoi fallait-il qu'il soit en train de combattre ? Et puis... Aurait-elle seulement le courage de lui poser la question en face ? Il avait été là pour la protéger du reiatsu monstrueux du capitaine commandant alors que lui-même devait être éprouvé. Il avait été là pour la protéger, elle et son propre zanpakutô, Katen Kyokotsu, d'une attaque ennemie qui pourtant se tenait bien loin de la division, à croire qu'il les avait surveillées pour prévenir ce genre de risques... Après ça, comment pouvait-elle douter de lui ?

Mais comment ne pouvait-elle pas douter d'elle également, incapable de se défendre par elle-même ? Elle secoua la tête. Si elle commençait à ne plus se faire confiance, rien de bon n'arriverait. Il fallait qu'elle lui parle. Juste lui parler. Et en attendant, il fallait qu'elle s'occupe car c'était définitif, dans l'état où elle était, rester dans un bureau à remplir des papiers n'était pas la bonne solution. Il fallait qu'elle se sorte son capitaine de la tête, qu'elle réfléchisse à tête reposée.

Elle quitta son bureau en une seconde, adoptant une vitesse qui ne ferait pas se retourner les membres de la division, traversant les couloirs de sa division aussi rapidement qu'elle le pouvait. Son supérieur ne voulait pas la voir sur le lieu du combat ? Grand bien lui en face, elle irait voir les blessés des précédents combats pour aider autant qu'elle le pourrait. Elle n'en pouvait plus de ne penser qu'à Shunsui Kyôraku et à la pitoyable image qu'il devait avoir d'elle. A vrai dire, elle n'en pouvait plus de penser à son capitaine tout court. Et pourtant, pourquoi lui parlait-il toujours comme à une amie quand les codes ne l'y autorisaient pas ? Pourquoi était-il toujours là pour la défendre ? Pourquoi n'était-il pas froid comme le capitaine Kuchiki, fou comme le capitaine Zaraki ou obéissant au capitaine-commandant comme le capitaine Soi Fon ? Pourquoi adorait-il autant le saké au point de se retrouver incapable d'aligner deux mots clairement ? Pourquoi ce genre de situation finissait-elle toujours par la faire rire ? Pourquoi...

_ Lieutenant Ise, que faites-vous ?!

Continuant d'avancer, la lieutenante manqua de se frapper au moment où la voix de Kaede la ramena sur terre. Encore une fois, elle ne faisait que penser à lui. Se rendant compte de la stupidité de la situation, elle décida finalement d'assumer ce qu'elle allait faire. Nul n'était en droit de l'arrêter de toute façon.

_ Je vais dans le Rukongai.

_ Vous allez dans le district 41 ?

Il ne fallut que quelques secondes à la nouvelle recrue pour comprendre que l'absence de réponse d'une lieutenante qui ne cessait d'accélérer depuis qu'elle lui avait adressé la parole n'était pas bon signe. Elle n'attendit donc pas une seconde de plus pour répliquer.

_ Vous ne pouvez pas, le capitaine vous l'a...

_ Je me moque de ce que le capitaine a dit, coupa-t-elle. Occupez-vous de la division en mon absence. En cas de problème, envoyez un papillon de l'enfer.

Et elle partit. Sans se retourner. Laissant une Kaede paniquée.

S'éloigner de sa division.

Se rapprocher de l'ennemi.

Elle n'avait que ça.

Pourquoi ne lui faisait-il pas confiance ? Elle accéléra. Au loin, elle pouvait sentir que son capitaine se battait. A vrai dire, elle pouvait sentir que la plupart des capitaines se battaient. N'y avait-il pas un seul et unique ennemi ? Elle accéléra encore. Elle traversa les districts rapidement, regardant tout autour d'elle le moindre signe de destruction, n'en ayant toujours vu aucun à son arrivée au trente-cinquième district, se retournant souvent pour vérifier que personne n'avait été lancé à sa poursuite par une Kaede qui courait dans tous les sens. Au trente-septième district, elle comprit qu'il n'était pas la peine d'espérer pouvoir s'ôter son capitaine de la tête, elle ne cessait de ressasser de sombres pensées sur son compte, s'inquiétant encore plus à cause du combat que celui-ci menait actuellement et qu'elle ne pouvait suivre que grâce aux reiatsus.

Au trente-neuvième district, les premières destructions apparurent. Ise Nanao se posa sur un toit le temps de vérifier une énième fois que personne ne la suivait. C'est lorsqu'elle s'aperçut que Kaede n'avait pas eu l'inconscience de se lancer à sa poursuite mais que néanmoins, celle-ci semblait ne jamais avoir autant bougée qu'elle décida que cacher son reiatsu ne serait pas utile mais que le camoufler pourrait, par contre, lui servir. Elle fit donc en sorte de laisser réchapper suffisamment de reiatsu pour se faire localiser par un papillon de l'enfer mais pas suffisamment pour se faire repérer par un shinigami du niveau de Kaede. Au moins, respectait-elle sa parole, à savoir rester disponible en cas de problème à la division.

Ce ne fut qu'en arrivant au quarantième district qu'elle comprit l'ampleur des dégâts autant matériels qu'humains à l'origine de la mobilisation des treize divisions de protection. Des dizaines de maisons avaient été rasées, certains quartiers étaient en feu... Partout, les gens s'affolaient et surtout, les blessés, civils comme shinigamis se comptaient par dizaines. Aussitôt, elle envoya un papillon de l'enfer à la quatrième division en donnant sa position exacte ainsi que l'approximation du nombre de blessés. Elle ne pouvait lâcher ce spectacle de désolation des yeux. Une seule personne pouvait-elle réellement être à l'origine d'un tel chaos ? Et en si peu de temps en plus ?

Elle continua d'avancer dans le district, plus lentement, s'attardant sur tous les blessés en prenant la peine de leur dire qu'une équipe de soins allait bientôt arriver. Elle détestait ça. La désolation. La tristesse.

La mort.

Bientôt, elle arriva face à un groupe de personnes composé d'autant d'adultes que d'enfants aux visages ravagés par la tristesse. Aussitôt, la lieutenante accéléra pour arriver devant le groupe en quelques secondes.

_ Que se passe-t-il ?

Devant elle se tenait des gens ébahis autant qu'horrifiés alors que leurs regards ne quittaient pas l'imposante maison en feu qui se trouvait juste derrière. La lieutenante avait déjà une idée du problème rien qu'à regarder le groupe. Elle espérait juste avoir tort.

_ Un enfant est resté coincé dans l'orphelinat. Senshi... Oh mon dieu, ce garçon est si gentil...

Visiblement non.

La jeune femme qui venait de prendre la parole se mit à pleurer à chaudes larmes, vite suivie par bon nombre des autres personnes du groupe. La lieutenante observa la maison. Le côté droit s'était déjà effondré, le toit ne devait plus tenir que sur un mur porteur et par-dessus tout, l'orphelinat, fait en bois brûlait très très vite. La jeune femme d'habitude si réfléchie ne prit pas plus de temps à l'observation et enchaîna.

_ Où était-il quand la maison a pris feu ?

Les réactions fusèrent de partout à la fois, impatientant la lieutenante qui savait que les jours du petit garçon étaient en danger.

Oui, elle savait que l'orphelinat était sur le point de s'effondrer. Oui, elle savait que c'était dangereux.

Et alors ?

Elle se retourna vers la maison.

_ Shinigami, vous n'allez pas...

Si. Bien sûr que si. Elle était bornée. S'il y avait la moindre chance que ce garçon soit encore vivant alors si, elle prendrait le risque. Evidemment. Parce qu'au-delà de son devoir, c'était sa conscience qui était en jeu. Et parce qu'elle n'était pas n'importe quel shinigami.

_ Ne perdons pas de temps, où était-il ?!

_ Premier étage, répondit aussitôt l'un des hommes du groupe.

Mentalement, elle le remercia. Enfin un qui avait compris qu'elle n'en avait que faire des contestations et qu'au contraire, cela faisait perdre du temps.

_ Faites qu'il soit encore vivant... Je vous en prie, ramenez-nous le vivant...

La vice-capitaine hocha la tête, se dirigeant aussitôt vers l'habitation tout en réprimant les frissons qui lui parcouraient le corps. Non, cet enfant vivrait, il ne devait pas en être autrement. Elle ne devait pas penser autrement.

Elle ne prit même pas la peine d'ouvrir doucement la porte tant les secondes comptaient. Si l'orphelinat devait s'effondrer, alors il s'effondrerait avec ou sans celle-ci à sa place initiale de toute façon. Elle se dirigea aussitôt vers la gauche de la bâtisse, espérant y trouver la cage d'escalier tant recherchée et ce, rapidement. La fumée épaisse lui piquait déjà les yeux et l'empêchait de respirer correctement. Le feu ardent la brûlait de l'extérieur mais la glaçait à l'intérieur, les souvenirs de son bref interlude avec Yamamoto affluant et lui coupant net la respiration. Elle ferma les yeux. Il ne fallait pas qu'elle panique. Surtout pas. Tout cela était fini, il fallait juste qu'elle sorte un petit garçon de cet enfer et le tour était joué.

En déchirant la manche droite de son kimono, elle doubla la couche de vêtement au niveau de son nez et de sa bouche, espérant sans trop y croire que cela lui éviterait de manquer d'air trop rapidement. Au moment où elle arriva face à la cage d'escalier, ses yeux la brûlaient au point qu'elle ne pouvait presque plus les maintenir ouvert, elle toussait de plus en plus et avait de plus en plus de mal à se concentrer, l'air commençant à lui manquer. Pourtant, elle ne faiblit pas. Le feu n'aurait pas raison d'elle, bien qu'elle regretta à ce moment-là ne pas avoir un zanpakutô de type eau ou glace.

Elle commença à monter les escaliers, s'appuyant sur la rambarde tout en faisant attention à son état, sachant pertinemment qu'elle pouvait céder à tout moment.

Elle aurait dû envisager toutes les possibilités ; c'est une des marches qui se brisa sous son poids.

Le choc avec les marches fut rude, coupant net le peu de respiration qu'avait encore la lieutenante. C'est lorsqu'un cri lui échappa qu'elle se rendit compte de la situation dramatique dans laquelle elle s'était embarquée. Sa moitié de jambe, prise en étau dans le trou de l'escalier, était entourée par les flammes, elle pouvait le sentir.

Aussitôt, soudainement plus clairvoyante qu'elle ne l'avait jamais été, elle puisa dans ses ressources pour se relever, retenant de toutes ses forces un cri qui ne demandait qu'à sortir.

La panique ré-afflua, l'étreignant comme une corde le ferait autour d'un cou. Sa jambe, maintenant sortie du trou, lui faisait tellement mal que s'appuyer dessus était un véritable calvaire. En baissant la tête, elle put voir du sang mais ne s'y attarda pas. Elle ne voulait pas en savoir plus qu'elle ne savait déjà, n'arrivant déjà presque plus à respirer, commençant à dériver, le choc de la chute amplifiant son état. Elle avait peur. C'était pathétique. Pour une fois qu'elle faisait quelque chose d'elle-même. Seule. Loin de son capitaine. Son capitaine... Aussitôt la colère monta. Elle était ici à force de se poser des questions à n'en plus pouvoir sur son compte. Rien ne serait arrivé si elle avait sagement attendu dans son bureau des explications qui seraient de toute façon arrivées. Tout était de sa faute, à elle et à personne d'autre. Si elle devait mourir, elle mourrait seule parce qu'elle le méritait.

Non, pas seule.

Aussitôt, son regard se fit plus froid, sa mentalité regonflée à bloc. Il était incroyable de voir jusqu'où l'on pouvait puiser pour survivre. Jusqu'où l'on pouvait puiser pour sauver une vie. Car oui, il lui restait quelqu'un à sauver. A n'importe quel prix.

Même au prix de sa propre vie.

Elle finit le peu d'escalier qu'il lui restait à monter et commença à appeler l'enfant, grimaçant de douleur à chaque fois qu'elle posait son pied droit au sol.

_ Senshi ! Senshi, réponds !

Nonobstant au maximum la douleur, faisant comme si celle-ci était minime, elle tenta de calmer sa respiration. Elle n'arriverait à rien en paniquant. Il lui fallait sauver l'enfant. Elle se l'était promis.

_ Senshi !

Elle fit une pause, sa gorge la brûlant. Et cet enfant qui ne lui répondait toujours pas... Avait-elle tout fait pour rien ? Pouvait-elle ressortir de cette bâtisse la tête haute sans lui ?

Bien sûr que non.

Alors elle entendit quelqu'un tousser. N'y croyant plus, elle se précipita dans la pièce d'où venait le bruit. Ce ne pouvait être que... Senshi ! Le petit garçon était là, étendu contre un mur, pleurant et toussant en même temps, en piteuse état, la peau non cachée par des vêtements d'un noir prononcé. Elle ne put cacher la lueur d'inquiétude qui parcourut son visage car si elle ne donnait pas cher de son état non plus, celui de Senshi était plus important.

Toutefois, la vue du garçon se mettant à pleurer de joie à sa vue éclipsa toutes ses angoisses. Face à lui en une seconde, elle lui adressa un sourire qu'elle voulait rassurant, l'agrippant aussitôt par la taille avant de prendre la parole.

_ Je suis la lieutenante de la huitième division, Ise Nanao. Ne t'inquiète pas, j'ai l'intention de nous faire sortir d'ici sain et sauf.

Mais alors même qu'elle avait dit ça, un bruit d'affaissement monstrueux se fit entendre. Le jeune garçon se tendit immédiatement alors que la gradée de la huitième division savait qu'elle n'avait plus besoin de faire demi-tour pour emprunter le chemin inverse. Elle savait ce que c'était. L'escalier venait de s'effondrer.

Tout devint alors instinctif. L'enfant pleurant ne la déboussola pas. S'ils sortaient d'ici, elle aurait tout le temps de le consoler. En le plaçant sur son épaule, elle vit qu'il n'y avait aucune fenêtre. Jurant d'abord, elle ferma les yeux, rassemblant son énergie tout en évitant au maximum de penser à la douleur, ce qui n'était pas chose aisée. Elle se rapprocha alors du mur. Elle n'avait pas le temps d'y réfléchir à deux fois. Ce qu'elle allait faire était dangereux et pourrait définitivement la mettre en mauvaise posture. Elle le savait. Mais elle savait aussi que c'était la seule solution. Elle tendit alors la main, son cœur battant jusque dans ses oreilles.

_ Trente-et-unième technique de destruction, canon de feu rouge !

Aussitôt, le mur en face d'elle, qui donnait sur la rue explosa, envoyant des morceaux de bois jusque la maison d'en face. Ne perdant pas de temps, elle courut puis sauta. Ce n'est que dans les airs qu'elle se rendit compte qu'elle criait, autant pour se donner de la force que pour supporter cette douleur qui la tenaillait. Elle avait mal, vraiment mal. Pourtant, elle ne devait pas se relâcher. Il fallait qu'elle retombe posément, au moins pour l'enfant. Et tant pis pour sa jambe. Il fallait qu'elle s'éloigne de la maison qui à cause de son attaque était en train de s'effondrer. Elle retint ses larmes lorsqu'elle toucha le sol mais pas le cri de douleur. Celui-ci sembla résonner dans sa tête pendant des secondes, des étoiles dansant devant ses yeux. Elle ne sût même pas d'où sortait la force qui la poussa à se relever et à continuer de s'éloigner de l'orphelinat, aussi rapidement qu'elle le pouvait. Elle l'avait, c'est tout.

Le soulagement indicible ainsi que la joie qui parcoururent enfants comme adultes lorsque Senshi se mit à courir dans leur direction valait tout l'or du monde. Rien que pour ce spectacle, Ise Nanao fut fière de sa détermination autant que d'avoir puisé la rage de survivre jusqu'au bout. Mais voilà, maintenant l'adrénaline passée, sa jambe lui faisait souffrir le martyre, c'est pourquoi elle ne pouvait observer la scène que de loin, adossée à un mur en attendant de reprendre ses esprits et le contrôle de sa douleur. Les capitaines se battaient avec des blessures bien plus graves alors elle ne tomberait pas face à une jambe en piteuse état, voilà ce qu'elle ne cessait de se répéter avec plus ou moins de convictions.

C'est Senshi qui amena le groupe à elle et tous la remercièrent chaleureusement pour son acte, tout en s'inquiétant pour son état de santé. Elle devina que celui-ci ne devait pas être engageant aux regards des membres du groupe qui n'osaient fixer autre chose que ses yeux.

Il lui fallut un moment avant de se sentir un peu mieux et de s'être quelque peu habituée à la douleur. Le groupe n'ayant pas bougé depuis son retour, continuant de regarder l'orphelinat brûler, elle prit la parole.

_ Redescendez un peu plus bas dans le district, vous tomberez sur une équipe de soins qui guérira vos blessures. Dites que c'est la lieutenante de la huitième division qui vous envoie s'il y a le moindre problème.

Tous les regards se tournèrent aussitôt vers Nanao. Il fallut un temps au groupe avant de complètement assimiler les paroles de la vice-capitaine, un silence complet accompagnant cette prise de conscience sous le regard particulièrement amusé de Senshi.

_ Lieu... Lieutenante ? Déclara une femme.

_ Je ne vous l'avais pas dit ? C'est Ise Nanao, la lieutenante de la huitième division ! Je me suis fait sauver par une personne haut-gradée dans le Seireitei !

Ise se mit aussitôt à rire. Incroyable qu'une insigne puisse provoquer autant de réactions amusantes alors qu'être lieutenante présentait plus de problèmes que d'avantages !

_ Je dois continuer d'avancer. N'oubliez pas ce que je vous ai dit.

_ Nous nous reverrons hein ? Dit un Senshi visiblement attristé qui retenait la lieutenante par sa manche de kimono.

Elle hocha la tête tout en lui adressant un sourire sincère puis commença à partir. Elle retint sa grimace jusqu'à se retrouver derrière le groupe, de sorte à ce qu'il ne voie pas son visage. Au moins pouvait-elle leur épargner ça, le fait qu'elle traine sa jambe plus qu'autre chose étant déjà bien assez éloquent. Elle continua d'avancer malgré tout, n'ayant aucune envie d'attendre la quatrième division qui à coup sûr la ramènerait au Seireitei. Elle aurait trop honte de faire face à son capitaine après ça.

Elle lui avait désobéi.

Elle était mal en point.

Et en plus elle voulait lui demander des explications.

Elle frissonna. Oui, il ne valait mieux pas qu'elle se fasse rattraper.

Mais au fait... Son capitaine ?

Elle se concentra aussitôt à la recherche du reiatsu de celui-ci. Tout cela lui avait fait perdre de vue l'enjeu du combat qui se déroulait. Et alors elle se rendit compte de l'ampleur de celui-ci. Parmi les dix capitaines en train de combattre, huit était en Bankai. Un temps choquée, ce sentiment fit place à l'horreur lorsqu'elle le repéra enfin. Il était faible, terriblement faible. Avait-il seulement atteint une seule fois, depuis qu'elle le connaissait, un tel niveau de reiatsu ? Des frissons la parcoururent alors qu'elle encourageait son capitaine de toutes ses forces. Il fallait qu'il se batte jusqu'au bout. Il n'avait pas le droit de perdre. Jamais.

_ Lieutenant Ise...

La lieutenante baissa la tête vers la voix qu'elle venait d'entendre alors qu'elle s'aperçut qu'elle avait encore fait un peu de chemin, se retrouvant à la limite du quarante-et-unième district.

_ Rokuro !

Aussitôt, elle s'agenouilla à côté du quinzième siège de la division et ne put retenir une deuxième vague de frissons d'effroi face à l'état du membre de sa division. Il ne peut pas s'en sortir... C'est... C'est impossible... Ise Nanao regardait avec horreur le corps mutilé de ce membre de la division, totalement consciente du fait qu'elle était inutile. Complètement consciente du fait que si elle ne l'amenait pas rapidement à une équipe de soins, il n'avait aucune chance de survivre.

_ Je... Je vais vous amener à la capitaine de la quatrième division, tenez bon !

Mais alors qu'elle allait le porter, celui-ci lui attrapa la manche, attirant son attention.

_ Lieutenant Ise... Il est... Il est...

Le quinzième siège allait sombrer, elle le sentait. Elle ne pouvait plus rien faire, malgré toute sa bonne volonté. En une seconde, elle ramena sa tête sur ses genoux, crissant sous la rencontre des cheveux du shinigami avec sa jambe meurtrie. Pourtant elle ne bougea pas, elle resterait avec lui jusqu'à la fin.

_ Quoi Rokuro ? Qui est comment ?

Elle le savait, au fond. Elle savait de qui il voulait parler. Et elle voulait savoir à quoi se frottait son capitaine. Elle était égoïste et la vague de culpabilité qui la prit au dépourvu se décupla lorsqu'elle vit son compagnon d'arme se mettre à pleurer. Ise Nanao se sentait mal. Affreusement mal.

_ C'est un monstre... Fuyez, lieutenant Ise. Fuyez tant que vous le pouvez encore !

Mais alors que la lieutenante allait demander des explications, la terreur lui tordant l'estomac, quelque chose de beaucoup plus terrifiant se produisit encore. Quelque chose que la lieutenante ne pensait pas vivre un jour. Ses yeux s'agrandirent d'horreur, son regard quitta son quinzième siège pour fixer un point invisible. Plus rien n'existait autour d'elle. Elle n'entendait plus rien.

Le reiatsu de son capitaine venait de disparaître. Totalement.

_ Non...

Elle se concentra. La terreur l'étreignit. Elle ne ressentait plus rien du tout.

Sa respiration se coupa, la tristesse déforma ses traits.

Elle venait de le perdre.

_ NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO OOOOOOOOOOOOOOOOOOOON !

Shunsui Kyôraku, capitaine de la huitième division, venait de mourir.

A suivre...


Première partie en ligne ! Joyeux Noël ! =D

J'espère que cette première partie sera à la hauteur de vos attentes ! Je dois dire que je suis super contente de voir enfin cette fiction démarrer, fiction sur laquelle je passe toutes mes journées depuis une semaine.

Pourquoi avoir choisi ce magnifique couple formé par Shunsui Kyôraku et Ise Nanao ? Parce qu'il n'est pas assez populaire sur fanfiction pardi ! Et aussi parce que c'est mon couple bleach préféré évidemment x).

N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé ! La deuxième partie arrivera la semaine prochaine !

En vous souhaitant une bonne lecture,

C. Kotomi