Cela doit faire environ deux heures que j'erre dans Springfield. Il est tard et il fait nuit noire. D'un pas chancelant, j'essaye de marcher le plus droit possible sur le trottoir pour me rendre chez Milhouse. Une sonnerie de portable, mon portable, m'arrête. Je le regarde et m'aperçois que c'est un message de ma frangine, Lisa.
« Reviens, je t'en supplies ! »
Je soupire et range mon appareil sans prendre la peine de répondre. Non. Je ne reviendrai pas. Il est allé trop loin cette fois et moi aussi. Je reprends ma marche et me remémore les paroles de Homer quand il m'a balancé mon sachet de coke au visage :
« T'es la honte de cette famille ! Après tout ce qu'on a fait pour toi, c'est comme ça que tu nous remercies ? En prenant ces saloperies ? C'est pas comme ça que je t'ai élevé ! »
« Tu m'as jamais élevé. Sale ivrogne.»
Une première claque fusa et je vacillai un peu. Je l'attendais celle-là, je m'y étais préparé. Je ramassai le sachet et me redressai pour fixer mon père dans les yeux. Ma mère et mes deux petites sœurs regardaient la scène avec effroi. Je soutins son regard quelques instants avant de faire volte-face et de rejoindre ma chambre. Je fermai la porte à clé et commençai à ranger des affaires dans un sac. On cogna plusieurs fois à ma porte. J'entendais les pleurs de ma mère derrière. Je ne me détournai pas, malgré le bruit, avant d'avoir mon sac prêt sur le dos. Je déverrouillai le loquet et je vis ma mère le visage décomposé. Son expression se meurtrit un peu plus quand elle comprit ce que j'allai faire. Je la contournai mais elle me retint le bras.
« Ne fais pas ça. »
Je dégageai délicatement sa main et descendis les escaliers. J'ouvris la porte d'entrée et sortis. Personne n'essaya de me rattraper. Tant mieux.
Après plusieurs minutes j'arrive enfin devant la maison de Milhouse. Je sonne, plusieurs fois. Pas de réponse. Il n'est pas là, c'est bien ma veine. Où vais-je aller maintenant ? Pas question de retourner chez moi, ça ferait trop plaisir à tête de billard de me voir revenir en rampant. Je décide finalement d'aller au parc de Springfield.
Une fois sur place, je constate qu'il n'y a absolument personne, pas même un poivrot. Seule la lumière générée des lampadaires règne. Ça m'arrange. Je me cale sur un banc et sors une cigarette de mon sac. Tout en tirant de longues bouffées, je regarde la statue du fondateur de la ville qui prône au centre du parc. Une vraie tête de con. La fatigue commence à venir je jette mon mégot quelque part devant moi. J'installe mon sac sur le banc et je pose ma tête dessus. Malgré le froid, je m'endors assez vite.
Quelque chose me réveille, soudainement. Un contact sur ma peau, une main. J'ouvre les yeux et me relève paniqué. On essaye déjà de me voler mes affaires ? Je cherche l'individu du regard qui se tient devant moi et me fixe en souriant.
- Je t'ai fais peur ?
C'est un mec blond, assez bien sapé qui doit avoir environ mon âge.
- Qu'est ce que tu veux ?
- J 'aurai jamais pensé te revoir, Bart. Enfin je veux dire... comme ça.
Quoi ? Il connaît mon nom ? Comment ? La colère monte en moi pour essayer de dissimuler mon inquiétude.
- Mais t'es qui, merde ?!
Son sourire disparaît et il me fixe intensément.
- Tu ne me reconnais pas ?
Voyant mon regard toujours interrogateur il fouille dans sa poche droite et sort quelque chose. Je deviens livide en voyant la friandise bleue qu'il tient entre ses doigts. Je la reconnaîtrais entre milles : une vigne bleue.
- Donnie.
