Hello !

C'est Easyan.

Je publie exceptionnellement cette histoire ici pour souhaiter à ma petite sœur, un très joyeux anniversaire ! Je n'arrive pas à croire que ça fait déjà 23 ans que tu es arrivée dans ma vie…comme un boulet de canon ! (Merci Miley Cirus). On a eu des hauts et des bas, mais au final, comme par magie, on est toujours là l'une pour l'autre.

Je suis consciente que les choses n'ont pas été faciles pour toi ces dernières années. Je ne suis pas au top de ma forme et tu te retrouves à devoir jouer le rôle de soutien et de grande sœur à ma place. Merci de toujours prendre le temps pour moi et de m'accompagner, malgré les moments difficiles et la distance.

Je ne pouvais pas t'offrir grand-chose cette année, quoique je veuille… donc j'ai décidé de te faire don de tout ce qu'il me reste. Mon imagination, mes mots, mon temps. J'espère de tout cœur que cette histoire te transportera, te fera rire et rêver (je sais que tu es une perverse niveau 169, donc j'espère aussi qu'elle te fera baver !) J'espère que ces mots pourront te réconforter malgré notre séparation ! (Je sais combien tu détestes la solitude !)

Pour toi ma petite sœur :

Joyeux Anniversaire !

Signée ta Dada d'amour.

Pour les autres, désolée pour ce moment mielleux ! J'espère de tout cœur que cette nouvelle production vous plaira ! Je me suis laissé emporter…comme d'habitude ! Mes seules consignes étaient Eren et Levi, un soir d'été, pendant un orage…comment diable ai-je fini par pondre ça ?! (Je vais demander à mon psy)

Tout ce qu'i savoir c'est que l'histoire sera en 2 parties ! Soit 6 chapitres au total, publié en 2 temps. Ils seront de longueurs variables, selon leur importance et j'en ai bien peur, en fonction de certaines de mes impros selon les situations décrites…

Pour ce qui est du contenu, c'est un peu l'enfant bâtard (et atroce) entre « Twin Star Exorcist » de Yoshiaki Sukeno et « Blue Exorcist » de Kazue Kato… Sans oublier naturellement plusieurs éléments de SnK, histoire que le bordel ne soit pas déjà assez compliqué… Sur ce ?

Bonne lecture les chatons !


Dark Moon Lovers

Ière partie : Forgotten in the Dark

1) Levi Ackermann

« Si je le pouvais, j'effacerais tout.

J'oublierais toute cette merde. Je deviendrais quelqu'un d'autre.

Comme une ardoise neuve. Un type sans histoire.

Quelqu'un pour qui ce serait plus simple de disparaitre.

Je deviendrais un employé de bureau lambda, ou un agriculteur sans voisin à des kilomètres à la ronde.

J'effacerai toutes ces saletés de mon crâne…

Et là… Peut-être que là, je serais enfin libre.

Vraiment libre. »

Il contemplait la vue depuis le bord de la falaise.

Il y avait quelque chose dans sa poitrine. Quelque chose qui lui entravait le torse, comme une lance profondément vissée entre ses côtes. Sa respiration devenait difficile et la douleur de plus en plus insupportable.

Si cette souffrance n'avait été que physique, il aurait pu en faire abstraction. Comme à son habitude, sans même ciller. Mais c'était bien plus compliqué quand il ne pouvait mettre le doigt sur le problème. Se soigner, estimer les dégâts, attendre la guérison… Tout cela était vain.

A ses yeux, il était impossible de guérir d'une telle blessure.

Il n'était pas seul sur cette falaise.

Une présence silencieuse et respectueuse restait près de lui. Une présence qu'il ne parvenait pas à déchiffrer, mais qu'il souhaitait garder à ses côtés. Une existence complexe qu'il haïssait autant qu'il l'aimait. Sa voix cristalline perça la cohue des rafales frappant la roche abrupte de l'escarpée : « Tu voudrais tout recommencer… Si tu le pouvais, tu ferais n'importe quoi pour tout oublier ? » Il pouvait toujours faire semblant de ne pas entendre la question, ignorer cette réponse évidente. Mais en réalité, il avait pleinement conscience de l'impact qu'aurait sa réplique avant même de l'avoir prononcée : « Oui. N'importe quoi. » Il ne vit pas l'expression de son interlocuteur alors qu'il soufflait, comme une bougie dans le vent, sa dernière trace de vulnérabilité.

Ils savaient tous les deux que cette tragédie laisserait des cicatrices.

Le problème, c'est qu'ils n'en connaissaient pas encore l'ampleur.

*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*

Son cœur lui tambourina si fort dans la poitrine qu'il eut l'impression qu'il lui perçait le thorax.

Lorsqu'il ouvrit les yeux et reprit totalement conscience, la présence étrangère d'un objet dans sa gorge le mit en panique. Plusieurs bips et sonneries s'ajoutèrent à son rythme cardiaque erratique et il se retrouva très vite à vouloir s'arracher aux contraintes qui le maintenaient visiblement allongé. Il ne fallut que quelques secondes pour que deux infirmiers entrent dans la pièce et tentent de le calmer : « Tout va bien ! Vous êtes à l'hôpital ! On s'occupe de vous ! » Il prit un instant pour lancer de rapides coup d'œil aux alentours. Des murs d'un bleu pâle délavé, une large fenêtre qui occupait tout le pan droit de la pièce, des machines, des perfusions…Il prit une grande inspiration et tapota nerveusement l'énorme tuyau qui lui entravait la gorge. L'infirmier acquiesça gravement : « Oui, on vous l'enlève tout de suite. Calmez-vous, le docteur arrive et va tout vous expliquer… » Sa collègue avait déjà quitté la pièce. Sans doute pour partir à la recherche d'une autorité plus compétente.

Avec un peu de recul, il pouvait sentir la raideur de ses muscles, la douleur sous-jacente qui lui perçait l'estomac…

L'infirmier lui ôta le tube de la gorge et il dût faire de son mieux pour ne pas régurgiter. Le fait d'avoir le ventre vide l'aidait sans doute beaucoup. Il avait la trachée en flammes et l'impression d'être passé sous une voiture… L'infirmier entreprit de déchiffrer les données des machines affolées tout en essayant de lui faire la conversation, sans aucun doute pour détourner son attention : « Vous avez eu un accident dans le centre-ville, il y a deux semaines. Un homme s'est endormi au volant de son camion. Il transportait du matériel de construction Mais vous avez eu beaucoup de chance, le docteur Smith est parvenu à enlever la barre de métal qui vous a traversé le sternum sans qu'il y ait beaucoup de lésions… » Il releva la tête d'un coup, jetant un regard incrédule à l'infirmier. Une barre de métal ? Dans le sternum ?! Mais qui pouvait survivre à ça ?!

Mais avant qu'il puisse poser la moindre question, un homme entra dans la pièce.

Il était accompagné de l'infirmière qui les avait quittés un peu plus tôt, portait une longue blouse blanche et une paire de lunettes rectangulaires qui n'enlevait rien à l'intensité de son regard bleu céruléen. Sa mâchoire était bien définie, sa chevelure blonde impeccablement coiffée en arrière… Il y avait dans son maintien un « il-ne-savait-quoi » de trop rigide, trop calculé pour qu'il ne soit qu'un simple médecin… Mais peut-être que cette impression avait davantage à voir avec l'étrange sensation qu'il avait de connaître cet homme, sans pour autant en être bien sûr. « Un soldat… » lui chuchota une petite voix dans sa tête. Il fronça les sourcils et décida sur le coup qu'il valait mieux ne pas écouter les voix dans sa tête…ce n'était certainement pas un signe de bon rétablissement. L'homme approcha d'un pas lent et jeta quelques coups d'œil aux données retranscrites par l'infirmier avant de prendre la parole : « Bonjour, Levi. Comment te sens-tu ? » Sa voix était puissante et grave, bien plus que ne le laissait présager son apparence, en dépit de son impressionnante stature.

Quand il laissa planer un silence, l'homme releva les yeux vers lui et demanda à nouveau : « Levi ? » Il déglutit. Il jeta de rapides coups d'œil dans toute la pièce et répondit, incertain, d'une voix enrouée : « Qui c'est Levi ? C'est mon nom ? » Le regard impassible du médecin s'écarquilla pendant un instant puis, sans perdre une seconde, il ordonna : « Allez me chercher Mike et prévenez immédiatement sa famille… »

*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*

Amnésie.

Probablement dû au choc traumatique ou encore à l'énorme contusion qu'il avait sur le crâne, dur de savoir. En gros ? Il avait absolument tout oublié. Oh, pas comment manger, boire, écrire, compter… ou même la majorité des foutues matières scolaires qu'il avait pu apprendre ces dix-sept dernières années. Mais son identité ? L'endroit où il habitait ? Ses amis ? Sa famille ? Son propre numéro de téléphone ? Rien du tout. Le vide le plus complet… S'il n'était pas aussi pommé, il en aurait sans doute explosé de rire. Se serait-il fait projeter dans un de ces feuilletons débiles qu'on pouvait retrouver sur les chaînes de grande écoute à la TV un samedi après-midi ?!

Erwin se voulait rassurant : « Ne t'en fais pas, tu as déjà survécu à pire. Je suis sûr que tout finira par te revenir à un moment ou un autre. Essaie de ne pas trop stresser et fais les choses petit à petit… » Levi (puisqu'il s'agissait apparemment de son prénom) se contenta de gratter sans trop y penser le large bandage qui lui entravait la poitrine. Il survivait à un empalement, mais il avait réussi à oublier qui il était et même ce qu'il faisait dans cette satanée rue au moment de cette accident…Erwin continua son monologue : « Pour ce qui est de l'école, tu te rétablis extraordinairement bien compte tenu de ce qu'il t'est arrivé. Encore une ou deux semaines de rééducation et tu pourras sans doute te rendre en classe sans problèmes… » Comme si c'était le cadet de ses soucis. Levi roula des yeux.

Ce qui le préoccupait vraiment ?

C'était que depuis presque deux semaines, depuis qu'il s'était réveillé en pleine panique dans cette chambre d'hôpital, absolument personne n'était venu lui rendre visite. Fait d'autant plus étrange qu'il était certain d'être encore mineur. Il fallait bien que quelqu'un paie ses frais d'hospitalisation ou même se soit occupé de prendre des décisions à sa place lorsqu'il était encore inconscient… Et pourtant, pas un chat à son chevet. Personne n'avait débarqué, au bord de l'hystérie, à l'idée de devoir s'occuper d'un amnésique total… Quel genre d'adolescent pouvait bien être son ancienne personnalité pour mériter un tel dédain ? Quel genre de famille ne profitait pas d'une telle catastrophe pour venir réparer les pots cassés ? Quand bien même il n'avait pas été le plus parfait des fils, il avait plus que failli y passer….

Est-ce que ça ne méritait pas qu'on se préoccupe un peu de lui ?

Pour autant, Erwin ne semblait ni inquiet ni même étonné par la condition de son patient. C'était un peu comme s'il était habitué à ce genre d'attitude de la part des Ackermann. Oui, Ackermann, c'était le nom inscrit aux côtés de son prénom sur la carte d'étudiant qui s'était dissimulée dans le jean qu'on lui avait rendu avec ses autres effets personnels quelques jours plus tôt. Levi Ackermann, dix-sept ans, né le 25 Décembre, élève du lycée Sacrée Maria. En dernière année. Il avait déjà manqué presque un mois de cours… Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il ait eu au moins un ou deux amis pour lui fournir de quoi rattraper son retard…

Et voilà qu'il se mettait lui aussi à penser comme un bon premier de la classe…

Qu'ils aillent tous chier avec leurs cours de merde !

Qu'on lui explique au moins pourquoi il était là, seul, à se dépatouiller avec sa convalescence ! « Qu'est-ce que ça peut me foutre d'aller en cours ou pas ? Je n'ai visiblement personne à qui rendre des comptes, alors pourquoi je me casserais le cul à bachoter comme un con ? » Erwin marqua une pause et cessa de griffonner sur sa tablette. Son regard perçant se posa sur l'adolescent quelques minutes avant qu'il ne pousse un grand soupir. Comme si Levi n'était qu'un enfant en train de faire sa petite crise : « Ecoute, il est vrai que ta situation familiale est des plus… inorthodoxe. Mais je t'assure que tu n'aurais pas voulu que cet incident t'empêche de leur prouver que tu es parfaitement capable d'achever le lycée avec les honneurs. Tu travaillais beaucoup pour avoir de bons résultats, ce serait bête de tout gâcher maintenant…

- Oh oui, comme ce serait con…Le truc ? C'est que je ne me rappelle pas d'eux et que j'ai comme l'impression que je ne leur dois rien… Et puis, tu ne m'as jamais répondu Monosourcil, t'es qui toi ? Comment ça se fait qu'on se soit connu aussi bien ? » Erwin esquissa un bref sourire : « On dirait que les habitudes ont la vie dure… Au moins on peut être sûr que tu n'as rien oublié de ton insolence. Ça fait chaud au cœur. » Il redressa ses lunettes d'un simple geste du doigt et expliqua : « Tu as… une condition médicale qui mérite notre attention depuis un bon moment. Tu viens ici, chaque semaine pour qu'on te prélève une pochette de sang…

- Je suis malade ?! Pourquoi est-ce que tu n'as pas pensé à me dire ça, genre, dès le début ?! Je crois que j'ai le droit de savoir ce genre de truc, non ?!

- Hm… Eh bien, non. Tu n'es pas malade. Disons que c'est surtout préventif. Histoire de faire des tests. J'allais t'en parler avant que tu ne sois libéré de l'hôpital. Pour l'instant, il n'y a aucune raison de s'en inquiéter…

- Cool ! Au moins ça de moins, au milieu de tout ce bordel ! » Levi avait levé les bras au ciel, excédé. Plus il en apprenait sur sa vie et moins il était sûr de vouloir en savoir plus sur son ancienne existence. Erwin souriait complètement maintenant. Ça aurait pu être rassurant s'il n'avait pas le visage aussi expressif que celui d'une poupée de cire. Des traits aussi parfaits, ce n'était clairement pas censés être aussi étirés… « Je me doute bien que tout doit te sembler compliquer en ce moment. Mais je t'assure que tu finiras par prendre tes marques. Tu es extrêmement résilient et je ne me fais pas de soucis…

- Ça en fait au moins un sur deux…

- Quoi qu'il en soit, encore quelques examens puis tu seras déchargé et pourras reprendre doucement le cours de ta vie… Nous travaillerons sur ton amnésie et tes examens hebdomadaires en temps voulu. En attendant, repose-toi et surtout ne t'en fais pas pour l'absence de… ta famille. Ils sont extrêmement occupés et ton oncle est assez... particulier. » Levi se contenta de soupirer en guise toute réponse.

Apprendre que sa mère était morte lorsqu'il n'était qu'un enfant, qu'on avait jamais su qui était son père, qu'il avait vécu avec son oncle honteusement riche jusqu'à ce qu'il entre au lycée et choisisse de vivre dans son propre appartement ? Ça avait été la cerise sur le gâteau. Un riche ? Un gosse de riche ? Il avait le plus grand mal à s'imaginer dans ce contexte.

*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*

Levi revenait de son dernier examen lorsqu'il la rencontra pour la première fois depuis son accident.

Planté à l'entrée de sa chambre, il fut saisi par un flash violent qui avait brutalement altérer toutes ses perceptions. Pendant l'espace d'un instant, il avait vu sa silhouette de dos, vêtue d'un long manteau noir où un énorme symbole flottait au vent. Une sorte d'écusson représentant deux ailes entrelacées, l'une grise et l'autre d'un blanc immaculé. L'image l'avait frappée en plein plexus. Ce fut comme si tout l'air de la pièce avait été aspiré, comme si le temps s'était figé. Tout s'était teinté d'un pourpre irréel, les couleurs s'évaporant au profit d'un monde damné peint en rouge et noir. Elle portait une longue et large épée à la main, dont un flot de sang épais coulait en continu sur la lame menaçante…

Le cœur de Levi partit au triple galop.

Puis comme au ralenti, elle se tourna vers lui et... tout disparu.

Lorsqu'il reprit ses esprits, il remarqua que l'inconnue en avait profité pour venir se planter droit devant lui.

Elle se tenait là, en uniforme, une énorme peluche sous le bras, un bouquet de fleurs ridiculement imposant dans l'autre main et une boite de chocolats coincé sous son aisselle… Son regard s'écarquilla et, en un souffle, elle fut sur lui en train de l'étrangler dans un câlin étouffant : « Levi ! Oh Levi ! J'ai eu si peur ! » Figé sur place, il papillonna. Il ne savait ni quoi lui dire, ni quoi faire. Qui était cette hystérique ?! Elle était coiffée d'une queue de cheval qui partait totalement en bataille. Ses lunettes épaisses couvraient de larges yeux marron pétillant d'énergie. En à peine quelques secondes, Levi sut avec certitude qu'elle n'était clairement pas quelqu'un de facile à vivre. Il se dégageait d'elle une telle exubérance qu'il peinait à savoir par où commencer pour l'appréhender.

Grâce au ciel, un raclement de gorge vint lui épargner la peine de devoir s'en sortir tout seul : « Laisse-le un peu respirer… Levi semble encore déboussolé » Levi tourna légèrement la tête et aperçut le garçon, visiblement anxieux, qui lui adressait un sourire incertain depuis l'embrasure de la porte. Il eut, là encore, la grande déception de ne pas avoir la moindre foutue idée de qu'il pouvait être…

Il ne fallut que quelques minutes pour qu'ils s'installent tous les trois et que les présentations ne soient faites.

La brunette s'exclama : « J'avais presque oublié que t'étais amnésique ! C'est complètement dingue ! Toi, amnésique ?! C'est juste énorme ! J'aurais tellement de questions à te poser ! Mais avant je suppose que je dois me présenter ! Je suis Hanji ! Hanji Zoé ! Toi et moi, on est inséparables ! De vraies âmes sœurs ! Tu ne peux savoir à quel point je suis choquée que tu aies pu m'oublier… » Elle avait l'air profondément outrée. Pour sa part, Levi tentait d'emmagasiner tout ce qu'elle avait pu débiner en à peine deux secondes. Il jeta un regard presque suppliant en direction du garçon, châtain à l'air affable, qui accompagnait Hanji la tornade. Celui-ci lui répondit d'un haussement d'épaules et d'un sourire : « Moi, c'est Moblit…et je suis désolé pour Hanji. Elle est toujours comme ça… J'aurais aimé pouvoir dire qu'elle était particulièrement excitée aujourd'hui mais… » Il soupira. Levi plissa le nez…parce que ça, c'était Hanji quand elle était calme ?!

Elle avait à peine pris la peine de reprendre sa respiration pendant sa tirade !

Est-ce que Levi était vraiment l'âme sœur d'une fille pareille ?! Plus le temps passait et plus son ancienne personnalité lui semblait être un parfait mystère… Le genre de puzzle qu'il n'avait aucune envie de déchiffrer, en toute honnêteté, s'il sortait avec Hanji Zoé… Il hasarda : « Est-ce qu'on sort ensemble ? » Alors qu'elle avait entreprit d'ouvrir et d'enfourner une bonne partie des chocolats qu'elle avait pourtant ramené pour lui, Hanji éclata de rire. Levi eut une vision un peu trop détaillée du contenu de sa bouche avant qu'elle ne se mette à s'étouffer parce qu'elle avait, sans doute, avalé de travers. Il eut un mouvement de recul. Le blond pour sa part, Moblit, si Levi se souvenait bien du nom qu'il avait annoncé juste avant qu'Hanji ne parte en vrille, se contenta de lui tapoter le dos : « Attention Hanji, tu risques de t'étouffer… » Lorsqu'enfin elle acheva sa crise de rire, l'adolescente agita la main et répondit : « Non ! Toi et moi, c'est totalement platonique ! » Ce qui n'empêchait Levi de se demander quel genre d'individu il avait pu être pour avoir une amie comme Hanji… Probablement pas quelqu'un de bien sain d'esprit…

Mais pouvait-on vraiment lui en vouloir avec son contexte familial ?

Il fronça les sourcils : « Est-ce que je peux savoir pourquoi tu bouffes tous les chocolats que tu m'as ramené, espèce de truie ? » Hanji haussa un sourcil et en enfourna au moins deux autres dans sa bouche avant de répliquer : « Tu détestes ça…sauf avec un bon café.

- Alors pourquoi tu en as rapporté ?!

- Pour en manger ! » Elle avait l'air de trouver tout à fait illogique que Levi ose lui poser cette question. Cette fille était clairement en manque de suivi psychologique… Mais elle était bien la première à se présenter et semblant bien vouloir lui parler de son ancienne vie. Il ne pouvait donc pas laisser passer cette opportunité. « Je n'arrive pas à croire que je doive me fier à une fille qui a l'air tout droit échappée du plus proche asile mais j'ai besoin que tu répondes à quelques questions… » Hanji pouffa de rire et frappa du coude Moblit : « Un asile ! T'entends ça ? Il a toujours son sens de l'humour, hein ?! » Moblit lui jeta un coup d'œil de côté et marmonna : « Je ne crois pas qu'il tente de plaisanter, Hanji… » Mais il se fit royalement ignorer : « Vas-y mon petit cornichon ronchon, j'écoute tes questions ! » Levi fronça les sourcils… Non, il n'allait pas tomber dans le panneau et se disputer à propos d'un surnom ridicule.

Il avait bien plus urgent à demander.

« Quel genre de personnes sont les Ackermann au juste ? Comment ça se fait que personne n'ait daigné venir me rendre visite ou même s'inquiéter du fait que j'ai perdu la mémoire ? J'ai cru comprendre que je n'étais pas le portrait du neveu parfait, mais quand même, j'ai failli y passer ! Pourquoi personne n'essaie au moins de titiller mes souvenirs ?! » Hanji marqua une courte pause, puis elle se mit à entortiller l'une de ses mèches de cheveux autour de son index : « Hum… En voilà une bonne question. Quel genre de personnes sont les Ackermann ? Difficile de te faire une réponse courte. Disons qu'il s'agit d'une très très ancienne dynastie nipponne. Vous êtes riches de chez riches… Vous avez plusieurs sous-branches familiales. Ton oncle Kenny est à la tête de tout ce barda et toi, mon petit Vivi, t'es le Prince incontesté et l'héritier du domaine… » Levi déglutit : « Putain…

- Ça tu l'as dit… » Elle lui servit un sourire éclatant et étrangement satisfait. Levi agita la tête : « Attends, ce que tu dis a encore moins de sens ! Si je suis aussi important pour eux, pourquoi est-ce que tout le monde s'en fout de ce que je deviens ?!

- Hein ? Oh ! Non ! Personne ne se fout de ce que tu deviens petit cornichon ! Disons juste que ton oncle Kenny a autant de capacité émotionnelle qu'un requin du grand blanc. Et que vous vous entendez comme l'huile et l'eau. Tu lui tiens tête…tout le temps…sur tous les sujets. C'est un peu comme si vous dirigiez à deux… Vous n'avez pas les mêmes idéaux et essayez de vous tirer dans les pattes le plus possible…

- Est-ce que quelqu'un à la moindre conscience du fait que je n'ai que dix-sept ans ?! Ne parlons même pas de normalité…est-ce que c'est légal de laisser autant de liberté à un gosse ? » Hanji explosa à nouveau de rire : « Toi ! Un gosse ! » Elle s'en tenait le bide. Levi fut saisit d'une irrésistible envie de lui asséner une tape bien sentie à l'arrière du crâne. Dans le doute, il s'abstint de bouger et serra les poings. Moblit tenta d'apaiser la situation : « Excuse-la… C'est juste que… tu ne t'es jamais vraiment comporté comme un ado normal avant. Tu étais toujours le responsable, celui qui n'avait le temps pour rien. A part ton rôle d'héritier bien entendu. Tu n'as jamais compté sur personne. J'imagine que c'est exactement comme ça que ton oncle voulait que tu agisses avant que ton indépendance ne vienne lui mordre les doigts… Quoiqu'il en soit, tu es…enfin je veux dire, tu étais très mature pour notre âge…

- Super… » Hanji venait visiblement de terminer son fou rire. Elle s'essuyait les yeux avec emphase : « Si tu as besoin de détails sur les Ackermann, je serais ravie de t'aider ! Je sais tout ce qu'i savoir sur ta mère, ton manque de père, le b.a-ba de votre histoire familiale ! Je suis prête à tout t'expliquer ! » Levi ne lui faisait que moyennement confiance, mais il se retint de le lui dire. Moblit ajouta : « Nous avons rassemblé tous les cours et les polycopiés dont tu aurais besoin pour rattraper ton retard en cours. Ne t'en fais pas sur ce plan-là, on assure ! » Il avait ensuite levé le pouce, une posture qui lui paraissait bien étrange venant de sa part. Levi supposa qu'il devait bien mieux connaitre ces deux énergumènes auparavant qu'il n'était prêt à l'admettre.

Hanji se redressa et prit un air sérieux lorsqu'elle ajouta : « Par contre, ne compte sur aucun membre de ta famille. La plupart d'entre eux te mentiront et essayeront de te manipuler. Ne compte pas non plus sur eux pour être très présents dans ta vie. Maintenant que tu as perdu la mémoire, tu es le cadet de leurs soucis. Je suis prête à parier qu'ils ont déjà en tête une pelleté de candidats pour reprendre ton poste… » Elle avait l'air de trouver cette idée inacceptable mais ne prit pas la peine de s'étendre sur le sujet. Moblit haussa les épaules : « Oh… Tu sais, tu ne perds pas grand-chose. J'ai toujours eu le sentiment que tu n'étais pas ravi de jouer le petit prince héritier exempt de tout reproches. Ils ne peuvent pas toucher à ton héritage ou à tes comptes en banque. Tu continues d'être l'un des lycéens les plus riches du pays quoiqu'il advienne… Tu pourras faire les études que tu veux… » Levi sentit un poids lui tomber sur l'estomac.

Il n'en était pas bien sûr avant mais là, il n'y avait plus de doute…

« J'ai comme l'impression que vous essayez, discrètement, de me dissuader d'interagir avec ma famille… » Moblit lui servit un faible sourire : « Si on était si discret, tu n'aurais pas aussi vite compris… » Hanji parut tout à coup aussi fière qu'un paon : « Mon Vivi a toujours été vif d'esprit… » Levi plissa les yeux : « Qu'est-ce qui me fait croire que vous n'êtes pas ceux qui tentez de me manipuler ?

- Peut-être parce qu'on n'a absolument rien à y gagner ? » Hanji posa les deux pieds sur les rebords de son lit. Cette fois-ci, Levi ne se retint pas de lui frapper les chevilles. Elle se redressa en faisant la moue : « T'es toujours aussi maniaque ?

- Pas besoin d'être maniaque pour ne pas vouloir que tu mettes tes semelles pleines de merde sur mon lit, binoclarde… » Elle lui sourit : « Je ne veux pas de ton argent, Levi. Les Zoé sont plutôt friqués eux aussi, vieille dynastie et tout le blabla ! » Elle avait agité la main avec désintérêt. Il n'en fallut pas plus à Levi pour comprendre qu'elle appréciait et se préoccupait autant de sa position de fille de bonne famille que lui de son héritage… Levi soupira et se frotta le crâne.

Il commençait à avoir une migraine infernale.

Il venait à peine d'arrêter d'avoir mal lorsqu'il respirait. Et cette perte de mémoire ? C'était une sorte de blocage qui, visiblement, le protégeait d'une vie des plus compliquées. Au final, Levi n'avait plus la moindre idée de qu'il souhaitait vraiment. Voulait-il se souvenir ou tout changer ? Faire peau neuve ? Pour l'instant, il était plus simple de suivre les conseils d'Erwin et prendre les choses comme elles venaient. Son ancienne personnalité avait l'air de mettre un point d'honneur à cracher au visage de son oncle en prouvant qu'il était capable de gérer sur tous les fronts. Levi ignorait peut-être tout du rôle qu'il jouait dans leur famille et son business, mais il pouvait continuer à afficher des résultats irréprochables en cours.

Le reste… Il aurait bien le temps de s'en préoccuper plus tard.

Sans s'en rendre compte, Levi avait placé une main sur son torse et l'autre sur sa tempe. Lorsqu'il redressa la tête, les regards de Moblit et Hanji étaient bien plus sérieux. Inquiets, voire compatissants. La brunette plaça une main sur son genou et serra doucement : « On est super content que tu t'en sois sorti Levi. Je suis désolée de ne pas avoir pu venir plus tôt, mais le médecin n'était pas encore sûr de l'effet que ça pourrait avoir sur toi de rencontrer d'anciens camarades, comme ça, du jour au lendemain… A part ta famille, personne n'était autorisé à rendre visite… » Levi secoua doucement la tête : « C'est rien… Je suppose que je dois encore me faire à pas mal de choses… » Hanji lui frotta le genou : « Tu peux compter sur nous ! On viendra te chercher le jour de ta sortie et on te montrera ton appart ! Tout finira par s'arranger, tu verras. » Levi n'était pas bien sûr ce qu'il y avait ou non à réparer.

Moblit finit par attirer Hanji hors de la chambre, après avoir expliqué que Levi devait être épuisé.

Ils le laissèrent seul, à ruminer ses angoisses et ses interrogations. Même s'il avait une myriade de questions à poser, il ignorait par laquelle commencer et s'il voulait réellement en entendre la réponse…

De quel genre de vie venait-il d'écoper ?

*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*o*

Levi eut une réponse partielle à cette question le jour de sa sortie d'hôpital.

Ce fut la première fois qu'il revit l'oncle Kenny en chair et en os. Depuis, Hanji était venue chaque jour pour piailler sans arrêt, lui racontant jusqu'à ce que son crâne explose tous les potins, tous les ragots et toutes les anecdotes qu'il y avait à savoir sur sa famille. Même si, de façon assez incroyable, elle était parvenue à rester plutôt vague sur leurs activités. Tout ce que Levi avait pu glaner, c'était qu'ils étaient dans une sorte de milice ou qu'ils travaillaient pour le gouvernement. Levi n'avait pas réussi à en comprendre davantage. Mais l'homme qui se tenait actuellement face à lui, en pleine discussion avec Erwin, dépeignait très exactement l'image qu'il se faisait d'un vieux militaire aigri et assoiffé de pouvoir.

Posture rigide, regard froid et dédaigneux, du même bleu acier que les siens. Ils se ressemblaient bien plus que Levi n'était prêt à l'admettre. Erwin acheva leur discussion et, sans cérémonie, l'homme fit quelques pas vers son neveu. Son regard glacial le survola des pieds à la tête puis il annonça : « T'as vraiment la peau dure, morveux. » Levi sentit que cette voix, moqueuse et sournoise, lui était détestablement familière. Mais pas un seul souvenir ne lui vint à l'esprit pour autant. Il fronça les sourcils : « Je n'avais pas vraiment l'impression que tu en avais un truc à foutre, mais merci quand même du compliment… » Un silence suivit sa réponse.

Puis un sourire narquois fendit les lèvres de son oncle : « Tu ne te souviens vraiment de rien, hein… Quel gâchis. » Etrangement, ou peut-être pas tant que ça, Kenny n'avait pas l'air de vraiment trouver sa perte de mémoire aussi triste que ça. Il joua distraitement avec les rebords du chapeau de cowboy qu'il portait sur la tête. Levi scruta le costard noir trois pièces que son oncle portait. Il se fit violence pour ne pas penser à la mafia… Kenny soupira : « Ecoute : tu t'en es sorti, sans toute ta tête certes, mais au moins tu respires. Profites-en donc pour découvrir ton toi intérieur et toutes ces conneries… Qui sait ? Tu te découvriras peut-être une nouvelle passion ? Un métier idéal ? A mon humble avis, tu n'étais pas vraiment fait pour intégrer notre entreprise familiale de toutes les façons… Tu avais beaucoup trop de principes pour un mioche… » Levi haussa un sourcil : « Peut-être qu'au contraire c'était toi qui n'en avais pas assez, vieux grippe-sou. » Kenny émit un nouveau rictus : « On va dire ça comme ça…

- Je pensais être l'héritier des Ackermann, mais on dirait que mon absence ne te fait ni chaud ni froid… » Kenny haussa les épaules avec nonchalance : « Oh, tu sais, dans une famille comme la nôtre, un accident est si vite arrivé. On ne laisse rien au hasard. J'avais déjà deux candidats sur le pied de guerre pour reprendre ta position avant même qu'on ne m'annonce que t'avais pas clamsé… » Pour une famille de dignitaires, Levi trouvait que son oncle et lui avaient un certain franc-parler qui dénotait largement avec les attentes qu'on pourrait avoir d'un poste prestigieux…

Le rejet visible dont il était victime lui mettait les nerfs en pelote.

Levi serra les poings : « Ne crie pas victoire trop vite, le vieux. Je suis amnésique, pas con. Mes souvenirs peuvent encore revenir tu sais… » Kenny pouffa d'un rire sans joie : « On verra bien à ce moment-là, morveux. » Son regard se fit beaucoup plus dur : « En attendant, essaie de ne pas faire trop honte à ton nom de famille. Je te laisse le champ libre, mais ça ne veut pas dire que je ne risque pas de prendre les mesures nécessaires si tu t'avises de venir cracher dans la soupe qui te nourrit. » Il tourna ensuite les talons sans lui jeter un regard. Un frisson traversa Levi de part en part. Il savait encore reconnaitre une menace quand il en entendait une. On venait très gentiment de lui demander de se tenir à carreaux et de disparaitre en silence dans un caniveau…

Cette rencontre avait été des plus désagréables et lui laissait comme un arrière-goût dans la bouche…

Pourtant, ce n'était rien comparé à celle qui allait suivre.

Alors qu'il attendait calmement Hanji et Moblit dans le hall de l'hôpital, un drôle de couple fit son entrée. Un blondinet à la coupe au bol et une grande brune à la peau pâle. Levi ne savait même pas pourquoi il leur avait accordé autant d'attention. Surtout qu'à première vue, il n'y avait rien d'anormal à leur présence. Même s'ils avaient l'air agité. Leurs regards balayaient la salle avec frénésie. Si ce n'avait été l'étrange impression qui avait tiraillé Levi dès qu'il les avait aperçus, rien n'aurait pu les différenciaient d'autres visiteurs lambdas, un peu paumés.

Lorsque le regard bleu azur du blondinet croisa le sien, il se figea. Levi eut un mauvais pressentiment. Ce tiraillement ? C'était une sensation qu'il commençait à reconnaitre. Cette sorte de discorde entre le familier et l'inconnu. Comme la présence d'un vide malaisant… Levi pensa pendant une fraction de seconde à ramasser son sac et prendre la poudre d'escampette. Mais trop tard, le blondinet l'indiquait d'un geste mou de la main.

Le regard noir de la brune se posa sur lui et, d'un seul coup, une vague presque palpable de courroux sembla irradier de tout son corps. Ses muscles se tendirent, ses poings et sa mâchoire se crispèrent. Elle avança vers lui d'un pas décidé. Levi était aussi intrigué qu'inquiet. Lorsqu'elle arriva à sa hauteur, elle le saisit par le col et le décolla presque du sol. Levi eut à peine la présence d'esprit de résister : « Est-ce que t'as vraiment oublié ? » La question était pleine de véhémence. Levi reprit ses esprits et la repoussa d'un coup à l'épaule du plat de la paume. Elle tituba. Il repassa son t-shirt de la main : « Est-ce que je peux au moins savoir qui t'es, sale tarée ?! » Figée, elle prit un instant pour détailler ses expressions avant de reculer d'un autre pas. Elle avait l'air de bouillir sur place lorsqu'elle répliqua : « Tu te fous de moi ?! Comment t'as pu lui faire ça ?! Comment t'as pu ?! Tu ne le méritais pas, tu… » Le blondinet lui avait agrippé le bras : « Mikasa ! » Il y eut un moment de silence où ils échangèrent une conversation de regards.

Puis le blondinet fit face à Levi, l'air contrit : « Excuse-la… Hum, je suppose qu'on devrait se présenter. Je suis Armin Arlert, son ami d'enfance. Et elle, Mikasa Ackermann… Ta cousine… » Oh. Donc ce charmant air de famille, l'air de psychopathe et ses excès de violence, devaient sans doute expliquer sa première impression de familiarité. Mikasa avait l'air de contenir à grande peine les réflexions et insultes qui lui venaient à l'esprit. Levi essaya de ne pas s'en inquiéter. Après tout, quoi qu'eut fait son ancienne personnalité, il estimait ne pas pouvoir être tenu responsable. Il ne savait même pas encore quoi penser de l'accident qui l'avait envoyé à l'hôpital. Armin le salua avec respect : « Je suis vraiment désolé pour sa conduite. Et je suis aussi désolé pour… ta mémoire… » Levi se contenta d'acquiescer. Le blondinet le gratifia d'un dernier sourire : « Rétablis-toi bien ! » Il s'éloigna ensuite en trainant la furie qui lui servait d'amie hors de l'établissement.

Et bien entendu, ce ne fut que deux minutes après leur disparition qu'Hanji et Moblit pointèrent le bout de leur nez.

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Apparemment, Levi habitait légèrement en retrait du centre-ville.

L'immeuble était splendide, sécurisé (il y avait même un portier). L'appartement ? Un magnifique loft trois pièces au dernier étage, salon immense avec baie vitrée et terrasse, cuisine séparée. L'écran plat gigantesque qui trônait au mur de l'espace de vie était tout simplement époustouflant. Levi retint sa respiration. Pas besoin d'être un génie pour comprendre que son alter ego était très très loin de l'adolescent normal. Il fit le tour de la propriété, une boule à l'estomac, en touchant du bout du doigt quelques objets et en examinant rapidement les deux cadres photos qui trônaient sur le rebord d'une des étagères murales…Il était incapable de se débarrasser de cette inconfortable sensation de vide. C'était comme si l'absence était un être à part entière. Plus que ses souvenirs disparus, c'était ce vide qui d'instant en instant ne cessait de s'agrandir depuis qu'il s'était éveillé dans cette chambre d'hôpital. Un vide qui n'avait ni nom, ni visage, mais qui manquait indéniablement.

Levi se stoppa derrière le canapé. Pendant quelques instants, il eut l'impression d'apercevoir un petit tas de coussins et une montagne de couvertures au sol. Une silhouette y était emmitouflée…Puis l'image se brouilla, comme s'il était victime d'une mauvaise connexion, sur un vieux poste télé. Elle disparut complètement dans un grésillement assourdissant, ne laissant place qu'à cet espace impeccablement rangé et dénué de vie. Il plissa les yeux, comme pour forcer la silhouette à réapparaitre, comme s'il lui suffisait d'un effort pour se raccrocher à ce souvenir…

Un fulgurant mal de crâne interrompit ses pensées.

La voix d'Hanji lui parvint alors qu'elle posait une main compatissante sur son épaule : « Est-ce que ça va ? » Confus, Levi lui fit face et chercha les mots qui lui manquaient. La brunette lui serra l'épaule et poursuivit : « Ne t'inquiète pas. Prends ton temps. Erwin a prévenu du fait que tu aurais sans doute quelques absences…Tu ferais mieux de bien te reposer. On verra demain comment ou pourrait rendre l'endroit un peu plus familier ou hospitalier. Tiens, je te pose ici un portable de rechange avec mon numéro et celui de Moblit. N'hésite pas à nous filer un coup de fil… » Moblit prit la parole à son tour, posant un lourd sac à dos sur la table du salon : « Je te pose ici quelques cours pour que tu commences à rattraper ton retard. On t'a déjà fait des fiches de relecture et tu as le corrigé des exercices aussi. » Il les tapota maladroitement, comme s'il cherchait quoi ajouter.

Levi roula des yeux : « Ne vous fatiguez pas. Je suis amnésique, pas débile. Je sais bien qu'on n'a pas grand-chose à se raconter. Je ne dois même pas être le même type avec lequel vous étiez amis, alors… » Hanji fit un bruit étrange, qui ressemblait très fortement au mélange troublant entre un roucoulement et un miaulement : « Oh ! Mon petit cornichon ! C'est vrai que t'es…un peu plus bavard et direct que ton ancien toi, mais je t'assure que dans le fond, t'es le même insolent grincheux et bourré de talents qu'on a tous appris à aimer ! Rassure-toi, tu prendras le pli ! Et puis, je parle bien assez pour deux…

- Ou trois… » Moblit avait à peine marmonné sa réponse, mais elle suffit à arracher un léger sourire à Levi. Hanji fit la moue : « Quoiqu'il en soit, profite du week-end, pour te reposer et dès lundi, on t'aidera à sauter dans le grand bain ! » Son enthousiasme empirait sérieusement sa migraine… Moblit sembla capter l'humeur noircissante de Levi et attrapa sans cérémonie le bras d'Hanji : « Bon. Sur-ce, on va te laisser tranquille. Tu as sans doute hâte de te retrouver un peu tout seul, sans infirmiers ou médecins, ou…nous ! Au revoir Levi !» En quelques seconde le blond était parvenu à les approcher de la porte et avait même déjà un pied dehors. Mais avant que Moblit ne la pousse totalement à l'extérieur, Hanji hurla une dernière fois : « Appelle-moi ! »

La porte claqua et le silence se fit assourdissant.

Levi agita la tête. Il entreprit de se doucher et changer son bandage, prit un certain temps à admirer la cicatrice qui lui ornait le torse puis enfila un survêtement. Il déballa ensuite ce que Moblit lui avait laissé. Il commença à relire ses fiches et termina un ou deux exercices. Il constata très vite qu'Erwin ne s'était pas trompé en disant que sa mémoire en terme d'apprentissage n'avait été en rien affectée. Les énoncés faisaient sens, son cours lui ravivait les neurones. Il ne put s'empêcher d'être irrité.

Sa vie était un vrai labyrinthe. Ses relations familiales étaient pour le moins explosives, son oncle était presque un cliché de super-vilain dans une série populaire, sa cousine avait essayé de lui refaire le portrait… Ses relations amicales ? Il attendait encore de savoir si son statut et ses privilèges ne lui avaient attiré qu'une bande de rapaces ascendants vipères, ou s'il pouvait faire confiance à Hanji et son exubérance, ainsi qu'à Moblit et son calme à toute épreuve…

Difficile d'envisager l'avenir sans passé…

Epuisé, Levi quitta ses bouquins en les laissant tels quels et marcha d'un pas lourd vers sa chambre à coucher. Quant à savoir si oui ou non son amnésie était un don ou une malédiction, le débat était toujours d'actualité…

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Les cendres s'éparpillèrent au vent comme une vulgaire poignée de sable.

Il était difficile de s'imaginer qu'à la fin, c'était tout ce qu'ils restaient d'eux. Quelques kilos de poussières que Levi balançait sans émotion aux grès des vents et des marées… Isabelle aurait adoré ça, Farlan aurait ricané en le traitant de 'romantique'. Levi aimait penser qu'ils auraient apprécié le geste. Qu'ils auraient compris qu'il les imaginait mieux libres, éparpillés aux quatre coins de la Terre, plutôt qu'emprisonnés en sous-sol à suffoquer avec les vers.

Il releva les yeux vers le ciel, gris et froid.

« Si je le pouvais, j'effacerais tout.

J'oublierais toute cette merde. Je deviendrais quelqu'un d'autre.

Comme une ardoise neuve. Un type sans histoire.

Quelqu'un pour qui ce serait plus simple de disparaitre.

Je deviendrais un employé de bureau lambda, ou un agriculteur sans voisin à des kilomètres à la ronde.

J'effacerai toutes ces saletés de mon crâne…

Et là… Peut-être que là, je serais enfin libre.

Vraiment libre. »

Il contemplait la vue depuis le bord de la falaise.

Il y avait quelque chose dans sa poitrine. Quelque chose qui lui entravait le torse, comme une lance profondément vissée entre ses côtes. Sa respiration devenait difficile et la douleur de plus en plus insupportable.

Si cette souffrance n'avait été que physique, il aurait pu en faire abstraction. Comme à son habitude, sans même ciller. Mais c'était bien plus compliqué quand il ne pouvait mettre le doigt sur le problème. Se soigner, estimer les dégâts, attendre la guérison… Tout cela était vain.

A ses yeux, il était impossible de guérir d'une telle blessure.

Il n'était pas seul sur cette falaise.

Une présence silencieuse et respectueuse restait près de lui. Une présence qu'il ne parvenait pas à déchiffrer, mais qu'il souhaitait garder à ses côtés. Une existence complexe qu'il haïssait autant qu'il l'aimait. Sa voix cristalline perça la cohue des rafales frappant la roche abrupte de l'escarpée : « Tu voudrais tout recommencer… Si tu le pouvais, tu ferais n'importe quoi pour tout oublier ? » Il pouvait toujours faire semblant de ne pas entendre la question, ignorer cette réponse évidente. Mais en réalité, il avait pleinement conscience de l'impact qu'aurait sa réplique avant même de l'avoir prononcée : « Oui. N'importe quoi. » Il ne vit pas l'expression de son interlocuteur alors qu'il soufflait, comme une bougie dans le vent, sa dernière trace de vulnérabilité.

Ils savaient tous les deux que cette tragédie laisserait des cicatrices.

Le problème, c'est qu'ils n'en connaissaient pas encore l'ampleur.

Ses paroles avaient eu cette intonation définitive et cruelle qu'ont les mots qu'on prononce quand on souffre.

Mais à peine prononcé, il avait cessé de les penser.

Et là, alors qu'il sentait cette présence lui être arrachée, alors qu'un poids immense lui écrasait la poitrine, et le transperçait de part en part, il aurait voulu qu'on lui concède une dernière chance. Une dernière poussée d'énergie pour rattraper cette silhouette fuyante, et lui dire : « Je ne le pensais pas. Je ne ferais jamais rien qui me ferait t'oublier…même si pour ça je dois passer le reste de mes jours en Enfer… »

Levi s'éveilla en sursaut.

Il était couvert de sueur et une grimace de pur dégoût lui déforma les traits. Ce cauchemar, récurrent, n'avait rien de violent. C'était…un moment. Un instant qui l'avait agrippé par-delà son trauma et qu'il revivait en boucle. Comme un appel à l'aide, un ultime indice pour lui révéler la véritable identité du Vide. Cette ombre manquante qui, plus encore que le reste de ses souvenirs, creusait un trou dans son cœur. Elle lui donnait une impression de fausseté, de vivre un rêve éveillé. C'était comme attendre qu'une fausse note vienne tout faire s'effondrer, vivre dans un mensonge.

Chacune des personnes qu'il avait rencontrées jusque-là lui avait donné l'impression de contempler des demi-faces. Comme un masque qu'ils se seraient tous appliqués soigneusement sur le visage pour lui faire vivre une mascarade tordue…A part peut-être Mikasa, cette cousine hystérique, qui s'était contenté de l'agresser, avec ferveur et fureur, sans même prendre la peine de prendre en compte sa nouvelle situation. Le simple fait qu'elle eut tenté de discuter avec son ancienne personnalité montrait qu'elle n'avait pris aucune pincette…

En attendant, tout le reste, cet appartement, Hanji, Moblit, Armin, Erwin…tout lui paraissait d'une fausseté étouffante.

Il quitta son lit, prit une nouvelle douche, se changea puis changea ses draps. Et durant tout ce temps, les battements de son cœur lui semblaient toujours aussi bruyants et ses muscles douloureusement aussi tendus. Perdu, sans souvenir, avec pour seul liane à laquelle se raccrocher l'identité de Levi Ackermann, il attendait la fausse note qui lui révèlerait enfin le fragment de son passé qui lui manquait, et lui permettre enfin de croire en l'avenir.

A suivre…


Oh god.

J'espère de tout cœur que vous adhérez à ce début… J'ai eu l'impression super désagréable de rusher pendant toute cette partie. En plus, j'avais la tête ailleurs pendant toute la fin…

Est-ce que l'émotion est là ? Est-ce que vous êtes intrigués ? Est-ce que c'est compréhensible ? Les personnages ont à peine eu le temps d'apparaitre… J'ai vraiment l'impression d'avoir survolé le sujet… Grrrrr….

BON !

Je vais vous laisser être les seuls juges de ce… truc !

Et surtout, plus important, j'espère que ma sœur appréciera le moment et que l'histoire la transportera. Encore une fois, je tenais à m'excuser de ne pas pouvoir te donner plus, à toi qui me donne tant, si souvent… Promis, dès que je vais mieux, je prendrais soin de toi !

Je vous nem tous fort,

Plein de love !

Maman chat.