Disclaimers : Supernatural, son univers et ses personnages ne m'appartiennent pas et je ne tire aucun profit de cette modeste fanfiction.

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Episode 1

Thé

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Il est déjà onze heures lorsque Dean se glisse hors de sa chambre à coucher. Les yeux encore embués par le sommeil, il traîne des pieds dans l'étroit couloir de son appartement. Il baille sans retenu en frottant ses avant-bras nus ; parce qu'il a plu toute la nuit, l'air s'est beaucoup rafraîchi. Vaguement, il pense qu'il sera bientôt temps de mettre son chauffage en marche. Et par extension, de le réparer. Peut-être.

Dans la cuisine, la lumière du jour se faufile par les volets entrouverts. Elle diapre les ustensiles rutilants et les grains de poussière flottant au-dessus de la cuisinière électrique. Dean se dirige vers la cafetière posée à côté du grille-pain dans un geste huilé par l'habitude. Il ouvre le placard situé juste au-dessus et attrape la boîte noire qui… cherche la boîte noire qui… ne trouve pas la boîte noire qui… ?

« Il n'y a plus de café. » dit une voix grave dans son dos.

Dean sursaute si fort qu'il se cogne la tête contre la porte ouverte du placard. Assis à la table de la cuisine, Castiel l'observe curieusement. Il y a le début d'un sourire aux commissures de ses lèvres et Dean veut lui tirer puérilement la langue.

« Hello Dean, dit-il et c'est sans aucun doute de l'amusement qui se terre dans les intonations graveleuses de cette voix familière.

- Ne me refais plus jamais ça ! s'écrit Dean en massant vigoureusement son crâne douloureux. J'ai manqué de faire une syncope. Qu'est-ce que je t'ai dis à propos de tes visites surprises ?

- Pas avant dix heures ?

- Exactement !

- Mais il est onze heures et vingt-deux minutes, Dean. »

Dean soupire. Peu importe l'heure qu'il est véritablement, pour son cerveau il est encore bien trop tôt pour ce genre de conversation avec la créature trop rhétorique qui se trouve sagement installée en face de lui. Temporairement il abandonne. Il y a, de toutes les façons, un sujet bien plus pressant sur la table.

« Il n'y a plus de café, tu dis ?

- J'ai jeté la boîte vide tout à l'heure. » répond Cas en haussant un sourcil réprobateur.

Visiblement, il n'approuve pas le fait que Dean conserve les paquets vides de ses aliments dans ses placards. Dean décide de l'ignorer.

- Quelle horreur…, marmonne-t-il en se passant une main épuisée sur le visage.

- Je peux toujours aller en chercher.

- Hm ? Non, pas la peine. Je vais faire du thé à la place. Ҫa changera un peu.

- Du thé ? »

Castiel l'observe curieusement, la tête légèrement penchée sur le côté, et Dean ne peut réprimer la bouffer d'affection qui l'envahit. Bien que l'ange passe souvent lui rendre visite – lui donnant même parfois l'impression qu'il passe plus de temps en sa compagnie qu'avec les siens – ça faisait longtemps qu'il n'avait pas été témoin de ce mouvement intrigué typiquement Castiellien.

« C'est vrai que je ne t'ai jamais fait boire du thé. » il murmure comme pour lui-même.

Il déambule dans la cuisine à la recherche de la boîte de thé vert. Elle se terre entre deux paquets de pates au fin fond de ses placards, apportée un beau jour par Bobby puis oubliée là par la suite. Dean n'a jamais été très friand de thé, ça a toujours été le truc de Sammy, parfois de Bobby, souvent de Lisa. Mais il ne déteste pas le liquide clair et ne peu nier le réconfort qu'il apporte. Il regrette simplement sa douceur, son manque de tonus. Il est rare que Dean cherche le réconfort, il est davantage ami des grandes baffes en pleine figure. Du moins le croit-il.

Il fait chauffer de l'eau en sifflotant Crazy Baby de Joan Osborne, et derrière lui Castiel suit ses moindres faits et gestes du regard. La situation est étrangement domestique, mais Dean ne ressent aucun inconfort.

Il dépose deux mugs sur la table. Le noir orné du logo de Buffy the Vampire Slayer, l'un de ses favoris, et le bleu tatoué du mot « happiness », celui que Castiel a fini par adopter. Il glisse les sachets de thé dans les tasses puis apporte l'eau chaude.

« Bon, dit-il quand les deux tasses fument tranquillement sur la table. Le thé est généralement assez fade tout seul et la plupart des gens préfèrent le prendre avec un peu de sucre, du lait ou du miel.

- Comment est-ce que tu prends le tiens ? lui demande Castiel, ses grands yeux bleus cherchant les siens.

- Avec deux sucres.

- Je vais essayer avec deux sucres, alors. »

Cette fois-ci, Dean ne peut retenir son sourire. Il se prépare deux toasts en continuant de siffloter, une fois qu'il a sucré les thés et remuer le tout avec des petites cuillères. À nouveau, Castiel l'observe silencieusement. Pas une seule fois le malaise ne s'installe, sans doute à cause de l'habitude, même si Dean ne se souvient pas de la dernière fois où il s'est senti mal à l'aise en compagnie de Castiel.

Depuis qu'il a acheté son appartement, à quelques kilomètres en voiture de la ville d'Austin, les visites de Cas se sont faites régulières. Elles étaient déjà très fréquentes lorsqu'il vivait encore avec Lisa, se bâtissant des châteaux en Espagne sur des bases branlantes, mais elles font désormais pratiquement partie de son quotidien, maintenant qu'il vit seul. En fait, parfois Dean a même l'impression que le terme « vivre seul » ne s'applique pas réellement à sa situation. Si Castiel était humain, il aurait certainement sa brosse à dent à coté de la sienne dans la salle de bain. Il a déjà ses couverts favoris, une couverture attitrée, sa place sur le fauteuil (à gauche), des aliments dans les placards que Dean n'achète que parce qu'il sait que Castiel les aime (comme ce chocolat au lait qui s'empile dans le frigo et que Dean ne touchera pas, parce que si le chocolat n'est pas noir il préfère le jeter par la fenêtre)…

Lorsqu'il s'assoit enfin à la table de la cuisine, face à Cas, celui-ci s'est défait de son trench coat qui pend lâchement au dossier de sa chaise. Il a remonté les manches de sa chemise et ses mains sont enroulées autour de sa tasse fumante, absorbant la chaleur bienfaitrice.

« Alors ? demande Dean. Comment ça se passe en haut ? »

Castiel soupire et baisse les yeux. Il ne baisse pas souvent les yeux. Il est rare qu'il ne soit pas en train d'observer Dean, de décortiquer la moindre de ses actions et de regarder son âme à travers l'ouverture de ses yeux. Et si depuis longtemps Dean ne ressent plus de réel embarras sous le regard fixe et intense de son ami, parfois il aime ne pas être vu. Il peut ainsi observer à la dérober, et observer Cas en secret est certainement l'une des activités qu'il apprécie le plus. Chose qu'il ne s'avouera jamais, bien sûr.

Les reflets du soleil dans les cheveux de Cas sont toujours très intéressants. Ils donnent aux pointes hirsutes des couleurs un peu plus claires, auburn voire même dorées. Dean aime regarder la façon dont elles encadrent le visage élégant. Le front trop souvent plissé, au-dessus des yeux clairs et étrangement fixes mais toujours très expressifs. Il retrace du regard la courbe du nez droit, la bouche rose et bien dessinée. Les joues qui mériteraient d'être rasées d'un peu plus près. Ou peut-être pas.

Aujourd'hui, Castiel a l'air moins fatigué que durant ses dernières visites. Il paraît moins pâle et le voile sur ses yeux clairs est moins présent. Dean suppose que les choses vont un peu mieux au Paradis, même s'il est clair que ce n'est pas suffisant. Et s'il est franc envers lui-même, Dean sait aussi que ça ne sera jamais suffisant. Pas tant que la place de Dieu demeurera vacante. Ce bâtard…

« J'ai confiance en toi Cas, dit-il finalement en croquant dans son toast beurré. Tu sauras arranger les choses. »

Castiel lève les yeux et le sourire qu'il lui donne est presque timide. Dean sent une chaleur agréable partir de sa poitrine, picoter jusqu'aux bouts de ses doigts.

« Merci, Dean. Comment se passe ton travail ? »

C'est au tour de Dean de soupirer.

Afin de se payer plus ou moins légalement cet appartement et de commencer une vie plus ou moins légale, il a du bien évidemment se trouver un travail. N'étant pas diplômé et ne possédant aucune habilité essentielle n'ayant aucun rapport avec la chasse aux démons et autres créatures des ténèbres, la tâche, dans un certain sens, fût assez aisée. Ce n'est pas comme s'il avait l'embarras du choix.

Il était donc aller postuler pour un job de mécanicien dans les différents garages de la région et avait finalement décroché un post dans le pire de tous. La patronne était exécrable et les autres employés le regardaient de haut, soupçonnant qu'il n'avait eu son job que grâce à son beau visage. Dean ne pouvait même pas les contredire là-dessus car il savait bien qu'il y avait une grande part de vérité dans ces soupçons.

Il aurait pu aller travailler pour Bobby, bien sûr. Retourner vivre chez l'ami de la famille et bosser à ses côtés jusqu'à la fin de ses jours. Mais en quittant les Braeden, Dean avait eu envie d'indépendance. Pas d'une rupture totale, mais envie d'une séparation malgré tout, avec le monde de la chasse. Rester chez Bobby, de toutes les façons, ne lui aurait permis que de se rappeler incessamment de l'absence de ceux qui avaient péris pendant l'apocalypse… Et il n'avait définitivement pas besoin de ça.

« Comme d'hab. » marmonne-t-il en trempant précautionneusement ses lèvres dans son thé brûlant.

Castiel hausse un sourcil et Dean se brûle la langue. Il soupire, lèche ses lèvres agressées avec un soupçon d'agacement.

« Dean. » dit Castiel et dans le ton de sa voix il n'y a qu'une sincère inquiétude.

Dean qui s'était attendu à un ton plus paternaliste se détend légèrement.

« Tu sais que tu pourrais essayer de retourner à l'école.

- On en a déjà parlé Cas. » soupire Dean en se frottant les yeux – il est encore beaucoup trop tôt.

Bien sûr, Castiel n'insiste pas, mais lorsque Dean lève les yeux vers lui il est heurté en plein cœur par l'insistance des prunelles céruléennes. Les lèvres aussi sont courbées en une moue inquiète, les sourcils froncés, creusant le front légèrement halé presque blanc. Dean ne peu s'empêcher de ressentir un peu de remord, même s'il n'a vraiment rien fait de mal. Foutu ange.

« Ce n'est pas…, il bredouille exaspéré. Je ne suis pas…Je ne peux pas… Rhaa, je ne suis pas assez…

- Ne dis pas « pas assez intelligent », le coupe Castiel en plissant les yeux d'un air menaçant.

- J'allais dire « trop vieux. », Cas… »

Bien sûr que Dean joue avec lui. Bien sûr. Et Cas le voit bien. Ca ne le fait pas sourire, mais il abandonne. Tout ce que Dean voulait.

« Je pense que tu es capable de le faire. Je pense que tu es capable de faire n'importe quoi si tu le veux vraiment. Tu n'es pas stupide, Dean, dit-il quand même, comme pour lui faire comprendre que la discussion n'est pas encore terminée, juste en stand-by.

- Hmm… tu as goûté ton thé ? Il ne faut pas attendre qu'il soit trop froid. Le thé est bon dans cet entre-deux, quand il brûle juste un petit peu. »

Castiel regarde curieusement son mug de thé, comme s'il avait pratiquement oublié qu'il était là. Dean ne peut cacher son excitation. Ce n'est qu'une foutue tasse de thé, l'admoneste la partie raisonnable de son cerveau. Ce n'est que Cas et une foutue tasse de thé ! Mais il ne peut retenir son impatience et sa curiosité.

Cas approche la tasse de ses lèvres avec une lenteur digne des plus grands films à suspens. Lorsque finalement, il prend sa première gorgée, Dean réalise un peu bêtement qu'il est en train de retenir son souffle. Il se fouette mentalement mais ne détache pas son regard de l'ange.

Finalement, Cas lève les yeux, décolle sa bouche du mug, fronce les sourcils. Il prend une nouvelle gorgée, s'éloigne à nouveau, confus. Une autre gorgée.

« Cas ? demande Dean que le petit manège commence à inquiéter.

- C'est étrange, murmure simplement Castiel, les yeux rivés à la tasse encore remplie.

- Qu'est-ce qui est étrange ?

- C'est très…agréable. Y a-t-il quelque chose de magique dans le thé ? »

Cette fois-ci s'en est trop, Dean ne peut retenir un grand éclat de rire. Il rejette la tête en arrière et rigole sans retenue. Castiel l'observe sans doute curieusement, se dit-il en réalisant la rareté de ses fous rire, comme à chaque fois que l'un d'entre eux le prend. Et effectivement, Castiel le regarde, la tête penchée sur le côté. Mais il y a aussi une certaine douceur dans son regard, une certaine tendresse, que même s'il l'avait voulu, Dean n'aurait pas pu deviner.

Il se sèche le coin des yeux et sourit largement en croisant ceux de Cas. L'ange lui rend son sourire, intrigué.

« On peut dire ça comme ça. » répond Dean, la voix légèrement enrouée par le rire.

Il ne réalise pas tout de suite sa douceur, ne voit pas le pli tendre aux coins de ses yeux plissés par le sourire.

« Est-ce que tu veux du lait ? demande-t-il en se levant déjà pour aller ouvrir le frigo. Tu as l'air d'être un buveur de thé qui aime le lait.

- Euhm…oui ? » bredouille Cas en fronçant les sourcils, confus.

Dean verse quelques gouttes du liquide crémeux dans la tasse de Castiel. Il se penche au-dessus de lui et brusquement, l'instant est étrangement intime. Il peut entendre le tic-tac de l'horloge murale du salon, le grave bourdonnement du frigo laissé entrouvert, le pépiement des oiseaux provenant de l'extérieur. Il devrait être terrifié face au niveau d'intimité, d'aise, de domesticité, que Castiel et lui ont réussi à atteindre. Mais il ne ressent qu'une étrange impression de bien être et de justesse.

Il se penche sans doute plus qu'il ne le devrait. Cas sent l'extérieur. La fraîcheur laissée par une averse passagère, une odeur électrique et un peu humide.

« Voilà. » murmure Dean sans réaliser qu'il murmure, et plus troublé qu'il ne le pense.

Il replace la brique de lait dans le frigo, observant Castiel du coin de l'œil. L'ange prend une petite gorgée timide de son thé, et brusquement son regard s'illumine, ses joues rosissent. Il regarde Dean comme un enfant ayant reçu LE cadeau de Noël, et Dean ne peut pas s'en empêcher. Il étouffe un rire et lui ébouriffe les cheveux.

« Je crois que je préfère le thé au café. » annonce Cas avec un petit sourire en coin, l'air presque contrit.

Avec sa coupe ravagée par les mains expertes de Dean, ce dernier a de la difficulté à ne pas penser « adorable ». Il s'assoit sur la table, dans un désir inconscient d'être plus près de son ami.

« Ce n'est pas grave, je te pardonne, plaisante-t-il. Sammy aussi… »

Il s'interrompt, et comme à chaque fois qu'il prononce ce nom à voix haute, le dernier souvenir qu'il a de son frère lui revient en pleine figure. Un souvenir noble, un noble sacrifice, mais un sacrifice malgré tout. Une ombre se suspend au-dessus de leur conversation, un fantôme. Tout à coup, le silence de la maison l'oppresse, l'assourdi, et le trou laissé dans sa poitrine par l'absence de Sammy se fait béant.

Castiel pose sa main sur la sienne, le tirant avec un léger sursaut de ses tristes pensées. Le regard de l'ange est aussi mélancolique que compréhensible, et Dean a envie de fuir la pièce en courant. Mais Castiel peut s'en aller à tout instant, être appelé au Paradis dans quelques secondes aussi bien que dans quelques heures, et ne plus jamais être capable de revenir auprès de lui. Et Dean ne veut pas lui tourner le dos maintenant sans un correct au revoir.

Une fois a suffit.

Sans un mot, Castiel lui tend sa tasse encore pleine à moitié. Dean ne peut retenir un sourire. Il prend une gorgée du liquide qu'il trouve trop doux (urgh, du lait), et la chaleur le réconforte. Un peu.

« Urgh. Du lait, il murmure en reposant la tasse sur la table.

- C'est bon pour tes os, Dean, réprimande gentiment Cas.

- Merci Doc. » souffle Dean en roulant des yeux.

Il prend sa propre tasse de thé, posée à l'autre bout de la table, histoire de la terminer avant que le liquide ne tiédisse. Castiel l'imite en silence, et à nouveau le confort revient. Ils ne se regardent pas, chacun plongés dans ses propres réflexions. Un sombre tumulte, parce qu'ils ont leurs problèmes, leurs douleurs, que les mots n'expriment pas assez bien, qu'ils n'arrivent pas à partager comme il le devrait. Il est difficile de ne pas s'y perdre.

Mais Castiel n'a pas bougé sa main, et d'une certaine manière, elle les garde tous deux ancrés dans la réalité.


Note : J'ai perdu l'habitude d'écrire régulièrement, de lire souvent, de lire en français surtout. J'ai arrêté de regarder Supernatural aussi – cette saison 10 ce sera sans moi. Mais je suis toujours attachée au Destiel, à ce qu'il aurait pu être et ne ce sera sans doute jamais. Pourquoi ne pas faire une série de petites histoires ? me dis-je alors. Sans pression aucune, pour réapprendre à écrire et pour garder le Destiel tout près.

Cette histoire est inspirée d'un post de la merveilleuse cinensis à propos de Cas et du thé. Cette fille est incroyable, super talentueuse (ces fanarts sont vraiment waou) et super « spot-on » quand il s'agit de discuter des différents aspects de SPN. Allez checker son Tumblr ! (cinensis . tumblr . com)

Je ne sais pas quand je posterais à nouveau ici. Peut-être demain ? Dans trois mois ? Who knows~

Merci de m'avoir lu ! Je vous aime xx