Bien le bonjour (ou le bonsoir).

Cette fic devrait avoir plus de 10 chapitres. J'en ai déjà pas mal de préparés mais ils doivent être révisés avant que je ne les poste. Ce prologue se situe bien avant les évènements de la fic, à savoir la Guerre de l'Anneau.

Tout l'univers de JRR Tolkien est à son entière propriété et celle de ses héritiers.

Bonne lecture (ou pas x)! )


Prologue

L'endroit était plus sombre que la nuit pourtant déjà noire au dehors. Ici nulle lueur ne brillait dans les ténèbres, nulle étoile pour resplendir dans le ciel. C'était une caverne aux parois lisses et froides. Elle était haute et large mais, pour Silâglân, elle n'était que prison. Enchaînée bien plus par des liens de devoirs et d'amour que par les chaînes qui la maintenaient au sol, Silâglân sentait un pernicieux désespoir prendre possession des dernières lueurs qui lui restaient. Malgré toutes les années passées, tous ses actes, tous ses essais, elle n'avait pas réussi à changer les choses. Son peuple vivait encore sous le terrible joug de ce roi des ténèbres qu'elle haïssait tant. Comment la situation avait-elle pu lui échapper ainsi ? Silâglân se le demandait continuellement tandis qu'elle gisait, dépourvue de sa dignité, sur le sol froid de sa prison.

Encore et encore dans les longues heures qui s'écoulaient sans limite.

Comment avait-elle pu échouer ainsi, condamnant son peuple à un avenir de servitude ?

Ils auraient dû rester, sages et ignorés, dans leurs lointaines demeures, si élevées dans les plus hautes montagnes que nul, avant qu'ils n'en descendent, n'avaient connaissance d'eux. S'ils avaient fait cela, ils auraient pu éviter cette horrible situation. Celle de tout un peuple emprisonné par l'échec de leur suzerain. Pourquoi ne les avait-elle pas arrêtés ? Pourquoi n'avait-elle pas stoppé leur curiosité ?

Silâglân eut un rire amer. Elle ne savait que trop répondre à ces questions. Elle avait évidemment sentie ce qui allait arriver. Mais sa race était jeune et ses membres fiers. Elle les avait prévenus, sachant bien qu'elle ne pourrait pas les protéger éternellement de leur curiosité et qu'un jour, le malheur tomberait sur eux. Et c'était exactement ce qu'il s'était passé, bien que le danger n'ait été plus grand qu'elle ne l'ait cru.

Trahison, douleur, servitude, honte.

Son peuple avait vécu et vivait encore cela, sans se départir de sa fierté, sans sombrer dans la rage, sans se rebeller. Car elle, leur reine, avait choisi de subir avec eux ce sombre destin. Quelle idiotie ! La menace de sa mort enchaînait les siens bien plus qu'aucune autre chose. Elle était responsable de leur pervertissement.

Silâglân poussa un long soupir qui sembla contenir tout le souffle de son corps affaibli. Puis elle s'exhorta à penser à autre chose, à ne plus se morfondre comme elle ne faisait. Pour son peuple qu'elle aimait tant, elle devait tenir, encore et toujours malgré tous ses tourments. Il était de son devoir de garder espoir.

Car il y en avait encore.

Même s'il était plus infime qu'une fourmi.

La reine bougea légèrement, se redressant avec difficulté, et ce doux mouvement provoqua un afflux de lumière dans les ombres de la caverne. Silâglân sourit. Son corps, tout de blanc, n'avait pas terni. Ni la poussière, ni les misères n'avait pu en venir à bout. C'était comme un défi lancé à la noirceur de sa prison. Un défi qui hurlait, fort dans la faiblesse, si ténu mais si imposant en même temps, qu'elle n'avait pas encore abandonné.

Non. Elle ne pouvait se le permettre.

Comme pour répondre à sa nouvelle volonté, un tremblement sourd agita soudain la fortification toute entière et la reine, dans sa demeure souterraine, la ressentit plus fortement que les parois. Elle se laissa bercer par cette sauvage symphonie.

Cette promesse de liberté qui venait enfin.

Cette occasion de changer les choses.

-C'est arrivé, dit soudain une voix grave. Silâglân tourna la tête vers le nouvel arrivant. Il était enveloppé dans les ténèbres et elle ne voyait que son contour mais elle le reconnut aisément et un sourire doux vint orner ses lèvres.

-Fidèle d'entre les fidèles. Quel risque prends-tu en venant me voir en cette heure ? Si c'est vraiment arrivé, cet évènement que nous espérions à peine, celui qui se dit notre maître ne t'as sûrement pas autorisé à cela.

-Des risques et de ses ordres je n'en ai cure, ma reine. Vous savez que je prendrai tous les risques et bafouerai tous ses ordres pour vous servir, dois-je y perdre la vie. Jusqu'à présent, j'ai évité de le faire car vous aviez besoin de moi. Mais c'est arrivé. Nous ne pouvons laisser passer cette chance.

-Non en effet, nous ne le pouvons. Nous savons tous deux que c'est le seul espoir qui reste à notre race. Et nous ferons tous les sacrifices nécessaires à cela.

Silâglân se tut et se perdit dans ses pensées. Du coin du l'œil, elle vit son fidèle serviteur faire un pas en sa direction, se mettant de ce fait dans la lumière qu'elle dégageait. Et elle sentit une pointe de culpabilité lui perforer le ventre quand ses yeux se posèrent sur les cicatrices et les blessures encore à moitié soignées qui entachaient son corps. Si elle avait été l'otage de son peuple, lui il avait été l'otage qui la maintenait sage.

-C'est arrivé, répéta-t-il alors avec force. Il était maintenant à ses côtés, la poussant gentiment pour qu'elle avance vers la sortie. Il faut y aller. Maintenant ! Avant qu'il ne soit trop tard.

-Ma force m'a quitté je le crains.

Sa voix était si basse qu'elle crut qu'il ne l'avait pas entendue. Cela serait mésestimer son ouïe. Il afficha un air perdu, mélange de peur et de douleur. Silâglân eut un pauvre sourire. Ce qu'elle allait lui demander serait encore plus dur que donner sa vie.

- Beltûr, mon Maethor, tu as juré de toujours m'obéir. Et en ce jour, je vais te demander de te souvenir de cette promesse. Ma force m'a quitté. Je suis incapable de sortir d'ici. Mais toi, malgré les années de servitude et de tortures, tu es encore fort. Toi, tu peux encore le faire.

-Je suis venu vous chercher.

Silâglân eut un regard d'une grande tristesse liée à une profonde lassitude. Ce qu'elle lisait dans les yeux de Beltûr lui fendait le cœur. Elle aurait voulu partir avec lui et être enfin libre. Mais elle ne le pouvait pas. Et il le savait. Il l'avait compris dès qu'il était rentré dans la caverne. Toutefois, il s'était accroché encore à un pâle et illusoire espoir.

La reine tourna difficilement son corps vers une cavité si sombre qu'elle en était invisible à des yeux qui ne la cherchait pas. Là, elle avait caché son bien le plus précieux.

L'espoir de son peuple.

Elle le prit délicatement puis le tendit à Beltûr. Il prit son fardeau avec douceur, comme s'il avait peur de le briser avec sa force, et le serra contre lui, promettant de le défendre contre tout. Car ce trésor ne devait pas tomber dans les mains de l'ennemi.

-Prends notre espoir, mon doux ami, lui dit Silâglân en le repoussant vers la sortie, et va-t'en loin d'ici ! Emmène-le en sécurité, là où le mal ne pourra l'atteindre.

Beltûr recula de quelques pas avant de se figer. Il savait ce qu'il devait faire. Il le savait dans tout son être. Il devait partir et sauver cet espoir. Il le devait. C'était tout ce qui leur restait.

Mais son cœur criait de douleur à l'idée d'abandonner sa reine.

-Va ! Je t'en conjure !, lui hurla-t-elle avec les dernières forces qui lui restait. Va ! Avant qu'on ne s'aperçoive de ta venue en ces lieux. Va ! Va ! Et ne t'en retourne pas ! Va ! Garde en tes pensées ce que j'ai pu être. Garde en toi la mémoire de mon existence. Mais que ma mort ne t'arrête pas ! Va ! Maintenant !

E il y avait tant de commandement dans cette voix qu'il n'hésita pas plus avant. Poussant un gémissement déchirant par son pathétisme, il s'engagea dans les escaliers qui le mèneraient au dehors. Ses plaintes le suivirent dans toute son ascension, diminuant en sonorité tandis qu'il montait puis disparaissant loin au-dessus.

Dans sa prison, Silâglân se laissa retomber par terre, vidée de toute son énergie. Mais elle avait tenu assez longtemps, c'était tout ce qui importait, la seule chose qui était vraiment important. Elle avait pu donner à Beltûr l'espoir de son peuple. Et elle savait que son fidèle serviteur accomplirait sa mission sans faillir, même si la douleur de perdre sa reine lui déchirait l'âme. Silâglân ferma les yeux en pensant à cette nouvelle douleur qu'elle imposait à cet être plus cher à son cœur que nul autre. Elle aurait voulu lui éviter cela.

Mais elle n'avait vraiment plus de force.

Leur cruel maître ne vint même pas la châtier. Il devait avoir trop à faire là-haut, à la surface, pour se soucier d'une pauvre créature abandonnée sous la terre. Elle eut un petit rire sans joie. Avant de mourir, elle aurait bien voulu narguer le persécuteur de son peuple. Lui dire qu'il avait échoué à les condamner à une servitude éternelle.

Non. C'était mieux ainsi.

Il était bien mieux qu'il ne vienne pas la voir. Elle aurait pu laisser passer, dans ses derniers mots remplis d'insolence et de fiel, le secret qu'elle avait confié à Beltûr. Le secret de l'espoir. Et si ce secret avait été révélé, l'espoir serait mort avant même de se montrer dans toute sa force. Oui, pour lui, elle se devait de mourir seule.

Son dernier devoir. Le plus imposant. Le plus important.

Emporter son secret avec elle pour le protéger.

Sa blancheur s'étiola, comme mangée par les ténèbres, et peu à peu la luminescence de son corps s'éteignit. En douceur. Comme des bougies que l'on souffle. Et tandis que son corps devenait aussi sombre que la caverne et que son souffle la quittait, la reine eut une dernière pensée pour son compagnon. Une pensée d'une grande douceur. Elle se remémora tous les bons moments passés avec lui. Toutes les fois où il l'avait soutenu dans les ombres de cette prison.

-Adieu. Adieu mon ami. Mon fidèle serviteur. Mon compagnon. Adieu, Beltûr Maethor.

Et, ces derniers mots lâchés dans un souffle disparate, la reine ferma les yeux pour ne plus jamais les ouvrir. Elle expira une dernière fois pour ne plus jamais inspirer à nouveau. La chaleur la quitta et son corps devint aussi froid que de la pierre. Et son esprit s'envola. Loin. Loin de la douleur et du désespoir. Loin de la servitude.

Libre. Enfin, libre de s'envoler.

Et dans sa fuite éperdue, l'espoir de son peuple serré contre son cœur, Beltûr sentit cette mort de tout son être. Il s'arrêta, comme sonné, le cœur en charpie et l'esprit embrumé. Ses yeux se remplirent d'eau et son corps de tremblements.

Et, levant la tête au ciel, il poussa un horrible cri de douleur.

Un cri qui se répercuta dans toutes les eaux, toutes les montagnes, toutes les forêts et toutes les prairies. Un cri si déchirant qu'il en arrêta pendant quelques secondes les grands évènements se déroulant en le monde. Mais bientôt tout reprit son cours. Il y avait eu tellement de douleur, tellement de cris, que celui-ci finissait par passer inaperçu malgré son intensité.

Il ne restait à Beltûr qu'une seule chose à faire : finir la dernière mission que lui avait donnée sa reine. Il devait emmener l'espoir de son peuple en sécurité. Et il devait faire vite. Avant qu'on ne se rende compte de ce qu'il se passait.

-Adieu Silâglân, murmura-t-il au vent et aux étoiles. J'accomplirais votre vœu, ma reine. Puis je vous rejoindrai.

Et, malgré la douleur de son âme qui tendait à l'immobiliser, il reprit sa fuite. Vite il sentit les ténèbres le suivre. Des ténèbres si malfaisantes que, même alors qu'elles tombaient en lambeaux, ne voulaient pas voir une lueur d'espoir leur échapper. Et il fuyait de toutes ses forces. Mais il y avait une chose qu'il n'avait pas prévu.

Que ce soit la lumière qui le ferait tomber.

Evidemment, cela lui sembla logique après coup. Son peuple était connu pour être serviteurs des ténèbres. Peu, voire personne, ne connaissait la servitude et le joug qui pesaient sur eux. Pourquoi n'avait-il pas pensé à éviter autant les ténèbres que la lumière ? Quelle idiote erreur ! La douleur de la perte de sa reine devait l'avoir plus aveuglé qu'il ne l'avait pensé.

Et à cause de cela, le dernier espoir de son peuple volait en éclats ! Quelle haine féroce il éprouva pour sa propre personne ! Comment avait-il pu ainsi échouer ?

Refusant d'abandonner, Beltûr usa de ses dernières forces pour envoyer rouler son fardeau jusque dans une cavité sous un buisson, tout juste assez grande pour le contenir, tout juste assez profonde pour le cacher.

Comme si on l'attendait.

Beltûr se surprit à sourire. Ainsi, le grand Illùvatar veillait peut-être un peu sur eux en fin de compte. Grâce à cette cachette, il n'avait qu'à demi échoué. L'espoir de son peuple était en sécurité. Mais il était aussi perdu pour ce dernier. Combien de temps passerait avant que son peuple ne le retrouve ?

-Je suis désolé Silâglân, ô ma reine, furent ses derniers mots, Je crains de ne pas avoir été assez loin. De ne pas avoir été assez fort.

Puis, à son tour, son souffle le quitta et son esprit s'envola quelque part où il était libre de toute chose. Il y retrouva sa reine et ce fut son seul bonheur en cette nuit. Le vent se mit alors à murmurer une seule chose.

Espoir.

L'espoir était encore permis pour ce peuple. Il fallait juste attendre que le temps fasse son œuvre et que l'espoir se dévoile au monde. Un monde qui allait être à nouveau dans la guerre et l'affliction. Dans ces conditions, ce peuple pourra-t-il trouver enfin la paix ? Seul le temps pourra répondre à cette question. Il fallait juste attendre, qu'importe la lenteur du temps.

Le sablier laissait tomber peu à peu son sable.


Bonne ou mauvaise lecture? x)