« Castle ? … Castle ouvrez ! »
Le Lieutenant Kate Beckett, de la police de New-York posa ses mains sur ses hanches et tapa nerveusement du pied au sol, impatiente.
« Castle ! Je sais que vous êtes là ! Ne faites pas l'enfant ! » lança-t-elle exaspérée à l'attention de son ami Richard Castle, écrivain à l'égo surdimensionné, qui aurait dû la rejoindre une heure plus tôt sur une scène de crime et ne répondait pas au téléphone portable dernière génération qui ne le quittait pas.
Confrontée uniquement au silence de l'autre côté de la porte devant laquelle elle se trouvait, pour la troisième fois d'affilée, son poing s'échoua sur la planche de bois qui la séparait du loft. Jamais rien n'était facile avec Richard Castle, elle le savait, et il savait sur quelles ficelles tirer pour l'irriter et la titiller. Une Kate Beckett enragée représentait son fantasme. Ca aussi elle le savait. D'ailleurs, elle s'attendait clairement à ce qu'il l'accueille avec un grand sourire et un mot taquin dès qu'elle se serait introduite dans l'appartement.
« Richard Alexandre Rodgers ! Si vous n'ouvrez pas cette porte, je la défonce et ensuite je m'occupe de votre cas… ». L'utilisation de son véritable nom, en lieu et place de son nom de plume, le rendait toujours suspicieux. Elle ne s'en servait que lorsqu'il la poussait dans ses derniers retranchements. Restant sans réaction de sa part, elle le menaça une dernière fois par dépit « Je vous aurai prévenu ! ».
Parfois, la Détective se demandait comment il était possible que son Capitaine ait accepté la présence du romancier au commissariat du 12ème. La première rencontre entre Kate Beckett et Richard Castle paraissait tirée d'un de ses romans d'espionnage complètement tordu. Un fou, fan de son œuvre, s'entêtait à reproduire de façon tout à fait réelle et précise les meurtres décrits dans les ouvrages de son auteur favori.
Dans le creux de la vague et assis depuis de longs mois devant une page blanche, Richard s'était épris de la belle jeune femme qui était venue l'interroger. Sa curiosité n'ayant pas de limite, il s'était incrusté dans l'enquête, avait suivi Beckett dans tous ses moindres déplacements et, comme il se plaisait à y croire, son imagination débordante avait permis de découvrir l'identité de l'assassin. Son amitié avec le maire de la Grosse Pomme, lui permit de s'introduire dans les méandres de la police criminelle et d'y rester.
Kate le réfutait régulièrement mais elle se devait d'avouer que celui que, avec le temps, elle avait accepté d'appeler son partenaire, influait sur sa vie comme une bouffée d'air frais, un peu d'amusement dans ce monde de brutalité et de douleur.
Exaspérée par tant d'enfantillages elle expira bruyamment et, sur ce, tenta d'entrer dans l'antre de son inventif partenaire de fortune et, à son grand étonnement, la porte était ouverte. « Castle ?! » tenta-t-elle une dernière fois.
Le luxueux loft était plongé dans l'obscurité. Seul un rayon de lumière passait à travers les rideaux reflétant les couleurs bleuâtres de la lune sur une la télévision qui se trouvait au centre de la pièce principale. Elle sortit son arme de son étui et la pointa droit devant elle, prête à toute éventualité. Sa respiration s'accéléra et, tout en longeant le mur, Beckett alluma la lumière. Elle fut éblouie pendant quelques secondes puis, de son regard aiguisé, sonda le loft.
Tout était sans dessus dessous les tiroirs avaient été vidés, les armoires étaient grandes ouvertes, les coussins du canapé étaient éventrés, la vaisselle cassée jonchait le sol de la cuisine et …
« C'est pas vrai ! » dit-elle en grinçant des dents à la vue des gouttes de sang qui maculaient le tapis de sol et la guidaient vers la chambre de Richard Castle. Son cœur se mit à battre la chamade. Toujours l'arme au poing, elle scanna une dernière fois les alentours avant de suivre les petits cailloux rouges, tout en évitant d'endommager les indices.
« Castle ?... Castle vous êtes là ?... Castle s'il-vous-plaît ! » Les derniers mots se perdirent dans sa gorge emplie par la crainte de ce qui pouvait se trouver au bout de la piste quand soudain, elle l'entendit.
« Be-Beckett… ici. » un murmure, sans plus, provenant de son bureau.
Elle défonça la porte, fouilla la pièce du regard. Elle avait subit le même traitement que le reste de l'appartement. C'est là qu'elle le vit.
« Castle ! » souffla-t-elle.
Il était allongé à côté de son bureau, recroquevillé en position fœtale, le corps baignant dans une marre de sang. Kate se jeta à son chevet en un instant, le retourna sur le dos.
« Beckett… Kate, je suis désolé … Je… Je ne l'ai pas vu venir. » Son visage était gris et chaque parole semblait lui demander un effort marathonien.
« Taisez-vous Castle ! » Elle appela les secours tout en appliquant une pression sur la blessure de son partenaire. Il frémit de douleur mais ne broncha pas. « Vous n'auriez jamais dû vous retrouver dans cette situation… c'est ma faute Castle alors vous… vous avez intérêt à tenir le coup.
Les yeux bleus de l'écrivain s'obscurcirent.
« Ne… Je suis un véritable idiot Kate ! »
« Vous savez que, une fois que vous irez mieux, tout ce que vous dites pourra être retenu contre vous ? »dit-elle afin de le distraire et, surtout, afin qu'elle-même ne sombre dans une panique incontrôlable. Ses mains se teintaient du sans de son ami, touché en pleine poitrine. Elle ferma brièvement les yeux, en espérant que le tableau soit moins dramatique lorsqu'elle les rouvrirait... mais rien n'y fit.
Il voulut sourire à sa répartie, mais la douleur transforma cette tentative en grognement de douleur.
« Beckett, si …si je ne m'en sors pas… je veux… je veux que vous sachiez que… que je… »
Le bruit des ambulanciers et des policiers qui envahirent l'appartement le coupèrent dans son élan.
« Castle… non ! » fit-elle, hochant légèrement la tête vers le blessé. « Vous aurez tout le temps de me le dire quand ils vous auront extrait cette balle. »
« Promis ? » Ses yeux bleus se plongèrent dans les verts de sa collègue qui se recula pour laisser passer les sauveteurs. Le regard toujours fixé à celui de son ami.
« Promis. » Beckett recula de quelques pas afin de laisser aux secouristes la place nécessaire, ne le quittant pas des yeux une seule seconde, tandis qu'il était transporté sur une civière.
Il voulut attraper la main de sa collègue, mais n'avait plus suffisamment de force pour tendre son bras. L'ambulancier fit de la place pour la jeune femme qui s'approcha.
"Je vais avec vous dans l'ambulance." lança-t-elle vigoureusement au médecin tout en attrapant la main de son écrivain. L'homme voulu intervenir et lui refuser l'accès au véhicule mais elle lui montra son badge et lui fit rapidement comprendre qu'il n'avait pas le choix.
