Bonsoir à toutes et à tous, à ceux qui me connaissent déjà, à ceux qui me découvrent, à ceux qui passent juste par là.

Voici une nouvelle histoire. Je vous préviens : je ne sais pas ce qu'elle donnera - le mot "fin" n'est pas encore posé. Aussi, tout est possible. C'est la première que j'écris sur l'univers des X-Men que je ne connais - (blockbusters américains obligent) - malheureusement que par les versions cinématographiques et anime. Lorsque j'aurais le temps, je me mettrai aux comics, promis.

C'est par conséquent ma première histoire sur le pairing Charles Xavier / Erik Lehnsherr, que j'apprécie cependant beaucoup. Il y a évidemment de ma part beaucoup de projections que les films ne laissent pas deviner dans ce sentiment, mais je trouve leur relation humainement intéressante - entre l'amitié et l'opposition, la paix et l'affrontement. Deux existences parallèles que tout oppose et tout rejoint. L'idée est venu après le dernier volet des X-Men, à la chronologie très particulière : Days of Future Past. Passionnée par les voyages dans le temps (un grand sujet de la SF...), j'ai tenté de reconstruire la chronologie des films, les différents épisodes de la saga, qui se suivent sans pourtant toujours se ressembler. De là l'idée d'écrire sur Erik et Charles qui traversent tout deux la saga d'un bout à l'autre - d'écrire sur eux, mais en marge, dans les failles et les ellipses de l'histoire principale.

Voici donc En parallèle, que j'ai voulu conçue par courts chapitres, centrés tout d'abord sur Erik puis sur Charles. D'un siècle à l'autre, du XXe au XXIe siècle, je les ai suivis. Cette histoire sera celle d'une amitié particulière, forte, entre amour et haine, entre désir et dégoût. Elle mettra en scène des relations entre hommes (mais sans scène détaillée ; vous voilà prévenus...), tout en essayant de rester fidèle aux personnages - même si c'est parfois difficile (je ne dis pas que je vais y arriver).

Si le coeur vous en dit, lisez. Si le coeur vous en dit, commentez. J'espère simplement que vous apprécierez.


Parallèle, adj. et subst.

I. A. – GÉOMÉTRIE. a) Qqc.1 parallèle à qqc.2 (Ligne, surface) qui est à une distance égale (de cette autre ligne ou surface) dans toute son étendue.

I. A. GÉOMÉTRIE. c) Qqc.1, qqc.2 parallèles (entre eux/elles). Qui ne se rencontrent pas, qui n'ont aucun point commun (aussi loin qu'on les prolonge, dans les deux sens).

Le Trésor de la Langue française.


A Nakht in Gan Eydn [1]

Leipzig, Allemagne. – Kristallnacht, 9 au 10 novembre 1938.

La lueur froide du poinçon de métal ne lui a jamais fait peur – ça brille sous les chandelles, plus dur que les étoiles. Avec habileté, les pincettes saisissent le rouage. Il voit son père sourire. Son père Jakob, à la patience d'or. Il a le nom du patriarche, mais son regard… un regard si jeune, qu'il abîme à détailler sans cesse.

Des yeux si bleus – bientôt aveugles.

Parfois, il a l'impression que l'outil tourne seul dans les mains de son père. Alors il sourit aussi, parce que finalement, c'est peut-être ça, être heureux : assembler sans effort des rouages indistincts, créer l'ordre dans le chaos, maîtriser la matière froide. Rien n'est plus beau que le moment où son père lui glisse dans les mains sa dernière création, car c'est à lui d'astiquer, c'est son rôle, son rôle à lui. – Astiquer le cristal, le couvercle de métal.

Et cette nuit, cette nuit entre toutes… ah, que cette nuit est paisible. En frottant, il y pense. L'objet cliquète entre ses doigts, sous le chiffon moite. Oncle Erich est sorti ; il manque des gemmes pour la parure de Frau Kozmá. Jakob l'a laissé sortir, il finissait d'ajuster une aiguille. – Du regard bleu a filtré une inquiétude.

Mais ni lui ni son oncle n'ont rien vu ; ni son oncle ni lui n'ont rien dit.

Frotte et frotte encore le couvercle métallique. L'argent est plus doux qu'une joue aimée – si doux… Les carreaux de la fenêtre divisent les chandelles en incendies calmes, qui effacent les étoiles. Deux rues plus loin, c'est la synagogue. Ils iront, demain, ou après-demain. C'est important pour maman, depuis la mort de grand-père… on dit que le rabbin apaise les esprits sans parler, dans une caresse, front contre front. Puis la synagogue s'éclaire, rougit, explose. Son père se redresse ; les carreaux éclatent devant lui, sous les pierres – il manque de lâcher l'objet. Mais non, le métal palpite toujours dans sa main. Oncle Erich entre précipitamment ; la porte claque.

« Ils l'ont fait… Jakob, ils l'ont fait ! Viens ! »

Son père l'attrape, le soulève aussi facilement qu'il manipule ses rouages. La montre tombe. – Erik se laisse porter. Il regrettera toute sa vie la montre qu'il a laissée à terre.

xXxXx

Manoir Xavier, comté de Westchester. – 9 au 10 novembre 1938.

Il est bien, il est blotti. Par la fenêtre ouverte grogne et cliquète la nuit. Il peut presque les voir : Chafouin le chat qui rôde sur les toits, messire Renard jappant dessous la lune… le froissement d'ailes de l'effraie, là, dans le bouleau. Et la troupe de souriceaux qui nargue la belette. – Il les voit, il les sent, il est à leurs côtés.

À travers les herbes hautes, il se laisse glisser. Cette nuit, c'est la sienne, la nôtre. – Il renifle une tuile, gratouille la mousse dans l'espoir de dénicher une chenille. Roulant dans le trèfle, il marque son territoire, ici, c'est chez moi, alors gare à toi ! Les frémissements des feuilles ébouriffent son plumage, il tourne ses grands yeux lumineux sur le jardin. Puis, c'est la joie, l'euphorie d'échapper à l'ennemi…

Mère a fermé la porte en partant. – Les grands garçons n'ont pas peur du noir, tu sais. C'est vrai. Il n'a pas peur du noir, parce qu'il n'est jamais seul dedans. Et aussi parce qu'il a convaincu Alfred (le brave Alfred, jardinier à ses heures) de lui donner une lampe de poche, une de celles qui sont rangées en haut du bahut. Comme ça, il peut lire sous la couette sans qu'on vienne le surprendre.

Ce soir, c'était Le Roman de Renart. Le héros n'en est pas vraiment un, mais il est si malin !...

Il pose sa patte sur une gouttière, et essaie de glisser du toit. – Pourtant, ce serait si facile, si Renart cessait d'ennuyer Ysengrin… s'il écoutait un peu le roi Noble, ou l'ours Martin. Non ? Vivre en paix, en quiétude, n'est-ce pas plus rassurant ? Il bâille. Peut-être. Il sera temps demain d'examiner la question. Son esprit divague. Quelque part, au rez, le téléphone éclate. – Mère décroche. Interloqué, il – nous – presse le combiné contre sa tempe.

« Sharon… Sharon, c'est moi. Il y a eu… oh, mon Dieu… je ne sais pas comment… ton mari… la voiture a… »

Il ferme les yeux. Il a envie de crier. Il veut sortir de sa tête… à elle, ou à lui, il ne sait pas. – Par terre, Le Roman de Renart déploie ses pages. Charles ne lira plus jamais ce livre.


[1] Traditionnel klezmer, dont le titre signifie en substance : "Un nuit dans le Jardin d'Eden".


Les reviews - (quelles qu'elles soient) - sont lues et toujours appréciées. Quelques mot-clefs pour la suite : marque, beau-père, silence. Merci de m'avoir lue, et à bientôt j'espère !

Syriel.