Et la glace se brisa

OoOo

La première fois qu'elle le vit c'était un soir d'automne.

Elle s'en souvenait encore, Halloween venait juste de passer et un vent violent s'acharnait contre les vitres du château.

Il était entré comme ça, d'un coup, sans crier gare, drapé dans sa dignité.

Son visage était d'une beauté dure et glaciale et ses yeux d'un gris bleuté rappelaient la froideur hivernale.

Étrangement, elle ne l'avait pas chassé. Ce qui lui en avait coûté, il fallait l'avouer.

Car Mimi avait horreur qu'on la dérange dans ses sacro-saints cabinets.

Mais quelque chose chez ce garçon l'avait retenu.

Quelque chose qu'il s'efforçait en vain de cacher sous sa cuirasse de glace, mais qu'elle avait quand même perçue.

Lentement, doucement, devant le miroir, il avait fait tomber le voile.

En quelque secondes toute son assurance s'était évaporée, tandis que ses yeux gris commençaient à s'embuer.

Les mains crispées sur le rebord du lavabo, jusqu'à en avoir les jointures blanchies, les lèvres hermétiquement fermées jusqu'à les avoir meurtries.

Durant de longues secondes, il avait affonté son reflet. Véritable poigne de fer avec lui-même.

C'était ça qui avait retenu Mimi, l'impression d'être de trop, l'impression de pénétrer dans un jardin secret. Sombre et tortueux.

Alors, elle était restée en retrait. Silencieuse, elle attendait et elle l'observait.

Pour la première fois de sa vie, Mimi Geignarde avait gardé le silence, pour la première fois de sa vie Mimi Geignarde allait conserver un secret.

Le secret des toilettes inondées.

Là où toutes les larmes s'échappaient…

Durant les semaines qui suivirent, le mystérieux inconnu revint, toujours à la même heure, toujours le même jour. Et la même scène se répétait encore et encore.

Et lui, il ne la regardait pas, il faisait comme si elle n'existait pas.

Lentement, doucement, devant le miroir, son regard si glacé continuait à se fissurer.

Alors un soir, Mimi décida qu'il était temps de briser la glace.

Il vit son intrusion, en premier lieu, d'un très mauvais œil. D'un ton coupant et dédaigneux, il l'envoya balader et replongea dans ses sombres pensées.

Mais elle ne s'en offusqua pas et persévéra.

Tant et si bien qu'une larme finit par percer la glace et roula sur sa joue.

Unique, discrète, qui exprimait à elle seule toute la détresse d'un adolescent.

Ses sanglots s'étaient déversés, de plus en plus, comme s'il les avait contenus pendant des années.

Un véritable torrent d'émotions, mêlant peur, honte et affliction.

Puis les mots s'étaient libérés à leur tour.

Il lui avait tout raconté : sa vie, ses doutes, ses rêves et ses chimères.

Il s'appelait Drago Malefoy, digne descendant d'une longue lignée de Sangs-Purs.

Choisi et honoré pour accomplir une mystérieuse mission.

Mission qui se devait être un privilège mais qui, en réalité, cachait une terrible punition.

Si Drago échouait. Toute sa famille en pâtirait. Salissant en même temps son nom, son sang, sa lignée.

Le jeune Sang-Pur était piégé. Piégé dans ses gestes, ses pensées, ses convictions. Son cœur et sa raison étaient en constante rivalité. L'un refusait de devenir un meurtrier, l'autre répliquait qu'il n'avait pas le choix et devait obéir. Toute son éducation était remise en question, à cause de cette foutue mission.

L'enfant pourri gâté, aimé et protégé, bien à l'abri dans sa prison dorée était seul. Tout seul. Et il ne savait plus à qui se fier.

Alors Mimi était restée à ses côtés et avait gardé son secret.

Le secret des toilettes inondées.

Là où toutes les larmes s'échappaient…