Proloque - Ulette un destin
Un jour où je me baladais en montagne, je fus surprise par un violent orage. Le ciel s'était brusquement obscurci. Il faisait presque nuit, alors qu'il était à peine deux heures de l'après-midi. En cherchant à redescendre dans la pénombre, je me trompais de chemin. Les trombes d'eau qui tombaient, n'arrangeaient rien. Il devenait dangereux de continuer ainsi sous la pluie. Je ne savais plus où aller, les pierres du chemin devenaient glissantes. J'avisais alors un large bosquet de petits saules en aval d'une rivière. Je partis me réfugier dessous, j'attendrais là que l'orage s'arrête enfin. En effet, sous ces arbres, la pluie serait moins dense. J'espérais que la forme du bosquet attirerait moins la foudre que le grand chêne à cinquante mètres de là, qui m'aurait fait un meilleur abri, mais potentiellement plus dangereux.
Au bout de trente minutes, l'orage ne diminuant pas de puissance, je cherchais autour de moi un abri plus efficace. Quand j'aperçus à la lueur d'un éclair, un pan de mur derrière une végétation assez dense. Je me rapprochai, m'aidant des lumières stroboscopiques de l'orage. Après le pan de mur à moitié éboulé, je trouvais un petit refuge très ancien qui avait dû servir à des bergers dans un autre temps. La porte en bois vermoulu ne résista pas longtemps. L'intérieur était poussiéreux et plein de toile d'araignée mais parfaitement sec. Le vieux toit de lauses, malgré son grand âge, était étanche. J'enlevais les toiles d'araignée avec un bâton qui traînait dans le coin. L'endroit n'était pas bien grand, juste de la place pour une table branlante, un tabouret auquel il manquait un pied et une sorte de lit assez étroit. Dans un coin, il y avait un âtre avec un crochet qui en son temps devait tenir une marmite au-dessus du feu. De vieilles boites en fer blanc traînaient sur une mince étagère.
Totalement trempée par la pluie et transie de froid, je cherchais de quoi allumer un feu, histoire de me réchauffer, d'éclairer un peu cet endroit renfermé et aussi de m'occuper. Je trouvais des bûches dans une niche dans le mur en pierre derrière la table. Je dérangeais ainsi une armée de bestioles suspectes. Cependant, je ne m'attardais pas plus, prenant le bois, les mains pleines de toiles d'araignée. Le feu crépitant dans la cheminée, mon moral remonta un peu. Il est toujours plus agréable d'attendre la fin d'un orage à l'abri. J'étalais ma parka sur la chaise afin qu'elle sèche un peu près du feu. Assise sur le lit, j'observais l'endroit. J'avais déjà compté dix fois les araignées que je voyais. Je scrutai le chemin tortueux que prenait un coléoptère quand un bout de tissu attira mon attention dans la niche à bois. Une sorte de vieux chiffon sans importance. Puis je détournais mon regard pour une procession de fourmis qui visiblement cherchait une solution pour retourner chez elles sans se mouiller. Va falloir patienter les bébêtes ! Je m'ennuyais sec !
Au bout d'un moment, mon regard retomba sur le chiffon. Et plus pour m'occuper que par réel intérêt, je poussai la table de côté afin d'avoir un meilleur accès à la niche creusée dans le mur de pierre. J'enlevai les bouts de bois qui étaient devant pour dégager le morceau de tissu qui semblait petit à petit plus grand. En tirant dessus, il resta coincé. En fait je m'aperçus qu'il enveloppait une sorte de boite assez lourde. De plus en plus intriguée, je dégageais cet étrange colis de la niche qui était bien plus profonde que je ne le pensais. J'amenai le tout au centre de la pièce. C'était un coffre en bois avec les renforcements de métal. La poignée, ainsi que le levier de fermeture étaient très rouillés. J'essayais de l'ouvrir, en vain. La rouille grippait le système de fermeture. Pendant que je cherchais de quoi gratter, mes pensées tournaient autour de ce que je pouvais découvrir à l'intérieur. Un trésor ? Non comment cela pourrait être possible dans une maison qui fermait si mal. Des provisions ? Des outils ? Totalement absorbée par ce que j'allais découvrir, je ne pensais plus à l'orage. C'est comme lorsqu'on vous offre un cadeau et que l'on a aucune idée de ce que c'est. Le moment de plaisir est dans l'ouverture.
Enfin, j'arrivais à bouger un peu la tige de métal qui bloquait l'ouverture. Encore quelques efforts et cela serait bon. J'eus un moment, mauvaise conscience vis à vis du propriétaire du coffre. Mais la curiosité était plus forte. L'instant de vérité… Aller ! Aller ! Un trésor ? Le couvercle s'ouvrit dans un grincement de charnières. Il n'avait pas été ouvert depuis longtemps. Depuis quand ? Sur le dessus je vis encore un chiffon ou plutôt une pièce de tissu en brocard qui avait connu de meilleurs jours. Il était dans les teintes cyan que le temps avait délavé. Cela sentait le vieux. Étrangement, il ne présentait aucun trou de mites. Le coffre était-il en bois de camphre qui à la propriété d'éloigner les insectes? Tout à ces pensées, je soulevai délicatement le tissu qui était plié en quatre et le posais sur le couvercle. En dessous, je trouvais un paquet rectangulaire, enveloppé d'un tissu beige plein de taches. Une ficelle de chanvre maintenait l'ensemble. J'avais l'impression d'être dans la peau d'un gamin qui découvre un trésor ! C'est idiot de l'avouer : j'avais le cœur qui battait très vite. Je pris le paquet et allais m'assoir sur le lit. Je défis délicatement la ficelle, les nœuds n'étaient pas serrés. Le tissu de protection avait l'usure d'avoir été maintes fois plié et déplié. Sous le tissu, je découvris… un livre. Il était magnifique. C'était un vieux livre, la couverture était en cuir marron clair. Je ne sais pas quel animal avait donné son cuir, mais son touché était d'une incomparable douceur. La patine du temps avait laissé des taches et des endroits plus brillants dus aux frottements des mains qui l'avaient manipulé. Pas de titre… J'ouvris doucement le livre, les pages craquèrent. Il ne devait pas avoir été ouvert depuis des dizaines d'années. La première page était vierge, faite d'un papier jaunis assez épais qui s'apparentait plus à une sorte de parchemin que d'un papier blanc 80 g sorti d'une rame de papier standard. Les bords des pages étaient irréguliers. La deuxième page donnait un titre visiblement écrit à la plume. Ce livre n'avait pas été imprimé, c'était un manuscrit. Je m'approchais de la lueur de la cheminée et je déchiffrais :
Les mémoires de l'Ange d'argent.
Je commençais la lecture, d'abord difficilement, m'habituant progressivement à l'écriture. Le temps s'arrêtât. Dieu seul sait quand je revins dans le présent…
