C'est beau, le vide pas le vide d'une boîte ou d'un tiroir non remplit, non, le vide, le vrai, le rien, le zéro, là où il n'y a rien.

Aujourd'hui je constate l'existence de trois vides distincts dans ma vie.

Le premier, celui qui prend le plus de place, paradoxal pour du vide me direz vous… : C'est celui que mon frère à laissé en mourant, en m'abandonnant, cette guerre à fait tomber mon frère, je tombe avec lui. Il me manque tellement, on m'a coupé en deux, amputé de la moitié de moi-même. Mon frère, mon double, Fredi, sans lui je ne suis plus capable de quoi que ce soit, je ne ressemble plus à rien, ma vie, ne ressemble plus à rien, notre magasin est en ruine, comme moi, je suis mort avec Fred, dès que je l'ai vu tomber, quand j'ai vu son sourire se figer, sa peau blanchir d'un coup, ses yeux devenir vitreux, quand son corps et le marbre de Poudlard se sont trouvés, quand il s'est étalé dans les gravats, le bruit alentour, les sortilèges qui fusaient, les pans de mur qui s'effondraient, les hurlements … Je n'entendis plus rien, zéro, silence, juste un bourdonnement diffus dans mes oreilles… C'était fini, je l'ai su immédiatement, j'ai entendu le maléfice fendre l'air, vu l'éclair vert le frapper mais plus que ça, j'ai senti, mon cœur s'est arrêté quelques secondes, ma respiration s'est coupée, comme un coup de poing dans le ventre, le plus fort que j'ai reçu, j'ai senti la vie quitter le corps de Fred. Je n'ai jamais eu si mal, et aujourd'hui encore sa continue, ça ne s'est jamais arrêté et pire, ça s'emplifie…

Le deuxième vide ? C'est celui de mes poumons, vides, vidés depuis qu'il est décédé. Je ne respire plus, je vis en apnée, sans oxygène, je ne m'en rends même pas compte, je retiens inconsciemment ma respiration pareil pour ma tête, complètement vidée, je n'ai plus aucune certitude, plus de bases même précaires, non, je ne sais plus rien, juste qu'il est mort, qu'il est partit à jamais. Je n'arrive plus à réfléchir, à me concentrer, je ne sais plus rien faire … Je vis une demie vie, une sous-vie, un rien, un vide.

Je sais juste que j'ai mal, ça me transperce, je souffre.

Et un autre vide s'offre à moi, le dernier. Le vide substance. Là où il n'y a véritablement rien, là où on passe sa main sans jamais rencontrer aucun obstacle, aucune matière qui n'est d'autre consistance que l'air … Je le regarde, bien qu'il n'y est en fait rien à voir, je vois. Je vois l'air, le rien, le vent, la délivrance, la fin, le zéro, je n'est qu'une chose à faire, me laisser aller, me laisser tomber, partir tel un oiseau : dans le vent, le rattraper, le retrouver, mon frangin, aller là où est ma vie, avec lui-même si la mort est nécessaire.

Je m'avance vers ma fenêtre du 12ème, tend ma main vers la poignée, je vais le faire, je le veux, c'est la seule solution, je vais retrouver Fred, enfin, je la saisis, je la tourne, il le faut, je souffre trop, j'ouvre la fenêtre, en grand, au maximum, il faut que ça se termine, je met un pied sur le rebord, ce n'est plus supportable, il faut en finir, l'autre pied, un dans le vide. Puis deux. Le téléphone sonne. Un bruit sourd se fait entendre en bas de l'immeuble.