Voici une vieille histoire que j'avais commencé il y a deux ans et que j'ai retrouvé complètement par hasard en faisant du tri sur mon ordinateur. Je l'ai continuée et voilà l'intégralité de ce qui en est ressorti.

J'en profite aussi pour m'excuser du fait que je n'ai rien écrit depuis perpette les alouettes mais je n'y arrive pas. Ce n'est pas un problème de page blanche mais je suis devenu incapable de rédiger quoi que ce soit de bien, qui me plaise ou qui ai du style, ce qui m'affecte énormément. Je suis sincèrement désolé pour ceci et j'espère que vous me comprendrez, c'est vraiment dur à supporter...

En attendant, j'espère que vous apprécierez ceci !

Vôtre,
Sakka-kun


Les fois où il avait fait allusion à son amour pour Blutch, Chesterfield ne les comptait plus. Les fois où ils s'étaient retrouvés dans des situations plutôt controversées tous les deux, il y en avait un tas. Et les fois où il lui avait fait des compliments cachés sous une tonne d'insultes, il n'osait même plus s'en rappeler.

Et cela le rendait presque parano. Le caporal avait pour habitude de se rappeler de tout et de tout comprendre. Alors comment, malgré son esprit prodigieux, n'avait-il pas pu noter les avances de son supérieur ? Comment, dans les instants quasi romantiques, n'avait-il pas réussi à interpréter une métaphore par-ci ou une soi-disante pensée dans le vent par-là ? Comment dans tout ces moments improbables, rocambolesques, ceux où ils auraient pu perdre la vie, ceux faits uniquement d'un bonheur parfait, n'avait-il pas remarqué toutes les avances du sergent ?

Il y avait eu ces fois des tout premiers instants. Lorsque Blutch et Chesterfield n'étaient engagés que depuis peu. La protection que le roux avait prodigué à son subalterne devant une menace des peaux rouges, les compliments - un peu trop rares peut-être - lorsque celui-ci réalisait presque un exploit… Et puis les aventures du camp d'Alexander, on ne les comptait plus.

Un bain en compagnie des sudistes lors d'une mission d'infiltration ? Un local trop petit pour deux personnes à Robertsonville ? Une virée en ballon dans le ciel où l'on déclare quasiment sa flamme sous un ciel radieux ? Une troupe de théâtre haute en couleur ? Un petit break à la ville ennemie Rumberley ? Avec un caporal docteur et un sergent blessé ? Si les occasions n'avaient jamais manquées, elles n'avaient jamais abouti. Là était la différence.

Et Chesterfield commençait sérieusement à penser qu'il devait arrêter son cinéma. Blutch ne l'aimait pas: bien; il faudrait faire avec.

Néanmoins, la douleur était intense dans ses tripes. Le caporal était une fleur inestimable dans sa vie. Une fleur dont il fallait prendre soin jour après jour et dont la beauté devait être admirée. Car Blutch était beau, c'était indéniable. Il avait une peau de porcelaine, un corps souple et musclé, il était gracieux, intelligent et rusé. Il avait toutes ces choses qui envoûtaient le sergent. Qui faisaient qu'il était capable de se mettre à genoux devant lui, pour le supplier, le courtiser, le mériter…

Ainsi, le rouquin ruminait, appuyé sur les barrières de l'enclos à chevaux. Il regardait Arabesque comme si elle avait été le prolongement de son maître. Et c'était vrai d'une certaine manière. Elle était presque comme sa seule famille, l'une des seules choses positives que l'armée avait apporté au cours du conflit.

Le regard de Chesterfield se perdait sur sa robe grise aux tâches blanches. Elle devait en savoir mille fois plus que lui sur Blutch. C'était presque déprimant. Blutch… Blutch, pourquoi devait-il être aussi inaccessible ? Pourquoi devait-il tout comprendre sauf lorsqu'on le voulait vraiment ? Pourquoi était-il aussi irréprochable, aussi parfait, aussi plaisant ? Pourquoi le sergent s'était-il autant attaché à lui ? Pourquoi ? Juste, pourquoi.

Ce renard lui échappait toujours. Il exhibait sans retenue sa belle robe tantôt rousse tantôt blanche et se riait sans arrêt de lui. Y avait-il un moyen de faire cet homme sien dans ce monde ? Y avait-il un seul espoir pour qu'un sergent aussi empoté que celui qu'était Chesterfield ait une chance avec cette créature sortie d'un autre monde ?

Un autre soupir retentit. Le roux était complètement déprimé, affligé par sa maladresse et consterné par son manque d'action. Que faire ? Il n'avait pas envie de s'arrêter sans avoir tout essayé. Il devait bien avoir un moyen. S'il se déclarait en face du caporal, il lui rirait au nez, lui demandant quelle genre de comédie il jouait. S'il faisait passer un message par un quelconque tiers, ça ressemblerait à une mauvaise blague. Mais alors quoi ? Comment pouvait-il avoir l'air honnête, franc et ne pas passer pour un crétin à la fois ? Y avait-il un moyen ?

Chesterfield savait faire une chose: conter fleurette. Il savait sortir les grands discours, faire envie au non-initié, l'emmener avec lui. Peut-être pourrait-il utiliser cette seule capacité pour amener Blutch à lui… Oui. Il allait le faire. De toute façon, c'était encore la dernière chose qu'il n'avait pas essayé.