District 1 : Aivy Brown, 18 ans.
Les restes de bombes jonchent encore les rues brisées et salies par la guerre, les quartiers les plus riches ne sont que les ombres d'eux même où derrière les fenêtres closes on peut entendre un sanglot presque muet. Je serre les poings. Voilà l'œuvre des districts, revendicateurs de la liberté, ils n'ont apportés que sang et tristesse. Je ne reconnais plus le district, ça sent l'obus, ça pue la mort. Marchant dans l'impasse autre fois jolie et tranquille du quartier de la « Perle » ou se regroupaient tous les joailliers du district, je progresse sans prêter attention à ce que les rebelles ont fait de cette endroit que je chéris depuis ma plus tendre enfance. Tournant sans grande conviction la poignée de la porte qui n'émit aucune résistance, je me faufilai à l'intérieur de la maison qui fût pendant un temps ma plus grande fierté.
« -Aivy, viens te préparer pour la moisson ! Déclara ma mère en m'adressant en guise de bonjour un baiser sonore sur la joue. Je lui rendis son geste par un sourire avant de me tourner vers mon père. Ce dernier était assis avec une raideur qui m'était inconnue, sur le canapé, le regard rivé sur le poste de télévision.
-Il est un peu stressé, tu sais, pour les Jeux. Grimaça ma mère, répondant à ma question muette. J'opinai, avant de me diriger vers la salle de bain pour me préparer. »
Otant mon t-shirt blanc, je laissais apparaitre au creux de mes reins trois oiseaux volants tatoués. Il était le symbole de ce que j'appelais ma renaissance, un renouveau dût au Capitole. Enfilant une robe couleur crème, je filais maintenant entourée de mes parents en direction de l'hôtel de ville, où aurait lieu la moisson. Je n'étais pas aussi angoissée que les autres filles, les plus jeunes. Après tout ce n'était que la première édition et j'étais âgée de 18 ans, quelle chance avais-je d'être pigée ? Sûrement aucune. Je tendis mon doigt au Pacificateur qui préleva un peu de mon sang. « Me voilà fichée maintenant » pensai-je amèrement. Je m'avançais, me faufilant parmi les filles de mon âge. Après quelques minutes de chahut, l'hôtesse, Tallulah Winefried s'avança vêtue d'une ridicule perruque bleue électrique encadrant son visage outrageusement maquillé comme celui des femmes des mauvais quartiers. Elle étira ses lèvres violacées en un sourire effroyable, presque sadique et susurra de sa voix nasillarde avec un accent purement « Capitolien » des mots qui firent frissonner toute l'assemblée présente.
« -Joyeux Hunger Games et puisse le sort vous être favorable. »
Une vague de murmures indignés traversa les rangs, faisant frémir les plus jeunes. Et certains comme moi, ouvrirent de grands yeux dévisageant leurs voisins avec incrédulité. Comme pour couper court à nos vaines protestations, une vidéo s'enclencha, nous montrant les raisons pour lesquelles nous étions debout devant cette estrade : La rébellion, la défaite des districts et la Grandeur du Capitole.
« -Place au tirage maintenant, honneur aux dames n'est-ce pas ? » Je regardai avec détachement la boule en cristal contenant des milliers de noms dont le mien.
Plongeant sa main grassouillette dont les ongles acérés mélangèrent les noms, elle préleva l'un d'eux et le porta devant son visage l'ouvrant avec un sourire goguenard. Une lueur d'intérêt s'alluma dans son regard et elle releva les yeux vers la foule.
« -Aivy Brown ! S'exclama-t-elle étirant chaque voyelle en un son désagréable. »
Ce seul nom sortant de ses lèvres botoxées sembla résonner en écho dans le silence morbide. Puis, les filles devant moi se retournèrent choquées et enfin je pris conscience que moi, Aivy Brown, venait d'être pigée et serait le tribut féminin du district 1. Je m'avançais, un sourire en coin aux lèvres traversant avec aisance et fluidité les regards apeurés des filles qui venaient d'éviter ce qui m'attendait. Le chemin jusqu'à cette fameuse estrade me sembla infini avant qu'enfin j'atteigne cette envoyée du Capitole. Son sourire sembla s'agrandir et elle me dédia un clin d'œil appréciateur.
« - Comment t'appelles-tu ?
-Aivy Brown. Répondis-je avec flegme. Elle se tourna alors vers la foule me désignant de son ongle parfaitement manucuré.
-Mesdames et Messieurs applaudissez Aivy Brown, le premier tribut de la première édition des Hunger Games. »
Des applaudissement timides et dégoutés s'élevèrent, mais ne réussirent en rien à couvrir les sanglots de ma mère, audibles de la place où je me trouvais.
« -Et maintenant, place à notre second tribut ! »
Une nouvelle fois, elle plongea sa main dans le second bocal, se contentant simplement de se saisir du nom qui se trouvait au sommet de la pile. Elle le déplia, et jeta un œil désintéressé aux rangées d'adolescents alignées devant elle.
« -Harrison Miller. Appela-t-elle d'une voix morne »
Cette fois-ci, ce fut de la rangée des 16 ans qu'émergea un jeune garçon à la silhouette filiforme mais néanmoins musclée. Un rictus appréciateur plaqué sur le visage. Il sauta à mes côtés, sans me dédier du moindre regard. Harrison Miller… Un garçon qui n'avait rien de l'amateur. Et sûrement un des 23 tributs que je devrais tuer dans l'arène.
District 2 : Shawn Duncan, 17 ans.
Lorsque j'émergeais, ce matin-là, je me demandais encore quel serait mon prochain succès. Peu importe. Tout ce que j'entreprenais me réussissait indubitablement. J'étais Shawn Duncan, et personne dans le district n'ignorait mon nom. J'étais le meilleur, incontestablement, et une fois encore, j'avais trouvé un moyen de le prouver. En repensant une nouvelle fois à l'idée qui m'avait traversé pendant la nuit, je ne pus m'empêcher de sourire, encore une fois. Quel meilleur moyen, de faire savoir à Panem tout entier, et plus encore, au Capitole, que Shawn Duncan était le meilleur ? Un nouveau jeu, que personne encore n'avait gagné, et qu'il serait le premier à remporté. Je me redressais, avide de la moisson, qui serait le premier jour de mon triomphe. Il était encore tôt. Et plus rien dans ce district ne m'intéressait. J'avais tout essayé, tout fait, et démontré que personne ne me détrônerait. Il était tant de s'ouvrir à de nouveaux horizons. Et de toute façon, après les derniers jours explosifs, la vie au district ne serait jamais plus pareille.
« -Shawn ! Prépare-toi veux-tu ! Il est tard, et bientôt, il nous faudra partir. N'oublie pas que c'est le jour de la moisson. »
Oublier ? Oublier ce jour, qui serait l'instigateur de sa légende ? Il fallait vraiment être complètement à côté de ses pompes ! Avec un soupir d'aise, je me plantais devant le miroir, disciplinant rapidement quelques mèches rebelles. Même si je n'étais pas pigé, ça ne m'empêcherait pas de me porter volontaire. Rien ne se mettrait jamais entre ma future gloire et moi. Et surtout pas l'autre tribut, que je m'assurerai de tuer en premier, s'il s'avérait un tantinet dangereux pour moi. Ce qui n'était pas gagné. A moins que la fille en question soit un colosse, et une tonne de muscles.
« -Shawn ! Dépêche-toi veux-tu ! Nous allons finir par être en retard ! »
Bientôt, bientôt je serais celui qui marchera sur Panem tout entier. Et personne ne se mettra jamais sur ma route.
« -SHAWN ! »
Si je survivais déjà à ma mère. D'un soupir las, je m'arrachais à ma contemplation, quittant cet incroyable apollon qui me souriait derrière le miroir. Rapidement, pour ne pas jouer avec le feu, j'attrapais des vêtements que j'enfilais à la hâte, et dévalais les escaliers, trouvant mon cerbère au pied des escaliers, le visage dément par la rage qui la consumait. Je pouvais être meilleur que tout le monde, elle était capable de m'arracher la tête avec les dents.
« -Tu auras pris ton temps, se renfrogna-t-elle en m'inspectant. Elle renifla avec dédain, désignant mes cheveux d'un vague geste du menton, et un estropié aurait mieux que toi pour la coiffure. En route. »
Lorsque j'aurais montré ma supériorité à tout Panem, je tenterais diplomatiquement de faire entendre à ma mère que j'étais plus fort qu'elle. Mieux valait ne pas tenter le diable. Je lui emboîtais donc le pas, traversant le district pour me rendre sur la place de l'hôtel de ville. En me croisant, les filles me saluaient avec de timides gestes de la main, et des sourires embarrassés. Je souris, content de mon effet, et ma mère me jeta un regard en coin.
« -Et cesse de sourire comme le dernier des imbéciles. »
Elle déposa une légère tape sur mon front, avant de me sourire. Je levais les yeux au ciel. On pouvait dire ce qu'on voulait, j'adorais tout simplement mon cerbère. Elle serra légèrement ma main lorsque nous parvînmes sur la place, et partit rejoindre les autres adultes. Pour ma part, je me dirigeais vers le registre, que je signais grâce à quelques gouttes de mon sang, prélevées par un pacificateur, et traversais une rangée pour rejoindre celle des 17 ans. Les autres adolescents me jetaient des regards mauvais. Et dire que je m'apprêtais à leur éviter cette épreuve, quels rageurs… Je sursautais, retenant un frisson d'effroi lorsque l'hôte s'avança sur l'estrade. Le type à côté de moi blêmit carrément devenant blanc comme un linge. Un homme… Cette espèce de truc emmitouflé rose bonbon était un homme… Une créature de sexe masculine… Un mâle… Tout d'un coup, je n'eus plus si envie de monter sur l'estrade, pour le rejoindre. Et si jamais en rejoignant le Capitole je devenais comme lui… Mes yeux se révulsèrent, imaginant ma future personne Capitolisée et un frisson me parcourut l'échine.
« -Hanna Pierce ! S'exclama-t-il de sa voix mielleuse. Hypnotisé par la couleur de son vêtement, je n'avais même pas porté attention à ce qui venait de se passer.
Une fille s'avança sur l'estrade, sortant de la rangée des 15 ans. Son visage fermé ne laissait rien deviner sur son état d'esprit. Le type à côté faillit quasiment tourner de l'œil lorsque l'hôte se pencha et lui fit un baisemain.
« -Et maintenant, passons aux hommes. J'ai vraiment hâte de voir quel sera le petit mignon qui me rejoindra sur l'estrade. »
Cette fois-ci, il s'évanouit carrément. Le type tomba sur l'épaule de son partenaire, qui ne semblait pas plus dans son assiette que lui. L'hôte, Moore Delarose, il s'était présenté ainsi, parcourut l'assemblée masculine d'un œil appréciateur.
« - Mon heureux élu est donc, Shawn Duncan. Approche mon joli. Je ne vais pas te manger. »
Merde… Le type à ma droite me tapota l'épaule d'un air compatissant, et celui devant moi se retourna, portant un poing à sa poitrine.
« -On est avec toi mec. Chuchota-t-il pour que je sois le seul à l'entendre. »
Ça ne m'avançait pas plus. Et si je devais dîner avec lui, ou déjeuner avec lui, je le tuerai dans son sommeil dès le deuxième soir. Et tandis que j'avançais, je pus remarquer, les hochements de tête compatissants dont me dédiaient mes camarades de district. Aucun d'eux ne m'appréciait, mais les hommes savaient se soutenir lorsque l'un d'eux était envoyé à l'abattoir. Je grimpais à mon tour sur l'estrade, et me plantais près d'Hanna, tentant d'ignorer la lueur prédatrice qui venait de s'allumer dans l'œil de Moore Delarose. Vie de merde. C'est dans ces cas-là, que la beauté est une putain d'emmerdeuse. Notre hôte joignit ses mains d'un air visiblement enchanté.
« - Les deux tributs de cette année sont charmants n'est-ce pas ? Et Shawn m'a l'air d'être un adversaire redoutable. Je suis sûr que nous pourrons mettre beaucoup de choses au point. Je vais vous demander mes jolis, de vous serrer la main ! »
Mécaniquement, ma partenaire de district me tendit la main, plongeant ses yeux vides dans les miens. Je laissais un sourire en coin s'étirer sur mes lèvres. Hanna Pierce… Au moins une que j'étais sûr de ne pas tuer pendant le voyage.
