"Réponds. Putain, réponds !"

Emma jeta son téléphone dans la pièce. Elle était dévastée.

Elle prit une longue inspiration. Des larmes brillaient dans ses yeux clairs.

"Foutu connard. T'es vraiment qu'un idiot."

Elle le maudit plusieurs fois avant de remettre la main sur son téléphone portable, l'angoisse l'étreignant.

Mais cette fois, elle composa un autre numéro.

"Lizzie ? C'est moi, Emma."

Elle tenta de garder une voix calme et mesurée en attendant une réponse.

"Salut Emma. Deux secondes."

Elle entendit deux personnes parler à voix basse.

"Mary me demande si tu sais où est Darcy ? Il devait passer prendre sa sœur au conservatoire mais il ne l'a pas fait." répondit finalement son interlocutrice.

Surprenant venant de Will. C'était un "psychorigide des horaires" comme le disait si bien Lizzie.

Mais il y avait plus urgent.

"Aucune idée, Elizabeth. Je..."

Elle se mit à sangloter sans pouvoir se retenir.

"Qu'est-ce qu'il se passe ? Emma ?"

La voix de Lizzie était emplie d'inquiétude.

"George ne répond pas" murmura Emma, ne voulant pas rendre les faits plus réels.

C'était toujours plus réel quand vous mettiez vous-mêmes des mots sur les choses.

"Mais n'étiez-vous pas fâchés ?" questionna Lizzie, perplexe.

Il n'était pas rare qu'elle-même refuse de répondre quand elle n'était pas en bons termes avec la personne qui l'appelait, histoire de lui faire les pieds.

"Il répond toujours. Toujours." souffla la petite voix d'Emma.

Parfois Lizzie oubliait combien George et elle étaient proches.

"Il se passe quelque chose d'autre, non ? Tu ne pleures pas tout ton soul juste pour ça ?" se permit-elle néanmoins.

George n'était pas obligé d'avoir son téléphone sur lui 24h/24. Ou même de le regarder.

"Il y a eu un accident grave près de son bureau, juste en face du café où... Oh non. Will ne répond à aucun de vos appels, n'est-ce pas ?"

Le ton d'Emma avait grimpé dans les aigus avec une rapidité angoissante. Quoi, Will ? pensa aussitôt la jeune Bennet, ses doigts aggripant son téléphone avec un peu plus de force.

Emma venait tout juste de réalisait ce que tout cela impliquait.

"En effet. Georgiana pense qu'il a oublié son téléphone mais pourquoi..." répliqua Lizzie.

La réaction de son amie fit reprendre à Emma Woodhouse ses esprits, et elle se souvint qu'elle était au téléphone.

"Nous sommes jeudi. Will et George devaient déjeuner ensemble." la coupa Emma.

Son cœur rata un battement. Ils ne répondaient pas. Son monde s'effondrait et elle se sentait si inutile, si... impuissante.

L'autre jeune fille s'appuya contre un mur, sonnée. Elle avait vu les deux garçons la veille, George aussi agréable qu'à l'accoutumée et Darcy... Elle se souvenait que Darcy avait fait un effort et aurait presque pu paraitre sociable, ou du moins pas ennuyé par toutes les conversions autour de lui.

"Tu crois que je dois prévenir sa sœur ?" demanda-t-elle dans un murmure.

Elle était avec Mary après tout. Mais comment disait-on à une fille de dix-neuf ans assez fragile que son frère était possiblement mort ?

"Je n'en sais rien. Jane travaille bien à l'hôpital ? Appelle-la et demande lui si... Demande lui."

La voix d'Emma s'était brisée, à l'image de son cœur. Les mots brûlaient sa gorge comme les idées incendiaient son esprit et les pensées ravageaient son cœur.

"Tu penses vraiment que..." Lizzie essaya de lui demander, hésitante.

Non, elle ne pensait pas. George allait bien. C'était évident. C'était tout à fait improbable... C'était impossible qu'il... Pas George.

Et Will... Ils allaient bien. Ils étaient sans doute trop choqués par l'accident pour répondre.

Emma inspira longuement. Lizzie attendait, les mains cramponnées sur le combiné.

"C'est très grave. L'accident, je veux dire. Des gens sont morts et il y a beaucoup de blessés. Ils en parlent à la télévision et à la radio. Je... Je vais réessayer d'appeler George. Tiens moi au courant si... Salut."

Lizzie resta appuyée contre le mur, hébétée, avant de se décider à contacter Jane.

Emma garda les paupières fermées quelques temps.

Elle rappela George. Chaque sonnerie sans réponse était un couteau qu'on lui enfonçait dans le cœur. Un écho de son désespoir.

C'était le chaos dans sa tête.

Bientôt arriva son seizième appel. Elle s'était promis d'arrêter au vingtième.

Il décrocha. Elle entendit une respiration à l'autre bout du fil.

"Dieu soit loué ! Je suis tellement, tellement désolée ! Si tu savais à quel point..." dit-elle en riant, sa voix un peu rauque à force d'avoir pleuré.

"Emma ?"

Ce n'était pas la voix de George. Les larmes coulèrent à nouveau sur ses joues alors qu'elle tombait à genoux sur le sol.

"Non... non. Non. Noooon. George... Il va bien. Il va bien."

Et puis d'un coup, tout fut noir.