Prologue
La jeune fille titubait dans le couloir sombre dont les murs l'étouffaient, l'encerclaient, prêts à l'écraser à la moindre chute. Elle peinait à respirer dans cet atmosphère sinistre, et l'odeur n'arrangeait rien. Tout ce qu'elle voulait, c'était voir la lumière du soleil, au moins une dernière fois mais la seule chose qu'elle voyait était un troupeau de zombis qui s'approchait presque trop vite d'elle, poussant des mugissements effroyables. De l'autre côté se trouvait une porte, peut-être une issue. Encore fallait-il l'atteindre. Son épaule la martyrisait et son sang coulait le long de son bras. Sa vue se troublait et sa tête tournait. Elle pensait ne pas y arriver. Soudain, la porte s'ouvrit et un homme en sortit, son long manteau fripé se détachant de la lumière. Il accourut vers elle mais se stoppa net dès qu'il fut trop près. Il ne peut pas la toucher. Il ne DOIT pas la toucher. Elle le savait, et cette absence d'aide lui faisait mal. Il la regarda et elle vit plus précisément son visage, un visage qu'elle connaissait maintenant trop bien. Le temps sembla se suspendre, pourtant nous savons tous très bien que le temps peut tout faire : couler ou s'effriter ou s'accélérer ou même ralentir voire se rembobiner pourquoi pas. Tout, sauf se suspendre.
Chapitre 1
Raph regardait fixement le billet de 500 euros que retenait un galet sur la table à manger tout en dégustant ses céréales aux bières. Un jour, sans le faire exprès, il avait pris un des ces billets datés de 2035 que lui avait offert son ami du Futur et avait réussi à l'encaisser. Mais traîner avec autant de liasses c'est plutôt risqué et Stella ne voulait pas se faire arrêter s'ils les mettaient dans une banque, on ne sait jamais de quoi l'avenir est fait, on pourrait les prendre pour des faux monnayeurs. Ce serait bête alors que tout allait pour le mieux. Raph avait gardé son boulot chez les Missionnaires pendant que Stella essayait de se trouver un job pour ne pas passer pour la femme au foyer de service. Et ils étaient heureux tous les deux, depuis cet étrange appel du futur Stella regardait Raph différemment, elle était plus que jamais amoureuse, et il n'avait jamais compris ce qui s'était passé. Mais après cet appel il y avait aussi eu les révélations : Joseph qui est mort, le Visiteur qui viendrait d'un autre monde, et Judith... Cette nouvelle-là, Raph avait eu beaucoup de mal à l'assimiler. Le pire était qu'elle n'eut pas de sépulture, pas dans cette époque en tous cas. Qu'auraient-ils pu mettre sur la tombe de 2013 ? « Judith, née en 2090, morte en 2550 » ? Raph fut troublé d'imaginer qu'à son époque, Judith n'était même pas encore née. Et elle était déjà morte. Raph reprit une cuillerée de céréales. Mattéo avait disparu, le Visiteur s'était envolé, seul Henry pouvait être là pour reparler du bon vieux temps avec notre ami aux cheveux spatiaux, mais c'était des moments de plus en plus rares à cause du travail monstrueux qu'il devait à l'organisation. Même Stella avait du mal à l'aider à ce niveau-là vu qu'elle ignorait beaucoup de choses sur leurs voyages temporels (elle ne se souvenait même pas de la saison 1, c'est dire). Du coup, Raph se sentait vraiment seul. Heureusement il y avait Michel qui rendait son travail moins éprouvant, il venait souvent chez eux prendre un apéro et parler de tout et de rien comme si tout était normal. Sauf que leur boulot était situé cinq siècles plus tard.
Raph repoussa son bol à moitié entamé et prit son manteau noir, fouilla dans ses poches et sortit le bracelet électronique qui lui permettait de voyager dans le temps. Il le mit à son poignet puis mit son manteau, prit ses clefs et partit. C'était une belle journée et il fut heureux de profiter du soleil, surtout en sachant que là où il allait le soleil n'avait pas réellement été aperçu depuis plus de cent ans, masqué par un nuage de satellite. L'oxygène qu'il respirait était naturel et ne provenait pas des ventilateurs créés dans 83 ans pour « purifier » l'air. Il pouvait marcher là où il souhaitait, tandis qu'aux bureaux il n'y avait pas de terrasses et les toboggans magiques commençaient légèrement à l'énerver. Il arriva enfin dans l'entrepôt abandonné qui sert de passage, se mit dans le carré téléportatif et indiqua « Direction bureaux ». Il sentit une boule dans l'estomac comme si les céréales qu'il venait de manger se désintégraient, il ferma les yeux pour éviter cette sensation de vertige quand il a l'impression que son corps est en 2013 et sa tête en 2550. Il ne les rouvrit que quand il sentit cette drôle d'odeur d'hôpital mélangé au parfum de la rose, le parfum préféré de Constance. Il était dans le bureau de la directrice, concentrée sur son ordinateur à faire des recherches sur la vie d'une personne qui ne sait pas encore que son destin est lié au sort de l'humanité. Depuis la révélation du Visiteur, les Missionnaires sont beaucoup plus confiants qu'autrefois. L'espoir fait vivre après tout... mais Raph n'était pas dupe. Il croyait peu à l'histoire racontée par cet énergumène au visage ensanglanté et, de tous, Raph était celui qui le connaissait le mieux. Il pensait que c'était une ruse pour redonner de l'espoir au monde. Mais l'idée qu'il puisse vivre dans un bug, Raph ne pouvait le supporter. Le Visiteur avait menti c'est certain. Pourquoi ce mec se serait-il casser la tête à sauver ce monde-ci alors qu'un bien meilleur l'attendait ? Cependant Raph gardait ces idées pour lui.
« Tiens, bonjour Raph.
_Bonjour Constance.
_Encore 5 minutes d'avance, je te félicite Raph. Si seulement Michel était aussi ponctuel...
_Il fait de son mieux j'en suis sûr.
_Pas la peine de couvrir ses arrières Raph. »
Raph passa son bracelet en-dessous d'un scanner afin de s'émarger puis repartit vers le toboggan magique. Puis, pour détendre l'ambiance, il se retourna vers Constance et dit d'un air malicieux :
« De toute façon vous savez qu'on est irremplaçable.
_Mais oui Raph, répondit Constance en souriant. »
Il est vrai que le poste de Raph et Michel semble sommaire mais en réalité c'est un des postes les plus importants. Ils sont la mémoire de cette entreprise, comme un disque dur externe qui leur rappelle les fautes à ne plus commettre, vu que personne d'autre à part eux ne se souvient des événements avant l'annulation d'une catastrophe. Il semblait à Raph parfois de venir d'un autre univers quand il parlait de pluies acides, d'explosions de centrales nucléaires ou de fuite de gaz meurtrier dont il était le seul à se rappeler. Un peu comme à la maison en fait. Mais ici par contre cela le rendait fier. Il tapa le code sur son ordinateur et découvrit les nouvelles missions. Sauf que pour le moment il n'y avait pas grand chose, la frise d'effet à cause étant plutôt longue à préparer. Raph se souvenait de se moquer de l'immense frise du Visiteur qui le menait à des situations incongrues mais à présent il comprenait quel dur labeur ça avait été de regrouper toutes ces informations. Ce fut donc une journée plutôt tranquille qu'il passa avec Michel qui arriva avec 10 minutes de retard, journée qu'ils passèrent à parler de tout et de rien, à faire des recherches débiles sur internet et à visiter quelques étages de l'entreprise.
En rentrant chez lui, Raph était donc de bonne humeur, et n'arrêtait pas de rigoler en pensant à la vidéo sur YouTube où un mec faisait une espèce de karaté pour finir par détruire son aquarium. En passant par une ruelle, il vit un mec courir sur la route avec cet air effrayé comme si quelqu'un le poursuivait. Raph connaissait très bien cet air-là. Il tourna la tête et vit... le Visiteur, en train de courir sur le trottoir, bousculant légèrement une jeune fille tout en triturant sa machine à voyager dans le temps. Il passa devant Raph sans le voir, et ce dernier ne put s'empêcher de le suivre, prenant la rue à gauche où on ne voyait plus personne sauf l'individu que coursait notre clodo du futur. Raph savait qu'il allait se téléporter pour approcher sa « victime », chaque Doowap lui rappelait sans cesse cet après-midi aux bois de Vincennes. Mais le Visiteur trébucha et tomba, et en mettant ses mains devant sa tête par réflexe, la machine prit un gros choc, on entendit un gros « crac » et une fumée noire sortit du bracelet.
« Meeeeerde, dit le Visiteur.
_Ca va ?
_R... Raph ? Qu'est-ce que tu fous là ?
_C'est plutôt à moi de vous poser cette question... »
