NIGHT TALE
Auteur : Ako-Cissnei ou Ako-Dei-Cissnei, ou encore Ako pour les intimes.
Rating : T (langage parfois un peu cru (je dirais plutôt franc, mais bon…) et scènes assez dures… Enfin, j'espère que vous les verrez comme ça (^.^) )
Genre : Romance, parce que y'a des moments où ça dégouline quand même un peu, et un peu de Tragedy à cause de certains passages liés au passé des personnages principaux.
Couple(s) : Lavi x Kanda Yû (dans cet ordre), avec un fond de Tyki x Allen (idem), sur lesquels j'écrirais peut-être un one-shoot complémentaire.
Chapitres : 1 / 4
Résumé : Lavi est un jeune homme blasé, qui se contente de vivre vaguement parce qu'il n'a pas le choix. Kanda se refuse à avoir trop de contacts avec le monde en raison d'un traumatisme. Le hasard faisant bien les choses, d'étranges sentiments naissent.
Disclaimer : Ouiiiiiiii, bien sûr, en fait, je m'appelle Hoshino Katsura, j'écris des fan fictions en français sur mon propre manga, et en plus j'arrondis mes fins de mois avec.
Non, bien sûr que tout ça est totalement, tristement, entièrement, désespérément, affreusement faux.
Cela dit, l'espoir fait vivre…
Dédicace : Toujours Ipiu puisque je l'ai commencé en sa présence. Egalement Dragonnette, qui aime D Gray-Man autant que moi (si toutefois c'est possible... =p), et aussi Haru, qui m'inspire assez régulièrement pour certains personnages.
Sans oublier les lecteurs/trices yaoistes et DGMiens qui me lisent présentement ! Même les lecteurs tout court, d'ailleurs, vous êtes tous des bénédictions.
Autres : Je crois que c'est une des fics dont je suis la plus fière… Même si je suis évidemment consciente qu'il y a sans doute beaucoup mieux.
Note 01 : Dans cette fic, Allen et Lenalee ont le même âge, soit 17 ans. Normalement, dans le manga original, Allen a 15 ans (actuellement, il doit être passé à 16...) et la Chinoise 16 (actuellement 17). J'ai aussi pris la liberté de grandir Lavi d'un an par rapport à Kanda, ils ont respectivement 19 et vingt ans. Idem pour les autres de la petite bande, je n'ai pas respecté leurs âges réels.
Note 02 : Étant donné qu'il y a peu de chance pour que Kanda et Allen se rencontrent (et puis, même si cela arrivait par la suite, leur relation serait sans importance, et assez différente du manga original), j'ai également décidé que ce serait Lavi qui surnommerait Allen "pousse de soja". A l'origine, ce surnom (moyashi) lui a été attribué par Kanda, mais j'avais envie de conserver l'idée, alors c'est Lavi qui endosse ce rôle, ici.
En espérant que cela vous plaise )
AVERTISSEMENT : présence de relations amoureuses et sexuelles -bien qu'ellipsées, en majorité, comme l'indique le rating- entre des hommes. Vous êtes légèrement homophobe, conformiste, pudibond, curé ou quoi que ce soit de ce genre ? Ouste, cette histoire n'est pas pour vous. Mais alors pas du tout.
Quant aux autres, enjoy !
-… Ne veux plus te voir, crétin !
La porte d'entrée claqua avec violence.
Un jeune homme, resté seul, alluma une cigarette d'un geste las, et plongea ses yeux impassibles dans le vague.
Il faisait sombre, dans la chambre. L'atmosphère était quelque peu pesante, à la fois moite des intenses ébats de la veille, lourde de silence, et écrasante de vide.
Le jeune homme se leva du lit où il était assis, et sortit sur le balcon finir sa dose de nicotine. Il avait la triste habitude des scènes à l'image de celle qui venait de se produire : une nuit enflammée, et au matin, désenchantement du partenaire. Hommes ou femmes, toutes ses relations prenaient fin de la même manière. Pas que lui soit décevant physiquement à la lumière du jour, non, le problème était ailleurs.
Bien sûr, s'il pouvait tomber amoureux desdits partenaires, peut-être que cela changerait la donne.
Mais rien n'y faisait.
Pour lui, la trop grande majorité des filles restaient toutes les mêmes, interchangeables, gloussantes, niaises et désespérément obtuses de toute culture. Les rares à avoir su gagner son intérêt avaient toujours catégoriquement refusé de rejoindre son lit, ou lui étaient trop proches pour qu'il songe même à envisager de sortir avec elles.
Quant aux hommes, il était toujours impossible d'avoir une réelle relation. Pas d'échanges, sauf sexuels, jamais de paroles, sauf de vagues grognements, aucun contact, excepté dans le noir.
Pour ces raisons, il avait, depuis l'adolescence, renoncé à rechercher l' « Amour », se contentait de s'occuper de ses études de journalisme, de passer du temps avec ses amis proches et de dénicher des plans culs pour satisfaire ses besoins d'hommes. Sa bisexualité lui permettait en plus de varier les plaisirs, sans mauvais jeux de mots.
Il exhala un nuage de fumée, appuyé négligemment à la rambarde. Ressassant et maudissant une fois de plus ce qu'il appelait son excessive lucidité : le fait qu'il réfléchisse presque trop au sens de toute chose, qu'il ne puisse s'empêcher d'analyser objectivement et sévèrement les gens autour de lui. Cet étrange savoir était par moment très pesant. Il finit par lancer son mégot dans le vide et rentrer en se passant une main distraite dans les cheveux.
La sonnerie stridente du téléphone le fit presque bondir au plafond au moment où il allait allumer la télévision en se vautrant dans son canapé.
Il regarda le nom de l'appelant d'un air absent.
_ … Mmnnoui, Lena' ? finit-il par décrocher.
_ Wah, dis donc, je te réveille, ou quoi ?
_ Nan, nan, je m'apprêtais seulement, devant une connerie à la télé.
_ ... Je vois. Émit son interlocutrice d'un ton neutre. Désolée de bouleverser tes plans, mais Allen ne va pas fort, encore, et on s'est dit qu'on allait sortir, ce soir, tous ensemble. Je pense que ça lui ferait du bien de te voir, tu sais toujours comment faire pour lui remonter le moral. Et c'est clair que ça ne te ferait pas de mal de sortir, à toi aussi… Je veux dire, pas en boîte.
Réflexion. Pauvre Allen, qui, tout au contraire de lui, avait une sensibilité sur-développée, qui ressentait toutes les émotions possibles pour un être humain avec un naturel effarant. Beaucoup trop, d'ailleurs, à ses humbles yeux.
Allen Walker, jeune homme d'origine anglaise, vivait à Tokyo, dans le même immeuble que Lenalee, depuis quatre ans, et considérait effectivement son aîné blasé comme un grand frère, et vice-versa. La raison de son mal-être actuel se nommait Tyki Mikk. Cela faisait quelques mois qu'il l'avait rencontré, et le pauvre en voyait depuis de toutes les couleurs… Tyki avait apparemment d'importants problèmes. Souci : c'était Allen qui en faisait les frais, et leur relation tenait clairement du « Je t'aime – Moi non plus… Oh, et puis si, je ne pourrais pas vivre sans toi – Trop tard, je ne veux plus souffrir par ta faute, mais vas-y que j'me tape une énorme déprime parce qu'au fond, moi aussi je t'aime. »
Non, bien sûr, qu'il n'allait pas le laisser dans cet état.
_ Je n'irais pas jusqu'à dire qu'Allen sauve ma soirée, par humanisme. Ironisa-t-il, mais j'arrive dès que je suis prêt.
_ Rendez-vous au Matera dans une grosse demi-heure, alors ?
_ Vendu, lança le jeune homme en raccrochant immédiatement.
Le Matera était le bar favori de la bande d'amis, à quelques rues de l'appartement où il vivait.
Il fila dans la salle de bains se changer et se brosser les dents -s'il ne pouvait s'empêcher de fumer, il ne prônait ni les sexy dents jaunâtres, ni la glamour haleine de poney- et s'arrêta un instant sur son reflet dans la glace.
Il y vit la même personne que d'habitude, un jeune homme certes borgne, mais au physique plutôt avantageux, un beau visage lisse, éclairé par une unique prunelle vert émeraude, immense et profonde, couronné par une multitude d'épis roux flamboyants. Et, à présent, orné d'un sourire étincelant... S'il se donnait la peine de sourire. Il était beau, et il en était conscient.
C'était fou comme les gens lambdas se laissaient facilement abuser par l'apparence extérieure.
Il arriva au Matera exactement une demi-heure plus tard, vêtu à peu près décemment, et comme à son habitude, tout en sombre. T-shirt à manches longues, jean noir -délavé, bien usé, déchiré aux genoux- dont les bas étaient rentrés dans ses Doc Marten's - noires elles aussi.
Un bandeau noir lui tombait sur son œil droit, style qu'il cultivait avec assiduité depuis qu'il avait perdu la vue de ce côté lors de l'accident de train qui avait tué ses deux parents... Ainsi que ceux de Lenalee. Lui et la petite, alors âgés de huit et dix ans, avaient eu l'immense chance de se trouver dans le wagon garderie, le moins exposé lorsque le train avait déraillé.
Cette dernière, qui l'attendait dehors, lui sauta dessus à peine eût-il posé un pied sur le trottoir.
-Coucou, Lavi ! Je suis ravie que tu sois venu !
La jeune fille avait le même âge qu'Allen, soit deux ans de moins que lui, et, comme Allen, elle était presque comme une petite sœur pour Lavi, qui avait vécu l'expérience la plus marquante de sa vie à ses côtés.
Presque étant le mot-clé de la phrase.
Car malheur à quiconque émettrait la moindre ombre d'une petite pointe d'intention de sous-entendre d'envisager la possibilité d'accaparer Lenalee Lee à son grand frère Komui Lee, un mètre quatre-vingt (ce qui, pour un asiatique, forçait le respect), vingt-six ans, génie paranoïaque et frappadingue. Il s'occupait de sa jeune sœur depuis la mort de leurs parents et souffrait d'un très sérieux sister complex. Le terrible accident de train l'avait traumatisé, et il ne vivait plus que pour Lenalee, la choyait, la couvrait de cadeaux, la surprotégeait tellement que s'il eût été possible de la mettre sous une cloche de verre, il n'aurait pas hésité.
Cela dit, une telle réaction était compréhensible, il avait failli tout perdre le même jour, et la survie des enfants dans le wagon était bel et bien un miracle. C'est cette tragédie qui fut le théâtre de la rencontre de Lavi et Lenalee.
La jolie chinoise -car oui, les Lee venaient tout droit de Chine- était peu à peu devenue une jeune femme charmante et équilibrée, qui avait décidé de vivre sa vie à fond, en mémoire des êtres chers qu'elle avait perdu. C'était sans doute la meilleure amie de Lavi, mais lui ne réagissait absolument pas de la même façon.
D'une part, il n'avait jamais aimé ses parents et ses parents ne l'avaient jamais vraiment aimé non plus. Leur disparition n'avait donc pas laissé de grand vide. En réalité, il avait presque toujours été seul, son grand-père devait être l'unique personne à se préoccuper de lui. A l'école non plus, il n'avait pas d'amis, mais il n'en voulait pas vraiment non plus. En revanche, il avait mit énormément de temps à se remettre de la perte de son œil. Ne plus pouvoir lire, ne plus pouvoir écrire ou dessiner, avait été sa plus grande terreur. Car c'étaient ses seuls intérêts.
D'autre part, son état d'esprit n'avait globalement pas vraiment changé. Lenalee avait évolué. Mais lui avait toujours eu les mêmes opinions à propos du monde qui l'entourait. Lenalee, lorsqu'elle parvenait à échapper à son dragon gardien de frère -et son cerveau regorgeait de stratagèmes pour ce faire-, débordait de vie, ouvrant grand ses immenses yeux sombres, pétillants et malicieux sur tout ce qui l'entourait, riait très souvent sous ses deux longues couettes noires.
Lavi était silencieux, calme, et excellent comédien. Il n'aimait pas parler pour ne rien dire, et méprisait en général intérieurement le reste du monde, excepté les personnes élues. Ce qui le fascinait, c'était l'imagination, cet endroit qui varie selon les personnes, où les possibilités sont infinies, où les erreurs peuvent être corrigés, où l'on peut se réfugier lorsque la réalité est trop lourde. Ces mondes qui n'appartiennent qu'à nous, que nous pouvons ou non faire partager. Lavi trouvait la réalité irrespirable, étouffante. Son réconfort, il le trouvait dans les livres, de toutes sortes, même les documentaires le fascinaient, dans l'art, et dans sa tête...
... Et parfois chez ses amis, il l'admettait tout de même.
-Salut, Lenalee, lui sourit-il.
Ils rejoignirent leurs amis à l'intérieur, et grimacèrent dans un bel ensemble en voyant Allen jauger la chope de bière qu'il avait commandé. Aïe.
Allen n'aimait habituellement pas boire. Et surtout, il ne tenait absolument pas l'alcool, réussissant à être ivre après trois verres de vin. Au vu de la quantité de bière, Lavi devina qu'il devenait effectivement urgent de lui changer les idées... Il devait sacrément déprimer. Voire carrément songer au suicide, pour ce volume de boisson.
Miranda, Krory et Road, qui commençaient visiblement à désespérer de l'empêcher de toucher à la boisson maléfique, accueillirent les deux autres comme le messie. Lavi se laissa tomber sur la banquette en saluant mollement ces derniers.
-Hey, pousse de soja. Profites-en bien, fit-il en désignant la bière, parce que c'est la seule que tu boiras ce soir.
"Pousse de soja", expression désignant un gringalet, était l'affectueux surnom qu'Allen avait gagné lorsqu'il avait fait la connaissance de Lavi, en arrivant au Japon. Sa petite taille, ses traits enfantins et ses cheveux clairs rendaient l'expression évidente pour le jeune anglais.
-'lut Lavi. Comment tu vas ? marmonna celui-ci en tournant ses yeux gris bardés de cernes vers son ami.
Le pauvre avait dû passer pas mal de nuits aussi blanches que sa tignasse. Lavi, compatissant, pouvait au moins le laisser se vider l'esprit dans une malheureuse –mais unique- chope de bière. Allen ne leur donnait pas de détails sur ses problèmes avec Tyki, mais il commençait à être frustré de ne pas pouvoir aider son meilleur ami.
Après une série de regards aux autres, il commanda quant à lui un whisky. Contrairement à Allen, il possédait une résistance à l'alcool assez impressionnante -et, cela dit, assez entretenue. Il entendit Lenalee demander deux bières à la cerise pour elle et Road, Miranda un saké et Krory un cocktail.
Ils allaient accompagner Allen se vider l'esprit… Après tout, on était samedi soir, non ?
Plus tard, bien plus tard dans la soirée, Lavi raccompagna Lenalee à la bouche de métro, l'aidant à soutenir un Allen titubant (au final, il avait pioché dans les verres de ses amis), selon ses prédictions. Lui-même n'avait pas lésiné sur la boisson, mais avait encore une bonne partie de sa lucidité, pensait et marchait droit.
Son amie lui assurant qu'elle prenait le relais pour Allen, il les laissa sur le quai. Une fois ressorti, il se rendit compte que, pour sa part, il n'avait aucune envie de rentrer immédiatement dans son appartement.
Il redescendit finalement prendre le métro, et sortit quatre stations plus loin, se dirigeant vers un bar gay qu'il affectionnait : L'Arche. Quitte à occuper sa soirée sans se prendre la tête, autant y aller à fond ; il trouverait bien un type qui aurait les mêmes attentes que lui. Soit quasiment aucune.
Il jaugea la salle en entrant. Les lumières bleutées donnaient toujours un reflet étrange aux boissons et allumaient les iris des clients d'un éclat particulier. Lavi aimait cette atmosphère à la fois douce et électrique.
Il s'assit au comptoir en saluant le patron, Nea, et le serveur avec qui il discutait, Wisely, un blondinet à peine plus âgé que lui, très mignon, avec de beaux yeux bleu ciel rêveurs.
Euphémisme.
Il avait perpétuellement l'air totalement éthéré. La voix légèrement rauque, proche de celle d'un chanteur de rock -vous savez, celle qui faisait craquer toute minette en chaleur / manque / rut qui se respecte-, des réflexions bien senties mais toujours dans le calme le plus parfait, le regard en général plutôt embrumé, du fait des substances pas toujours identifiées qu'il prenait tous les jours. Il était néanmoins une personne intéressante, que le jeune rouquin appréciait beaucoup... à petites doses.
-Oh, bonsoir, Lavi ! s'illumina Nea en lui servant immédiatement un saké sans se préoccuper de son avis avec un sourire jusqu'aux oreilles tandis que Wisely lui tirait un tabouret.
Il était leur premier client, l'Arche commençant en général à se remplir à partir d'une heure ou deux du matin (il n'était que vingt-trois heures). Les trois hommes commencèrent à discuter, alternant fous rires et réflexions profondément analytiques, souvent sans le moindre rapport les unes avec les autres, enchaînant sakés, cocktails et autres alcools forts. Tant le patron et le serveur que le client. La conversation parvint cependant à se maintenir à un niveau (relativement) convenable un bon moment, avant que Wisely ne finisse par se rendre compte que trois hommes attendaient son bon vouloir. Nea l'imita dix minutes plus tard,et Lavi se retrouva seul avec son verre à demi vide et de sombres pensées dont le nombre augmentait à chaque verre plein la tête. Il finit, après un temps de réflexion, par avaler cul sec le reste de cette énième boisson.
Ce fut peut-être à cause de ses sens déjà bien engourdis qu'il ne remarqua pas immédiatement l'homme qui s'assit -se laissa tomber fut plus exact- à côté de lui en commandant un verre d'une voix sèche et lasse. Sans doute, car cet homme, il le remarqua à l'instant même où il posa les yeux sur lui, n'était pas de ceux qui passent inaperçus. Non pas à cause d'une quelconque extravagance, non, mais bien à cause de l'aura peu ordinaire qu'il dégageait. L'on pourrait qualifier ceci de charisme, mais les personnes qui possédaient ce style d'aura incroyable pouvaient très bien s'en servir pour attirer les gens, autant que pour les repousser. On savait ainsi tout de suite si le moment était propice à la discussion, ou non. Le cas présent était glacial, sombre, solitaire. Aurait effrayé n'importe quelle personne normalement corticalisée.
Eveilla aussitôt l'intérêt de Lavi, qui ne ressentait pas le moindre malaise. Attiré comme un aimant par le mystère qu'incarnait son voisin, il s'empressa de le détailler le plus discrètement du monde, art dans lequel il était passé maître depuis longtemps.
Sa première constation fut plutôt simpliste mais véridique : cet inconnu était une bombe. Mais alors une vraie de vraie. Les vêtements sobres (chemise et pantalon sombre) laissaient légèrement deviner un corps finement sculpté, mince sans être maigre. Les longs cheveux noirs et brillants qui tombaient jusqu'aux reins étaient un appel au toucher, et accentuaient l'aspect froid et mystérieux du personnage. Lavi ne voyait pas entièrement son visage, mais il entr'apercevait un teint de porcelaine, des traits plus délicats que ceux d'une fille et une moue irrésistiblement agacée sur une bouche qui ne demandait qu'à être embrassée.
-Quoi ? Un troisième oeil, un bouton sur le nez ?
-Plaît-il ? sursauta Lavi, pris au dépourvu.
Cela ne lui arrivait que (très) rarement, mais il perdit brièvement sa belle assurance.
Deux orbes noires étaient rivées sur lui, plus sombres qu'un puit sans fond, furibondes et implacables. Oups.
-Je vous signale que ça fait au moins dix minutes que vous me fixez sans interruption. Je peux savoir pourquoi ? s'enquit brutalement l'inconnu.
"ça fait si longtemps que ça ? Le temps passe vite quand on s'amu... Quand on mat... Le temps passe vite." songea le rouquin avant de se rendre compte que ce type avait remarqué son manège depuis le début. Blessure d'orgueil.
-Alors ?
Lavi ravala de justesse la réponse la plus honnête : "parce que vous êtes beau comme un dieu, super bien foutu, et que j'adore les gens un peu bizarres comme vous." Il s'en rappelerait le jour où il en aurait assez de vivre.
-Parce qu'on est dans un bar, que vous m'avez l'air d'une personne intéressante, opta le jeune homme, tempérant son ardeur première.
L'autre grommela en reportant son attention sur son verre qui venait d'arriver.
Dix minutes plus tard
-Bon, ça suffit !
-Ben quoi ? feignit de s'étonner Lavi en battant des cils devant des yeux parfaitement innocents.
-Sérieusement, vous n'avez rien de plus intéressant à faire ? rugit l'autre en dardant sur l'observateur un regard à faire trembler une pierre.
-Ben... Non. lui répondit ledit observateur en toute honnêteté. Comment vous vous appelez ?
-Foutez-moi la paix, recut-il en guise de réponse, claire comme de l'eau de roche.
Mais Lavi n'avait pas la moindre intention de renoncer.
-Ca a le mérite d'être original, mais c'est un nom un peu ingrat, non ?
-Très drôle.
Cette fois, Lavi se tourna franchement vers lui.
-Moi, c'est Lavi.
Silence.
-Mais vu que je n'ai pas de famille, pour faire court, c'est juste Lavi.
-Je ne vous ai pas demandé de faire court. Ni de faire long, d'ailleurs. En fait, je ne vous ai rien demandé, mis à part de me ficher la paix, ce que vous ne semblez pas avoir compris.
-Je suis toujours un peu lent, quand je n'entends pas le mot magique...
Pak. Une veine palpitait sur la tempe du bel inconnu.
-Pourriez-vous, s'il vous plaît, avoir l'extrême obligeance, de me laisser boire en silence et sans me fixer ? grinça-t-il.
Asocial, vous avez dit asocial ?
-Dès que vous m'aurez dit votre nom, insista Lavi.
-Quelle importance ?
-Ben, moi je vous ai donné le mien.
-... Kanda, finit par soupirer le ténébreux, renonçant à la négociation.
-Ce n'est pas un prénom.
-Et alors, c'est mon nom !
-Attention, sinon je vous regarde !
-Yû ! Yû Kanda ! Satsifait ? éclata le brun.
-Très. Merci.
-Grmpf.
Comme promis, le rouquin le laissa tranquille...
... Jusqu'à ce qu'il ait fini de boire.
-Et c'est la première fois que vous venez ici ? réattaqua Lavi.
Kanda darda à nouveau un regard exaspéré sur son voisin. Décidément, il le mettait en rogne.
Et, le plus fort, c'était que lui-même ignorait pourquoi l'importun le mettait dans un tel état. D'accord, il faisait tout pour le chercher, et en plus c'était le plus sexy du bar. D'accord, il en fallait peu pour l'agacer. D'accord, il avait passé la pire des journées. Mais enfin tout de même, qu'est-ce qui l'empêchait de changer de place ?
Kanda expira. Se calma. Réfléchit. Après tout, il était effectivement dans un bar, ce genre de chose devait bien finir par arriver.
Pesa le pour et le contre.
Et puis finalement... Pourquoi pas ?
-Bon, OK, ça marche pour le jeu des questions / réponses. Mais je n'ai pas pour habitude de coucher le premier soir, ironisa-t-il. C'est la troisième fois que je prend un verre ici.
Lavi sentit un grand, un immense sourire victorieux se battre pour s'étaler sur son visage, mais il parvint à se contenter d'un petit sourire en coin.
Sensuel.
Et 2 à 0 pour lui.
-Vous habitez quel coin ?
-Shinjuku.
-Quel âge ?
-... 19 ans.
Un an de moins que lui.
-Quelles études ?
-Médecine.
-Célibataire ?
-Par-don ?
-Bah, si vous êtes ici, je suppose que non...
-Et alors ? gronda Kanda. Retour de la porte de prison.
-Okay, okay, j'ai rien dit. Et vous n'avez pas l'intention de changer vos habitudes ?
Un ange passa.
-Comment ça ?
-Celle que vous avez mentionné il n'y a pas une minute.
-Hein ? De qu...
Le reste de la phrase du brun resta bloqué dans sa gorge. Lavi lui avait tout simplement sauté dessus. Bougeant ses lèvres à la fois délicatement, comme s'il ne voulait pas le briser, et à la fois sans cacher son désir d'approfondir.
Etrange. Kanda sentait une nuée de papillons prendre leur envol au creux de ses reins. Un baiser étrange, doux et demandeur.
Un baiser auquel il répondit après avoir décidé que la baffe monumentale attendrait.
Lavi, qui s'étonnait déjà d'être encore en vie, faillit se pincer le bras lorsqu'il sentit la langue de son vis-à-vis s'unir à la sienne, à sa danse. Il eut toutes les peines du monde s'arrêter, mais sans toutefois s'écarter de plus de trois millimètres, la bouche encore entrouverte et le souffle haletant.
-Déjà dégonflé ? murmura Kanda d'un ton adouci avec une pointe de moquerie.
-J'attends votre permission...
Il était bien le premier à demander sa permission. Les papillons s'affolèrent.
-Ah, pardon, parce que ce n'était pas assez clair... souffla le jeune homme avant d'unir leurs bouches une nouvelle fois, en faisant monter Lavi sur ses cuisses et collant son buste au sien.
Lavi jeta un coup d'oeil à son réveil. Trois heures vingt-six.
Il ne s'embarrassa pas l'esprit de calculs inutiles, se contenta de sourire en regardant son amant fermer les yeux, la respiration encore tremblante.
Il refloua le drôle de sentiment qui l'envahissait depuis le début de la soirée à propos de ce dernier. Mais ne put s'empêcher de murmurer une dernière fois son nom en glissant à son tour dans le sommeil.
-Yû Kanda...
Des remarques, des commentaires ? Vous avez aimé, vous n'avez pas aimé ? Reviews, siouplé...
J'espère du fond de mon petit coeur que ça vous a plu. Merci d'avoir lu !
Au prochain chapitre !
