Personnage : Damon, mention de Katherine/Damon.
Rating : PG-13.
Cadre temporel : Post 1x14, Fool Me Once.
Synopsis : Cela faisait bien dix heures que Damon était assis là sans bouger.
Note : Ficlet écrite pour le concours du forum The World Is a Fiction.
La question
Cela faisait bien dix heures qu'il était assis là sans bouger. Le feu dans la cheminée avait fini par mourir, malgré les pathétiques tentatives de Stefan de le raviver à chaque fois qu'il osait s'aventurer dans la pièce principale du manoir ; comme si rendre la vie à ces pauvres braises avait une quelconque action sur la chaleur de leur relation fraternelle - comme s'il espérait, l'idiot sentimental, que la mise en acte de cette métaphore-là arriverait à le réchauffer lui, qui ne bougeait pas du sofa ancien depuis des heures.
Damon était parfaitement au fait du tableau pitoyable qu'il renvoyait. Oh, il arrivait même à se visualiser très précisément de l'extérieur : le crétin drama queen pleurant son amour perdu. D'ordinaire, c'était Stefan qui offrait ce genre de spectacle : le front bas, le regard voilé, le menton chu dans la paume, les sourcils froissés et ébahis.
L'aîné des Salvatore concevait totalement, absolument, qu'il était ridicule à ses propres yeux. Et, pourtant, il ne bougeait pas. Il n'arrivait pas à s'en soucier suffisamment pour bouger.
Pourquoi bouger ? Il n'avait plus rien à faire, désormais. Il avait passé cent ans à tout mettre en œuvre pour retrouver Katherine. A échafauder des plans, à les réaliser avec plus ou moins de talent, à recueillir des informations par le charme ou la menace... Cent ans. Cent ans pour échouer. Pas même pour échouer, d'ailleurs : cent ans pour réaliser que sa quête n'avait pas de sens.
Katherine n'avait que faire de lui. Elle était quelque part, à New York ou ailleurs, à s'amuser comme elle savait le faire, en disséminant ça et là ses rires cruels et voilés, mêlés d'enfance et de sophistication. Peut-être ne se rappelait-elle même pas de son prénom.
Ces pensées étaient trop douloureuses pour Damon, qui les refoula impitoyablement. Peut-être était-ce faux. Peut-être le croyait-elle tout simplement mort. Peut-être y avait-il une autre explication à son silence.
Il était beaucoup trop coûteux de croire qu'il avait passé toute une vie - toute une non-vie, plus de temps encore, en fait - à poursuivre une bête et adolescente chimère. Toute cette espérance, toute cette énergie, tout cette affection refoulée, toutes ces nuits passées à se branler en imaginant son ventre ou ses cheveux (parce que c'était ça, concrètement, les grands amours romantiques lointains, pas autre chose), toutes ces minuscules choses qui lui faisaient penser à elle en permanence, ce trouble fasciné et vomitif à la fois qu'il ressentait en détaillant Elena... Tout ça n'avait pas pu exister en vain. N'est-ce pas ?
Au fil des heures, des jours, son apathie avait fini par se muer en énergie du désespoir, et le constat amer et paralysant était remplacé par la Question, aiguë, frénétique. Hein que ça n'avait pas pu exister pour rien ? Hein que son existence avait encore un sens ? Il ne pouvait pas s'en défaire. Cela lui collait au corps comme un poisseux poison.
Quelque part, il croyait au bien-fondé de cette question, à cet espoir qu'il improvisait pour ne pas sombrer là où il sentait qu'il ne se relèverait pas. Quelque part ailleurs, il pensait qu'il était juste une pauvre tache grotesque.
Alors ce soir-là, lorsqu'il se traîna enfin jusqu'à sa chambre, il ne put pas s'en empêcher. Etendu sur son lit en mordant son poing, en espérant que personne ne l'entende, en espérant surtout ne pas s'entendre lui-même, il éclata en sanglots.
