Le voilà qui était installé dans son fauteuil habituel, sur lequel se trouvait ce coussin portant le drapeau du pays, dans ce salon plongé dans la pénombre d'une journée qui lui avait semblé être sans fin. Comme toutes les autres. Big Ben sonnait déjà ses neuf coups du soir, mais cela n'alarma en rien le soldat qui se contenta de jeter un regard à la fenêtre pour ensuite le reporter sur ce fauteuil toujours aussi vide, face au sien.
Plus de coups de feu, plus de membres ensanglantés dans le réfrigérateur non plus. Plus de cris de désespoir à la recherche d'une quelconque marque de nicotine. Plus rien du tout. Rien qu'un silence pesant parfois brièvement interrompu par Mrs Hudson qui venait vérifier – du moins, c'était l'impression qu'il en avait – qu'il n'ait besoin de rien.
- La seule chose dont j'ai vraiment besoin ne peut m'être accordée, Mrs Hudson.
Elle ne le comprenait que trop bien, mais cela ne l'empêchait guère de se faire du souci pour cet homme qui, il y a quelques mois encore, rayonnait en compagnie d'un compagnon peu ordinaire. Aujourd'hui, le médecin qu'était John Watson avait perdu toute raison de sourire, de rire aussi. Son meilleur ami n'était plus.
- John, je sais que vous n'aimez pas en parler mais…peut-être devriez-vous songer à trouver un autre colocataire.
Cette idée horrifia de suite John qui ferma les yeux, s'interdisant de verser une larme de plus que celles qu'il avait déjà versé au cours de ces derniers mois. Il lui semblait n'avoir fait que cela depuis que Sherlock avait sauté du toit de l'hôpital.
- C'est trop tôt.
- Vous ne devriez pas…
- Rester seul. Je sais. Lestrade me l'a encore dit hier. Mais je préfère la solitude à la compagnie d'un ignare qui ne saurait lui arriver à la cheville.
- Je ne vous demande pas de le remplacer, John.
- Jamais, Mrs Hudson. Jamais je ne le remplacerai.
Personne ne pourrait remplacer Sherlock Holmes.
