Allongé sur son lit, Killer fixait de ses yeux glacés le plafond de son étroite chambre d'étudiant. Dans ses pensées, se bousculaient les paroles d'une chanson qu'il avait entendu dans un stand de tone-dial sur l'Archipel. La chanson était très mélancolique, et à la fois enthousiaste. La chanteuse, puisque c'était une femme, parlait de l'homme qu'elle venait de tuer, alors qu'elle ne lui voulait aucun mal, a priori ; une « simple altercation » s'était transformée en bain de sang. Le réflexe bête… Pour beaucoup, l'air de la mélodie était agréable, la chanson bien construite ; quant à la voix de la chanteuse, un pur instant de plaisir. Mais pour Killer, ça ne se limitait pas à une première impression : cette chanson était écrite pour lui. La chanteuse déchiffrait musicalement le détail noir du cœur du lycéen. Oui, sur Grand Line, un adolescent de 16 ans peut déjà avoir tué quelqu'un !
PLUME DE GLACE SUR HORIZON DE FEU
Au loin, sept coups de Gong retentir, faisant vibrer le paysage et les lourds murs de l'Université. Killer ferma un moment les yeux, et compta. Ses régulières insomnies lui avaient permis de repérer tous les décalages entre le Gong de Marine Ford, et les sonneries de Mori, puis du lever des autres élèves.
… 47, 48, 49, 50, 51, 52 ! DRIIING … 180, 181, 182, 183, 184 ! TapTapTap
Killer eu un léger sourire de satisfaction. Vraiment, son horloge interne était d'une précision à toutes épreuves : 52 secondes entre le gong et la sonnerie, et 3'04 minutes entre la sonnerie et les premiers réveils. Cela variait à plus ou moins 9 secondes selon la saison. L'humain est un bien bel exemple en matière de robotique. Killer se leva lentement. Lorsqu'il s'était réveillé quelques heures auparavant, il avait rapidement enfilé ses vêtements, sachant que de toutes manières, il ne se rendormirait pas. Mori était vraiment belle de nuit, difficile de s'en lasser, et même le 4ème étage ne pouvait priver le jeune homme de ses escapades nocturnes pour rejoindre cette forêt en bordure de mer qu'il aimait tant. Son agilité lui permettait de descendre sans problèmes par la fenêtre, sautant de balcon en balcon sans faire le moindre bruit, et de s'enfuir dans un univers qui n'appartenait qu'à lui. Il aimait le son de la forêt, cet écho envoûtant où seule l'imagination définissait formes et bruissements. De jour, les élèves n'avaient pas accès à la mer sous peine de sanction ; la zone « accordée » avait été délimitée par la direction, mais bien entendu, Killer n'en tenait pas plus compte de jour que de nuit. La frénésie qui le prenait au moment où ses doigts effleuraient la poignée de fer de la fenêtre ne le quittait que lorsqu'il était amené à la refermer ; aucun autre évènement sur Terre n'avait su contribué à une quelconque hésitation de sa part, si ce n'est de devoir refermer cette ouverture à la liberté qu'il chérissait tant. Cette nuit-là, il était rentré aux environs de 6h30 ; cela lui avait laissé le temps de se préparer avant de s'allonger sur son lit, et de ressasser ses pensées à travers les paroles de l'envoûtante mélodie. Des pensées qui ne l'avaient plus quitté depuis 8 ans, et qui se matérialisaient de plus en plus au cours du temps, et aujourd'hui, à travers une simple chanson. Après avoir enfilé ses bottines mocassin, Killer se dirigea vers la porte donnant sur le couloir. Une journée comme les autres pouvait alors débuter.
