Bonjour ! Suite à une demande de Clemantine, j'ai écrit la version de Kyo de mon histoire "A la lueur d'une lampe éteinte", que j'ai d'ailleurs réécrite et remodelée.

Je dédie donc cette histoire et plus généralement toutes mes œuvres à ma sœur et bêta Clemantine. :)


Cela faisait trois longues années qu'il voyageait pour retrouver sa terre natale. Son chez lui. Trois années qui lui avaient paru interminables, malgré leurs richesses. Il avait rencontré de nombreuses personnes, en avait combattu une partie mais avait toujours appris. Il restait le plus fort bien sûr, mais il s'était quelque peu ouvert aux autres et à leur culture. Il avait hâte de rentrer bien que la solitude ne le gêne pas plus que ça. Il avait toujours été taciturne et ne parlait jamais pour rien. Toutefois, il ne connaissait que trop bien ce qu'il avait laissé derrière lui et ne souhaitait en rien les faire attendre plus longtemps. Il était empli du besoin impérieux de la rejoindre. Elle était sa raison de vivre, ou plutôt il ne pouvait exister que par et pour elle maintenant que le clan Mibu avait été décimé.

Ω

Voilà maintenant quelques mois qu'il était de retour au Japon. Il avait encore une longe route devant lui avant de pouvoir retrouver les siens mais il ne se plaignit pas. Il ne se plaignait jamais. Après tout, il était le plus fort. Un démon. Il avait fait tant de victimes qu'il ne pouvait se permettre de montrer la moindre faiblesse. Et la lassitude qu'il pouvait éprouver quelque fois était toujours intelligemment repoussé loin de sa conscience, l'empressement prenant sa place.

Ses pensées n'étaient que trop régulièrement remplies du désir de la revoir. Une envie irrépressible. C'est dans ces moments-là qu'il entendait leurs voix. La sienne était plus claire, plus forte que les autres. Généralement, elle était heureuse et il était satisfait qu'elle eut suivi son conseil. Néanmoins, sa voix paraissait teintée d'une tristesse infinie quelque fois. Il se demandait alors si ce n'était pas le soir pour elle. Elle avait souvent tendance il y a trois ans déjà, à dormir roulée en boule, repliée sur elle-même. Elle lui avait souvent donné envie de la réconforter alors mais il s'était toujours ravisé. Il n'était pas de ce genre là.

Enfin, un jour, le chemin lui parut plus familier. Il reconnut alors la route où il avait indirectement rencontré Yuya, emprisonné qu'il était dans le maudit corps de Kyoshiro. Il sourit malgré lui en pensant à elle et alluma sa longue pipe, désireux de se changer les idées. Il avait beau être fort et puissant, il n'était pas infaillible et le stress de revoir ses compagnons grimpait progressivement.

Finalement, après quelques longues heures de marche, il la vit enfin. Elle semblait triste malgré la présence de son ami Kyoshiro. La voir ainsi lui pinça le cœur et il vit le Tenrô briller intensément, répondant à ses propres émotions. Yuya comme Kyoshiro se protégèrent de cette lueur par trop vive et ne semblèrent pas le reconnaître au premier abord, trop aveuglé. Il eut un petit rire moqueur avant de dire :

« - J'aurais pu m'extraire seul des décombres de la tour rouge mais le tenrô m'a projeté à l'autre bout de la terre. Du coup j'ai mis un temps fou pour revenir jusqu'ici... Je vais me venger. Tout le long du chemin, j'ai entendu ta voix et celle des autres qui m'appelaient... Je t'ai fait attendre. »

Par ces quelques phrases, il lui signifiait combien il avait apprécié son soutien et essayait à sa façon de se faire pardonner pour ces trois longues années, bien qu'il n'était en rien fautif. Elle se jeta dans ses bras et il posa une main rassurante sur sa tête. Il n'osait pas l'enlacer, peu sur de leur relation potentielle. Elle l'aimait, elle lui avait dit certes mais c'était il y a trois ans. Et son euphorie n'était peut-être que passagère. Le démon avait eu le temps de bien y réfléchir durant ses années d'errance. Pourtant, il était comblé par l'étreinte de la jeune femme. La réserve de son étreinte était également du fait de la présence de son ami. Il aurait voulu être seul avec la jeune femme, voir si elle l'aimait toujours, s'il avait le droit de l'avoir pour femme. S'il la méritait. Alors il se contenta de cette main chaudement posé et d'un regard intense qui ne quittait pas Yuya.

Sur le chemin pour aller chez Kyoshiro et Sakuya, il put détailler le corps de la blonde. Ses cheveux avaient poussés, toujours aussi soyeux. Il pouvait en sentir encore la caresse sous sa paume. Il avait pu vaguement apprécier son corps ferme pressé contre le sien et aurait aimé en apprendre plus. Malgré tout, il avait également remarqué la pointe de la cicatrice laissée par le coup quasi fatal de Nobunaga. Ainsi que la chair, légèrement plus pale, en douze points. Les étoiles symbolisant sa vie avait marqué son corps à jamais. Ce n'était visible que si on regardait bien mais pourtant, elles étaient là. Ces douze petites marques symbolisant sa vie raccourcie à douze petites heures où elle avait souffert comme jamais. Il y avait également le stigmate apposé par Kyoshiro quand il l'avait blessé, enfant, avec son katana.

Ce sont ces remords et ces cicatrices qui amenèrent le démon à s'éloigner quelque peu de la jeune femme. Avait-il réellement eu raison de revenir ? N'était-elle pas plus heureuse loin de lui ? N'avait-elle pas suivi les derniers mots qu'il lui avait prononcé « sois heureuse » ? Toutes ces marques ou presque étaient présentes par sa faute. Il avait un nombre incalculable de dettes envers elle.

Le manque de réaction face à la certaine distance qu'il avait tout d'abord prise sans l'imposer de la part de Yuya, confirma le démon dans son choix. Il était revenu pour elle et il aurait voulu lui dire. Mais son envie de vouloir plus était avortée par des contraintes sentimentales, des doutes, des hésitations et des incertitudes.

Quelques jours plus tard, le temps à tous de prendre la route et de délaisser leur quotidien, la bande complète fut réunie. Aucun ne manquait à l'appel et Tokito était même de la partie, fidèle à elle-même. Elle suivait toujours Akira, certaine qu'elle pourrait le battre un jour. Kyo s'amusa de l'enthousiasme extravagant de Tigre Rouge et Yukimura qui chantaient, dansaient, criaient. Il suivit du coin de l'œil la consommation sérieuse de sa belle, qui était rayonnante, tout en sourire et en éclats de rire. Il fumait sa pipe, buvait un verre, souriait à une blague. Il était tout simplement heureux. Personne ne se rendait compte de la situation dans laquelle il avait été durant ces trois années et il n'en parlerait de toute façon pas, mais il avait été seul. Lui n'avait pas pu compter sur ses amis quand la douleur de l'isolement se faisait trop vivement ressentir. Il n'avait pu compter que sur lui-même, comme toujours et il avait retrouvé une partie de sa bestialité d'autrefois.

Il suivit du coin de l'œil la lente progression de Yuya entre les corps ivres pour sortir un instant. Il la comprenait, cette moiteur étouffante était difficilement supportable, tout comme cette proximité. Ses sens, non loin de s'être émoussés, n'étaient plus adaptés à ressentir autant d'auras différentes et il avait les nerfs mis à rude épreuve. C'est pourquoi, lorsque tout le monde fut endormi ou au bord du coma, il choisit de sortir à son tour. La fraîcheur de l'air lui fit du bien, tout comme l'éloignement de cet espace clos. Il se sentait étrangement à l'étroit entre ces quatre murs, à cause de ces trois longues années à l'air libre bien sûr, mais ils lui rappelaient également les murs de sa cellule où, enfant, il avait été enchaîné.

Il avança vers l'endroit où il supposait qu'elle se trouvait. Il s'arrêta un instant pour la contempler. Son kimono orangé et jaune, symbolisant l'automne, la mettait divinement bien en valeur. Il était quelque peu ouvert, dévoilant la naissance de sa poitrine. Il ne pouvait détacher son regard d'elle et de ses formes ravageuses. En bougeant dans son sommeil, elle avait écarté quelque peu les pans de son kimono, dévoilant des jambes galbées. Des fleurs venaient encadrer ses cheveux répandus parmi elles.

Elle était belle.

Elle dormait bien au vu de sa respiration calme et apaisée. Pendant un temps, il n'osa l'approcher. Il ne se connaissait que trop bien et savait quelles pulsions pouvaient l'étreindre s'il venait à être trop proche. Il la désirait comme jamais et n'était que trop douloureusement conscient de la distance qui les séparait pourtant. Malgré toutes les questions qui tournaient en boucle dans sa tête, il décida de les balayer de son esprit pour se pencher et embrasser la belle endormie. Toutefois, au contraire de ce qu'il pensait alors, elle se réveilla rapidement, alerte. Elle parut un peu déboussolée au début et il la fixa intensément, espérant faire passer d'un simple regard toute l'ampleur de son désir et de son amour pour elle.

Il sourit moqueusement face à la légère coloration du teint de la jeune femme. Pourtant au fond, il se demanda quelle allait être la réaction de la chasseuse. Il pouvait lire les questions qui défilaient dans ses yeux. Pouvait-elle répondre à ce baiser ? Signifiait-il la même chose pour eux deux ? L'aimait-il autant qu'elle l'aimait ? Elle se redressa quelque peu, effaçant quelque peu la distance qui les séparait. Le démon n'osait bouger, incertain quant à l'attitude à adopter. Il préféra la laisser faire. Ainsi, il était sûr de ne pas commettre d'impair... Elle s'approcha toujours plus, lentement, timidement. Le démon vit son regard papillonner entre ses yeux rouges et ses lèvres avides quand elle l'embrassa. S'il était incertain au début, il devint rapidement passionné. Les mains avides de la chasseuse de primes vinrent fourrager dans ses cheveux tandis qu'il enlaçait sa taille pour la sentir plus étroitement serré contre lui.

Ils se séparèrent rapidement quand ils entendirent, quasi simultanément, des bruits de pas incertains. Peut-être était-ce mieux ainsi finalement. Kyo n'aurait su dire s'il aurait alors pu s'arrêter à ce simple baiser, enfiévré de passion. Il reconnut Akari, titubant vers lui pour le frapper, d'un coup qu'il esquiva très facilement. Il en profita pour laisser sa belle avec la soigneuse. Il se dirigea vers la salle et esquissa une grimace d'ennui face aux nombreux bruits présents dans la pièce commune. Finalement, il préféra se diriger vers la terrasse, s'asseyant à même le sol, contemplant la lune et profitant de la fraîcheur de la nuit.

Il entendit quelques temps après Yuya déposer avec plus ou moins de douceur Akira auprès des autres et un bain se remplir. Elle n'avait visiblement pas envie de dormir elle non plus. Il posa sa tête contre le mur, lâchant un soupir. La simple image de son corps le rendit fou de désir et il l'aurait sûrement rejoint si les cicatrices qu'il avait aperçues plus tôt ne s'étaient pas rappelées à lui. Il se sentit alors tout de suite refroidi et les innombrables pensées maintes fois ressassées ressurgir dans sa conscience. Les questions dont il ne pouvait trouver de réponse s'imposèrent à lui, le torturant et le culpabilisant d'être revenu. Il finit par s'endormir sur ses sombres idées.

Le lendemain, il sentit que la jeune femme essayait de lui parler mais il ne put accéder à sa requête silencieuse, d'une part car il n'en avait pas vraiment l'envie, d'autre part car il était accaparé par ses amis qui cherchaient à tout connaître du long voyage qu'il avait parcouru. Il ne disait rien bien sûr, préférant les laisser imaginer ce qu'il voulait sur ses potentielles visites. Il sentit un malaise poindre quand ils commencèrent à évoquer les conquêtes exotiques qu'il avait dû trouver sur son chemin et il intima au silence par son regard et sa prestance. Il avait beau être un démon, il connaissait le respect et la loyauté. Ne l'avait-il d'ailleurs pas prouvé en restant jusqu'au bout au côté de son mentor ?

Peu après, il vit la jeune femme s'éloigner, sûrement pour faire un tour. Il en voulut instantanément à ses amis de l'avoir mis dans cette situation aussi délicate mais il fut bientôt repris dans le flot incessant de paroles. Il regarda par la fenêtre mais ne vit nulle trace de la chasseuse de primes. Il savait qu'ils allaient devoir se parler un jour mais il préférait éloigner cette perspective le plus loin qu'il pouvait. Il était homme à profiter du présent et la relation ambiguë qu'ils entretenaient alors lui suffisait.

Quelques instants plus tard, il la vit revenir, des couleurs plus prononcées sur le visage. Il leva un sourcil, intrigué mais elle haussa seulement les épaules, ne désirant pas lui répondre. Agacé, il martyrisa la table de ses doigts mais elle lui tourna le dos, rendant tout forme de communication impossible. Il se ressaisit. Il n'avait pas besoin de connaître les moindres pensées de la jeune femme et n'en avait de toute façon ni le droit, ni les capacités.

Ω

Une semaine passa, sans qu'aucune évolution entre eux n'apparaisse. Ils se contentaient d'une communication verbale, de quelques gestes et parfois, d'un baiser chastement volé au détour d'un couloir. Ces moments d'amour non-exprimés les rendaient alors plus perplexes, plus incertains quant au futur qui les attendait. Kyo savait qu'il n'y avait pas de rédemption pour le démon qu'il était mais il désirait plus que tout finir avec Yuya qu'il savait être la femme de sa vie. Toutefois, l'amour ne suffisait pas toujours. Il ne le savait que trop bien et c'est ce qui le poussait à ne faire aucun effort pour rendre leur lien plus compréhensible, clair et lisible. Il restait ostensiblement dans le flou, diluant les contours, les emplissant tous deux de doutes aussi douloureux que pesants.


Review ?