Note de l'auteur : Je ne détiens que ma passion pour les personnages de CSI. Cette histoire n'est que de la pure fiction.
Le Calvaire
Tant d'années de labeur, de dévouement, de patience et d'inquiétude. Tout ce temps gaspillé à stopper le crime et à faire éclater la vérité au grand jour l'affectait plus que d'ordinaire. Que lui restait-il aujourd'hui ? Seulement les regrets et les doutes qui ne cessaient de l'assaillir de part et d'autres. Cette sombre réalité s'acharnait sur lui et lui collait à la peau le laissant un peu plus chaque jour mutin et coupé du monde. Ce qui autrefois l'animait et lui rendait son semblant d'humanité n'avait désormais aucun sens à ses yeux. Son entière existence n'était plus consacrée qu'à deux seules choses : suivre les indices puis conserver le contrôle. Ces mêmes indices se succédaient puis s'envolaient un à un l'abandonnant seul à son amertume. Ses mains tantôt vigoureuses tantôt libertines, exécutaient maintenant sans trop d'empressement les tâches coutumières. Ses beaux yeux emplis d'une vitalité pétillante avaient pris une couleur aussi terne que son humeur morose. Peu enclin au bavardage ou aux longues tergiversions, les moindres paroles qu'il proférait résonnaient maintenant fausses à son oreille. Où était passée son âme ? Était-elle tapie au tréfonds d'une mer de lassitude qui menaçait de l'engloutir complètement ?
Accoudé à son bureau, l'entomologiste révisait la dernière lettre qu'il avait écrite avant de la soumettre à son supérieur. Trop absorbé par son rituel, il n'entendit pas Catherine s'avancer dans la pièce.
"Que fais-tu ? "
L'homme suspendit son geste rageusement et pinça les lèvres en guise de réponse.
"Alors ! "
"Oh, j'examine la déposition de Mrs. Layton ". Le mensonge lui venait si facilement lorsqu'il se sentait coincé. "Une chose me tracasse cependant ". Instinctivement, il frotta son menton, releva la tête en direction de la jeune femme et cacha précipitamment la missive qu'il tenait de l'autre main.
Catherine coula un regard scrutateur en sa direction. Grissom avait une drôle de tête.
"Comment a-t-il su que sa femme éprouvait des problèmes de santé puisqu'il n'était pas présent à cette période ? "
Rapidement, la rouquine s'approcha soudainement intriguée. "Un membre de la famille peut-être ! "
"Non puisqu'il était brouillé avec eux ". Le cerveau en ébullition, les hypothèses que se forgeaient Grissom s'emmêlèrent. Tout allait si vite, à une trop vive allure.
Prise au jeu, Catherine suggéra une fois de plus les différentes possibilités :
"Un ami ou un collègue de la défunte ? "
"Nenni ! Il vivait comme un hermite dans un rocher sans presque prendre contact avec l'extérieur "
Étonnée, la spécialiste leva un sourcil inquisiteur puis plissa les yeux. "Comment ? "
"Brass a localisé l'emplacement à seulement un mètre de la résidence de la victime "
Secouant la tête énergiquement, Catherine chassa les scénarios qu'elle s'était fabriqué au préalable " Heureusement que Grissom trouvera la solution au moment opportun ", pensa-t-elle. Refusant toutefois d'abandonner son ami à ses questionnements, elle posa les fesses sur une chaise en marquant un point : "Donc, il l'observait au loin depuis des mois "
"Affirmatif !" dit Grissom tout en remuant la tête. "D'ailleurs, Warrick a examiné l'ante de Mrs. Layton et a fait la découverte d'un télescope à grande portée.
"Trahi par sa conjointe, notre homme s'est distancé de son entourage afin d'observer les écarts de conduite de son épouse. Bafoué, frustré et probablement aliéné, il l'aurait alors lâchement assassiné avant de reprendre sa vie de reclus "
"C'est ce que laisse sous-entendre les preuves non ? "
Se frottant les mains, la rouquine semblait satisfaite à l'idée de tenir un petit filon.
"Eh patron ! " Greg qui pénétra sans s'annoncer dans le bureau, freina en voyant le regard courroucé de Gil.
"Que se passe-t-il encore ? " Lui demanda-t-il penaud
Embarrassé, Greg peina pour trouver ses mots. Cet homme avait un don inné pour perturber les gens, surtout lui !
"Alors Sanders ! " dit gaiement Catherine "On a perdu sa langue !". Le ton chaleureux de sa collègue lui permit de retrouver son sang froid.
"Après avoir effectué le test d'ADN sur le cheveux retrouvé dans la mare de sang de la victime, deux possibilités s'imposent ..."
Peu attentif, Grissom retourna à ses chimères. Malgré le besoin imminent d'éclaircir cet homicide, il s'autorisa pour la première fois à se soustraire des élucubrations de ses subordonnés. Tout l'agaçait, la présence de Catherine dans son abbaye, les gaucheries de Greg et maintenant, la vive douleur près de ses tempes. "Argh ! Allait-on le laisser en paix pour une fois ! ".
Sifflotant joyeusement, c'est un Nick plein d'enthousiasme qui fit son entré. Après avoir déposé ses trouvailles devant Gil, il s'adressa d'abord aux autres membres de l'unité : "J'ai trouvé une mince fibre de couleur dorée sur la robe de Madame Layton. Tout porte à croire qu'il s'agit d'un transfert puisque le parka du fils de la victime comporte ce même type de ficelle !"
"Quoi, il entre ici sans aucuns égards et spécule avec les autres tout bonnement. Je SUIS le superviseur et il ne prend même pas la peine de m'informer de ses dernières découvertes. Je ne suis quand même pas invisible ! " S'enlisant de plus en plus dans ses pensées puériles, Grissom sentit la moutarde lui monter au nez.
Il fallait que tout ce beau monde déguerpisse au plus vite !
"Yo !" cria Warrick d'une voix profonde à l'assemblé. "En fouillant l'appartement de Bruce Layton alias le fils chéri, j'ai récolté quelques gouttelettes de sangs et..." secouant de sa main gantée un bout de papier, il joua de mystère. Tour à tour, les professionnels le dévisagèrent aguichés.
Impatient, Grissom déversa enfin son fiel : "Sortez tous d'ici, foutez le camps ! ".
Les rires et les éclats de joie se tarirent illico. Depuis quand SON bureau était-il devenu une salle communautaire où il faisait bon jaser ?
La réponse vint sans crier gare. "Bien, vous êtes tous là ! " s'exclama Sara. "J'ai obtenu la confirmation, Bruce est notre ledit meurtrier ". Satisfaite à l'idée d'avoir écarté les soupçons pesant contre le mari de la défunte, la jeune femme risqua un regard vers ses compagnons de travail. Lorsqu'elle aperçue leur mine dépité, elle ne pu retenir un hoquet de surprise : "Quoi ? "
Le tonnerre gronda et l'entomologiste se fit entendre dans l'instant : "DEHORS, allez ouste ! "
Abasourdie, Sara se rembrunit tout à coup. Qu'avait-elle dit ou fait pour le contrarier à ce point ? Comme un enfant recevant une punition, elle fit une moue.
Nick écarta doucement Sara du revers de la main et sur un ton transpirant la colère, prit parole : "Qui a dit que la foudre ne s'abattait qu'une seule fois au même endroit ? "
Encouragée par le sarcasme du jeune homme, Catherine répliqua qu'elle lui toucherait deux mots à ce sujet. Obéissant néanmoins aux ordres de leur responsable, ils sortirent en trombe de la pièce, ahuris d'avoir assisté à une pareille scène.
"Ouf ! je n'aurais jamais cru Grissom capable d'une telle violence" lança Warrick encore sous le choc. "Depuis l'affaire Parker, il ne semble plus lui-même "
"Donc toi aussi tu as remarqué qu'il nous fait la gueule !" répondit aussitôt Catherine.
Nick arrêta net de marcher avant de faire le point lui aussi : "Ouais, j'ai observé son indifférence à notre endroit mais jamais il n'a perdu pied avant aujourd'hui ! "
"N'y a-t-il pas une première fois à tout " renchéri Greg inquiet.
Tous l'approuvèrent d'un signe de tête avant de se remettre au travail. Une seule personne cependant ne pouvait se départir de ce pitoyable constat. Rebroussant chemin, elle se promit d'aller quérir aux sources.
Rencontre finale
Longeant les murs de l'enceinte, Robert Carvallo admira fièrement l'imposante stature du département de police. Bien que peu souvent appelé à se rendre ici sur les lieux, il délaissa ses nombreux rendez-vous pour accourir auprès de son employé. L'urgence avec laquelle Grissom l'avait prié de venir lui fit craindre le pire.
Arrivant à la hauteur du bureau du superviseur, il tambourina la porte.
"Pas maintenant, je suis débordé ! " tonna une voix de l'autre côté du battant.
"Moi aussi ! " clama l'autre. Il s'était déplacé à contrecœur et n'allait certainement pas se faire rabrouer de cette façon.
Confondu, Gil s'excusa mille fois avant de le faire entrer "Oh pardon Robert !"
"Bon que puis-je faire pour vous Gil ?" L'homme en question se déplaça et lui tendit une lettre bien pliée.
"Vous m'avez demandé de venir pour un simple bout de papier ! ". La colère déforma le visage du petit homme trapu. Rejetant la dépêche au loin, il soutint tout haut : "Je croyais que depuis l'explosion de l'année dernière, que tout allait rentrer dans l'ordre. Ce département aurait besoin d'un grand changement et de moins de confusion ! "
Les deux hommes se jaugèrent avant que ne réplique Grissom d'un ton suffisant : "Lisez donc d'abord ! "
Méticuleusement, le proviseur déplia la lettre avant de commencer à lire. Au bout de quelques secondes toutefois, il releva les yeux. Au fond de son regard brillait une lueur d'incrédulité à laquelle se mélangea un soupçon d'angoisse.
"Mais...mais que veux dire tout ceci ? "
"La réponse est entre vos mains Monsieur " riposta Gil narquoisement tout en regardant sa montre.
"Vous—voulez rendre votre tablier ? "
Décidément cette journée allait de mal en pis...
"Je crois qu'il est temps pour moi de passer à autre chose ! " admit-il rudement
"Incroyable ! " raisonna Robert "Une vie à se damner pour les autres et lorsqu'il parvint finalement au sommet, il déclare forfait. C'est inconcevable, inadmissible ! "
"Je regrette" poursuivit le vieil homme "Mais je ne peux accepter votre démission. Regardez les choses en face Grissom, où vais-je trouver en si peu de temps un remplaçant ? "
"Ne vous tracassez donc pas ! Catherine pourra assurer mon intérim ce qui vous laissera tout le temps nécessaire pour exécuter vos recherches "
Voil, il avait enfin eu le courage d'aller au bout de ses convictions. Pourquoi se leurrer davantage quand plus rien ne le passionnait. " Je veux désormais profiter du temps qu'il me reste, voir ces endroits magnifiques qui invitent à la détente et au repos. Je veux m'éloigner du bruit, de la ville, des foules, des cris, du sang... des responsabilités. Qui pourrait comprendre qu'un homme tel que moi à lui aussi besoin de lâcher prise, de s'abandonner et de découvrir le vrai sens du mot vivre ? "
Qui en effet pouvait cerner l'énigmatique Gil Grissom ?
"Il me faut du temps ! " pesta maladroitement Carvallo.
Partant d'un rire laconique Gil ne se laissa pas démonter pour autant "Selon la loi, je dois vous donnez deux semaines de préavis. Robert, je ne reviendrai pas sur ma décision. N'oubliez pas, deux semaines et pas un jour de plus ! " Pour donner plus de poids à ses paroles, il planta son regard dans celui de l'homme se trouvant en face, sans sourciller.
Rien ni personne ne le ferait flancher, pas cette fois du moins !
Le destin moqueur
Agacée, Sara soupira et secoua la tête vigoureusement. Pourquoi Carvallo gesticulait de la sorte et Grissom haussait-il la voix ? Son estomac se noua alors qu'une vision d'horreur se dessinait devant elle. Muette de stupeur, elle se questionna encore et encore. Que faisait Carvallo dans le bureau de Gil ? La présence du directeur n'avait rien de banal et créait en elle tout un émois. Il ne rendait jamais de visite de courtoisie à quiconque encore moins à Grissom qu'il ne blairait plus depuis la dernière déflagration. Profitant de son départ, elle se faufila dans la pièce. Grissom se tenait là, fier et imposant. Un étrange aura semblait irradier de sa personne. L'expert projetait une image de sérénité, il paraissait décontracté, en paix avec lui-même. S'avançant tout en douceur, elle vint lui toucher l'épaule. En rejetant la tête vers l'arrière, il sursauta âprement.
"Mais qu'est-ce qui te prend Sara ? " retrouvant son sérieux, ses yeux s'obscurcirent et son regard se fit dur.
Reculant sous l'impact, la jeune femme rougit. "Je—je suis désolé de t'importuner mais je m'inquiétais "
"Tu épiais plutôt ! " osa-t-il avancer effrontément. Elle ouvrit grand les yeux puis le toisa.
"Tu crois que je m'abaisserai ainsi Grissom ? " suggéra-t-elle posément.
Gil tempêta tout haut : "Qu'avez tous aujourd'hui ..." lui coupant la parole elle faillit rugir : "TU vas maintenant nous en vouloir parce qu'on s'inquiète pour toi ! " l'homme ravala sa salive sans pouvoir se justifier.
"J'ai été témoin de la présence de notre patron, c'est tout ! " répliqua-t-elle au bord de la crise de nerf.
Grissom se décontracta et baissa sa garde. Il se rendit à peine compte qu'il avait laissé tomber sa lettre. Atterrissant aux pieds de la brunette, elle s'en emparant afin de la lui remettre. Interprétant autrement ce geste, il balbutia quelques jurons : " Merde...saleté...quelle galère ! " Involontairement, Sara en entraperçut l'en-tête et son pouls se mit à battre dangereusement. "Démission, départ ?! " Elle ouvrit la bouche en voulant formuler une phrase mais aucuns sons ne s'en échappa. Son visage prit promptement un éclat inaccoutumé, elle était transfigurée.
La prenant aux coudes, Grissom la secoua légèrement. "Ce n'est pas ce que tu crois ! " se défendit-il. Elle balaya sa main d'un brusque coup.
"Je ne te dois aucunes explications mais par charité d'âme je t'en offrirai une " lui cracha-t-il aux limites de la patience.
"Ne gaspille pas ta salive car j'ai bien compris que tu désirais partir comme un, comme un ... " Ne perdant plus une minute de son précieux temps, elle claqua la porte et s'en fut dans le laboratoire.
L'entomologiste ne l'entendait pas ainsi...
"Sara—Sara ! " cria-t-il à plein poumon "Il faut qu'on se parle ! "
Accourant à sa rencontre, elle rétorqua : "Cesse de crier ! "
Se calmant difficilement, Gil chercha les mots justes pour tenter de lui faire comprendre qu'il était au bout du rouleau : "Comme tu as pu le constater, je suis irritable, impatient et souvent taciturne "
"Ouais, s'en oublier un vrai goujat, colérique, borné et cyclothymique ! "
Accusant le coup, il s'écria : "Je l'admets, c'est pourquoi j'ai pris la décision de partir au loin ! "
Atterrée par ces paroles, elle oscilla. "Jamais il n'admettait si aisément sa défaite. Avait-il vraiment perdu tout envie de lutter ? Perdait-il afin son fameux contrôle ? " Sara l'étudia, le regard lourd de questionnements. Refermant la porte à sa suite, il pu enfin s'exprimer à sa guise.
"Sara, j'aimerai partir sans cérémonie, en toute quiétude sans avoir à le crier sur tous les toits de la ville ! " lâcha-t-il tout étonné par sa propre franchise.
"Qui crois-tu berner Grissom ? " s'enquit-elle à brûle-pourpoint. Le ton désinvolte qu'elle avait emprunté ne lui ressemblait guère.
"Pourquoi ne comprenait-elle pas qu'il avait besoin de solitude ? Pourquoi le confrontait-elle alors que ses réserves à lui étaient épuisées ? Il chercha vainement les réponses à ses interrogations mais la tristesse et la déception qu'il pouvait lire sur le visage de sa subordonnée lui firent trop mal. Une éternité passa sans qu'il ne bronche puis, retrouvant sa ténacité, il lui suggéra ne pas mentionner la lettre aux autres.
Indignée par le retrait soudain de Grissom, elle riposta avec dureté : " Tu n'es qu'un lâche ! " faisant demi tour, elle tenta de l'évincer mais n'obéissant qu'à son seul instinct, il resta planté là.
"Assieds toi ! " tonna-t-il d'un seul coup. L'abrupt ton qu'il avait employé força Sara à obtempérer. Se calant contre le dossier de sa chaise, elle attendit la suite.
"Donne moi une seule bonne raison pour que je reste " lança-t-il vivement à Sara qui le scrutait anxieusement. Gil avait conscience de l'inconfortable situation dans laquelle il mettait Sara mais elle l'avait bien cherch. Il prit le temps néanmoins de répliquer : "Je n'ai plus rien à offrir sinon qu'à moi-même ! "
D'une toute petite voix qu'elle reconnue à peine, elle rétorqua : " Q'en sais-tu ? "
"Connais-toi, toi-même a dit un grand philosophe ! "
"Je sais mais pense à l'équipe, à tes collègues. Nous avons tous besoin de tes conseils et de ton support ! "
"Et qui pense à moi eh Sara ? " elle soupira bruyamment.
"Vous êtes de bon spécialistes, vous connaissez les techniques mieux que quiconque, le rendement de l'équipe est sans cesse à la hausse et les autres unités policières vous envient. Je crois donc avoir accompli mon boulot Sara"
Se levant lestement de son siège, elle vint se placer devant lui. D'un geste doux, elle lui souleva la tête et fixa son regard dans les magnifiques prunelles azur qui devinrent graves.
"Grâce à toi Grissom nous sommes les meilleurs. Un bon leader sait mener ses troupes mais sans lui, elles s'écroulent comme un château de cartes soufflé par un trop grand vent ! "
À suivre...
