Auteur : Diri
Note : Quand j'ai commencé cette série, j'ai eu peur d'être déçue … Je l'ai dévoré et je me suis régalée. Quand j'ai écrit cette histoire, j'ai eu peur de vous la montrer … J'en ai marre d'avoir peur. Alors la voici.
Une éternité
Prologue :
Six mois. Un an. Trois ans. Neuf ans. Vingt-six ans. Cinquante-deux ans. Cent trente ans. Quatre cents années de plus … environ. Il avait perdu le compte. La maison avait été démolie, mais ils n'étaient pas partis. Détruire leurs corps, les déterrer, les déplacer, ça n'avait rien changé. Ca ne changeait jamais rien.
Et lui, il attendait encore. Il perdait pied. Il s'enfonçait. S'enfonçait. Il observa ses doigts, pleins de sang et il entendit soudain les hurlements. Ses yeux parcoururent des plaies. Est-ce que c'est lui qui avait fait ça ? L'homme, épais, avec un cou large comme un taureau, était en train d'agoniser. Il se demanda pourquoi et soudain, ça le frappa. L'homme était en train de mourir, parce que ces doigts étaient dans sa gorge. Mais alors, qui criait ? Il se sentait tellement perdu. Il avait l'impression d'avoir déjà entendu cette voix. Il se retourna vers elle et il la vit. Violet. Elle hurlait. Elle avait l'air choqué.
« Violet ? »
Ses doigts sortirent de la gorge dans un bruit détestable. Il n'y prit pas garde. Violet n'allait pas bien, il devait s'occuper d'elle. Elle recula d'un pas et atterri entre les bras de sa mère. Ca ne l'arrêta pas, Violet criait encore. Elle semblait choquée et sa mère, elle, était absolument furieuse.
« Ne t'approche Tate ! » cria Vivien.
Seulement, il ne l'écoutait pas. Il n'écouta pas davantage les râles de l'homme. Il était totalement tourné vers Violet. Elle le voyait ? Il existait à nouveau à ses yeux ? Il murmura encore son prénom en s'approchant quand un poing cueilli sa joue. C'était le père. Il ne voulait pas qu'il parle à sa fille ou qu'il aille vers elle. Tate ne leva pas le regard vers lui, ça faisait longtemps qu'il avait compris que cet homme ne pouvait pas l'aider. Il ne voulait pas aider. Il voulait seulement du fric … Ses patients n'avaient aucun intérêt à ses yeux. Il n'avait aucun intérêt … Il le lui avait dit après tout : rien ne pourrait le soigner. Tate éclata d'un rire sombre, tout en se laissant frapper. Il tomba dans le sang de sa victime en riant, riant aux larmes de tristesse et de désespoir. Il voulait seulement jouer au scrabble, aux échecs, écouter de la musique et rester auprès de Violet. Il ne voulait rien d'autre.
Vivien tira sa fille après elle, pour l'éloigner de ce monstre. Ils continuaient, années après années, à chasser toute personne venant en ses murs. Le bâtiment avait été abandonné. Malheureusement, il attirait encore les sans-abris et les vagabonds qui venaient s'installer pour une nuit. L'un d'eux était malheureusement monté à l'étage où Tate attendait, immobile, depuis quelques centaines d'années. Le jeune homme faisait encore plus peur à Vivien qu'à l'époque de son viol. Il était fou avant, aujourd'hui, il était fou et perdu. Une bombe humaine ambulante, à peine consciente de ses actes et pouvant exploser à tout instant. Il était hors de question que sa fille reste près de lui. Tôt ou tard, Tate s'effriterait suffisamment pour qu'il n'ait plus cette obsession dérangeante envers Violet. Elle le croyait à l'époque et elle continuait de s'accrocher à cette idée à présent.
Ben avait observé le garçon se ratatiner sur lui-même, le visage encore ouvert par ses coups de poings et pleurer le départ de sa fille.
Puis, à l'écart du corps, à l'écart de Tate qui s'était de nouveau perdu dans une crise de larmes, Violet prit une décision.
« Je vais y retourner. » disait la jeune fille.
Sa mère lui criait qu'elle n'avait pas à retourner auprès de ce monstre. Son père lui disait que ce n'était qu'un psychopathe, incapable de remord et manipulateur. Il devait avoir raison, après tout, l'esprit était son métier. Pourtant, elle répéta :
« Je vais retourner auprès de lui.
Violet. Pourquoi ? » demanda Vivien complètement perdue.
Alors Violet se sentit obligée de s'expliquer … Elle finit par murmurer, ces mots que son cœur se répétait inlassablement depuis des années. Cette décision, elle ne datait pas d'aujourd'hui. Elle n'avait juste jamais eu le courage de l'assumer.
« Je voulais le punir. Je voulais le punir parce qu'il est coupable. Il sera à tout jamais coupable … mais au lieu de le punir, je punis des innocents. S'il a tué cet homme, c'est à cause de moi. »
Les larmes s'échappèrent de ses yeux. Elle n'écouta pas son père essayer de lui expliquer qu'elle ne pouvait être responsable des actes d'un autre. Tate faisait ses choix seuls. Ils les faisaient froidement, mécaniquement, sans une once de compassion. Elle l'entendait d'écrire une personne qu'elle ne connaissait pas. Il y avait une chose dont elle était certaine : Tate souffrait. Il souffrait et il faisait souffrir.
« Je vais retourner auprès de lui et je l'empêcherai de commettre le moindre crime. Il m'écoute. »
La gorge de Vivien se serra en imaginant sa petite fille, geôlière, jusqu'à la fin des temps. Elle ne pouvait pas s'imposer ça. Elle ne pouvait pas s'imposer une telle compagnie. Vivien allait essayer de le lui expliquer quand la voix fluette de sa fille s'éleva de nouveau :
« Maman. Je suis désolée. J'ai essayé et je lui en veux tellement, mais … Je l'aime toujours.
Violet, c'est un monstre.
Je sais.
Violet ! Tu ne peux pas faire ça ! »
Un sourire triste se forma sur le visage de la jeune fille, face à l'affirmation de son père. Elle pouvait le faire. Elle allait le faire. Elle s'éloigna, lentement, en essayant de ne pas pleurer. Elle leur promettait que tout irait bien. Elle leur promettait qu'elle parviendrait à le retenir, à en faire autre chose. Elle n'avait pas espoir de changer sa nature profonde, seulement, s'il ne souffrait plus, il parviendrait peut-être à se maîtriser. Un peu.
Elle se détourna et gravit péniblement les marches jusqu'à l'étage de Tate. Il était là, recroquevillai sur lui-même, le visage plein de sang et de larmes. Elle retient un haut le cœur face à la victime et ne s'intéresse qu'au bourreau. Elle murmure son prénom et croise son regard si sombre. Il se redresse et s'approche, lentement, comme s'il avait peur de la faire fuir.
« Tate. Regardes-moi. J'accepte de rester avec toi, à une condition.
Je ferais tout ce que tu veux.
Je refuse que tu fasses du mal aux gens. Tu ne tueras plus. Tu ne violeras plus personne.
D'accord, d'accord ! Je suis … Je suis désolé, Violet.
Non, tu ne l'es pas …»
Les larmes redoublèrent sur le visage du fantôme. Etre désolé. Il rêvait d'être désolé. Il faisait tout pour l'être, mais il ne savait pas comment s'y prendre. Elle le sera contre elle, contre son ventre et le laissa pleurer. Peut-être pleurait-elle, elle aussi ?
« Tate. Je veux que tu me le promettes. Si tu trahis cette promesse, je ne pourrais plus te faire confiance, tu comprends ? Je ne pourrais plus t'aimer. »
C'était un mensonge, mais un éclat de panique traversa les pupilles sombres. Il était terrorisé à l'idée qu'elle le chasse et l'abandonne de nouveau. Cette constatation serra un peu plus le cœur de la jeune fille. Il bredouilla des promesses. Il jura qu'il ne tuerait plus. Qu'il ne violerait plus. Qu'il ne ferait plus de mal aux vivants. Qu'il ferait attention … Et cette promesse, plus que les autres, déchira un peu plus Violet. Elle comprit soudain à quel point il pouvait ne pas se maîtriser, à quel point c'était instinctif chez lui de faire du mal.
C'est alors qu'elle lui proposa de faire une partie d'échec. Il s'essuya les joues en esquissant un sourire fatigué. Il la suivrait jusqu'à la fin des temps. Il l'aimait après tout.
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