Avertissement: Je ne possède rien.

Autre Avertissement: Rated M. Contenu explicite par moment mais PAS TOUJOURS.

Autre autre avertissement: YAOI. Après d'infinies hésitations, je me lance dans ce genre particulier que j'aime bien lire de temps à autre mais sur lequel je n'ai jamais écrit. Challenge donc. Je demande humblement votre indulgence. Je précise aussi que, même si c'est M, le but du jeu n'est pas seulement le lemon qui viendra en temps voulu. Ceux qui m'ont déjà lue savent que je suis lente avant d'entrer dans le vif du sujet.

Pour finir, j'ai diaboliquement choisi Goten et Trunks. Parce qu'ils sont naïfs et malléables, c'est un plaisir de s'amuser avec eux. Parce que leurs pères sont deux bourrins trop compliqués pour mon premier yaoi. Et parce que Gohan a une personnalité totalement straight à mon goût, qui rend les yaoi sur lui un peu surréalistes. Quant aux autres personnages, je les ai trop peu utilisés pour les manipuler correctement.

Donc, ce n'est pas bien original mais ça m'a paru être les personnages les plus faciles pour commencer (et peut-être finir) dans le genre. Hope you like it.


CHUT...

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Chapitre 1

La pluie épaisse crépitait sur le trottoir désert. Les rares passants, pressés d'échapper aux gouttes hargneuses, n'étaient plus que des ombres qui se fondaient sous les auvents des magasins. Goten n'y prêtait aucune attention, s'agissant pour l'instant d'un détail infime dans la tourmente de sa vie. Il marchait, la tête basse, en tentant de rassembler ses idées. Il avait conscience que le type, qui venait de le recevoir pendant une demi-heure dans un bureau austère et surchauffé, n'allait pas l'embaucher. Il l'avait compris quasiment dans l'instant où il avait pris place sur la misérable chaise en face de lui, quand le gars avait louché sur son nom. En réalité, Goten prenait douloureusement conscience que personne n'allait plus l'embaucher. En tout cas, personne de sensé dans le monde de l'informatique. C'était frustrant. Il était bon dans sa partie et il aimait ça. Mais peut-être qu'il devrait se reconvertir.

L'eau détrempait sa tignasse, la plaquait sur sa tête et son front, dégoulinant en torrents nerveux le long de ses joues et jusqu'à son menton. Il essuya instinctivement son front du revers de sa manche, et soupira. Il leva les yeux sur le ciel gris sombre. L'après-midi touchait maintenant à sa fin et il était temps de rentrer. Mais Goten n'en avait aucune envie. Il vivait temporairement chez son frère, et l'ambiance chaleureuse de son foyer ne faisait que pointer un peu plus sa situation désespérée. Il adorait son frère, Videl, la petite, bien sûr mais… Comment sa vie avait-elle pu dégringoler de cette manière en quelques semaines ? Il avait souvent retourné cette question dans son cerveau, mais il ne trouvait pas de réponse.

Il continuait à marcher, sans se décider à prendre franchement le chemin de la maison de Gohan, la si joyeuse maison de Gohan, où tout le monde le couvait de regards compatissants, et tentait de lui remonter le moral. Finalement, lassé de la pluie qui se déversait sur lui sans discontinuer, il bifurqua et s'engouffra dans un café. L'établissement n'était pas très fréquenté, il n'était pas vraiment accueillant non plus, sombre et pas franchement propre. Il convenait parfaitement à Goten pour la circonstance. La patronne le suivit des yeux avec un regard mauvais, tandis qu'il prenait place à une table, laissant un sillon d'eau sur son passage. Il commanda un chocolat, et essaya d'essorer ce qu'il pouvait de ses vêtements. La sensation de froid et d'humidité, dont il ne s'était pas préoccupé jusqu'ici, se manifesta enfin et il grelotta. La patronne posa rudement le chocolat sous son nez, et exigea l'encaissement immédiat de la consommation. Il racla le fond de ses poches et sortit la somme en toute petite monnaie, ce qui accentua l'agacement rampant de la cafetière. Il la regarda d'un air piteux en avançant les pièces une par une. Elle rafla le tout et s'éloigna d'un pas excédé. Goten pensa qu'un mois auparavant, il ne serait même pas rentré dans son café pourri. Non, un mois auparavant, il fréquentait des endroits autrement plus sélect, et payait avec une carte qui disait oui à tout. Un mois, ça faisait tout juste un mois. Comment ça avait pu arriver ?

Il observa les gouttes avides qui constellaient la vitre à côté de lui et pensa à Valèse. Il pensa à leur rencontre, trois ans auparavant, à leur vie, à leur installation ensemble, à elle. Il ne ressentait rien. Tout juste une vague culpabilité de ne rien ressentir. C'était vraiment bizarre et, en même temps c'était rassurant. Le choix qu'il avait fait était le plus rationnel. Il n'avait plus de maison, il n'avait plus de travail, mais il se sentait étrangement libéré de cette relation qui s'était nouée un peu sans lui, sans qu'il prenne la peine d'y réfléchir vraiment.

Cette fille l'avait captivée au début, il voulait bien l'admettre. Il se rendait compte aujourd'hui qu'elle avait représenté avant tout un défi. Tous les autres s'y étaient cassé les dents. Tous. Pas un ne l'avait conquise. Elle était presque devenue mythique sur le campus, et ça avait tout de suite réveillé l'instinct de Goten. Le mauvais instinct, celui qui fait faire n'importe quoi. Elle était belle, elle était riche, elle était intouchable, il la lui fallait. Quel crétin. Il se rendait bien compte aujourd'hui qu'il n'avait été qu'un gamin à cette époque.

Il s'était donné beaucoup de mal mais avait fini par réussir fièrement, là où tous les autres avaient failli. Ça l'avait gonflé d'orgueil. Il n'était pas particulièrement imbu de lui-même mais, avec Valèse, il avait eu l'impression, pour une fois dans sa vie, d'avoir décroché la palme, d'être le premier, le gagnant. Et ce n'était pas désagréable. De toute façon, il fallait être honnête, si on arrivait à passer sur son niveau intellectuel très limité, rien n'était jamais désagréable avec Valèse. Elle était comme de la barbe à papa, rien de consistant, mais tellement délicieuse. C'était tout le problème.

Il avait continué à la fréquenter, il avait rencontré son père, ils s'étaient installés dans un superbe appartement du centre-ville, il avait décroché un poste en or dans une des compagnie tenue par sa famille. De quoi aurait-il pu encore rêver ? D'autre chose. Il ne savait pas quoi exactement, mais il savait maintenant qu'il rêvait d'autre chose.

Il remuait distraitement le fond vaseux de sa tasse de chocolat. La pluie n'avait pas cessé, comme si elle l'attendait, patiemment. Il n'avait même pas d'imperméable et le costume élégant qu'il avait enfilé avec tant de réticence pour son entretien d'embauche, était poisseux de l'averse qu'il venait de traverser. Il desserra sa cravate d'un geste brusque et fit sauter le premier bouton de la chemise. Il n'avait toujours pas envie de rentrer. Il sortit son téléphone portable de sa poche et appela Gohan. Son frère décrocha dès la première sonnerie.

- Alors ? demanda-t-il aussitôt, avant même que Goten n'ait eu le temps de s'annoncer.

Gohan avait presque hurlé dans le téléphone, d'une voix impatiente et joyeuse. Goten se frotta l'arrière du crâne.

- Euh… Ils me rappellent, bredouilla Goten.

- Oh. Ils t'ont dit non ? demanda Gohan avec dépit.

- Ils m'ont rien dit, soupira Goten.

Il y eut un blanc à l'autre bout de la ligne.

- Ecoute Gohan, j'ai croisé un copain de fac. Je vais manger avec lui ce soir. Ne m'attendez pas, OK ? annonça Goten avec aplomb, essayant de mettre un peu d'entrain dans son intonation.

- Bien sûr, pas de problème, tu as la clé de toute façon. Détends-toi un peu, répondit Gohan.

Goten raccrocha avec lassitude. Même s'il s'efforçait de le cacher, son frère se faisait du souci pour lui, et en réalité, ça rajoutait à son mal-être. Videl et lui avaient proposé de lui trouver un poste. L'un et l'autre avait le bras suffisamment long pour faire ce genre de chose. Mais, comparée à l'emploi qu'il avait dans la compagnie du père de Valèse, aucune des places ne lui avaient paru dignes d'intérêt, et aucune n'était dans son domaine. Il savait en son for intérieur que s'il ne retrouvait rien, il devrait accepter, et abandonner définitivement ses projets professionnels. Il n'avait que 22 ans, et ce n'était pas un sacrifice qu'il envisageait. Il refusait de l'envisager, tout en ayant conscience qu'au rythme où les événements s'enchaînaient, il finirait par y venir. Il soupira, il enviait son père qui n'avait jamais eu besoin de travailler, qui n'avait jamais eu ce genre de souci.

- Je vous sers autre chose ? grogna la patronne qui était venue débarrasser la tasse.

- Euh… Non, non, merci, bégaya Goten.

- Parce qu'il n'est pas près d'arrêter de pleuvoir, vous voyez, souligna-t-elle avec sarcasme.

Elle le regardait avec un air revêche et Goten comprit le message. La plupart des tables autour de lui étaient désertes, mais sa présence peu lucrative et sa mine de désespéré fauché la gênaient.

- J'allais partir, souffla Goten en se levant maladroitement.

Elle hocha la tête avec satisfaction. Il ouvrit la porte et inspira avant de s'enfoncer à nouveau sous les trombes d'eau gelée qui tombaient du ciel. Il releva les épaules et enfonça ses mains dans ses poches. Ses doigts heurtèrent son trousseau de clés et il se souvint qu'il avait encore les clés de l'appartement. Il avait encore quelques affaires à y récupérer aussi. Il décida de s'y rendre. Si Valèse n'y était pas, il aurait au moins un abri provisoire.

Valèse n'était pas méchante. Valèse était tout sauf méchante. Au pire, elle pouvait être capricieuse. Il n'y avait même pas eu de cris quand ils s'étaient séparés. Des larmes, beaucoup de larmes, c'était son arme préférée. Mais aucun cri, à peine quelques reproches, même pas calculés. Goten était soulagé de l'avoir quittée. Il se trouvait monstrueux de penser comme ça, mais il ne ressentait rien d'autre. Même pas de vraie culpabilité. Valèse trouverait un autre partenaire, sans aucun doute et sans aucun problème. Goten n'était même pas sûre qu'elle l'ait aimé réellement. Elle avait cédé à ses assauts parce qu'il avait été malin, mais il n'était pas entièrement convaincu qu'elle ait eu de vrais sentiments pour lui.

Il sourit en pensant à elle. Valèse était une poupée. Toujours aimable, toujours mignonne, jamais vraiment consciente de la réalité. Même au lit, ça avait été dramatiquement compliqué. La première fois avait été une totale découverte pour elle, et il se souvient avoir été complètement déstabilisé par sa candeur et ses questions, presque anesthésié. Alice au pays des merveilles. Cette naïveté constante avait toujours stimulé les instincts protecteurs de Goten, et il avait toujours veillé à ne pas lui faire de mal dans leur relation. Il l'avait trompé une fois. Unique. Il en avait tellement souffert qu'il avait eu l'impression que ça n'aurait pas pu être pire si ça avait été elle qui l'avait trahi. Il ne lui avait rien dit bien sûr. C'était facile. Il avait encore plus culpabilisé de profiter de son innocence. C'était arrivé sur une pulsion, avec une stagiaire du travail, qui lui avait tourné autour pendant plusieurs semaines. Un truc sans lendemain, dont il n'était pas très fier, mais qui lui avait fait prendre conscience aussi que Valèse ne répondait pas toujours à ses aspirations. Pauvre Valèse.

Il retira sa veste en arrivant dans le hall de l'immeuble. Elle ressemblait plutôt à une serpillère maintenant, et il pensa qu'elle serait certainement irrécupérable. Sa chemise aussi était auréolée de pluie par endroits. Il augmenta légèrement son ki pour expulser un peu d'eau. Il sonna et attendit anxieusement une réponse. Comme l'interphone restait muet, il sortit ses clés et pénétra dans la cage d'escalier.

L'appartement n'avait pas changé. Valèse s'était appliquée à en faire un lieu douillet, un peu trop fleuri au goût de Goten. Il se dirigea aussitôt vers la salle de bains et balança sa veste dans la baignoire, où elle atterrit avec un bruit humide. Il s'empara d'une serviette et se frotta la tête pour finir d'absorber l'eau dans ses cheveux. Il scruta sa montre. Il était sept heures passé, et il se demanda si il devait redouter le retour de Valèse. Il n'avait aucune idée de l'endroit où elle pouvait se trouver à une telle heure. Elle avait une vie totalement inexplicable pour lui. Une vie remplie de courants d'air. Une vie à son image en quelques sortes. Elle ne travaillait pas bien sûr, quoique la faculté, conciliante avec les affaires de son père, ait accepté de lui concéder un diplôme des plus intellectuels. Elle passait le plus clair de son temps à remplir son dressing, à changer de coiffure et à « prendre le thé avec ses copines ». C'était à peu près tout ce que Goten avait retenu. L'essentiel avait toujours été que tout cela la rende heureuse.

Il traversa l'appartement jusqu'à la cuisine. Son estomac grondait sourdement. Le frigo, comme il s'y attendait, ne le réconforta pas vraiment. Des produits bio aux intitulés mystiques, des légumes, des boissons diététiques. Pas vraiment de quoi nourrir un saïyen. Il renonça et se contenta d'une pomme en mettant la cafetière en route. Il avait conscience qu'elle ne serait sûrement pas contente de le trouver là, si elle rentrait. Elle ferait sa moue de poupée contrariée et elle rangerait tout ce qu'il avait dérangé avec des gestes nerveux, en lui demandant d'une voix bougonne de quoi il avait besoin.

Goten remarqua qu'elle avait décroché les photos. Elle adorait afficher des photos partout, des photos de son bonheur, comme pour se convaincre qu'il existait. Et jusqu'au mois dernier, Goten avait fait partie de son bonheur. Il était quasiment sur toutes les photos. Les murs portaient encore la trace des cadres. Goten ne doutait pas qu'elle avait déjà commandé le peintre pour effacer cette injure. Il laissa son regard flotter sur le salon, sur lequel la cuisine était ouverte. Ça avait été son salon pendant plus d'un an. C'était étrange de revenir ici comme un visiteur furtif, appelé à s'enfuir, dès que la maîtresse des lieux apparaîtrait.

C'était précisément sur ce canapé que Valèse avait posé la question qui avait tourné une page de sa vie. Plus précisément, son père la lui avait fait poser. Le cerveau de Valèse n'allait pas si vite. « Mon père se demande s'il ne serait pas temps qu'on se marie ». Evidemment, Valèse elle-même y avait déjà pensé. Elle en rêvait, depuis qu'elle avait repéré un magasin de robes de mariées, devant lequel elle pouvait rêver pendant des heures. Pour Valèse, le mariage était une robe. Mais elle n'en avait jamais discuté directement avec Goten. Elle voulait être moderne. Comme ses amies. C'est elle qui avait convaincu son père de les laisser vivre ensemble. Il ne pouvait rien lui refuser et, après quelques battements de cils, il avait accepté « pourvu qu'il n'y ait pas d'enfants, n'est-ce pas ? ». Goten aurait dû s'enfuir dès ce moment-là. Il s'était contenté de trouver tout ça amusant et l'appartement était somptueux. Il s'était vautré dans le confort et la facilité pendant plus d'un an, s'efforçant de ne pas trop regarder autour de lui.

Mais cette phrase-là, ce soir-là, alors qu'il regardait paresseusement la télévision, l'avait foudroyé. « Quelle idée ! ». Ces deux mots lui avaient échappé, avant même qu'il puisse réfléchir. Il les avait prononcés sur un ton à la fois amusé, à la fois incrédule, qui ajoutait à leur sens offensant. Surtout, il les avait instantanément pensés. Il n'avait jamais imaginé que Valèse devienne sa femme. Jamais. Il avait pu en plaisanter, comme de quelque chose qui n'arriverait jamais, mais il n'y avait jamais sérieusement réfléchi. S'il l'avait fait, il aurait peut-être pris conscience plus tôt de certaines choses. Valèse était une poupée, elle n'était pas une épouse. « Pourquoi pas ? » avait-elle répondu avec un air désolé, comme s'il venait de lui refuser un bonbon. Il s'était repris avec embarras, « On en reparlera plus tard, promis, Valèse, laisse-moi regarder mon film ».

En réalité, il n'avait plus pu se concentrer sur la télévision. Il savait que l'idée venait du père de Valèse et qu'on lui reposerait la question très prochainement. Il savait aussi que Valèse finirait par décrypter le sens de cette stupide réponse qui lui avait échappé. Et il savait, pour finir, qu'il devait réfléchir à sa vie maintenant qu'il était au pied du mur. Il ne pouvait plus se contenter de faire comme si son existence avait du sens, et se laisser flotter dans cette routine moelleuse.

Et c'était exactement ça. Il n'y avait plus que l'habitude qui le liait à Valèse et à cet appartement. Ils n'avaient pratiquement plus de relations sexuelles non plus. Il avait l'impression qu'elle était comme un livre qu'il avait lu trop de fois, dont il connaissait chaque mot, devenu sans intérêt. Il se satisfaisait lui-même, c'était plus simple, d'autant qu'elle ne demandait rien. Il se demandait d'ailleurs si elle l'avait vraiment jamais désiré ou si leurs jeux n'avaient constitué pour elle qu'un passage obligé dans une vie de couple. Elle était parfois si déconnectée. A mesure qu'il y avait réfléchi, un immense sentiment de gâchis s'était emparé de lui, et il avait fini par lui annoncer la séparation. Aucun cri, que des larmes. Des larmes et un licenciement.

Dans le fond, il ne regrettait que d'avoir joué le jeu de ses illusions. Sa vie avec Valèse avait été si valorisante. L'impression constante d'être un dieu, un job en or, l'argent. Il n'avait jamais connu ça et ça avait été grisant. Il était temps de revenir à une réalité plus dure, mais il était aussi soulagé de redevenir lui-même. Il emballa silencieusement les quelques affaires qui lui appartenaient encore dans le dressing. Il griffonna encore un mot pour prévenir Valèse de son passage, puis, posant les clés sur la console de l'entrée, sortit en laissant la porte se claquer irrémédiablement derrière lui.

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