Chapitre 1 :
La Princesse de Sang
Ce jour-là, il faisait nuit. Le soleil venait de se coucher, les ténèbres envahissaient le royaume d'Ainval. Un royaume conquit par la princesse Elisabeth Ainval - du même nom -, il y a de cela plusieurs années. La jeune vampire tournait en rond dans la salle du trône de son château. Sa robe l'empêchait de faire de grands pas, de peur de trébucher en marchant dessus. Elle songeait alors à changer de vêtements. Peut-être que cela l'occuperait suffisamment pour combler le vide qu'elle ressentait, paradoxalement, en elle. Autour d'Elisabeth il n'y avait que les ténèbres et la pénombre. Les murs froids étaient en pierre, avec des chandeliers accrochés, n'éclairant que faiblement la pièce. Quelques tapisseries recouvraient les murs par ci et par là, de couleur pourpre et ornés de fils d'or avec les armoiries royales dessus. Cette pièce n'avait pas changé depuis des années et resterait sûrement toujours la même. Le trône occupait la place centrale, et pour lui donner encore plus d'importance, il était surélevé par rapport au niveau du reste de la pièce. Son dossier et les accoudoirs étaient doublés, les couleurs s'accordant aux thèmes de la pièce.
Quelqu'un frappa à la lourde porte en chêne. Elle se dirigea vers son siège royal et s'installa confortablement avant de donner l'autorisation à son subordonné d'entrer.
- Majesté, nous avons capturés des individus qui rôdaient dans les alentours du château. Ils étaient armés d'épées et de lances, que faisons-nous ?
- Amenez-les moi. Déclara-t-elle d'un ton neutre et indifférent.
Ils n'étaient qu'une petite dizaine et la moitié au moins étaient blessés, certains portaient des armures lourdes et d'autres étaient beaucoup plus légèrement protégés. Ils regardaient tous Elisabeth comme un monstre, avec une telle haine que même le mépris qu'elle éprouvait envers leur espèce la faisait ressembler à un agneau en face d'eux. Les plus vigoureux criaient et hurlaient des protestations, on ne comprenait rien à ce qu'ils disaient. Elisabeth remarqua que l'un d'entre eux avait un regard bleu cyan perçant, il ne disait rien, mais ses yeux en disaient long. Il la défiait du regard, ce qui l'amusa un peu, et la surprit dans un même temps. Le Chef des gardes du château avait laissé son rapport écrit de l'altercation à côté de la reine, d'après celui-ci, un soldat avait réussi à s'enfuir lors de l'arrestation. Elisabeth ne s'en inquiéta pas une seule seconde et tourna à nouveau son regard fatigué vers les prisonniers. Les humains étaient vraiment tous pareil quand ils lui faisaient face. C'était devenu un ennui qu'elle en bailla bruyamment devant les prisonniers. Décidant qu'elle en avait assez entendu pour cette fin de soirée, Elisabeth posa son regard sur chacun des soldats.
- Silence. Dit-elle en prenant une voix forte.
Un calme s'installa rapidement, presque automatiquement. Car Sa Majesté avait un pouvoir. Elle pouvait charmer toutes les personnes - humaines ou non - qui oseraient croiser son regard rouge sang. Suite à ce silence, elle se décida donc à interroger le plus bavard de tous.
- Dis moi quel est le motif de votre venue, ici, sur mes terres. Dit-elle fermement.
Ce n'était pas une question, mais plutôt un ordre. Une réponse fusa dans la seconde qui suivit ses mots. Ces soldats avaient été envoyés par le Duc du royaume de Valmont dans le but de récolter des informations. Des informations sur la souveraine de ce "nouveau royaume", dont personne ne savait rien. Comprenant que ces soldats n'étaient là que pour faire un repérage des lieux, Elisabeth les persuada facilement de quitter son domaine et de rentrer tranquillement chez eux. Elle somma à ses gardes de les escorter hors de l'enceinte de la ville, sans aucune arme sur eux.
Ces jeunes inconscients venaient de la ville de Valmont. D'un côté cela arrangeait Elisabeth, puisque c'était sa prochaine destination. Valmont avait été marquée d'une croix rouge sur une carte qu'elle dissimulait dans un sac caché dans sa chambre. Personne ne le savait. Elle préparait, dans le plus grand secret, ses escapades dont le but était de retrouver les personnes l'ayant privée de sa famille, et donc, de les faire payer. Le hasard voulut que sa prochaine visite se déroulerait à Valmont, et c'est ce même hasard qui lui a amené ces soldats. Elisabeth sourit du coin des lèvres, peut-être que ce soir n'allait pas être comme tous les autres soirs. Puisqu'il en était ainsi, elle rendrait une petite visite de courtoisie à Valmont, une ville gouvernée par un duc dont l'opulence égalait au moins son égo. Ces personnes-là, Elisabeth les connaissaient peu, mais assez pour savoir que ces êtres ne méritaient pas plus leur vie que n'importe qui d'autre, et que la sentence pour en avoir pris une, c'était bien la leur. La jeune vampire ne se donnait pas le droit de tuer, mais simplement de rendre justice à ses défunts parents. Sa soif de pouvoir n'avait pas totalement été assouvie, même après avoir pris la ville de Miribel avec quatre autres de son espèce. Elle l'avait par la suite renommée à son nom. Ainsi, tout le monde saurait qu'Elisabeth d'Ainval avait obtenu une certaine forme de vengeance. Elle commença par asseoir un règne de terreur sur son royaume : une hiérarchie entre espèces fut établie, les humains étaient inférieurs aux vampires et leur devaient obéissance totale. Tout manquement à cette règle serait sanctionné d'emprisonnement dans les cachots à vie.
Elisabeth se prépara pour partir. Elle sortit son sac, plein de provisions et avec une couverture au cas où l'air serait frais. Elle jeta un dernier coup d'œil à la carte et la rangea aussitôt, craignant de se faire surprendre, bien qu'étant enfermée à clef dans ses appartements. Elle enfila une cape plus que commune, avec une capuche attachée de couleur brunâtre. Elle prépara au cas où un leurre dans son lit, afin de faire croire qu'elle y était bien installée et endormie. Elle éteignit la dernière bougie de sa chambre, et s'échappa par une fenêtre. Elle avait déjà pris ce « raccourci » beaucoup de fois, maintenant elle connaissait le chemin par cœur. Un pied sur la pierre en bas à gauche, l'autre pied sur un renflement plus bas à droite... Une fois au pied du château, elle replaça correctement sa capuche afin de dissimuler sa longue chevelure blanche, qui ne passait pas inaperçue de nuit à la lueur de la lune. En journée, elle pouvait essayer de se faire passer pour une vieille personne, mais la nuit ses yeux luisaient et ses cheveux scintillaient, donc un camouflage devenait difficile. Le chemin le plus rapide pour quitter la ville passait par la place du marché, un endroit bien trop éclairé de nuit. Elle décida alors de passer entre les ruelles. Elle s'inquiétait tout de même de ne pas rentrer assez tôt, mais elle avait préparé son coup. Une servante devait se déguiser en elle si elle n'était pas revenue avant le petit matin, et faire semblant de vouloir rester dans sa chambre. Elisabeth lui avait confié la clef de sa chambre et avait inventé une excuse pour justifier son escapade : elle avait menti en lui disant qu'elle avait un amant et qu'elle souhaitait le retrouver. Elle savait bien que ses servantes étaient romantiques et aimaient les histoires d'amour interdites. Cela lui était fort pratique pour pouvoir sortir sans qu'elles ne lui posent de questions. Elle comptait sur les autres vampires de son château pour s'occuper du royaume à sa place. Elle était désormais à la porte de la ville, avec pour but de se rendre à Valmont.
Pour aller au royaume de Valmont, on pouvait compter dix jours de cheval, sans compter les pauses. Mais pour Elisabeth, une vampire de pur sang, c'était un voyage d'une bonne heure. Être un vampire avait ses avantages. Une beauté parfaite, une force surhumaine, une rapidité sans égale avec un pouvoir - qui était différent suivant les vampires -. Seul les rares vampires nés vampire peuvent hériter d'un pouvoir, on les surnomme les "purs sangs". Mais chaque pouvoir est différent suivant le vampire. Elisabeth peut charmer n'importe quel être humain ou monstre d'un seul battement de cils, sans faire aucun effort. Pouvant les commander et leur faire, faire les pires atrocités qu'elle pouvait imaginer. Les vampires étaient des créatures surpuissantes, et beaucoup les craignaient pour leur trop grande différence de force. C'est ce qui a poussé certains humains à tuer une famille de vampire, la famille d'Elisabeth. Mais la jeune fille n'avait aucunement l'intention d'utiliser sa rapidité vampirique pour arriver à cette ville, elle allait y aller comme un humain. Une bonne marche à pied de dix jours. C'était dans le but de ne pas trop attirer l'attention sur elle, les routes - même la nuit - sont souvent fréquentés. Sa cape pourra l'a protéger du soleil pendant la journée. Elisabeth remit en place son sac et sa cape en place, et fit le premier pas en dehors de son royaume.
...
Le royaume d'Elisabeth n'était pas du tout bien vu par les humains, il était décrit comme un endroit à éviter à tout prix. La nouvelle reine avait renommé ce royaume à son nom : Ainval. Les rumeurs avaient parcouru tout le pays, arrivant jusqu'aux oreilles du Duc de Valmont. Il voulait en avoir le cœur net et a envoyé quelques soldats faire le sale boulot. Il les avait envoyé à la mort, alors pourquoi étaient-ils tous devant lui en ce moment ? Ils étaient tous là, tous désarmés. Et ils n'avaient aucun souvenir ce que qu'il leur était arrivé après avoir quitté la salle du trône. Comme si, on avait effacé leur souvenir de ce moment précis. Leur discussion avec la reine dans la salle du trône était un moment qu'ils avaient tous oublié. Leur mission n'avait servit à rien. Le Duc était horrifié, qu'avait fait cette vampire à ses soldats ? Qu'allait-elle faire maintenant ? Riposter ? Elle allait les anéantir. Pendant que le Duc était en train de réfléchir sur la prochaine marche à suivre, il n'avait pas remarqué que l'un de ses soldats, n'était pas du tout intéressé par ce qu'il se passait. Ce soldat était différent des autres. Il n'était pas du tout paniqué. Il avait perdu la mémoire, certes, mais aucune panique ne se reflétait dans ses yeux azur. Il avait une chevelure sombre et il balayait la salle du regard. Le soldat cherchait quelque chose, ou plutôt, quelqu'un. Le Duc n'avait pas fait attention, mais il manquait un soldat. Celui que l'homme aux yeux azur cherchait n'était pas là.
Une forêt sombre et immense se dressait un peu plus loin du royaume de Valmont. Si on se rapprochait un peu plus de celle-ci, on pouvait apercevoir plusieurs panneaux avec des inscriptions dessus. Les écrits étaient très anciens, on n'arrivait plus à lire ce qu'il était inscrit. Mais malgré ça, aucun humain - même les plus fous - n'osaient s'approcher de cette forêt. Une légende racontait qu'elle était hantée. Mettre un pied dans cette forêt signifiait mettre un pied en enfer et y vendre son âme. Cette légende existe depuis toujours mais personne ne savait qui l'avait racontée. Ni si elle était fondée. Personne ne voulait confirmer les rumeurs. Rien qu'en regardant cette forêt, l'instinct de survie de l'Homme s'éveillait et le faisait reculer.
Mais si on se rapprochait un peu plus de ces panneaux effacés par le temps, si on essayait de les déchiffrer. On pouvait y voir, non pas de l'écriture, mais un dessin rouge. Et ce dessin représentait un énorme loup.
Mais malgré ces panneaux, malgré les rumeurs sur une possible malédiction. Un ombre venait d'y pénétrer.
Les rumeurs sur cette forêt ne sont pas totalement fausses. Il y avait bien quelque chose. Mais ce n'était pas une forêt hantée. Une horde de loup garou y avait élu domicile il y a de cela plusieurs millions d'années. Le chef de la meute est appelé l'Alpha. C'est lui qui décide et qui tranche les décisions. Aucun loup ne peut défier son regard, sauf un autre Alpa bien plus fort que lui. Il y a longtemps que cette meute vivait au fin fond de cette forêt, sous les ordres de l'Alpha, il était interdit de se mêler des affaires des humains ou autres créatures fantastiques. Personne n'a osé contredire l'Alpha de cette époque. Ses ordres sont absolus. C'est bien ce qui embêtait Nihal. Une jeune louve du clan. Elle n'aimait pas sa vie actuelle. Être enfermée et ne voir que des arbres tous les jours. Chasser, manger, dormir. Nihal voulait voir autre chose. Mais elle était la seule du clan à réfléchir ainsi. Bientôt Nihal allait devoir choisir sa moitié, ou plutôt, l'Alpha avait déjà choisi à sa place. Le fils de l'Alpha allait être son âme sœur, qu'elle le veuille ou non. Personne ne peut désobéir à ses ordres. Son destin avait été tracé sans qu'elle n'ait eu le temps de dire "ouf". Tous les loups mais pas lui. Pourquoi faut-il que ça soit le fils du chef ? Nihal n'en avait que de mauvais souvenirs, quand elle était enfant. Dans une meute, c'est la loi du plus fort qui prime et les faibles sont mal vu. Nihal était la louve la plus faible de la meute quand elle n'était que louveteau. Elle n'arrivait pas à se transformer complètement en louve, tout ce qu'elle pouvait faire c'était de faire apparaître des oreilles et sa queue de louve. Ses pairs riaient d'elle à longueur de journée. Elle se souvient encore des rires et des moqueries qu'on lui portait. Et tout ça à cause d'une seule et même personne. Le fils de l'Alpha : Hilmes. Il était la cause de son chagrin de l'époque et maintenant elle devait s'accoupler avec lui, pour le restant de sa vie ? La vie d'un loup garou était éternelle. La seule façon de les tuer était d'utiliser une arme en argent. Elle devra donc rester avec lui pour l'éternité. Nihal ne pouvait l'accepter, rien que de voir son visage ou d'y penser la faisait trembler de peur, encore maintenant. Malgré sa force, il lui faisait peur.
Nihal n'était plus faible, elle avait réussi sa transformation complète en louve. Ce n'était plus une faible, mais une louve qui pouvait prétendre être l'une des plus fortes louve de la meute. Son ouïe, son odorat et l'art de la chasse. Elle les avait perfectionnés pour pouvoir être acceptée. Elle pouvait croiser le regard de l'Alpha sans baisser la tête comme les autres. Maintenant personne n'osait croiser son regard. C'est bien parce qu'elle était forte qu'elle avait été choisi comme compagne du fils de l'Alpha. A son plus grand malheur.
Nihal gardait quand même ses oreilles et sa queue de louve quand elle est sous sa forme humaine. Même si on l'a regardait de travers à cause de ça, Nihal s'en moquait bien. Elle aimait bien cette forme, parce qu'une personne lui avait dit un jour qu'elle était mignonne avec ses oreilles. Cette personne l'avait sauvée. Son sourire l'avait sauvée. Les oreilles de Nihal bougèrent en même temps vers la source d'un bruit inhabituel. La louve tourna son regard en arrière, cette odeur, elle pouvait la sentir à des kilomètres. C'était pas une odeur agréable. Un énorme loup lui faisait face, c'était un loup garou. Il était noir avec quelques tâches grises sur le dos. C'était Hilmes sous sa forme de loup.
- Rentre vite au village. Dit-il. Notre Alpha veut tous nous voir.
Ces mots avaient été entendu dans la tête de Nihal. Les loups garous de la même meute avaient une particularité commune. Ils pouvait communiquer entre eux sous leur forme de loup par la pensée. Voilà pourquoi elle pouvait l'entendre parler. Nihal acquiesça de la tête, avant de s'avancer vers lui. La louve opta pour une petite course à pieds, plutôt que se transformer en louve et de courir à ses côtés. Hilmes - sous sa forme de loup - grogna en sa direction. Il ne devait pas aimer qu'elle soit entre sa forme de louve et d'humaine.
- J'aime bien cette forme. Dit-elle fermement. Tu auras beau grogner autant que tu veux, je ne changerais pas d'avis.
Hilmes ne répondit pas. Il fit demi tour avant de disparaître dans la forêt. Nihal soupira, et dire que c'était lui son futur compagnon. Que pouvait bien vouloir l'Alpha si il réunit toute la meute sur un seul endroit.
