Evidemment, évidemment, aucun des personnages ne m'appartient.

Avertissement: M pour une certaine violence, un certain langage, certaines scènes intimes.

Autre avertissement: Cette fic est totalement expérimentale.

J'essaye pour la première fois le récit à la première personne. Ceux qui écrivent auront remarqué que c'est très séduisant à première vue mais que c'est en réalité très sournois pour pleins de raisons. L'une d'elle est que c'est compliqué de développer une intrigue parce qu'on a un point de vue unique.

En clair, ça peut devenir chiant pour le lecteur et ça peut sécher l'auteur qui n'arrive plus à s'en sortir. Si ça devait m'arriver je retirerai certainement l'histoire du site, mais j'ai besoin des lecteurs pour évaluer la tournure que ça prend.

Je ne suis pas du tout en train de faire la manche des reviews (sauf si vous êtes inspirés d'en laisser, évidemment, ça fait ultra-plaisir et je suis preneuse de toutes vos impressions), je me réfère toujours et essentiellement à mes stats. Donc ceux qui décideront de suivre seront mes cobayes, merci à eux pour participer à cette expérience^^

Sur l'histoire: C'est du Végéta/Bulma donc vaut mieux être dans le trip. Comme c'est un univers alternatif, je ne sais pas si les personnalités sont bien respectées. Je fais ce que je peux.


PRIEZ POUR MOI

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Chapitre 1

Il est en colère. Il est encore en colère. Il est toujours en colère.

La colère.

La colère et le mépris sont les deux seuls sentiments qu'il est capable de manifester. C'est comme s'il n'en ressentait aucun autre et parfois j'ai vraiment l'impression que c'est le cas.

Il hurle, et ses rugissements de rage résonnent sous le haut plafond de la salle où il a l'habitude de siéger. L'homme sur lequel il s'époumone furieusement est un officier.

J'ai appris à décoder un peu leurs insignes. Suivant leur forme et leur couleur, je peux à peu près dire qui est au-dessus de qui. Ça ne m'est pas forcément très utile, vu que je suis, de toute façon, au-dessous de tout le monde, mais mon cerveau a toujours eu besoin d'activité et je ne peux pas m'empêcher de tout observer autour de moi.

Je pressens qu'il va le tuer. On le pressent tous, en fait. Même le misérable objet de ses beuglements, agenouillé et tremblotant devant son Prince furieux, le sait il va mourir. Tout le suspens est de savoir quand.

Surtout, la préoccupation générale est de savoir ce qu'il va se passer ensuite. S'en prendra-t-il à quelqu'un d'autre ? C'est très possible.

Mes yeux glissent sur les côtés. Je suis adossée contre le mur, alignée avec les autres domestiques, la tête solennellement courbée. A ma gauche et à ma droite, une rangée de malheureux et de malheureuse de toutes races est en train de prier pour sa pitoyable existence. Ils prient tous intérieurement pour que son Altesse ne se retourne pas contre l'un d'entre eux, dans un réflexe d'agacement. Si cette prière-là est exaucée, il faudra la renouveler demain. Et le jour suivant, et celui jour d'après. J'ai envie de vomir.

Est-ce que j'ai peur ? Bien sûr, j'ai peur. C'est la preuve que je suis encore vivante, parait-il. Quand on a plus peur, c'est qu'on est déjà mort. Oui, je suis toujours vivante : j'ai peur. Mais ça fait trois ans que j'ai peur, alors la peur est devenue mon amie. On cohabite, on a nos habitudes. Depuis longtemps, ce n'est plus la peur qui me hante, elle habite encore mon âme mais elle a été largement supplantée par la haine.

Je le hais. Je le hais du plus profond de chacune des molécules de mon être. Tout ce qu'il fait, tout ce qu'il dit, le moindre de ses regards, enflamment ce sentiment d'abjection. Je ne prie plus pour échapper à ses lubies meurtrières, je prie d'avoir un jour la chance inespérée de le tuer.

Un craquement sinistre me tire de mes ruminations. L'officier s'effondre sur le sol. Sa tête forme un angle extraordinaire avec le reste de son corps. Ses yeux exorbités et désespérés paraissent encore chercher un secours parmi les spectateurs, mais il est déjà trop tard. Je détourne le regard. Je ne m'y ferai jamais. Cette brutalité, ce mépris de la vie… Je le hais profondément.

Un silence lugubre est tombé sur la salle. Tous les domestiques se raidissent imperceptiblement et même les autres saïyens, en génuflexion respectueuse devant leur Prince, semblent retenir leur souffle. Eux aussi, je les déteste. Ils sont encore plus lâches que nous. Ce sont des chiens. C'est comme ça que je les vois : des chiens que l'odeur du sang rend fous mais qui s'aplatissent lamentablement devant leur maître.

En réalité, ils sont même pires que des chiens. Les chiens ont un certain sens de l'honneur, ils sont fidèles, tandis que ceux-là… Je sais bien que leur loyauté est une pure façade, il n'y a que la crainte qui les tient. Si demain, la couronne vacillait sur la tête de leur Prince, s'il perdait cette puissance qui le met au-dessus d'eux tous réunis, ils se bousculeraient pour lui donner le coup de grâce. C'est comme ça que ce peuple marche. Je les méprise tous jusqu'à la nausée.

Je ne peux m'empêcher de lever les yeux sur lui. Sa respiration est encore accélérée par la crise, il a les dents serrées et je sais, à la lueur de ses yeux, qu'il réfléchit.

C'est étrange, je m'aperçois que je suis la seule à le regarder. Il doit y avoir plus d'une vingtaine de personnes autour de lui, et pas une n'ose lever la tête de peur de croiser son regard, de peur que sa rage ne soit pas encore évanouie et s'abatte sur eux.

Je ne suis pas plus courageuse que les autres, mais là où je suis, il me voit mal car la corniche au-dessus de moi projette une ombre protectrice. J'observe la scène avec désinvolture, comme si je n'en faisais pas partie et, une minute, alors que nous sommes les deux seuls à avoir encore la tête haute, alors que tous les autres se tiennent strictement immobiles, comme des statues sans yeux, j'ai presque l'impression qu'il n'y a plus personne d'autres que nous dans la pièce. C'est comme si nous étions seuls au monde.

Subitement il se retourne et abat son poing sur l'accoudoir du trône. Je suis prise au dépourvu et je sursaute légèrement. Mon estomac se noue. A-t-il remarqué mon mouvement ? Vais-je attirer son attention dans cet instant terrible ? Je maudis ma témérité inconséquente par moment.

Je baisse la tête et j'attends le verdict.

- Nappa ! aboie-t-Il.

Je souffle avec soulagement, il ne m'a pas vue. J'entends Nappa se lever et s'avancer de son pas lourd. Je relève la tête. Je ne peux pas m'en empêcher.

- Quelle est la planète la plus proche maintenant ? grogne-t-il.

- Euh… Je…

Nappa ne sait pas. Nappa ne sait jamais. Je ne sais pas pourquoi Végéta s'obstine à compter sur ce crétin. A part des poings comme des enclumes et un sens de l'humour douteux, Nappa n'a pas grand-chose pour lui. Mais le Prince lui fait confiance. Nappa n'est pas assez malin pour mentir et dans ce monde pervers, j'imagine que son maître tient ce trait de caractère pour une qualité inestimable.

- Commandant ! hurle Nappa, quelle est la planète la plus proche ?

L'un des chiens agenouillés religieusement se met à bredouiller.

- La plus proche est la Terre, mais…

- Peut-on y arriver ? coupe le Prince avec humeur.

- On peut essayer, Altesse, mais je ne suis pas sûr qu'ils aient tout le matériel nécessaire pour réparer.

La colère flambe à nouveau en lui. C'est incroyable, je la ressens avec une précision indécente. Il enfonce son poing dans l'estomac de Nappa avec une sauvagerie très personnelle. Je n'aime pas Nappa mais je ne peux m'empêcher de fermer les yeux et de me mordre les lèvres en le voyant se courber dans un spasme de douleur, avant de tomber à genoux.

- Vous êtes TOUS des incapables ! Disparaissez dans la seconde ou j'en tue un autre !

Il est enragé. Avec sa furie, apparaît la panique. Tous les soldats sortent avec une précipitation pathétique.

Certains de mes compagnons s'agitent nerveusement. Nous ne sommes pas censés être concernés par l'ordre qu'il vient de donner. Nous sommes des meubles. Nous sommes censés être partout où il peut avoir besoin de nous. Nous n'avons ni yeux, ni oreilles, ni bouches et nous ne nous déplaçons que si on nous commande précisément de le faire. La plupart du temps, il oublie que nous sommes là. Il est Dieu et nous sommes ses choses. Il nous a ramassés quelque part sur sa route et il a fait de nous ce que nous sommes devenus, ses serviteurs.

C'est du moins comme ça qu'il voit les choses, et nous savons tous que nous avons tout intérêt à rester conformes à cette vision. Je le hais. Je rêve de lui arracher ses illusions nichées au coeur de ses tripes.

J'épie les mouvements des autres. Faut-il sortir quand même ? Il est si imprévisible qu'un mauvais calcul peut être fatal. Finalement l'intendante nous fait signe de rester. Tout le monde s'immobilise à nouveau docilement, dos au mur.

Mes yeux retournent vers lui. Il a repris place sur son trône et a appuyé sa tête sur sa main, le coude sur le seul accoudoir encore intact. Il est contrarié. J'aime le voir comme ça. C'est ma petite jubilation personnelle, la seule joie qui me reste encore. Si je pouvais, je sourirais. Mais j'ai appris à éviter de sourire en sa présence. C'est trop dangereux, c'est un défi pour lui. Je le hais mais je ne suis pas si hardie.

Il fixe le cadavre de son officier à ses pieds. Soudainement, Il envoie un coup de pied magistral dans le corps qui est propulsé sur plusieurs mètres et s'effondre sur le pavé lisse, ses yeux horribles tournés vers nous.

- Virez-moi ça, crache-t-il avec hargne.

Cette fois-ci, c'est à nous qu'il s'adresse. Il n'a pas un regard pour nous, Il nous parle comme on appuie sur un bouton, et nous savons tous qu'il faut comprendre et réagir aussi vite que des machines. L'intendante désigne un groupe de quatre. J'en fais partie.

Nous nous avançons vers le mort. Chacun d'entre nous prends l'un de ses membres et nous le soulevons. Nous sommes le plus silencieux possible. Nous transpirons tous la peur. La peur qu'il lui prenne l'envie d'achever le travail en envoyant une décharge d'énergie vers celui qui l'a mis hors de lui, pour mieux le désintégrer. Il nous grillerait en même temps, mais il a des meubles de rechange.

Il ne fait rien. Il nous fixe sans nous voir et nous nous acheminons le plus rapidement possible vers la sortie. Quand la porte battante se referme derrière nous, un soulagement imperceptible nous agite. Notre prière du jour a été entendue. Nous sommes saufs. Jusqu'à la prochaine fois.

Le cadavre est lourd, il doit bien peser une bonne centaine de kilos. Personne ne se plaint, personne ne parle. Nous prenons le couloir qui mène à l'évacuateur. Une sorte de vide-ordure qui envoie tout ce qu'on y introduit dans l'espace sidérale sans espoir de retour.

Nous asseyons le corps par terre et fébrilement, nous commençons à le débarrasser de son armure et de son équipement : ses armes, ses appareils en tout genre, et pour finir, son insigne. Je crois que son insigne est retourné à sa famille, s'il en a. Ou peut-être passe-t-il à un nouvel officier. Qu'est-ce que ça peut me faire ?

Le corps s'engouffre dans le conduit de l'évacuateur avec un léger bruit de glissement. Poussière, tu redeviendras poussière. Ici, c'est une banalité. Pourtant je ne peux m'empêcher de scruter par le hublot l'expulsion du saïyen mort dans l'espace. Les autres domestiques sont déjà repartis et je reste là, à regarder flotter le soldat dans le vide sidéral.

Très vite, il est très loin. Vivant il y a vingt minutes, flottant dans le vide maintenant. C'est le quotidien de ceux qui côtoient le Prince. Je sais que cette brutalité qui est la règle ici n'est pas l'ordre des choses. Je sais qu'une autre vie est possible. Mais c'est mon lot depuis trois ans.

J'ai vu pire. Il m'est arrivé de frotter le sol maculé de sang pendant des heures. Il m'est arrivé de ramasser des « morceaux ». Dans ces moments-là, mon esprit se fige. J'arrive à éteindre mon cerveau, en quelque sorte. Ma cervelle sait ce que je fais mais je ne l'autorise pas à y réfléchir. Je crois que c'est pendant ce temps très précis que la haine prend racine en moi, insidieusement. Elle grandit, elle se ramifie et déploie ses branches dans mon esprit. Un jour elle l'occupera en totalité et elle me rendra folle, je le sais. En trois ans, elle a déjà eu le temps de prendre ses quartiers.

Je ne vois plus le corps. Je suis seule dans le couloir. N'importe quel soldat qui me trouverait à rêvasser comme ça devant le hublot pourrait me battre, mais le silence m'anesthésie. Lentement, mon cerveau se réveille à nouveau. Il s'ouvre comme un poing fermé, et, au creux de sa paume, réapparaît l'information précieuse qu'il a saisie au vol. La Terre. Nous nous dirigeons vers la Terre.

Evidemment elle n'est pas en vue, mais mes yeux ne peuvent plus se détacher du spectacle de la nuit infinie de l'espace parce que je sais que bientôt, elle sera devant moi. Et c'est une perspective que j'avais cessé d'espérer depuis longtemps. La Terre.

Je ne sais pas quand j'ai cessé d'envisager de m'enfuir. Au bout d'un mois ? De six mois ? D'un an ? Je crois que c'est arrivé dès que j'ai compris que la survie devait se calculer au jour le jour. Se réveiller chaque matin avec l'objectif unique et oppressant de se ménager une chance de vivre jusqu'au soir vous fait très vite oublier tout le reste.

Et puis il y a eu la haine. La haine a pris le relais de la peur et n'a plus laissé de place à un projet d'évasion dérisoire. Même si je m'étais enfuie, comment regagner la Terre ? Si loin, si inaccessible, si pleine de saïyens. Je ne connais rien à l'espace mais il m'a semblé que j'ai passé ma première année de captivité à m'éloigner de la Terre. La retrouver me paraissait une tâche démesurée et vaine.

Non, bizarrement, l'évasion n'a jamais été une obsession. La survie est toujours ma préoccupation principale, mais aujourd'hui, elle ne sert que le rêve entêtant de pouvoir peut-être le tuer un jour.

Pourquoi le tuer, dans le fond ? Pour me venger bien sûr, mais pas seulement. Je ne veux pas juste me venger, je veux le détruire, le ravager littéralement. Je veux broyer sa superbe imbécile, lui faire bouffer sa cruauté d'enfant stupide, ses caprices assassins. Je veux rendre service d'une certaine manière. Pas seulement rendre justice au passé mais aussi éclairer un peu l'avenir. C'est un but honorable, si on y réfléchit bien. Plus honorable que nettoyer le sang sur son passage en tout cas.

Un bruit de pas trouble ma contemplation de la nuit stellaire. Je me reconnecte instinctivement à la réalité et mes pieds s'éloignent automatiquement du hublot pour se diriger vers la cuisine. Je baisse la tête et rase le mur en croisant les soldats qui s'avancent vers moi, mais ils ne me remarquent même pas.

La cuisine est notre royaume, le royaume des ombres au service de son Altesse. On s'autorise à y chuchoter, à sourire parfois, et on ménage les plus faibles pour qu'ils se reposent. Il y a une sorte d'entente entre nous, un code muet. Ce n'est pas franchement de la solidarité mais un lien qu'on maintient pour éviter de sombrer tout à fait dans notre statut de meuble.

Nous ne sommes pas autorisés à communiquer, sauf pour le service, et de toute façon, la plupart d'entre nous ne parlent pas la même langue. Nous n'avons que le saïyajin en commun et beaucoup ne le maîtrisent pas suffisamment pour tenir une vraie conversation. Alors, on passe par les yeux, les gestes.

Un gigantesque baquet de légumes est posé devant moi. Je suis assise à une table, et autour de moi d'autres domestiques pèlent déjà des légumes piochés dans d'autres baquets de même dimension.

La cuisine est une usine. Il doit y avoir plus d'une centaine de saïyens à bord, la cuisine fonctionne du matin au soir et les baquets de légumes défilent sans fin. Je connais la tâche par cœur et mes mains s'activent sans même me demander d'instructions, à une vitesse vertigineuse. Les légumes ressemblent à des patates vertes, je n'ai jamais retenu leur nom mais les saïyens en sont très friands.

Quelques murmures circulent. Je comprends qu'une femme de chambre s'est fait casser un bras et on s'inquiète de savoir ce qu'elle va devenir. Elle est là depuis longtemps et on espère que l'officier qu'elle sert autorisera son accès à l'infirmerie. Dans le cas contraire, elle finira certainement dans l'évacuateur.

Je ne laisse plus ces histoires m'émouvoir. Si je le faisais, je mourrai de chagrin dans la semaine. Je continue à éplucher sans même m'en rendre compte. Mon cerveau s'agite à nouveau. La Terre.

Des souvenirs enterrés depuis longtemps refont surface. Le premier, évidemment, est le jour où il m'a prise et mes ongles s'enfoncent impitoyablement dans la chair des légumes.

Je repense aussi à tous ceux que j'ai laissés derrière moi en quittant ma planète. Où sont-ils ? Que font-ils ? Se souviennent-ils de moi ?

Je repense à Gokû en premier lieu. J'ignore s'il est toujours affecté là-bas. Il aimait tellement la Terre, il avait même réussi à en devenir le Gouverneur. Mais c'est à nouveau la guerre, alors peut-être qu'on l'a appelé au combat. Les saïyens sont toujours en guerre de toute façon. J'espère sincèrement pour les Terriens que c'est toujours Gokû qui les gouverne. Il n'y avait que lui pour supporter le Chancelier qu'ils avaient choisi. Hercule. Un clown irrésistible dans tous les sens du terme. Mais je ne suis même pas sûre que les Terriens aient encore la chance d'avoir un Chancelier pour diriger la planète aux côtés du Gouverneur. Peut-être le régime a-t-il viré à la dictature militaire saïyenne, modèle de gestion plus basique des planètes occupées ? Je me demande aussi si je peux nourrir le moindre espoir de les revoir. A la vérité, je ne l'avais pas envisagé.

Quand je l'ai quittée, la Terre était devenue une sorte de station balnéaire pour les soldats méritants du Roi. Les saïyens semblaient apprécier sa douceur de vivre, ce qui nous avait permis d'en préserver à peu près l'intégrité, mais peut-être s'en étaient-ils lassés ?

Je n'en ai aucune idée. En tant que meubles, je n'ai accès à aucune information en dehors de celles qui me sont utiles pour mon service. Evidemment, je laisse mes oreilles trainer quand les officiers discutent entre eux et je suis plutôt fière de comprendre parfaitement le saïyajin maintenant. Mais la Terre est une poussière dans l'Empire saïyen, elle surgit rarement dans les conversations.

Je soupire en repensant à ma vie là-bas. Soudainement, l'image de Yamcha apparaît en flash dans mon esprit, comme une bulle d'air qui aurait remonté des épaisseurs de vase et aurait explosé subitement à la surface. Je serre les lèvres.

Pour la première fois depuis plus de deux ans, j'ai envie de pleurer. J'avale cette maudite boule dans ma gorge, cette douleur que j'ai décidé de bannir de mon existence. Depuis deux ans, je n'ai plus autorisé une seule larme. Les larmes m'ont trop brisée, les larmes excitent les saïyens autant que la vue du sang, elles sont la démonstration de leur toute-puissance.

Dans un réflexe salutaire, mon esprit étouffe l'image de Yamcha et la renvoie dans les limbes de mes souvenirs.

Je n'ai jamais vraiment su pourquoi Végéta m'avait choisie pour devenir sa domestique. Pour devenir son esclave, en fait, autant appeler un chat un chat. J'y ai beaucoup réfléchi et j'imagine que c'était pour assouvir sa joie féroce de tout briser. Il aime ravager les gens autant que les planètes, c'est sa seule passion. Je ne vois que cette explication. Je le hais tellement.

J'avais tout juste vingt ans quand il a mis le pied sur notre planète. Quand je l'ai rencontré, un chapitre de ma vie s'est achevé, mais la première fois que je l'ai croisé, je n'ai pas soupçonné un instant la manière dont il allait pulvériser mon existence.

Sa réputation est très sombre. Personne n'ignore qui il est, ses colères et sa puissance sont légendaires. J'ai naïvement voulu croire que tout cela était exagéré et, sous la protection de Gokû, Première Conseillère du Chancelier de la planète Terre, il me semblait que rien ne pouvait m'arriver. Quelle amère désillusion. Quelle dégringolade que celles de mes certitudes. Dieu, je ne croyais même pas à la haine. Il a réussi à m'apprendre ça.

Il était en visite officielle. Des sortes de vacances. On l'a accueilli, comme un Roi, qu'il est presque d'ailleurs. Il y a eu des repas officiels, tout un tralala de mondanités qu'il considérait d'un œil froid. J'ai tout de suite compris qu'il n'était pas un être social, que tout cela l'ennuyait. Je ne sais pas pourquoi, il a tout de suite détesté la Terre. Je l'ai senti dès la première minute.

Tout ce qu'il voulait, c'était s'entraîner avec Gokû. C'est étrange, cette fascination pour Gokû. En réalité, je crois qu'il était sa seule raison de venir sur Terre. Quelques jours avant son départ, pour la première fois, Il nous a parlé de son tribut. Dès qu'il a lâché ce mot, Gokû est devenu blême et un affreux pressentiment m'a envahi. Le tribut.

Nous sommes une colonie. On peut avoir l'impression de maîtriser plus ou moins notre destin parce que les saïyens nous ont fait la grâce de nous accorder un Chancelier. En réalité, ce n'est qu'une commodité pour eux. Ils ne sont pas assez nombreux pour diriger toutes leurs colonies. Ils ont vite perçu qu'ils auraient tout intérêt à ce que certaines d'entre elles puissent se gérer toute seule sous la supervision d'un gouverneur saïyen. C'est comme ça sur toutes les planètes dont les habitants ne sont pas considérés comme dangereux. J'ignorais tout ça à l'époque. Quelle gourde.

On était bien une colonie sous la domination saïyenne. On devait allégeance au Roi, nous étions des sous-sujets du Roi Végéta, ni plus, ni moins. Et à ce titre, le Prince peut prélever son tribut partout où il passe. Un tribut personnel et indispensable. Des esclaves. Vue la vitesse à laquelle les saïyens les usent, il est nécessaire de refaire le plein rapidement.

Et puis, c'est une bonne façon de rappeler qui est le Maître. C'est tout bénéfice pour eux. J'ai vu rejouer la scène du tribut un millier de fois, sur de nombreuses planètes différentes, depuis que je suis au service du Prince.

Gokû n'a rien pu faire. Je sais qu'il a essayé, il est le fils de Bardock et il occupe un rang très élevé dans la noblesse saïyenne. Mais ce n'est rien comparé au Prince. Végéta a menacé d'aller se servir lui-même en organisant une petite « chasse » sur la planète. Ce n'est qu'à ce moment que j'ai pris la mesure de sa sauvagerie.

En désespoir de cause, je suis allée sillonner nos prisons à la recherche de volontaires désireux d'écourter leurs peines. Le résultat a été assez pitoyable quand nous avons alignés les quelques malheureux qui avaient accepté de vendre leurs âmes.

Végéta n'a même pas eu l'air de remarquer. Il n'a pas un regard pour ses domestiques de toute façon. La petite troupe qui constituait le tribut a été évacuée docilement vers son vaisseau, puis quand ils ont disparu. Végéta s'est retourné une dernière fois vers nous et a considéré nos mines navrées.

Peut-être que je n'ai pas fait attention à ce moment. Peut-être que ma colère et ma révolte ont transparu dans mes yeux, sur mon visage, quelque part. J'ignore ce qui s'est passé.

- Je veux la fille aux cheveux bleus aussi, a-t-il ajouté d'une voix calme et sûre.

J'ai mis un instant avant de comprendre qu'il parlait de moi. Il scrutait la réaction de Gokû. Il n'a pas été déçu, Gokû a refusé net. Le ton est monté très vite.

En trois ans à son service, hormis le Roi, je n'ai jamais entendu personne lui parler comme Gokû ce jour-là. J'étais totalement paniquée. A la fois par la requête du Prince, et à la fois par la tension entre les deux saïyens. Jusqu'à ce que Végéta mentionne la possibilité qu'il avait de faire simplement raser la planète. Cette perspective m'a glacée tant elle m'a paru réelle. Je savais qu'il pouvait le faire, je savais que Gokû ne pouvait pas l'en empêcher.

Alors, sans même avoir conscience de ce que je faisais, je me suis avancée et j'ai accepté de le suivre. J'ai réussi à calmer Gokû et j'ai embarqué à la suite des autres ombres.

J'ai aussitôt intégré la Maison du Prince, son service personnel, mais je ne sais toujours pas pourquoi il m'a choisie. Je n'ai eu aucun traitement de faveur, aucune place privilégiée dans sa domesticité. Je crois même qu'il a oublié ma présence à ses côtés.

Je continue à penser qu'il a juste voulu me briser. Il a pris une joie particulière à me voir rejoindre le rang des ombres à son service après m'avoir vu occuper une place de premier ordre dans l'autorité terrienne. Une façon de rappeler que ma race est à genou devant la sienne, qu'elle n'est rien, et que le peu qu'elle est, elle ne le doit qu'à lui.

La leçon est bien retenue. Je dois admettre qu'il a largement remporté la première manche et j'ai eu tout le temps de mesurer sa puissance au cours de ces trois années. Mais, sans l'ombre d'un doute, son tour viendra de prendre conscience de ses erreurs. Je le hais avec une force qu'il ne soupçonne pas et j'irai jusqu'au bout de cette haine, même si elle doit me consumer en même temps que lui. Je suis Bulma Briefs et je suis bien décidée à tuer Son Altesse, le Prince de tous les saïyens, priez pour moi...

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