Disclaimer: One Piece est à Oda, Rebel rebel à Bowie.

Rating: T

Character(s): Absalom-centric, mention de Bartolomeo/Bonney

N/A: En réponse au défi n°1 de SwordsgirlJackie! L'OS devait faire au moins 1500 mots (le mien en fait 1502...-tousse-) et contenir une des trois phrase suivantes: "Le coeur a des prisons que l'intelligence n'ouvre pas" ; "La porte la mieux fermée est celle qu'on peut laisser ouverte" ; Ce que j'aime dans la masturbation, c'est qu'on est pas obligés de parler après"

Si vous cherchez une musique pour aller avec ce texte, je vous dirais bien "Rebel rebel" de David Bowie, puisque j'y fais référence... Ou alors, faites ce que vous voulez. uwu Bonne lecture!


Hot tramp

Absalom secoua sa crinière, releva sa lèvre supérieure dans un sourire carnassier. Paisiblement installé à la table d'un café, tout contre la vitre, il regardait les passants vivre leur vie de personnages secondaires. Ils naissaient pour peupler les rues, n'avaient ni âme ni esprit. Ce n'étaient que des enveloppes vides, bruyantes. Elles ne s'interrogeaient pas sur leur nature, ne s'en rendaient même pas compte. C'était ainsi, voilà tout. Il ne les blâmait pas, il ne faisait qu'observer, distraire ses yeux.

Parfois, une silhouette captait son attention, perchée sur un piédestal Louboutin, les hanches chaloupées, tanguant avec grâce. Une nuque longue, à peine effleurée par le soleil. Des poignets fins, libérés de toute entrave ou au contraire, parés de mille bijoux. Des cils longs, des paupières fardées, une poitrine lourde du désir de vivre. Des filles fragiles, légères, éphémères, des papillons qui s'effaçaient doucement, ne laissant derrière elles que quelques traces de gomme et de parfum. Elles ne portaient jamais tout à fait le même, frais et piquant comme un pamplemousse, ou lourd et capiteux comme une nuit d'été.

Il les aimait toutes, les voulait toutes. Il les regardait, les dévorerait. Le vent décoiffait leurs cheveux, elles jetaient leur main en arrière pour les dompter. Chaque geste, chaque respiration, la moindre lueur dans leurs prunelles, il voyait tout. D'un clin d'œil, il les déshabillait, admirait leur corps d'Ève, se léchant pensivement les lèvres.

Absalom était un voyeur, qui savait se faire écouteur. Les grincements de matelas, les soupirs d'amants, les mots briquets, qui allument des étincelles au creux des reins, les échanges timides, le bruissement d'une main sous un t-shirt, il s'en délectait avec satisfaction, se sentant presque omniscient. À vrai dire, il préférait ces sons volés à d'autres et ces silhouettes lointaines aux simagrées agaçantes de la séduction. Cela demandait trop de temps, d'argent, d'efforts pour se sentir encore plus vide qu'avant. Offrir un verre, faire rire, danser, poser sa main sur sa cuisse, s'embrasser avec la langue, ramener chez soi, bander, pénétrer, faire quelques va-et-viens, expulser du sperme dans une capote, se retirer, lui dire de s'en aller pour éviter les houleuses confrontations matinales, se retrouver seul, nu dans son lit.

Il se souvenait aussi de ces longs moments sur la plage, la frustration du vacancier. Ces filles de seize ans, ventres plats, maillots mouillés collés à leur peau halée, seins en adéquation parfaite avec sa paume, qui criaient des noms de garçons plus beaux, plus bronzés que lui. Elles embrassaient des surfeurs australiens avec la même avidité que lorsqu'elles léchaient innocemment leur esquimau à la fraise. Elles ne s'intéressaient pas aux types malingres, verdâtres, la bite enfoncée dans leur serviette-éponge. Il repensait à leurs nombrils, petites piscines remplies d'huile solaire, leur manière de l'ignorer, le laissant seul à sa contemplation éperdue, et il leur en voulait peut être encore d'avoir brisé son cœur adolescent, lui qui aimait cent femmes à la fois.

Il but une gorgée de café, replongea ses yeux dans un décolleté passager mais pas sage. C'était son plus grand loisir, de la masturbation mentale, une qui laissait place au fantasme. Ce que j'aime dans la masturbation, c'est qu'on est pas obligés de parler après, se fit-il pour lui même.

La clochette sur la porte tinta joyeusement, laissant entrer deux clients. Le premier, avait les lèvres coincées dans un rictus moqueur quand notre voyeur avait relevé la tête, une drôle de chevelure verte, un anneau perçant son nez, un tatouage partant du coin de son œil, et un autre sur le torse, qu'on pouvait entrevoir uniquement en partie, le reste étant caché sous un t-shirt usé. Une fille lui tenait le poignet, en riant très fort. Ils s'installèrent sur une table, au fond, près du vieux juke-box.

La nana avait les cheveux teints, en rose, un air pas farouche, un piercing sous la pommette, de jolies fossettes quand elle souriait, étirant sa bouche peinte jusqu'à découvrir ses dents. Plus il l'observait, moins Absalom se sentait à l'aise. Il hésitait, était-elle vraiment une femme ? Ou bien un garçon enfermé dans un corps inadapté ? Ce qui était certain, c'est qu'elle n'était pas son genre, pas assez faible. Il les préférait effrayées comme de jeunes biches fuyant le chasseur, pour mieux tomber dans ses griffes. C'était bien plus pervers, tordu, parce que c'est ce qu'il était, un vicelard. Par habitude, il tendit l'oreille, tentant de saisir leur conversation.

Le type lui pinçait gentiment la joue, alors qu'elle tirait, amusée, les mèches de ses cheveux prairie. Puis, il arrêta de rire, son visage se ferma un instant, une flammèche dansant dans ses prunelles. Il se rapprocha un peu plus d'elle, chantonnant une chanson de Bowie contre sa peau. À la fin du refrain, il prit le temps de respirer très lentement, avant de murmurer la dernière phrase. Hot tramp, I love you so ! Voilà, il avait réussi à allumer dans le regard de la fille le même feu qui brillait dans ses yeux à lui. Ils se sourirent à nouveau, s'éloignèrent, reprirent leur discussion, comme si de rien n'était.

Le frottement de leurs pieds contre leurs jambes respectives ne s'arrêta pas quand une serveuse brune leur apporta leurs boissons (un Bloody Mary et un mojito). Absalom en profita pour la héler, demander un autre café, reluquer ses cuisses, puis ses fesses lorsqu'elle repartit vers la cuisine. Ces derniers temps, il avait eu si souvent l'impression d'être invisible qu'il avait bien cru l'être réellement devenu. Il en aurait certes tiré avantage, ne serait-ce que pour pouvoir s'installer sur le rebord de la baignoire d'une inconnue, nue dans l'eau. Dans sa tête, l'inconnue est toujours belle, docile, avec des petits poings qui ne peuvent pas faire de mal à un homme. La fille là-bas s'empiffrait grossièrement d'amuse-gueules, en emplissait sa bouche au point de ne pouvoir répondre à son compagnon que par des grognements et hochements de tête.

Pourtant, ça l'effrayait, cette sensation de perdre peu à peu consistance. Il avait trop à faire sur cette terre pour disparaître, car, si l'on évitait le sujet des femmes, il était parfaitement digne de confiance. Moria comptait sur lui, et il avait bien raison, l'âge ne lui ayant pas donné le sens des responsabilités. Ils s'appréciaient tous les deux, peut être parce qu'ils se ressemblaient. Des êtres différents, tordus par la vie, elle les avait rouillés mais leurs sourires étaient plus corrosifs qu'elle. Ce n'était sûrement qu'une impression.

Le couple bizarrement assorti du fond de la salle avaient l'air heureux des gosses sur le point de faire un sale coup, leurs pieds toujours entrelacés. Ils se lancèrent un dernier regard, malicieux, se levèrent, et disparurent comme s'ils n'avaient jamais existé, s'ils n'avaient été que des reflets de lune.

La serveuse lui apporta son café, noir de nuit. Il l'entendit maugréer après ces clients qui fuient sans payer, ces délinquants stupides, la coupe qu'elle aurait dans son salaire pour rembourser les consommations. Il n'ajouta rien, revoyait simplement dans son esprit les amants nihilistes. Elle retourna derrière le comptoir, réajusta le bandana sur son front. Elle sortit une pipe qu'elle bourra de tabac, avant de la coincer entre ses dents, sans l'allumer. Absalom se dit que le gars aux cheveux verts était le genre de type à fumer là où c'était interdit, un sourire mauvais aux lèvres. Il se dit aussi, qu'à cette heure-ci, il était peut être en train d'éjaculer du sperme dans une capote, tout contre la fille. Il avait peut être la tête posé sur son sein, ou peut être s'embrassaient-ils à pleine bouche. Peut être se sentaient-ils vivants, enfin.

Le liquide amer glissa sur son palais, puis, dans sa gorge. Ce n'était une sensation ni agréable, ni désagréable, c'était du café, voilà tout. Il reposa sa tasse sur la soucoupe, appréciant le bruit des deux porcelaines s'entrechoquant. Le ciel se couvrait, aussi gris qu'une vieille chemise autrefois blanche. C'était fait ainsi, le blanc n'était jamais pur qu'une fois, pour que le consommateur achète une lessive plus puissante ou un nouveau vêtement. Ça ne le révoltait pas particulièrement. À vrai dire, peu lui importait.

Il posa distraitement la main sur le lobe de son oreille, jouant avec la boucle qui y pendait. Il avait dans la tête une vieille chanson qui lui murmurait adieu. La fille qui ressemblait à un garçon savait-elle qu'il lui avait violemment fait l'amour, rien qu'en la regardant ?

Un billet sur la table, il s'en alla. La porte claqua derrière lui, le courant d'air soulevant ses cheveux. Il marcha, un peu au hasard, jusqu'à, sans trop savoir comment, se retrouver sur les hauteurs. Il ferma les yeux, imaginant la mer. Il sentait les embruns lui piquer la peau,entendait les mouettes hurler, et surtout, voyait ces filles de seize ans se promener sous son nez, léchant un esquimau à la fraise aux bras d'un surfeur australien, de l'huile solaire coincée au creux de leur nombril. La phrase du type tatoué revint se former sur ses lèvres, sans même y prendre garde. Hot tramp, I love you so !