Fleurs maladives
ou
Énigme sous la pluie
Autrefois, dans un petit village de la froide Angleterre, vivait une heureuse famille. Les parents avaient pour fierté leurs deux filles, d'une beauté sans égal. L'aînée se nommait Bellatrix. Aussi brune que son père, elle avait hérité de son caractère sombre et secret ainsi que de sa passion pour les fleurs, en particulier les lauriers blancs. La cadette, Narcissa, était le portrait exact de sa mère. D'un tempérament enjoué, elle ressemblait à une jolie poupée de porcelaine avec ses belles boucles blondes.
Mais le bonheur ne dure jamais bien longtemps. Les deux parents moururent d'un triste accident laissant les deux filles orphelines et sans dot. L'aînée pris en charge la cadette et ensemble, elles firent leur deuil. Grâce au peu d'argent laissé par leurs parents, elle arrivait à vivre convenablement, sans être dans l'opulence ni dans la misère. La cadette s'occupait du ménage, de la couture, enfin, de tous les travaux domestiques tandis que l'aînée faisait les commissions et n'oubliait jamais de prendre un beau bouquet de ses fleurs favorites chaque jours en souvenir de son père. Mais un malheur n'arrive jamais seul, et bientôt la douce Narcissa tomba gravement malade. Beaucoup de médecins défilèrent dans la maison désormais privée de sa chaleur mais aucun ne trouva la source du mal. La fragile enfant devait à présent rester au lit à longueur de journée, son petit corps ne supportant le moindre effort.
Sa grande sœur prit grand soin d'elle. Elle lui lisait des histoires, la câlinait. Pour ne pas qu'elle se sente laide, elle la coiffait et lui lavait doucement le visage. Afin de payer les créances de médecin, de loyer, et des frais de nourriture, elle prit une place de ménagère. Pendant son absence, pour ne pas que Narcissa souffre de la solitude, elle lui avait offert un joli canari dans une cage, que la douce pouvait écouter chanter à toute heure. A son retour, Bellatrix lui offrait un délicieux verre de lait avec un biscuit fait par elle. Puis elle redescendait faire le ménage, laissant sa sœur à son oiseau et son livre de contes.
Les mois défilèrent à cette allure. Le village plaignait bien les deux sœurs, et leur offrait des aides bien nécessaires. Le fleuriste, un jeune homme que les charmes de la ténébreuse aînée ne laissaient pas indifférent, préparait chaque matin un bouquet de lauriers blancs qu'il lui offrait fort galamment. Les marchands laissaient toujours un petit présent dans les commissions afin que les deux orphelines mangent à leur faim.
Mais vint un jour où le mal pris le pas sur les faibles défenses de la fragile enfant, et elle périt après une nuit d'abominables tourments. Les funérailles furent bien tristes, et tout le monde vint à la maison pour réconforter la froide survivante. On la loua bien pour les soins qu'elle avait apportés à sa sœur, et on l'admira pour son sang-froid maintenant que sa protégée n'était plus. Son doux ami posa sur la table comme à son habitude le funèbre bouquet puis, on la laissa seule. Bellatrix observa pensivement les fleurs, et les emmena en cuisine. Elle coupa soigneusement les tiges, puis se versa un grand verre de lait dans lequel elle les mit à tremper. La mortelle plante ne peut vivre que dans ce liquide assortie à sa corolle. Bellatrix effleura les pétales immaculés et un éclat de rire trancha le silence.
Certains foyers semblent être les plus aimants et les plus chaleureux du monde. Seulement, lorsque l'on sait lire entre les lignes, on peut s'apercevoir qu'ils renferment toute la noirceur de l'âme humaine.
