Salutation !

J'espère que vous prendrez plaisir à lire et découvrir cette fiction.

Voilà, j'attends vos avis sur ce premier chapitre ! (Précisons au passage que j'aime beaucoup les commentaires structurés et dépassant les deux lignes pleines de "la suite la suite" ou "c'est bien" ^o^° ! )

L'elfe, à votre service ! =)


Crédit :
L'univers appartient à Mrs J.K Rowling, mais certains personnages et lieux sont les miens. D'autres peuvent être réels.

Genre :
Romance/Drame

Warning :
Lime, 13+


Chapitre édité


Chapitre un :

La très noble famille Volonski

OoOoOoO

Les larges yeux couleur d'eau se posèrent de nouveau sur les carreaux de la fenêtre. La pluie y ruisselait continuellement en des milliers de larmes, et les nouvelles gouttes martelaient le cristal avec violence. A l'extérieur, le temps était d'orage et le ciel lui-même semblait triste et morose. C'était comme si là-haut, quelqu'un se sentait trop inutile vis-à-vis de ce qui se déroulait sous ses pieds. A cette pensée, le petit corps tout entier de Treska trembla, mal à l'aise d'avoir de telles pensées. Il ne fallait pas songer ainsi ou les maîtres seraient en colère !

Détournant ses grands yeux, elle reprit son chemin au travers du sombre corridor, claudiquant sous le poids de sa charge. Ce couloir-ci croulait sous une vraie dentelle de bois précieux. Des murs au plafond, tout disparaissait pour laisser place à des bas reliefs d'orme, de chêne et d'ébène. Nymphes, dryades et figures burlesques s'enchaînaient, s'entremêlaient en une étrange harmonie. Leurs yeux de bois vernis suivaient la petite silhouette de l'elfe de maison, curieux et malveillants. Sur le sol recouvert de vieux tapis ancestraux, des ombres immenses et décharnées, tels des fantômes aux aguets, s'étiraient. Elles grandissaient, se tordaient, comme des harpies qui hurlent vers le ciel.

Un plateau d'argent deux fois plus large qu'elle trônait sur la tête de Treska en un équilibre précaire mais toutefois entièrement maîtrisé. Sur celui-ci avait été déposé avec grand soin un service en porcelaine de chine. La théière fumait, dégageant un doux arôme de clou de girofle qui se mêlait délicatement à ceux des gâteaux au miel. Depuis longtemps habituée aux manières des reliefs de bois du couloir, la petite elfe continua sa route jusqu'à une haute et austère porte entièrement sculptée.

Treska était l'un de vingt-deux elfes de maison aux services de la très noble et très ancienne famille des Volonski. Elle était entrée à leur ordre dès sa maturité mais était née ici, dans l'une des caves qui servaient de logis aux serviteurs de la demeure. Aussi, la petite créature ne connaissait pas d'autres maîtres que ceux-là. Et à dire vrai, elle ne s'en plaignait pas. Il n'était pas dans la nature d'un elfe de maison de se plaindre de ses maîtres.

La famille Volonski était la plus noble parmi toutes les familles de sorciers de Russie. De la frontière Ukrainienne aux confins de Vladivostok, tout sorcier connaissait ce nom. Et il n'était pas à utiliser sans précaution lors d'une conversation.

Depuis des siècles, les Volonski régnait sur la Russie d'une main souveraine. On disait que leurs ancêtres remontaient aux premiers tsars impériaux, à Ivan le terrible et peut-être plus loin encore. Toutefois, aux fils des ans, la dynastie à laquelle ils appartenaient, celle des Romanov, famille impériale de toutes les Russies, s'était affaiblie. Ceux qui alors gouvernaient le pays coté moldu mais aussi magique, s'étaient écartés des traditions ancestrales. On avait oublié les principes fondamentaux de la famille et les tsars étaient devenus d'inutiles pantins dénués du moindre pouvoir sorcier. Le sang sorcier s'était mêlé à celui des moldus et on avait privilégié le sang royal plutôt que le sang magique. C'est au milieu du 17ème siècle que la famille se scinda en deux branches : celle des moldus, qui régna sur la Russie jusqu'en 1917, et celle des sorciers qui encore aujourd'hui avait une place de maître dans la communauté magique. Ils s'auto nommèrent Volonski, en mémoire d'un de leurs ancêtres, mais gardèrent tous en mémoire que dans leur sang coulait celui des souverains incontestés du pays. Ils étaient les derniers représentants de la dynastie Romanov-Volonski, les derniers sorciers de cette haute famille dont la pureté du sang n'avait d'égal que sa royauté dans tous les pays d'Europe Orientale.

Avant d'ouvrir la porte qui s'élevait devant elle, Treska sentit ses grandes oreilles semblables à celles des chauves-souris frémirent. Sans conteste, les Volonski était une famille que n'importe quel elfe de maison rêverait de servir. Ils avaient le pouvoir, la richesse, et le respect de beaucoup de sorciers. Toutefois, ils demeuraient des maîtres cruels, autant indifférents à leurs serviteurs qu'aux grains de poussières qui s'entassaient dans la plus sombre de leurs caves. Mais après tout, un elfe de maison naissait pour servir un maître, pour obéir à un maître. Depuis des temps oubliés, un elfe de maison n'était rien, et son maître pouvait en faire ce que bon lui semblait. Aussi, en bonne servante qu'elle était, Treska ne pensa pas un seul instant à se plaindre et fit s'ouvrir la porte d'un mouvement de doigt.

Le grand salon de la première demeure des Volonski était une pièce en accord avec le couloir qui y menait. Relativement sombre, ses murs croulaient sous un essaim empanaché de moulures et de bois sculptés le parquet d'acajou se retrouvait noyé sous le flot de tapis persan aux couleurs chamarrées et aux motifs fantastiques de lourds rideaux rouges encadraient les immenses fenêtres en un chatoyant fleuve vermeille et le plafond disparaissait sous les décorations peintes. Au dessus des têtes volaient entre les nuages roses et cotonneux une foule d'angelots grassouillets aux sourires sarcastiques. Certains disparaissaient parfois aux angles du plafond pour aller piquer de leurs minuscules flèches d'or les portraits taciturnes et aigres des ancêtres de la famille.

Totalement indifférente à la décoration de cette pièce qu'elle avait nettoyée des centaines de fois au cours de sa vie, Treska s'avança silencieusement. Sur le plateau, les tasses émirent un léger tintement tandis que la petite elfe évoluait entre les meubles précieux disposés dans le salon. Au fond de celui-ci, un feu ronflant ondulait dans l'âtre d'une large cheminée. Et devant lui se tenait les maîtres de Treska.

- …la lettre de Valerian était on ne peut plus claire, gronda un homme en abattant son poing sur le manteau de la cheminée. Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre.

Le Grand-duc Nikolaï Volonski était le chef de la grande famille de sorciers de Russie. Il était de ces hommes qui paraissaient n'avoir rien à convoiter chez autrui et qui semblaient pouvoir faire ployer les montagnes par leurs physiques et leurs caractères. Grand, athlétique, le temps n'avait eu d'incidence sur lui qu'au niveau de son visage pâle et sur ses cheveux. Au coin des minces yeux noirs, de l'arête du nez aquilin d'aristocrate et à la commissure des lèvres impérieuses, de légères rides avaient doucement strié la peau, et de doux filaments d'argents parsemaient ses cheveux de charbon coupés courts. La première impression qu'on avait à sa vue est qu'il était de ces russes au sang noble, une sorte d'oiseau de proie au regard déstabilisant et inquisiteur, un homme de race dont les ancêtres descendaient des cavaliers sanguinaires de l'Oural.
Derrière sa haute stature et son regard dérangeant, Nikolaï demeurait avant tout un homme colérique, violent, dont les idées étaient connues de tous comme étant très axées sur la pureté et la noblesse du sang.

Le nom qu'il portait intimait naturellement au respect, mais l'homme en lui-même effrayait plus encore.

- Cher ami, j'ai bien compris la lettre de notre fils. Mais je ne partirais pas sans avoir la certitude que le manoir qui nous revient de droit soit vide de ses actuels occupants, tempêta Morozna.

Le visage envahit par une folle exaspération, Nikolaï se tourna vivement vers son épouse. Dignement assise sur une méridienne cousue de taffetas, Morozna Volonski croisa ses mains sur ses genoux et releva pompeusement la tête. Dans sa robe très cintrée de velours bleu faite sur le modèle des toilettes féminines du début du siècle, la duchesse ressemblait à l'un des sujets des nombreux tableaux de la pièce. De cette femme transpirait une insupportable hypocrisie et un besoin incessant d'être admirée. Et il y avait de quoi. Même à quarante ans, la maîtresse de la demeure pouvait encore en séduire plus d'un. Cette russe de noble naissance qui avait épousé Nikolaï à dix-sept ans à peine était encore d'une beauté admirable qu'elle n'avait de cesse de contempler. Des pommettes hautes sur un mince visage blanc comme la neige qui n'a pas encore touché terre d'étincelants yeux bleus pervenche aux paupières qui commençaient tout juste à s'alourdir et une mince bouche aux lèvres qu'elle pinçait constamment avec dédain. Longue et fine, sa silhouette avait la raideur que son rang lui imposait et était d'autant plus accentuée par les cheveux blonds qu'elle tirait sur la nuque en un chignon.
Morozna portait admirablement son prénom, car celui-ci signifiait froide. Et c'était sans doute l'un des qualificatifs qui lui saillait le mieux. Sa personnalité glaciale était celle d'une aristocrate si fière de ses origines, de son sang et de son nom, qu'elle paraissait constamment se rire des autres. Au-delà de cet aspect, Morozna aimait le luxe tapageur. Jamais elle ne ratait une occasion d'étaler les fabuleuses richesses de la famille Volonski, de même qu'elle restait une affreuse dépensière qui semblait vouloir se noyer dans des flots d'or et d'argent.

Toutefois, ce jour-là, les yeux de saphir brûlaient d'indignation quand elle les posa sur son époux.

- Ce manoir est à nous ! Il nous appartient. Et je ne partirais jamais pour l'Angleterre, dusse-je contrarier le mage noir en personne, tant que je ne serais pas assurée de vivre dans un endroit décent, finit-elle par asséner.

La voix de la duchesse se termina en éclats aigus qui terminèrent d'horripiler Nikolaï. Lorsque son ton prenait cette hauteur, il savait pertinemment que la faire changer d'avis serait une tache des plus difficiles. Non qu'il ait la moindre peur de sa femme, bien au contraire. Mais il lui arrivait de maudire le jour où il avait épousé cette hystérique.

- Vous voudriez mettre en colère le maître en personne pour une affaire de manoir ? Ma chère, votre langue dépasse votre pensée, du moins je l'espère, siffla-t-il malveillant. Nous avons bien assez retardé notre visite auprès de lui. Et Valerian sait toujours quand les choses s'enveniment, ce qui est visiblement le cas !

Sans surprise, il vit Morozna pincer les lèvres avec une moue méprisante. Dieu que cette femme l'insupportait lorsque son amour du luxe refaisait ainsi surface. La mâchoire serrée, il aperçut du coin de l'œil Treska venir dans leur direction.

- Le thé des maîtres est servi, couina l'elfe.

La fureur contenue de Nikolaï était telle qu'il détourna la tête en ignorant la petite créature, de même que sa femme.

- Pose ça sur la table, Treska, intervint une voix.

L'ordre de sa jeune maîtresse rassura aussitôt l'elfe qui sentit son angoisse décroître de moitié.

- Bien demoiselle.

Puis, le plateau déposé sur une table basse devant la méridienne de Morozna, l'elfe disparut sous le regard haineux de la duchesse. Celle-ci tourna finalement la tête vers l'une des fenêtres de la pièce, à la gauche de la cheminée. Là, dans l'encadrement de bois avait était installé une banquette recouverte de soie blanche tapissée de gros coussins. Au pied de celle-ci, assises sur un doux tapis persan bleu, deux fillettes jouaient silencieusement avec leurs poupées. Toutes deux possédaient d'innocents visages poupins arrondis par leur très jeune âge. Leur peau douce avait la même blancheur que celle de Morozna, de même que les deux petits nez légèrement recourbés vers le haut.
On les avait vêtues de jolies robes à la teinte « vieux rose » dont la large ceinture de ruban s'attachait dans le dos en un nœud soigné. Les jupons s'arrêtaient sous le genou pour découvrir de fines jambes aux pieds chaussés de bottines noires boutonnées sur le coté. Les délicates boucles d'un blond moins éclatant que celui de leur mère tombaient jusque sur les petites épaules, et quelques mèches étaient retenues par un ruban rose pâle à l'arrière du crâne. L'une des jolies fillettes releva un instant son visage vers ses parents. Elle était la plus âgée de deux sœurs et on l'avait appelée Ella. A cinq ans, l'enfant avait été doté d'un caractère opposé à ceux de ses géniteurs. Douce, calme comme l'aurore, elle savait se faire aussi discrète qu'une ombre face aux deux adultes qu'elle avait appris à craindre. Quant à la seconde, Roksana, elle suivait Ella autant sur le physique que sur la personnalité. Du haut de ses trois ans et demi, la benjamine était un ange aux yeux de beaucoup.

Mais Nikolaï et Morozna, leurs parents, ne voyaient pas le dernier de leurs enfants comme tel. A dire vrai, le Grand-duc et son épouse ne prêtaient que très peu d'attention aux deux petites dernières. Avec leurs enfants, aucun d'eux n'avait eu la patience ou même l'envie de s'imposer comme un parent aimant et attentionné. Pour cela, il existait les serviteurs, les nourrices et les précepteurs. Quant à l'amour, ce n'était certes pas un terme ou même un concept que Nikolaï et Morozna connaissaient. Pour eux, il ne s'agissait que d'un mot totalement utopique qui n'avait pas sa place au sein d'une famille comme la leur.

Le seul auquel ils attachaient vraiment de l'importance était leur aîné, Valerian Volonski. Depuis sa naissance, il était une vraie fierté pour ses parents. En tout point semblable à son père, le jeune homme était presque plus sanguinaire et terrifiant que Nikolaï. Quatre hivers plus tôt, il avait quitté la Russie pour l'Angleterre. Ce qu'il y faisait là-bas, seule sa famille le savait vraiment. Mais en apparence, il y faisait des études de sortilèges à la faculté magique de Londres.

Adressant un regard empli d'un mépris non dissimilé à Ella, les yeux de Morozna se dirigèrent finalement au-dessus des deux fillettes. Un livre entre les mains, une jeune femme de vingt ans veillait sur ses petites sœurs, assise sur la banquette de la fenêtre.

De deux ans la cadette de Valerian, Ielena Volonski demeurait la seconde grande fierté de Nikolaï. En effet, au fil des années, la jeune femme avait développé une délicieuse beauté qui pouvait présager un avenir éblouissant. Si elle tenait sans conteste cet attribut de sa mère, ses caractéristiques n'étaient pourtant en rien semblables à celles de Morozna. Là où sa mère avait la blondeur de certaines des femmes slaves, Ielena demeurait tout son contraire. La trop grande beauté de sa fille rendait la duchesse irritable, d'une jalousie maladive. De cette façon, elle n'avait jamais beaucoup apprécié cette enfant, surtout quand celle-ci sortit de l'adolescence.

Hérité de ses deux parents, Ielena possédait une peau tout à fait pâle qui avait cependant pris une formidable teinte de nacre avec les années. Son visage était parmi les plus délicats qu'on puisse voir, toujours savamment levé avec fierté par un long cou gracile. Le nez très légèrement retroussé qu'elle tenait des Romanov surmontait des lèvres douces naturellement rouges comme le sang. Sous l'arc farouche des sourcils brillaient des yeux d'une teinte qui avait tendance à changer selon l'humeur de la jeune femme. Toutefois, ils étaient généralement d'une insolite couleur bordeaux où brillaient quelques paillettes d'or. L'épaisse barrière de cils longs et noirs se courbait délicatement sur les paupières, projetant parfois une émouvante ombre sur le haut des joues.

Sa mère disait souvent avec hargne que le corps de la jeune femme avait été façonné pour détourner les hommes de leurs chemins. Ce à quoi son mari répondait qu'elle en était elle-même coupable, puisqu'elle était sa mère. De rondes épaules d'albâtre une petite poitrine d'une incroyable rondeur qui attirait plus l'œil par sa perfection que par sa taille, au contraire de certaines et une silhouette élancée toute en finesse et élégance que Ielena avait appris à utiliser à son avantage.
De taille fine et sans le moindre défaut visible, la jeune femme avait ce quelque chose dans la démarche qui ne trompait pas le spectateur. Un raffinement, une distinction peu commune qui hurlait son sang pur et royal, rappelant à tous qu'elle était quasiment princesse. Pour finir, de lourdes boucles tant brunes qu'elles en semblaient bleues croulaient sur ses épaules comme des centaines de serpents.

Ce physique hypnotisait. Il éblouissait, si bien qu'il en devenait parfois dérangeant. Ielena semblait l'une de ses icônes enchanteresses qu'on vénérait jadis, pâle et sombre comme une sujette du diable.

La jeune femme, sentant le regard désobligeant de sa mère sur elle releva promptement la tête et ferma son livre. Dans un froissement de tissu, elle quitta le confort des coussins et se mit sur pied. Ce jour-là, elle portait une longue robe blanche moins échancrée que celle de sa mère et avait relevé ses boucles en un enchevêtrement de rubans gris.

- Ella, Roksana, venez prendre le thé, fit-elle doucement aux fillettes.

La voix de soprane de Ielena n'adoptait cette douceur que lorsqu'elle s'adressait à ses sœurs. Elle les adorait, veillait sur elles telle une louve sur ses louveteaux. Depuis leurs naissances, la jeune femme avait pris soin des deux petites filles, les avaient aimées comme la plus formidable des mères et avait toujours tâché de rendre leur enfance joyeuse et insouciante. Ce comportement n'avait jamais dérangé Nikolaï et Morozna, bien que cette dernière ne l'ait jamais compris.

Suivie par Ella et Roksana, la jeune femme s'installa sur l'un des canapés près de leur mère et tacha de servir le thé. Dans un silence dérangeant, elle alla donner sa tasse à Nikolaï qui n'avait pas bougé de devant la cheminée, puis à sa mère qui la suivait encore de ses yeux agacés. Morozna ne supportait pas de voir sa fille devenir de plus en plus belle avec les jours, cela en devenait presque insoutenable.

Pendant deux minutes, l'on n'entendit que le tintement des cuillères qu'on tourne dans les tasses. Puis les yeux d'aigle du Grand-duc finirent par se poser sur son épouse.

- Nous partirons demain, assena-t-il finalement.

Son ton n'admettait aucune objection, le regard qu'il adressa à Morozna encore moins. Posant sa tasse sur le manteau de la cheminée, il s'avança vers ses filles et sa femme, les mains croisées dans le dos. Il allait ouvrir la bouche une nouvelle fois lorsque son attention tomba sur ses deux plus jeunes filles. D'un claquement de langue irrité, il fronça encore plus les sourcils.

- Treska ! tonna-t-il brusquement.

Un craquement sec plus tard, la petite elfe aux yeux verts d'eau se trouvait face à son maître. Avant même qu'elle n'ait eu le temps de s'incliner aussi bas qu'il lui fut possible, Nikolaï lui désigna furieusement Ella et Roksana.

- Emmène-les dans leur chambre. Immédiatement !

Depuis que le regard de leur père s'était porté sur elles, les deux fillettes tremblaient comme des feuilles en automne et ne demandèrent pas leur reste quand Treska leur demanda de les suivre. Non sans un dernier regard larmoyant vers Ielena, elles franchirent la haute porte. Lorsque celle-ci se referma, Nikolaï reporta son attention sur sa femme et sa fille.

- Ce n'est plus qu'une question de temps avant que le gouvernement russe ne vienne m'arrêter et saisir nos biens, cracha-t-il. Tout ça à cause de cette maudite histoire avec Karkaroff. Ce traitre…

- Comment ont-ils pu découvrir que vous aviez tué ce soudard, s'insurgea Morozna. Leurs enquêteurs sont plus sots que des trolls de Sibérie ! On vous aura dénoncé !

- Impossible, objecta Nikolaï en balayant cette hypothèse de la main. Quoi qu'il en soit, je me chargerai de cela plus tard. Le ministère essaye de m'avoir depuis des années et l'occasion est maintenant trop bonne.

Ielena écoutait la conversation avec grand intérêt depuis le début. Que son père se fasse arrêter pour meurtre aurait été parmi les meilleures nouvelles de l'année pour la jeune femme, toutefois elle le connaissait assez pour savoir qu'il ne se ferait jamais attraper. Depuis fort longtemps elle savait très bien que la folie de son père ne se résumait pas qu'à des crises de colère qui faisaient trembler les murs ou aux paroles débordantes de haine qu'il adressait à certaines personnes, particulièrement les moldus. Qu'il soit accusé d'assassinat n'était d'autant pas une surprise qu'elle l'avait vu tuer sa propre sœur des années auparavant. Tatiana Volonski, cadette de Nikolaï, avait eu la folle idée de prendre un cracmol pour amant.

- Demain nous partirons rejoindre Valerian en Angleterre. Je reprendrai ma place auprès du maître puisque j'ai fini ma mission ici, acheva-t-il de murmurer pour lui-même.

Non sans un soupir qui agaça prodigieusement Ielena, sa mère hocha enfin la tête avec assentiment.

OoOoOoO

Au-dehors, le temps ne s'était guère arrangé. La pluie tombait toujours sous la forme de rideaux d'eau à peine espacés, bombardant les fenêtres de la chambre en un concert de tintements désordonnés. Mains jointes devant elle, Ielena couva des yeux les deux fillettes qui dormaient à poings fermés dans leurs lits. Toutes deux avaient eu beaucoup de mal à s'endormir en sachant qu'ils partiraient tous demain pour un tout autre pays.

Détournant son attention des enfants, la jeune femme songea au lendemain. Quitter la Russie ne la rendait même pas morose. Ielena était une jeune femme ayant appris à ne pas s'étonner de ce que lui réservait la vie. Elle vivait comme quelqu'un ayant tout vu, avec le calme d'une vieille femme aux milles expériences. Pourtant ses expériences à elle se révélaient bien maigres. Depuis la fin de sa scolarité, trois ans auparavant, elle était partie du principe que sa vie serait toujours dirigée par d'autres qu'elle, et que son destin ne lui appartenait pas. C'était une fatalité qu'elle tentait parfois de combattre mais qui semblait la noyer à chaque fois qu'elle voulait lui échapper.

L'Angleterre. Vivre dans ce pays signifiait revoir son frère. Ce Valerian, ce frère aîné tant haï qu'elle considérait comme parmi les plus abjectes créatures et qui aimait tant la voir souffrir, elle ainsi que les autres. Ce nouveau pays signifiait également que son père allait reprendre sa place de choix parmi les fidèles du mage noir. Car Nikolaï Volonski était un mangemort, l'un des plus fanatiques serviteurs du Lord. Depuis l'apparition de celui-ci, six ans plus tôt, le Grand-duc s'occupait de missions en Russie et en Europe de l'Est. C'est lors de l'une de ces missions qu'il assassina Igor Karkaroff, un mangemort ayant trahi le maitre. Suite à cet événement qui n'était visiblement pas passé inaperçu, les Volonski devaient maintenant fuir le pays.

Sans pouvoir davantage se retenir, Ielena poussa un profond soupir. La seule chose qu'elle pouvait encore espérer était que les Aurors russes arrêtent son père pendant la nuit. Car Ielena Volonski détestait son père, de même qu'elle haïssait sa mère et son frère. Et même le plus douloureux des Doloris qu'on pourrait bien lui lancer ne la ferait changer d'avis.

- Dans une situation comme celle-là, le sommeil peut nous aider à oublier nos inquiétudes durant quelques heures.

Sans même tourner la tête vers la nouvelle arrivante, Ielena se permit de sourire doucement. Elle ne le faisait que rarement, et seulement en compagnie d'une poignée de personnes. Fixant de nouveau les gouttes qui roulaient sur la grande vitre à la manière de minuscules perles, la jeune femme sentit une main se poser sur son épaule.

- Pars-tu avec nous demain ? murmura-t-elle.

- Ton père ne me l'a pas encore demandé. J'en doute, cependant.

Le cœur de Ielena se serra douloureusement dans sa poitrine. Quand elle saisit la main sur laquelle les années commençaient à se peindre, elle songea un instant que pleurer ne serait pas le meilleur cadeau qu'elle puisse faire à sa nourrice.

- Leda, ma bonne Leda… je…, commença-t-elle la gorge nouée.

La vieille femme sourit tendrement quand le visage bouleversé de Ielena se tourna vers le sien. Comme elle avait aimé cette enfant, elle puis ses deux petites sœurs. Et elle savait que son cœur déborderait d'amour pour les demoiselles Volonski jusqu'à sa mort.

- Viens. Laissons leurs rêves être paisibles encore cette nuit, fit Leda en désignant Ella et Roksana.

Avec une autorité qui arracha un sourire à Ielena, la vieille nourrice passa son bras sous le sien et elles quittèrent la pièce. En silence, les deux femmes traversèrent la galerie qui séparait les appartements des fillettes de ceux de leur aînée.

Dans sa chambre, la jeune femme se laissa guider sans résistance à un tabouret, de même qu'elle s'abandonna aux mains expérimentées de Leda. Avec les années, celle-ci était devenue sa plus fidèle confidente et elle la connaissait peut-être mieux qu'elle ne se connaissait elle-même. D'un geste empli de douceur et de dextérité, la nourrice ôta les nombreux rubans qui retenaient la lourde chevelure brune et c'est une ribambelle de boucles soyeuses qui s'écroulèrent sur les rondes épaules de nacre.

- N'aie pas peur de ton frère. Valerian n'osera jamais te faire le moindre mal, l'apaisa-t-elle en saisissant une brosse.

- Qu'en sais-tu ? Cela fait trois ans qu'il n'est revenu, j'imagine qu'il est encore plus démoniaque qu'avant, marmonna Ielena qui triturait ses doigts avec nervosité depuis qu'elle s'était assise.

- Tu restes tout de même sa sœur.

Les lèvres de la jeune femme adoptèrent une moue peu convaincue à l'entente de cette phrase. Son frère était un monstre. Une bête féroce et cruelle qu'elle aurait voulu revoir le plus tard possible.

- Quant à ce nouveau pays, n'aie aucune crainte, murmura Leda en caressant la joue de sa protégée. Tu t'y habitueras, d'autant que tu sais en parler la langue.

Les yeux bordeaux de Ielena rencontrèrent ceux noirs et cernés de sa nourrice. Après tout, celle-ci avait raison. Il avait toujours été de coutume chez les Volonski que les enfants apprennent l'anglais et le français. Ainsi, la jeune femme conversait en anglais avec son précepteur ainsi qu'avec ses sœurs. Elle aimait bien cette langue, d'autant qu'elle la maîtrisait parfaitement, mieux encore que ses parents. Son accent slave était à peine sous-jacent et faisait la fierté de Nikolaï.

Rassérénée, Ielena accorda un tendre sourire à la vieille femme.

- Merci.

Seul un baiser posé sur son front lui répondit.

OoOoOoO

Quelques minutes plus tard, elle se retrouva dans son lit, la tête entre les coussins blancs. Songeant que c'était sans doute sa dernière nuit dans cette chambre, Ielena laissa courir ses yeux autour d'elle. Elle tenta d'imprimer toutes ses images dans sa mémoire, dans un endroit qu'elle fermerait bientôt comme une boite à secrets qu'on verrouille. La haute porte blanche qui menait au dressing, les deux immenses fenêtres aux rideaux de bleu et d'or, les tapisseries anciennes, le parquet de noisetier recouvert parfois de tapis maures, les miroirs marquises, et ce grand lit tendu de velours bleu hussard où elle était allongée en ce moment même. Tout allait bientôt devenir souvenir. Et étrangement, cela ne l'attristait pas outre mesure.

Contrairement à sa mère, Ielena n'avait pas la folie du luxe et du clinquant. Elle l'appréciait, comme une jeune femme étant née dans un univers fabuleusement riche pouvait l'apprécier. Mais cette chambre ne lui manquerait pas, de même que le reste de ce fabuleux palais de Saint Pétersbourg où ils résidaient une partie de l'année. Non, rien ne lui manquerait même si elle appréciait la vie ici.

Une moue songeuse passa sur son visage lorsqu'elle tourna la tête vers l'une des commodes de l'immense chambre. Son attention alla à deux vieilles photographies dépourvues de couleur, et qui, chose étrange, ne bougeaient pas. Immobiles, les personnages regardaient l'objectif. Sur la première photographie, ils étaient sept. Un couple entouré de leurs quatre filles et de leur fils. Les quatre jeunes filles étaient les sujets de la seconde photographie. Se levant doucement, Ielena alla prendre les deux cadres et se posta face à l'une de ses fenêtres.

Elle resta longtemps à observer les visages nobles et sérieux de cette famille. S'ils ne souriaient pas, du moins pas les parents, elle savait qu'ils avaient été des gens bons. Combien de fois Ielena avait-elle écouté Leda lui parler de ces personnes. La mère de la nourrice avait été à leur service jusqu'en 1918. Plus précisément, jusqu'au 17 juillet 1918, date à laquelle ils furent tous assassinés. Seule la mère de Leda, étant sorcière, avait échappé au massacre.

Le pouce de Ielena vint effleurer le visage du petit garçon. Sur cette photo, il avait à peine dix ans. Même en étant une sorcière, une Volonski, la jeune femme avait toujours eu le plus grand respect pour cette famille là. Leur sang avait des similitudes avec le sien, de même que leur rang, mais ils étaient moldus. Du moins, l'avaient été.

- Vous êtes déjà allés en Angleterre, n'est-ce pas mon oncle ? fit-elle en fixant son attention sur l'homme de la photographie. Et vous aussi ma tante, ajouta-t-elle pour la femme. Votre grand-mère en était la reine, celle des moldus.

Ni le tsar Nicolas ni la tsaritsa Alexandra ne lui répondirent, immobiles dans leurs fauteuils pour l'éternité. Ielena avait souvent songé que l'intérêt qu'elle portait à la dernière famille impériale de Russie mettrait son père dans une rage folle. Du moins s'il avait été au courant.

Un sourire amer étira les douces lèvres l'espace d'un instant. Quel destin cruel cette famille avait connu. Elle, si soudée, si aimante. Il semblait presque ironique que ce soit eux, Romanov et moldus, qui soient morts alors qu'ils s'aimaient autant les uns les autres. Ils avaient disparus, tandis qu'eux, Volonski, sorciers ne connaissant rien au mot amour, avait perduré jusqu'à présent.

- Vous vouliez y aller n'est-ce pas ? Y trouver refuge…, continua cependant la jeune femme. Et pouvoir enfin vivre en famille, comme vous en rêviez depuis le début.

Reposant les deux cadres à leur place, Ielena jeta un dernier regard au ciel d'encre d'où tombait toujours la pluie. Son voyage à elle promettait d'être tout autre. Ce n'était même pas un voyage. C'était une fuite.


Review ? *yeux en litchi au sirop*