J'attends, assis dans ma voiture stationnée en face du commissariat je l'attends.
Je veux l'apercevoir une dernière fois avant de partir. J'ai fait ce que je lui ai dit à l'hôpital et qui a fait apparaître de la tristesse dans ses yeux quand il a compris ce que cela signifiait.
J'ai repris ma vie en main. J'ai demandé et obtenu ma mutation. Je part, non pas à l'autre bout de la France comme on aurait pu le croire. J'aurais pu le faire , pou r mettre le maximum de distance entre lui et moi. Non, j'ai choisi le nord, une ville à 2h30 de Paris. Cela fait maintenant 8 jours que je me suis installé dans un appartement situé dans le vieux Lille. Je suis revenu pour des formalités à régler, en autres, l'état des lieux et la remise des clés, c'est choses faites. Ma nouvelle affectation ne sera effective que dans une dizaine de jours, de quoi avoir le temps de me familiariser avec cette ville qui sera mon univers désormais
.
Je n'ai pas repris mon poste au commissariat , j'ai cumulé mon arrêt avec les jours de congé qu'il me restait à prendre. J'ai profité d'un jour où il était de congé, un coup de fil de Louis m'en a informé, pour vider mon bureau.
J'ai dis au revoir à mon équipe, un au revoir qui sonnait comme un adieu, car malgré la promesse de se revoir nous savions tous que nous ne le ferions jamais.
J'ai salué en partant les collègues que j'appréciais, ceux qui ne m'ont pas tourné le dos quand ils ont su. D'autres ont été contents de me voir partir, un capitaine de la BAC, pédé, cela faisait désormais tâche au commissariat.
Certains regretteront mon caractère de cochon et mes coups de gueule, qui n'entravaient en rien le respect qu'ils avaient pour moi. Respect pour le flic que j'étais et que je suis toujours.
Les minutes passent et je suis toujours là, à fixer cette porte que j'ai franchi tant de fois. J'ai vu sortir des collègues, ses amis.
Pourquoi reste-il si tard ? Un rapport à finir ou retardes-t-il le moment où il se retrouvera seul chez lui ?
De toute façon je l'attendrais le temps qu'il faudra, je ne partirai pas sans avoir gravé une dernière fois son visage dans ma mémoire. Je n'ai pas de photo.
Doucement la lumière du jour décline, je le vois, il traverse la rue. Un instant je craint qu'il ne m'ai aperçu et qu'il ne rende les choses plus difficiles.
Non, il passe devant ma voiture, le regard fixe. Ses yeux où j'ai pu lire tout les sentiments qu'il ressentait, l'amour, le désir qu'il avait de moi, la douleur, la tristesse, la colère ses yeux ont l'air éteint.
Il s'éloigne, je suis sa silhouette du regard jusqu'au dernier instant. Il tourne au coin de la rue, c'est fini.
Je tourne la clé de contact, j'allume mes feux, un coup d'œil dans le rétroviseur et je m'engage dans la circulation.
Adieu Kévin. Adieu Paris.
Bloqué dans les embouteillages je pourrais avoir le loisir de penser à tout ce que je laisse en quittant Paris .mais je m'y refuse, ce serait avoir des regrets et je ne veux pas en avoir. Même si la page est difficile à tourner il faut que je le fasse tout en sachant qu'un rien suffira à me rappeler ma vie d'avant.
La file de voitures se met en mouvement, l'autoroute n'est plus très loin. Je m'y engage, la circulation y est plus fluide et j'appuie sur l'accélérateur. 135, 140, 145 le compteur de ma voiture s'affole, la vitesse me grise, je crois apercevoir un radar au loin, je lève le pied.
La nuit est tombée quand j'arrive, je me gare sur le petit parking aménagé dans la petite cour et réservé aux occupants de l'immeuble.
Je monte les escaliers, il n'y a pas d'ascenseur, direction le 4ième et dernier étage, porte gauche, deux appartements par palier, celui d' en face est occupé par une jeune et jolie femme. Nous nous sommes croisés trois ou quatre fois et à voir le sourire qui illumine son visage à ma vue je crois que je ne l'a laisse pas indifférente. Il faudra que je trouve un moyen de lui faire comprendre que je ne suis pas intéressé tout en préservant mon secret. La-dessus rien à changé, je m'étais dévoilé avec Kévin, ici cela n'arrivera pas.
Je suis fatigué, je m'étend sur mon lit sans même prendre la peine de me déshabiller, mes yeux sont à peine fermés que je m'endors.
Le jour est levé depuis longtemps quand je me réveille, fait inhabituel moi qui ne suis pas un adepte de la grasse matinée. Il faut croire que mon corps a encore besoin de récupération.
Je m'assoie sur mon lit, me frotte les yeux et la vision qu'offre ma chambre me confirme qu'il est temps que je finisse mon aménagement. Plusieurs cartons n'ont pas encore été déballés, principalement des livres et des DVD.
L'appartement étant plus spacieux que celui que je louait à Paris j'ai fait l'acquisition de meubles supplémentaires, dont une magnifique bibliothèque. J'ai galéré pour la monter mais cela en valait la peine.
Je commence par prendre une douche, suivi par un solide petit déjeuner et au boulot. D'abord les livres, j'en profite pour les classer, et peu à peu ils prennent place sur les rayonnages.
Au tour des DVD, rangés logiquement dans le meuble sur lequel trône ma télévision.
Ils sont moins nombreux, le carton est presque vide quand mon regard est attiré par le titre d'un film.
« La fureur du dragon », n'étant pas un adepte de ce genre de film? Kévin avait voulu me convertir.
J'ai un pincement au cœur au souvenir de ce dimanche après-midi que nous avions passé ensemble. Nous avions regardé le film puis le désir l'emportant nous avions fait l'amour passionnément. Respectant la règle que j'avais instauré, pas de nuit passée dans les bras l'un de l'autre, Kévin était parti le soir venu, oubliant ce qui lui appartenait.
Je prend le DVD, je ne sais pas quoi en faire, le garder ou lui renvoyer ? Finalement je reporte ma décision à plus tard.
Je plie les cartons, les descends dans le local prévu pour les poubelles. Ensuite je passe le balai pour effacer les traces . sur ma lancée je change mes draps et ramasse les vêtements qui traînent sur une chaise, je met la machine à laver en marche.
Le soir tombe, j'allume. Un rapide coup d'œil pour apprécier mon travail et je décide de prendre une douche.
L'eau coule sur ma peau enlevant la poussière et la transpiration. Je suis détendu, je ferme les yeux, une image s'impose à moi que je veux effacer. Je n'y arrive pas. Je me vois avec Kévin, prenant l'unique douche ensemble, le souvenir de nos mains sur nos corps, de mes baisers sur sa nuque, de mes doigts qui caressent son sexe en érection pendant que je le pénètre d' un coup de rein. Ses gémissements, nos râles quand mes va- et -viens se font plus puissants et l'orgasme dévastateur qui nous laissent épuisés mais comblés. Comme mue par une volonté propre ma main descend sur mon bas-ventre et je me satisfait en pensant à lui.
