Le Poudlard Express se déplaçait en direction de Londres depuis plus d'une heure maintenant. Certains élèves fatigués avaient décidé de dormir un peu, avant de savourer enfin les grandes vacances. D'autres, au contraire, s'amusaient, se faisaient des farces, ou parlaient tout simplement, restant calmes dans leur compartiment.
Hermione Granger avait dévoilé, avec fierté, à ses amis Ron et Harry qu'elle avait découvert le secret de Rita Skeeter. Elle la maintenait maintenant prisonnière dans un bocal et attendait d'arriver à Londres pour la relâcher. A l'intérieur du bocal, même si cela ne se voyait pas, Rita était désespérée. Oui, elle avait paru en colère tout à l'heure, se débattant de ses petites pattes d'insecte contre le rebord du bocal, mais à présent, elle commençait à réellement réaliser ce qui était en train de lui arriver, et combien les prochains mois risquaient d'être difficiles.
Hermione était très pensive, la tête posée contre la fenêtre du train. Elle semblait assez fatiguée par cette journée et les récents évènements. Du moins, ce fut ce qu'en conclurent Harry et Ron, eux-mêmes tourmentés par la pensée du possible retour de Voldemort. En réalité, Hermione n'était pas exactement troublée par cela, ou plutôt, ce n'était pas ce qui la troublait le plus en ce moment. À vrai dire, elle ne s'était jamais spécialement sentie attirée par les garçons, souvent trop violents, trop agressifs, trop idiots, trop primitifs... Elle avait pensé pendant des années que cela voulait très certainement dire qu'elle n'était tout simplement pas encore tombée sur le bon, mais l'arrivée de Rita Skeeter dans sa vie et la relation qu'elle avait eue avec Viktor Krum avaient remis en cause tout ce qu'elle pensait. Non, ce n'était pas quelque chose d'aussi facile que la théorie, ce n'était pas quelque chose que l'on contrôlait, ce n'était pas quelque chose qu'il suffisait d'apprendre par cœur et cela l'effrayait. Elle avait toujours eu l'habitude de tout contrôler, de se sentir ainsi rassurée, que ce soit pour ses devoirs, ses amis et les sorts qu'elle répétait jusqu'à y arriver à la perfection bien qu'elle y arrivait souvent déjà très bien dès le premier essai.
En ce moment, elle pensait à Rita. Oui, à Rita. À son sourire, à ses beaux yeux bleus, à ses cheveux toujours aussi bien bouclés, à sa bouche si pulpeuse, à sa façon de balader sa main sur son bloc-notes de reporter... Mais pourquoi elle ? Oui, pourquoi elle, une journaliste proche de la quarantaine, sans foi ni loi qui aimait écrire tout un tas d'immondices sur les gens ? Elle n'aurait pas pu tomber amoureuse d'une gentille et jolie fille de son âge ? Hermione soupira, tandis qu'inconsciemment, elle caressait le bocal dans lequel était enfermée Rita Skeeter. Cette dernière prit cette façon de caresser sa prison pour une provocation, une façon de lui montrer qu'à présent elle était supérieure, qu'elle avait le pouvoir, et que, elle, elle était à sa merci. Rita était dégoutée, elle sentait la colère monter et décida de fermer les yeux pour ne plus voir la main de la jeune adolescente. Essayer de dormir, ne serait-ce qu'une heure, serait peut-être le meilleur moyen d'oublier quelque peu sa situation.
Arrivés à la gare de Londres, Hermione se sentait le cœur serré. En effet, elle n'avait pas envie de relâcher Rita, elle avait presque envie de la garder pour elle-même. Seulement, il fallait bien qu'elle se rende à l'évidence, qu'est-ce qu'elle dirait à ses parents ? Et pour quelle obscure raison Rita pourrait-elle bien accepter de rester avec elle sans arrêt, alors qu'elle venait juste de la trainer plus bas que terre, en la mettant au chômage forcé ? Hermione soupira de nouveau, et ouvrit le bocal. A sa grande surprise, Rita ne bougea pas. Que se passait-il ? Pourquoi restait-elle là sans bouger ?... Elle ne serait quand même pas... Non voyons, elle ne pouvait pas être morte quand même, Hermione avait quand même fait attention de laisser des petits trous dans le bocal, ce n'était pas une meurtrière, d'autant plus qu'elle n'aurait jamais fait cette bourde monumentale alors que celle qu'elle avait enfermée à l'intérieur se trouvait être la femme dont elle était follement amoureuse. Elle se dit, dans un espoir irrationnel, que peut-être que Rita avait envie de rester avec elle. Puis, soudain, elle vit l'insecte se lever, se tourner furieusement, rapidement. Se rendant enfin compte que le bocal était ouvert, Rita prit alors son envol. Hermione la vit partir au loin, son petit espoir d'être aimée réduit à néant, ce départ lui déchirait le cœur. Elle en avait presque envie de pleurer, mais les gens autour n'auraient très certainement pas compris pourquoi une ado de son âge semblait faire autant de manières pour un simple insecte.
Rita avait réussi à s'endormir dans ce bocal, et c'était là la vraie raison de son absence de réaction, jusqu'à ce qu'elle se réveille. Elle sortit du bocal, respirant un air bien plus dense et frais que celui qui régnait dans le wagon. Il fallait à présent qu'elle retourne chez elle, afin de commencer à s'adapter à sa toute nouvelle situation.
Cet été-là, Hermione ne pouvait s'empêcher de penser à Rita, tout le temps, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, chaque minute, chaque seconde était remplie de son image, envahissante, étouffante. Hermione manquait d'air et une seule personne pouvait lui en donner. Rita. Elle regrettait parfois de lui avoir demandé de ne plus écrire car le simple fait de savoir que c'était elle qui avait écrit cet article, elle qui avait pensé chaque mot et de voir sa signature à la fin l'emplissait de joie. C'était niais, c'était horrible. Elle regardait ses anciens articles en souriant, alors qu'ils étaient répugnants, ignobles. A la fin de chaque article, elle se mettait à caresser du doigt son nom imprimé. Mais qu'est-ce qui lui prenait ? Était-ce ça être amoureuse ? Était-ce vraiment cet état d'imbécilité permanent dans lequel elle se trouvait ? Hermione referma brutalement la Gazette du Sorcier et le jeta sur la pile de journaux. Il y avait quand même plus important à s'occuper en ce moment avec tout ce qui se passait suite au retour de Voldemort que la vie d'une pathétique petite journaliste qu'elle aimait de façon tout aussi pitoyable. De toute façon, tout était pitoyable chez Rita, non ? Non. Hermione devait bien l'admettre, si ce n'est ses quelques articles de commérages et son ton parfois immature, il n'y avait rien de réellement pitoyable chez la journaliste.
Il n'y avait qu'une chose pour laquelle elle lui en voulait vraiment, c'était cet article sur sa soi-disant relation triangulaire avec Harry et Viktor. Mais c'était plus le fait que Rita puisse s'imaginer qu'elle aimait séduire les garçons sans en souffrir qui la rongeait. Car le contraire était faux, et Hermione se rappelait bien de combien, à Poudlard déjà, elle ressentait cette jalousie intense dès qu'un garçon s'approchait d'elle, et cela valait même pour Harry. Lorsqu'il avait été interviewé, elle s'était imaginée être à sa place, avant de se raisonner. Il n'y avait rien de glorieux à se faire interviewer par une journaliste immorale, mais quand même, c'était elle.
Durant le premier mois, Hermione était assez triste, elle restait dans sa chambre, comme paralysée dans son lit, ou alors elle tâchait de s'oublier dans le travail, comme toujours quand ça allait mal.
De son côté, Rita avait des problèmes financiers, elle n'arrivait pas à joindre les deux bouts avec son chômage, elle avait tenté quelques petits boulots, bien que dégradants, mais le salaire n'était pas assez élevé, bien qu'étant des boulots payés au noir, elle continuait de recevoir son salaire en tant que chômeuse. Le soir, elle se couchait sans aucun être en elle, la grande journaliste venait d'être terrassée, écrasée comme l'insecte qu'elle incarnait. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, parfois elle ne mangeait pas, quelle importance après tout ?... Cela lui ferait peut-être perdre un peu de joues, ces joues qui plaisaient tant à Martin, qu'elle avait finalement quitté il y avait quatre ans de cela. Il ne lui convenait pas, aucun homme jusqu'ici ne lui avait vraiment convenu. Bien qu'elle semblait libérée, sexuellement, il y avait souvent un problème, elle se sentait oppressée à chaque rapport, elle ne ressentait pas tellement de plaisir, elle s'ennuyait souvent. Lors de sa première relation, elle avait pensé que c'était peut-être de la faute de son premier partenaire, peut-être était-il trop nul, trop ignorant en la matière, trop débutant... Elle était ensuite sortie avec des hommes plus âgés, plus mûrs, avec nombre d'expériences sexuelles, certains d'entre eux étaient même très convoités par la gente féminine, réputés pour être « de bons coups », selon tous les commérages des environs. Mais aucun n'y faisait, elle avait fini par se penser asexuelle. Elle n'aimait tout simplement pas le sexe à deux, c'était la seule explication possible. Enfin, ça, c'était ce qu'elle pensait, mais depuis quelques temps, plus précisément depuis sa rencontre avec Hermione Granger, elle avait sorti une sorte... D'attirance, oui c'était le mot. Elle ne pensait pas avoir déjà ressenti cela pour un homme. Mais alors, qu'est-ce que ça pourrait vouloir dire, qu'à quarante ans passés elle se rendait enfin compte de sa véritable sexualité ? Elle avait donc gaspillé la première partie de sa vie à courir des hommes qui ne l'intéressaient pas. Quelle ironie... Mais peu importait, Hermione Granger était une adolescente non ? Elle devait avoir quoi, quinze ou seize ans ? Sans compter qu'elle la détestait, c'était raté d'avance. Il valait mieux pour elle chercher des femmes de son âge, pour une première expérience. Elle en avait peur, et si cette femme se moquait d'elle, de la même façon qu'elle se moquait des autres dans ses articles ? Rita détestait être moquée. Que faire alors ? Elle ne pouvait être sûre de rien. A moins d'aller voir une prostituée ? Cela coûtait de l'argent. Mais après tout, ce ne serait que pour la première fois. Pas ce mois-ci cependant, c'était trop tôt.
