Cette histoire indépendante est liée à la Trilogie en cours (Les Heures, les Enfants du temps, L'Impossible est improbable). Les événements racontés expliquent en partie l'attitude et les réactions de certains personnages de la Trilogie.

À titre d'information, le troisième volet (Impossible et improbable) est en cours, mais je ne publierai que lorsque j'aurai terminé, principalement à cause du Timey Wimey possible ou probable ou impossible, aller savoir…

Spoilers : aucun

Bonne lecture,
Idwy

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Début

Il était une fois un petit garçon qui vivait sur une planète dont le ciel était orangé. Il appartenait à un peuple sage et paisible qui pouvait défier les limites du temps et de l'espace. Bien sûr, comme il n'avait que sept ans, cette perspective lui importait moins que le plaisir de passer la journée dans les prairies s'étalant à l'infini autour de sa maison. Il y avait toujours une nouvelle bestiole à regarder ou un arbre à escalader et, si jamais tout était calme et ennuyeux, il n'avait qu'à lever le nez vers les nuages de bronze et d'or qui passaient. Il imaginait alors pouvoir les chevaucher et partir avec eux jusqu'à la Citadelle. On disait que cette ville sous verre était la plus belle de la planète et qu'on pouvait y passer deux cents ans et toujours y trouver un élément nouveau. Et, comme bien sûr Gallifrey était la plus belle planète de l'univers, la Citadelle était sans égale.

Seule l'Académie pouvait peut-être rivaliser de beauté, mais on ne parlait pas de l'architecture de cette école prestigieuse. Non, elle avait une réputation et les bâtiments n'y étaient pour rien. C'était une obligation d'y passer et le petit garçon n'était pas certain de comprendre ce qu'était cette obligation, car sa mère ne lui imposait jamais rien sans lui expliquer pourquoi. C'était seulement des « il le faut, il le faut » quand cela concernait cette école. Il avait un peu peur, parce que tous ceux qui en parlaient avaient un ton définitif. D'accord, il partirait pour l'Académie à huit ans, comme tous les autres, mais après? Sa mère, la plus belle maman au monde, lui expliquait qu'il allait apprendre l'histoire des Seigneurs du temps et comment voyager partout et n'importe quand.

« Et si je veux rester toujours ici avec toi? »

Elle se contenta de déposer un baiser sur sa joue, murmura qu'il était adorable mais que ce n'était pas possible : « Toujours ne dure jamais longtemps quand on grandit. »

« Je ne veux pas grandir. »

« Personne ne le veut vraiment et la plupart le découvre trop tard. Peut-être es-tu un peu plus sage pour t'en être rendu compte maintenant. »

« Alors c'est possible? » demanda-t-il plein d'espoir.

Sa mère soupira : « En allant à l'Académie, tu apprendras qu'il y a des limites à la volonté et même si nous sommes une race avec beaucoup de capacités et de dons, il y a des choses contre lesquelles nous sommes impuissants. » dit-elle.

Quelques semaines plus tard, il commença à comprendre ce qu'elle voulait dire. Il ne voulait pas changer, mais il se développait et ses sens du temps s'éveillaient. Il commença par avoir constamment l'impression de bouger, même s'il était complètement immobile dans la prairie. Il réalisa qu'il bougeait effectivement… puisqu'il accompagnait toute la planète dans son orbite autour du soleil. Il grandissait et n'y pouvait rien du tout. Sa mère hocha la tête avec approbation quand il lui rapporta son expérience.

« Cela ne me surprend pas. La famille a toujours été un peu précoce. » répondit-elle tendrement en ébouriffant ses cheveux.

« Mais tu avais dit que j'avais jusqu'à huit ans! »

« C'est une moyenne, mon chéri. Tu es un peu hors norme, c'est tout. »

« Je ne veux pas être hors norme. » fit-il d'un ton boudeur.

Elle se tut et se demanda une fois de plus si elle n'avait pas fait une erreur en s'isolant si parfaitement de ses semblables. Ce gamin aux yeux rieurs passait beaucoup plus de temps que ceux de son âge à s'amuser alors qu'eux étaient préparés depuis le berceau pour leur admission à l'Académie. Il n'en avait pas conscience, mais il se comportait déjà différemment des autres. Elle avait voulu lui offrir la liberté et le bonheur, des denrées qui, elle le pressentait, deviendraient de plus en plus rares et importantes pour leur civilisation. Est-ce qu'il lui en voudrait de ne pas avoir été coulé dans le même moule que ses camarades?

« Je veux juste être moi et m'amuser. » décida-t-il.

« Ça ne te fait pas peur de sentir la planète bouger ou d'avoir des flash de tous les passés et avenirs possibles? »

« Ben non… C'est plutôt cool. »

« Tu… te n'as pas l'impression de te perdre? Tu sais toujours dans quel temps tu es? » insista sa mère avec un fond d'inquiétude.

« Ben… oui. »

Il ne comprenait pas qu'on puisse se perdre. D'accord, c'était très différent de grimper aux arbres, mais ça ne faisait pas mal. C'était juste… juste différent. Il s'aperçut que sa mère souriait.

« Tu es contente? »

« Oui. Tu es peut-être un peu précoce, mais tu as l'air d'être doué en même temps. C'est bien. »

« Doué? » répéta-t-il en faisant des yeux ronds.

« Tu rends ta maman très fière de toi, mon chéri. »

« Vrai? » dit-il avec étonnement. « Mais je n'ai rien fait de spécial. »

« Non, justement. Tu es un bon garçon. Va jouer. »

Elle l'encouragea d'un sourire pour qu'il ne voit pas son frisson d'inquiétude. Elle l'avait peut-être trop nourri de liberté. Que se passerait-il à l'Académie, avec toutes ses règles, ses obligations et, surtout, cette façon de prendre le temps de façon si atrocement sérieuse? Il lui faisait penser à une belle plante qu'on forçait dans un tuteur sous prétexte de l'aider.

Les semaines passèrent et son huitième anniversaire s'annonça. C'était la date officielle pour son entrée à l'Académie. Il ne réalisa que quelques jours avant son départ qu'il ne reviendrait pas à la maison avant plusieurs semaines, voire des mois. Il ne dit rien, mais passa la nuit suivante les yeux grands ouverts, les poings serrés sous la couverture et décida qu'il ne ferait pas de peine à sa mère. Au matin, les yeux secs, il prépara ses bagages et déjeuna en silence.

Sa mère n'était pas dupe. Il ne disait rien et ne pleurait pas, mais elle savait qu'il était malheureux. Elle lui proposa une balade avant que la navette ne vienne le chercher. Il hésita, mais elle insista doucement. Dès qu'il fit un pas hors de la maison, elle lui prit la main et il ne la rejeta pas, comme il le faisait pourtant depuis des années en lui disant qu'il était un grand et que ça faisait « bébé » de se faire tenir par les doigts.

« Tu vas rencontrer d'autres enfants comme toi et ils deviendront tes amis. »

« Je veux pas d'amis. »

« Tu vas apprendre des choses merveilleuses sur le temps et l'espace. Tu les ressens depuis quelques mois déjà, mais tu ne les contrôles pas bien. Mieux que la plupart. » le coupa-t-elle avant qu'il puisse protester. « Mais ça ne suffit pas. Il faut parfois faire des choses qui semblent désagréables sur le moment, mais elles en valent la peine parfois. En tout cas, il faut que tu sois éduqué, comme tous les autres Seigneurs du temps. »

« Ça sert à quoi? Ils ne peuvent pas juste faire comme si j'avais suivi les cours? »

« Oh, mon chéri, tu es bien trop jeune pour comprendre… mais non, je t'assure. J'ai beaucoup de peine que tu partes, mais il le faut. Et puis tu sais quoi? »

Elle s'arrêta et se plaça à sa hauteur. Elle s'aperçut aussitôt que sa lèvre tremblait : « Tu ne peux pas rester un enfant pour toujours, mais tu resteras toujours MON enfant. Et les praires t'attendront. Et les arbres aussi. Ils pousseront un peu pendant que tu seras là-bas, mais ils seront là à ton retour. Et je le serai aussi. Tu ne perds pas ton foyer : tu en gagnes simplement un autre. »

« Mais tu vas me manquer. » balbutia-t-il, gardant les yeux baissés.

« Ooooh, si tu savais! Toi aussi, mon chéri. » fit-elle en l'enlaçant.

Il passa ses petits bras autour de son cou et fit semblant qu'il ne pleurait pas pour vrai. Elle fit de même.

Ils marchèrent jusqu'à son arbre préféré et elle le fit rire en faisant mine de partir à l'assaut des plus hautes branches. Ils passèrent près du petit étang où il avait surveillé durant des heures le vol gracieux des libellules. En revenant à la maison, il gardait sa paume ouverte et effleurait les hautes herbes. Le chatouillement le faisait sourire. En arrivant devant la maison, la navette les attendait et le conducteur avait déjà poussé les bagages du nouvel académicien dans le coffre.

« À bientôt! »

La navette décolla rapidement et elle resta à agiter le bras. Il pouvait lire sur ses lèvres ses aurevoirs et ses promesses que tout irait bien. Elle disparut et il se retrouva en plein ciel.