Note: Hey ! Bienvenu cher lecteur ! Voici une fiction fondée sur une idée que j'avais eu il y a plus d'un ans: une société angélique où les habitants verraient leurs ailes s'assombrirent lorsqu'ils commettraient une faute. Ne sachant pas quoi en faire, je me suis finalement dit: pourquoi pas la consacrer à l'univers de man ? Et bien le projet ce concrétise avec un Yullen et un RoadXLenalee en trame secondaire ! :D

Merci à Haku pour la correction !

Avant de te laisser à ta lecture je prend soin d'apporter quelques précisions:

-J'ai choisit de fonder ma réflexion à propos de la question de la religion avec la religion chrétienne. Mon objectif n'est pas de critiquer cette dernière, cela aurait aussi bien put être une autre. Je l'ai juste choisit en cohérence avec le manga et parce que c'est celle que je connais le mieux.

Sur ce, place au chapitre~

La secousse régulière du tramway berçait Allen confortablement installé sur un siège. Son regard hagard s'égarait entre les tours blanches qui pourfendaient les nuages. Parfois, l'éclat du jeune jour sur leurs vitres l'éblouissait, et il fermait par réflexe ses lourdes paupières. Avec le silence qui régnait dans la rame, s'octroyer quelques instants de sommeil était tentant. Mais les minutes oniriques s'avéraient souvent être de véritables heures, alors le jeune homme les rouvrait dans un effort considérable, avant de replonger dans sa douce torpeur. Sa nuit avait été courte. Les révisions l'avaient tenu éveillé jusqu'aux premières heures du jour. Enfin les haut-parleurs annoncèrent l'arrêt du Lycée X.

Difficilement, Allen se redressa, dépliant légèrement ses ailes. Il descendit après avoir remercié le conducteur. Deux rues plus loin, il pénétrait dans l'établissement. Quelques bonjours distribués, ici et là, puis le lycéen put rejoindre la salle où se déroulerait son devoir. Les élèves y révisaient silencieusement. Bientôt la sonnerie les arracha de leurs notes, tous s'installèrent et commencèrent à composer. Lorsque son crayon parcourait sa copie, l'ange ne pensait pas. Son esprit était bien trop engourdi. Les schémas à appliquer, il les connaissaient par cœur, les réponses à apporter s'inscrivaient automatiquement. Le DS se passa bien, oui, jusqu'au dernier exercice. Un instant, il arrêta de respirer. L'encre noire du sujet formait un fort contraste avec sa blancheur, la lecture était aisée. Pourtant, chaque caractère lui semblait étranger, il n'avait jamais été confronté à cet énoncé. L'étudiant ausculta la sombre pièce où plusieurs élèves avaient posé leur crayon. Ils étaient tout aussi désarçonnés.

« Ça, c'est bien Monsieur Cross !

- Silence ! »

Cross, l'unique professeur qui osait ajouter à ses évaluations un exercice inédit, Allen reconnaissait bien là son professeur de biologie. Ce choix lui avait valu de nombreuses remontrances de la part du proviseur. L'adolescent en avait surpris une, une fois, derrière la porte. Pour autant, M. Cross n'avait pas arrêté ses fantaisies. Il assumait sa basse moyenne de 15 devants ses collègues qui vantaient la leur, de 18. Quand le gong retentit, l'ange n'avait toujours rien inscrit après « exercice 5 ». Il n'avait osé avancer aucun argument, pétrifié à l'idée de commettre une erreur. Ce fut penaud qu'il rendit sa copie et sortit dans la cours rejoindre ses camarades.

« Je n'avais pas révisé la partie sur l'anatomie de l'oreille, avoua honteusement l'un d'eux, faute de temps…

- Tu nous avoues tes vices, dis-moi ? ricana un autre, tu n'échapperas pas pour autant au courroux divin. Tes ailes se sont déjà assombries.» Immédiatement, le garçon se retourna pour inspecter son plumage d'un blanc immaculé.

« Il te charrie, dit Allen, Dieu ne punit pas pour si peu. Tu as fait de ton mieux. »

Parfois, le plumage des citoyens se grisait lorsque ces derniers commettaient un délit mineur. Un simple avertissement. Cette coloration n'était rien comparée aux couleurs du crime. Ocre, rouge, noir, Dieu les réservaient aux pires scélérats, coupables de blasphème, de viol ou de meurtre. Ainsi marqués, les malfaiteurs étaient immédiatement repérés et incarcérés. Grâce à Dieu, la société purgée du vice pouvait prospérer.

« Je suis sûr que M. Cross est un criminel, il doit utiliser du blanchisseur pour cacher la noirceur de ses ailes.

- Les blanchisseurs efficaces sont extrêmement onéreux, répliqua Allen. En plus, au vu de sa taille, M. Cross aurait une énorme superficie à couvrir.

- Tu retiendras que c'est le mauvais plan la délinquance Allen, ça te coûterait cher. Tes ailes sont impressionnantes.»

Ses ailes, il en était fier oui. Leur envergure lui permettait un vol stable et puissant. Bien qu'apprendre à les maîtriser n'ait pas été facile, le travail et la rigueur avaient payer. L'année précédente, le jeune ange avait décroché la 3e place des championnats urbains. Ce mérite, il le rendait à son père, qui lui avait enseigné l'art de la voltige depuis son enfance. Le goût du vent, la passion du vertige ou l'extase de glisser sur l'air, c'était tout cela que Mana lui avait fait découvrir. La récréation toucha à sa fin. Les élèves s'engouffrèrent dans le grand bâtiment, laissant derrière eux la douce odeur d'un tilleul et l'éclat des coquelicots.

Puis, comme chaque jour, le soir arriva avec le frémissement des chaises, les dernières chutes de stylo, et les aux revoirs. Un ami proposa à Allen de venir chez lui, mais l'ange préféra rentrer. De gros nuages moutonnaient dans le ciel, les oiseaux volaient bas.

À la sortie du tram, une averse s'abattit sur l'étudiant. Il courut le long des rues, l'eau le concurrençant dans les rigoles. Par réflexe, il entrouvrit un peu ses ailes sous lesquelles l'air sifflait, sans le porter. Les jours de pluie, il était interdit de voler, les ailes alourdies devenaient moins maniables et les accidents plus fréquents. Pourtant, d'un vol, l'adolescent aurait été chez lui, ses cheveux presque secs et certain de ne pas se faire réprimander. Son père lui avait demandé de prendre un parapluie ce matin. Il avait désobéi, ne voyant pas comment un ciel si bleu aurait pu s'obscurcir. La fatigue y était aussi pour beaucoup, mais les excuses seraient inutiles, il valait mieux ne pas mentir.

L'odeur de la glycine éclatée sauta au visage d'Allen, il franchit le portail de la résidence avant de pénétrer son hall et de se précipiter vers l'appartement. Dès qu'il eut passé le seuil de la porte, il lança sa veste sur le radiateur et rejoins la salle de bain. Posant ses deux mains sur la céramique froide de l'évier, il scruta ses cheveux dégoulinants dans le miroir. Tout comme ses ailes, imbibées d'eau, ils adoptaient une couleur grisâtre. Le jeune homme soupira de soulagement. Mana prendrait la légère teinture de ses plumes pour l'humidité d'une récente douche. Ainsi, il ne mentirait pas vu que la question ne serait pas posée, et Dieu ne le marquerait pas filets du jet d'eau sillonnaient ses épaules, son dos et son buste. Il frissonnait sous les impulsions de température, chaudes puis soudainement froides, tièdes puis brûlantes. Le chauffe-eau était mal appareillé, il s'en était accommodé. Si auparavant, il maugréait, maintenant il appréciait ces variations qui lui semblaient mieux arrachées de sa peau les tentions accumulées durant la journée. Un claquement de porte retentit, Mana venait de rentrer. Allen se dépêcha de chasser avec le pommeau de douche les dernières particules de mousse. Habillé, il se précipita pour accueillir son père.

Mana l'appelait « mon garçon », lui demander « bonne journée ? », une réponse affirmative et son père l'ébouriffaient. Ensuite, Mana accrochait son manteau et partait en cuisine, tandis que l'étudiant rejoignait sa chambre et les révisions. Jusqu'au repas, les coutumes voulaient que chacun demeure mutique. Ce banal soir n'en fit pas l'exception.

Le souper restait calme, il n'y avait que le tintement des couverts et le bruit des mastications. À un moment, Mana demanda si c'était bon. Ça l'était, comme toujours.

Une douce senteur interpella Allen, il huma. Cela lui rappelait l'odeur de la cire fondue, des bougies d'anniversaire, leurs crépitements, la faible lueur des flammes. Comme le 25 décembre, aujourd'hui Mana avait détaché ses cheveux. Aujourd'hui, il ne souriait cependant pas. Toute quiétude avait quitté ses traits.

« C'est quoi ça... »

Mana se retourna, faisant frémir les couverts. Sa silhouette était surplombée par des volutes sombres et grises. Elles ressemblaient un peu aux nuages grossissant dans les cieux qu'il avait croisé cet après-midi. Ce ne fut que lorsque la fumée engloutit son père qu'il réalisa la nature de ces aplats grisâtres. Les murs autrefois blancs de la salle à manger revêtirent les couleurs ardentes du feu et la noirceur des cendres. Allen eut tout juste le temps d'entendre une voix lui ordonner de sauter sur le balcon. L'explosion souffla avant qu'il ne puisse ouvrir la fenêtre. Il put juste sentir une brûlure aride arracher son aile droite, elle étreint son bras et le verre rafla son œil gauche.

/O\

D'étouffantes couvertures enveloppaient le corps engourdi d'Allen. Il voulut les dégager, mais son bras ne répondait pas. La volonté ne suffit pas à déplacer son membre lourd. Au travers de ses paupières entrouvertes, il ne trouvait aucune lumière. Ses oreilles demeuraient sourdes. À nouveau, l'adolescent tenta de mouvoir son bras, encore et encore, jusqu'à sentir des larmes brûlées sa joue gauche. Sa respiration s'accélérait, emportant dans son élan de sourdes geintes. Une lueur apparue, il sentit une main se poser sur sa peau. C'était seulement des éclats de voix qu'il percevait, mais cela le calma. Il n'était pas mort. Le second réveil fut plus lucide. Si Allen ne parvint toujours pas à bouger, il réussit quand même à ouvrir les yeux. Le monde était flou, une fine pellicule semblait l'avoir recouvert. Il s'en contentait, se raccrochant au soleil qui baignait la pièce, à l'ondulation des rideaux que le vent provoquait avant de glisser sur son visage. Le baiser de la bise lui paressait glacial. Il ne sut combien de temps il resta, glacé comme un cadavre, à attendre, mais l'éternité s'était écoulée lorsqu'une personne entra dans la pièce.

« Mon Dieu, la fenêtre... »

Le vent cessa, et Allen replongea dans les ténè éclats de lumière déchirèrent le sommeil de l'ange, il se crispa. Ce mouvement brusque incendia son épaule, puis la sensation se dissipa lentement en une démangeaison. Il posa sa main droite sur son épaule. Aucune plume. Il avança fébrilement, un peu. Juste de la peau croûtée. Sa main chuta sur le coussin. Maintenant, il voyait nettement les murs froids de l'hôpital, la sobre table basse sur lequel reposait un verre, la fenêtre ouverte dont les rideaux venaient d'être tirés. L'ombre d'un infirmier se confondait à celle des arbres extérieurs. Il ne voyait que ses belles ailes blanches, repliées avec grâce.

Malgré les avertissements du soignant, le blessé se redressa en prenant appui sur son bras gauche. Il lui sembla que mille aiguilles déchirèrent sa chair. Le jeune homme s'effondra. On n'eut le temps de le rattraper. La croûte sombre d'une peau tombant en décrépitude, un chef-d'œuvre maladroitement gâché par des bandages, une image qui s'ancra à jamais dans sa mémoire.

« Restez allonger je vous prie, votre corps n'est pas encore prêt à un tel effort. » La force, elle l'avait quitté de toute manière. Il n'était plus qu'un corps mutilé, étalé sur un matelas dur.

« Peut-être que boire vous ferez du bien. »

Le patient refusa, mais devant l'insistance de l'infirmer, il céda. Dans la bouche, le goût amer et légèrement métallique de l'eau d'hôpital lui resta.

Du regard, le blessé chercha un miroir. La pièce n'en comptait aucun. Pourtant, il aurait voulu quantifier l'étendue des dégâts. Il aurait voulu savoir ce qui lui restait.

Lorsque le soignant lui proposa de dormir, il obtempéra. Le sommeil avait encore la vertu d'emporter dans ces ténèbres la réalité.

Ainsi les jours s'écoulèrent, les quantités d'anesthésiant diminuaient et la lucidité ainsi que les douleurs augmentaient. Allen recouvrait peu à peu une pensée moins léthargique. Il commençait à comprendre comment en était-il arrivé là, et s'il n'exprimait pas oralement sa terreur, ses cauchemars se chargeaient d'en avertir le personnel. Il aurait préféré rester dans les vapes obscures de la morphine. Il aurait préféré ne plus sentir ce nom effleurer ses pensées. Mana. Cela lui brûlait la gorge de demander comment allait-il. Il n'osait pourtant pas. L'espoir que l'incertitude lui fournissait était un doux duvet qui pansait ses plaies. Allen aimait l'imaginer vivant.L'ange apprit qu'il avait été atteint à trois parties : l'aile droite, la face gauche du visage et le bras gauche. On ne pouvait pour l'instant rien dire quant aux séquelles qu'il en garderait.

En trois semaines, personne ne lui avait rendu visite. Ni son entourage, ni ses camarades de classe ne franchirent la porte de sa cellule. Ici n'entraient que les blouses blanches et l'odeur de l'éther. La seule exception: le curé qui venait marmonner quelques prières à deux mètres de lui le dimanche. Allen avait finit par oser demander si ses proches avaient essayé de le joindre. Le sourire crispé de l'infirmier ne l'informa pas. Son état devait être trop cauchemardesque pour des citoyens, c'était la seule explication que l'adolescent envisageait. Pour tout reflet, il n'avait que son imagination. Allen recevait l'autorisation de descendre dans les jardins. Du matin au soir, entre deux rendez-vous, il y restait. Chaque rainure d'écorces, chaque pétale, ils les connaissaient à force de piétiner les pelouses trouées. Mais, c'était toujours mieux de fixer les détails de la végétation que de faire face aux regards effrayés des patients. Sa représentation de lui-même se dégrada tellement que lorsqu'un jour de pluie il trouva sur la surface réfléchissant les motifs de sa balafre, il pensa :

« Ç'aurait pu être pire »

Sa cicatrisation rendait même le médecin extatique. Lors de ses visites quotidiennes, il balayait la porte d'une main, brandissant de l'autre les radiographies. « C'est l'œuvre de Dieu ». Allen en aurait presque été convaincu si les nouvelles avaient réellement été bonnes. Il ne pourrait plus voler, plus comme autrefois du moins. Un vol plat et lent serait le maximum qu'il atteindrait avec la rééducation. Son œil gauche avait miraculeusement survécu, contrairement au reste de ce côté de son visage. Une trace carmine le ceindrait éternellement.

Ce qui fascinait le chirurgien était l'état de son bras gauche. Avec la chaleur, sa peau aurait dû se nécroser, toutes ces terminaisons nerveuses auraient dû être détruites et ses fibres musculaires anéanties. À la place, une croûte semblait recouvrir le membre qu'Allen pouvait à présent mouvoir.

Ce matin commença indifféremment des autres. Le petit déjeuner à 8h, le pain mou et le lait froid, le vrombissement des appareils de radiologie puis les exercices du kiné. Au détour d'un couloir, alors que le soleil approchait son zénith, Allen cessa de marcher. Il le sentit, aujourd'hui ne serait plus comme hier. Quelques instants plus tard, des échos de voix percutèrent les murs austères, ils grossissaient. Des talons cognaient le sol en PVC.

« Il ne sait pas encore totalement rétabli, laissez lui une semaine de plus !

-Le délai est dépassé, la loi est la loi. »

Ils venaient pour lui, ces bourreaux noirs, c'était une certitude inexplicable. « Le paradis n'est pas éternel pour une âme souillée, un jour la faucheuse vient la chercher. » Malgré cette réflexion, l'ange tremblait. La vérité ne pourrait-elle pas être voilée encore un peu, les antalgiques prolongés ? Un grognement lui arracha ses derniers espoirs.

« Allen Walker, vous êtes en état d'arrestation, pour homicide involontaire et détérioration involontaire de l'immeuble L400 B. Veuillez vous rendre sans opposition. »

Maintenant il comprit pourquoi la flaque lui avait miré une grande ombre marron qui avait semblé surplombée sa silhouette. Pour la première fois, Allen osa se retourner et faire face au plumage obscur de son aile droite.

A suivre...

Voici pour le premier chapitre ! En espérant qu'il t'aura plus et inspiré ^^

Je compte publier toutes les deux semaines le samedi si tu es intéressée par la suite

N'hésite pas à laisser un commentaire, ça fait toujours plaisir.

Ciao !