Harry Potter regardait le cercueil être lentement enseveli en tentant de sentir triste ou au moins un peu désolé. Non, il n'y arrivait pas.

Tout ce qu'il ressentait pour le moment était un agacement croissant pour les reniflements peu discrets de Marge et les couinements intempestifs de son chien. La grosse femme pleurait bruyamment depuis le début de la cérémonie largement appuyée sur Dudley, les geignements de Molaire à leurs pieds accentuant le dramatique du tableau peu ragoutant qu'offrait sa tante. Ce n'était pas une description très charitable de sa part -après tout Tante Marge avait perdu son frère et méritait sans doute quelque considération pour circonstance atténuante- mais il n'y avait en vérité rien qui puisse le pousser à la moindre clémence envers elle.

Son cousin lui inspirait déjà des sentiments plus ambigus. Pas au point de le prendre dans ses bras pour lui demander de pleurer sur son épaule mais il ne méritait pas de perdre ses parents. Personne ne le méritait.

Mais pour lui ? La mort de son oncle Vernon et de sa tante Pétunia ne parvenait pas le désoler. Il était plutôt confus sans doute. Ses tuteurs –les seuls ersatz de parents qu'il ait jamais eut- étaient morts et qu'est-ce que ça lui inspirait ? Rien, lui souffla une voix avec des accents de vérité. A part un vague soulagement de ne plus avoir à les revoir et une intense appréhension sur ce qui allait advenir de lui. Il devait vraiment être anormal finalement, Vernon avait raison.

Le prêtre ânonnait l'éloge funèbre d'une voix monocorde. Quelles personnes merveilleuses étaient apparemment son oncle et sa tante. Dudley ses musculeux poings serrés et ses yeux porcins baissés pleurait en silence.

Harry détourna le regard et fixa les voitures entassé derrière la grille du cimetière. Un homme appuyé contre une voiture bleue poussiéreuse fumait en regardant la cérémonie. Il était trop loin pour qu'Harry puisse distinguer son visage mais il n'avait aucun doute sur son identité. Kingsley Shacklebolt était sensé le récupérer à la fin de l'enterrement pour le conduire jusqu'à un parrain dont il ignorait encore l'existence la semaine passée. Sirius Black avait dit l'avocat. Le notaire peut-être. Ou alors un personnage quelconque perdu dans les méandres de l'administration des services sociaux.

Quel était donc le métier de cet homme sentencieux qui avait réglé son avenir avec tant d'indifférence ?

Quelle importance... Il avait fait au mieux : tout plutôt que de devoir vivre sous la garde de Margorie Dursley. Un avis que partageait amplement sa tante Marge qui n'avait certainement jamais été si contente de ne pas être directement apparenté à Harry –puisqu'il était lui-même lié par le sang à Pétunia et non à Vernon-. De l'opinion de la grosse femme Harry aurait dût être noyé à la naissance et le monde s'en porterait bien mieux.

Il avait au début cru qu'il serait placé dans un de ses centres pour délinquant juvénile dont son oncle aimait lui parler ou peut être envoyé dans une famille d'accueil –les orphelinats ça n'existait plus de nos jours n'est-ce pas ?- . Mais finalement l'avocat –ou le notaire- lui avait trouvé un mystérieux parrain qui aurait dut –d'après le testament de ses parents- s'occuper de lui à la mort du couple Potter mais était alors « dans l'incapacité d'assurer la garde de l'enfant » -quoique que cela puisse vouloir dire- et qui maintenant « se ferait une joie d'accueillir le jeune Harry ».

Il se trouvait donc maintenant à attendre la fin de l'enterrement de sa vie passée, un sac de sport contenant ses maigres possessions sur l'épaule, pour partir avec un type louche direction ailleurs. Adieu la banlieue rangée de Londres et bonjour à l'Angleterre profonde...

L'énigmatique Mr Black vivait apparemment dans un village paumé dans l'ouest de l'Angleterre dont le nom lui échappait. Quelque chose comme Godric Valley ou Godric Dale peut-être. Le genre de trou paumé que même les GPS se refusaient à connaître.

Les gens commençaient à partir réalisa-t-il avec un temps de retard, les proches étaient sensés se retrouver au 4 Privet Drive après ça pour faire dieu seul savait quoi. Mais pas lui. Lui il partait pour ne plus revenir.

Il suivit docilement Marge et Dudley qui se dirigeaient vers le portail. Plus ils se rapprochaient et plus Kingsley Shacklebolt lui semblait impressionnant. L'homme noir au crane rasé avait une boucle d'oreille en or, dépassait sans mal les deux mètres et paraissait particulièrement athlétique dans son costume trois pièces. Était-ce un mafieux ? Un flic ripou ? Un membre de la CIA qui aurait décidé de prendre une retraite précoce dans la campagne anglaise ?

Harry s'arrêta à quelques mètres de l'homme qui avait les yeux braqués sur lui et décida qu'il n'avancerait pas plus près. De là où il était il pouvait déjà voir que le sommet de sa tête n'atteignait pas son épaule.

Sa tante et son cousin s'étaient immobilisé à coté de lui et regardaient Shacklebolt avec méfiance –quoique que Dudley ait simplement un regard vide-.

- Je suis Kingsley Shacklebolt. Tu es Harry Potter je suppose ? Demanda l'homme d'une voix grave sans détacher les yeux d'Harry.

Harry hocha vaguement la tête, impressionné. Tante Marge s'avança, renifla bruyamment et dit sèchement :

- Vous pouvez l'emmener, il a toutes ses affaires et je ne tiens pas à avoir à m'en occuper plus longtemps.

Kingsley Shacklebolt eut l'air plutôt surpris des propos de Marge qui loin de s'en préoccuper s'était déjà détourner pour partir en direction de sa voiture.

C'était le moment, le grand départ. Harry se retourna et croisa le regard de son cousin. Il était supposé dire quelque chose non ? Après 15 ans à vivre dans la même maison, partir sans un mot ce serait sans doute bizarre. Dudley avait l'air tout aussi mal à l'aise que lui.

- Salut. Dit-il finalement.

Le regard de Shacklebolt qu'il sentait dans son dos lui donnait l'impression confuse d'agir comme un abrutit.

- Salut. Baragouina à son tour Dudley avant de se détourner pour retrouver une Marge qui semblait s'impatienter.

- Bon, lança Shacklebolt ramenant Harry à la réalité, on y va alors ?

L'homme avait l'air un peu gêné et cela le rendit soudainement bien moins impressionnant aux yeux d'Harry. Il haussa les épaules, indifférent, et ouvrit la portière de la vielle Volkswagen pour s'installer avec effronterie à la place du mort.

- Ok, on y va alors. Répéta l'homme avec cette fois comme de la résignation dans la voix.

Il n'aurait pas put mieux traduire ce que ressentait Harry en cet instant.