A/N : Hello tout le monde ! Ca fait plus de six mois que je n'ai pas écrit de Ron/Hermione, ce qui est pour moi une éternité. J'essaie de m'y remettre, avec un peu de mal cependant, mais il le faut bien.

Cette fic, qui répond au thème "Fleurs" pour la communauté d'écriture LiveJournal "7_couples", fera treize chapitres, un pour chaque mois suivant la mort de Voldemort. Les points de vue seront alternés - un chapitre Hermione, le suivant Ron. Ils ne sont pas tous écrits, ce qui fait que je ne peux promettre une publication régulière, mais mon plan est déjà complet et je sais où mener cette histoire.

J'espère qu'elle vous plaira !


I. Mai 1998

Pour la première fois de sa vie, Hermione a envie d'être égoïste. Elle l'a bien mérité, après tout. Elle a toujours fait passer les autres avant elle-même, et cette fois, c'en est presque trop.

Mais elle n'en fait rien, parce qu'elle sait qu'au fond, elle est une de ceux qui ont le moins souffert. Certes, elle vient de passer dix mois en cavale, elle a eu peur pour sa vie plus d'une fois, a été torturée aux mains des Mangemorts et elle n'est pas sortie de la Bataille de Poudlard sans égratignure, mais elle sait qu'elle ira mieux. Quand elle aura retrouvé ses parents et qu'elle les aura ramenés en Angleterre, elle pourra même dire qu'elle va bien. Et elle sait aussi que c'est loin d'être le cas pour tout le monde.

Elle jette un coup d'œil au lit vide à côté du sien. Cinq jours que le régime de Voldemort est tombé, cinq nuits passées dans son vieux dortoir car il reste encore tant de choses à faire au château. Cinq jours et cinq nuits confrontées à l'absence de Lavande, et Hermione sent son cœur se serrer.

I peine un an, Hermione aurait été ravie de ne plus partager son dortoir avec Lavande. Trop de jalousie et de tensions, et une atmosphère proprement irrespirable. Maintenant, si Hermione sent sa respiration se couper en regardant le lit vide, c'est parce qu'elle ignore si Lavande est encore en vie, et cette querelle pour le cœur de Ron qui lui avait à l'époque parue si grave est aujourd'hui reléguée au rang d'enfantillage.

Et Lavande n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Au lendemain de la Bataille, elle a rendu à ses parents et à son frère le corps sans vie de Colin Crivey. Il y a trois jours, elle a vu une jeune fille qu'elle n'avait jusque-là jamais rencontrée s'effondrer dans la Grande Salle, victime d'un maléfice à retardement. Aujourd'hui, elle est de service à l'infirmerie, où des blessures plus ou moins graves continuent à être traitées.

Alors avec ses dix mois de cavale, ses parents dans une sécurité heureuse et ignorante à l'autre bout de la planète et ses trois cicatrices, Hermione s'estime chanceuse, et elle étouffe ses envies égoïstes de solitude, parce qu'on a encore besoin d'elle et qu'elle ne sait rien faire d'autre, de toute manière.

Elle descend les escaliers vers la salle commune en silence aux côtés de Parvati. Quand elle la regarde, Hermione ne peut s'empêcher de se sentir coupable de désirer un moment à elle. Parvati fait partie de ceux qui ont tout perdu. Sa sœur jumelle est décédée dans la bataille, sa meilleure amie est entre la vie et la mort à Sainte-Mangouste, et elle-même a perdu un bras. Hermione n'a jamais vraiment estimé Parvati avant ça. Six années passées dans le même dortoir, et pourtant, elle n'en sait pas énormément sur elle. Une passionnée de divination, amie de Lavande, fière supportrice de l'équipe de Quidditch de Gryffondor. Hermione n'a jamais vraiment cherché à la connaître, même après la création de l'Armée de Dumbledore. Elle ne sait pas vraiment pourquoi. Peut-être juste qu'il était plus simple de prétendre qu'elle n'existait pas, parce qu'Hermione n'a jamais vraiment été douée avec les gens – même son amitié avec Ron et Harry, elle la doit à un troll et un mensonge. Mais aujourd'hui, avec ses blessures qu'elle porte en bandoulière parce qu'elle insiste malgré tout pour participer à la reconstruction de leur école, Parvati est enfin devenue quelqu'un de vrai. Hermione s'en veut qu'il ait fallu tous ces drames pour qu'elle s'en rende compte, mais comme elle en a fait l'expérience ces derniers jours, les gens ne se révèlent vraiment qu'à travers le pire.

Elle aperçoit Percy, assis dans un fauteuil près de la cheminée, occupé à écrire une lettre. Il est le meilleur exemple de ce qu'elle a constaté depuis la fin de la guerre. Elle sait que le Ministère le réclame, qu'ils ont besoin de lui pour aider à résoudre les nombreux problèmes qui ont éclaté là-bas après la chute de Voldemort, mais Percy refuse de quitter Poudlard, parce que toute sa famille est encore là, occupée à remettre le château sur pieds, à soigner les blessés, à payer hommage à ceux qui sont tombés. Trois ans de silence et de froid balayés d'un revers de la main autour d'un combat commun et d'une perte irréparable.

Hermione sent son cœur se serrer pour les Weasley. Cela fait cinq jours qu'elle est si occupée qu'elle les voit à peine, et il est facile de parfois oublier que Fred est parti parce qu'il y a tant d'autres morts et de murs à reconstruire et de blessés à soigner. Mais le soir, quand elle remonte dans la salle commune le cœur battant à tout rompre parce qu'elle se surprend à penser qu'elle aura peut-être enfin un moment privilégié avec Ron, il ne lui faut jamais longtemps pour voir le visage fermé de George, sa famille pressée autour de lui, et Hermione se rappelle.

C'est dans ces moments-là qu'elle se sent le plus coupable, parce que les moments de répits qu'elle désire, elle les veut pour pouvoir parler à Ron, et elle a honte d'elle-même à chaque fois qu'elle se rend compte qu'il a perdu un frère et qu'elle est n'est probablement pas sur la liste de ses priorités, malgré le baiser qu'ils ont échangé au cœur du chaos.

Cela fait cinq jours que Hermione ne sourit plus, sauf le soir dans son lit, quand le sommeil est tombé sur le château et qu'elle s'autorise des pensées plus heureuses. Elle ne sait pas vraiment dans quelle direction ils iront, tous les deux, mais elle est certaine d'une chose : elle a enfin trouvé Ron, et elle n'est pas prête de le laisser filer.

Et comme il le lui a sans cesse prouvé ces derniers mois, il est toujours là où elle ne l'attend pas, car à peine a-t-elle fait trois pas dans la Salle Commune qu'il se trouve devant elle et qu'il sourit faiblement en lui disant « Je peux te parler ? »

Hermione voudrait hésiter, parce qu'elle est attendue à l'infirmerie dans moins d'une demi-heure et qu'il reste tant à faire, mais Parvati lui sourit tristement et Hermione sait ce qu'elle veut dire. Cela fait dix mois qu'elle s'oublie pour faire passer le bien des autres en priorité, et elle a gagné le droit d'être égoïste et de prendre une heure pour parler avec l'homme qu'elle aime.

Alors elle hoche la tête, et elle suit Ron en silence quand il sort de la Salle Commune, descend les étages, navigue entre les murs éventrés et les statues décapitées et les conduit jusqu'au parc.

Quand elle sort enfin du château, Hermione se rend compte qu'elle n'a pas mis un pied dehors depuis la chute de Voldemort, et le spectacle qui l'attend est un véritable coup de poing dans son estomac. Des arbres déracinées, des blocs de pierre arrachés au château, des sentiers complètement explosés, et – elle ne sait pas si elle l'imagine – l'odeur de la mort qui flotte encore dans les airs. Et alors Hermione se demande ce qu'elle fait là, à enfin s'octroyer un moment de repos, parce qu'il reste tant à faire. Mais avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, Ron se baisse et ramasse quelque chose sur le sol.

Elle ne voit pas ce que c'est jusqu'à ce qu'il se retourne vers elle et qu'il murmure « Au moins, il reste des fleurs… »

C'est un pissenlit, frêle et pâle, et Hermione sent son cœur bondir, parce que Ron a raison : malgré tout, au milieu de ce chaos et de cette désolation, il reste des choses simples et douces qui ne demandent qu'à être appréciées.

Ron s'approche d'elle et sans un mot, il glisse le pissenlit dans ses cheveux emmêlés. Sa respiration se fait plus rapide quand elle sent sa grande main rugueuse caresser sa joue. C'est presque comme dans ses rêves, seulement c'est un peu mieux encore, parce que cette fois-ci, c'est la réalité, et qu'ils reviennent de trop loin, Ron et elle.

Il la regarde quelques secondes, comme s'il cherchait à lire des réponses à ses questions sur son visage, et ce qu'il trouve semble lui convenir, parce qu'il sourit, qu'il se penche vers elle, et que doucement, il pose ses lèvres sur les siennes.

Alors, pour quelques minutes, Hermione oublie le reste du monde, mais ce n'est pas grave. Elle le mérite, et comme le pissenlit dans ses cheveux, elle est encore là, et elle a le droit d'exister.


A/N : Voilà voilà, j'espère que ce premier chapitre vous a plu et que vous reviendrez pour le deuxième ! N'hésitez pas à laisser vos avis !