Elle était devant sa porte. Elle avait sonné. Elle était stressée. Elle avait les mains moites. Elle avait le coeur qui battait la chamade. Elle avait formuler ses mots dans sa tête. Elle savait que ça ne servait à rien. Il ouvrait la porte. Il avait ce sourire aux lèvres. Ce sourire aux lèvres qu'elle allait faire disparaître.
« Alicia ? »
Elle esquissait un sourire. Il libérait le passage. Elle entrait et s'arrêtait devant lui. Il l'embrassait. Elle était surprise. Elle attendait juste qu'il ferme la porte. Elle ne répondait pas à son baiser. Il laissa poser son front contre le sien.
« Will »
Elle sentait son corps se raidir. Il connaissait chaque intonation de sa voix et celle-là ne lui plaisait pas. Elle s'écartait légèrement. Elle aurait aimé répondre à son baiser. Elle se souvenait de cette fois où ils avaient fait l'amour tous les deux, juste là. Trop pressés. Pas le temps de se dévêtir. Se savourer au plus vite. Elle chassait ce souvenir.
Ils étaient assis face à face. Il lui avait proposé à boire et à manger. Elle refusait. Elle était stressée. Le regard fuyant, les lèvres hésitantes, les doigts crispés, le corps recroquevillé. Il le voyait et s'attendait à une mauvaise nouvelle. Une fois de plus. Elle sentait son regard sur elle. Son regard insistant l'incitant à parler. Le regard d'un parent qui attend l'annonce de la bêtise de l'enfant pour finalement dire que ce n'est pas grave. Elle n'avait pas le choix. Elle devait le lui dire.
« Je démissionne »
Silence absolu. Elle le regardait furtivement. Elle attendait sa réaction.
« Je n'ai pas entendu ce que tu viens de dire »
Elle avait marmonné. Il n'avait pas entendu. Elle le regardait.
« Je démissionne de ton cabinet et rejoins celui qui portera mon nom »
Il avait entendu. Il avait compris. Elle portait son regard sur lui. Elle ne savait que penser. Elle voulait lui dire autre chose. Elle avait dit l'essentiel. Elle ne voulait pas semer la confusion dans son esprit. Il était sous le choc. Il avait les idées qui fusaient sans réussir à s'accrocher à une seule. Ils restaient silencieux dix minutes durant.
« Crois-tu sincèrement que nous cesserons de nous aimer ? »
Ils se fixaient. Elle s'attendait à tout. A une rage, à une colère, à des pleurs, à des cris, à des menaces. Mais certainement pas à ça. Il ne savait pas comment il avait pu prononcé une phrase mais c'était la seule qui sortit de sa bouche. Elle notait que le mot 'aimer' est utilisé. Il notait qu'il utilisait le mot 'aimer'. Et 'nous'. Elle quittait le cabinet pour le quitter lui, pas le cabinet en lui-même. Il était devenu bon dans la façon de comprendre ses gestes et pensées. Il l'effrayait. Elle avait l'impression d'être le livre qu'il lisait. Ils restaient dix minutes de plus assis silencieusement. Il avait compris sa manœuvre. Elle avait les idées qui fusaient sans réussir à s'accrocher à une seule. Il était le perturbateur de sa vie. Il était pire que le scandale vécu. Il remettait en question toute sa vie et surtout son futur. Il était surtout celui avec qui elle imaginait le reste de sa vie. Elle voulait qu'il la déteste. Il continuerait à l'aimer, quoiqu'elle fasse. Il a posé la bonne question. Il connaissait la réponse. Elle connaissait la réponse. Il avait recommencé sans la prévenir.
« Taz »
Il la regardait d'un air interrogateur. Elle souriait. Il ne pouvait pas comprendre. Il ne pouvait pas comprendre tout ce qu'il provoquait en elle. Une ébullition de ses hormones, des sentiments contradictoires, des envies subites d'être avec lui, des envies de lâcher toute sa vie pour lui.
« Tu es la tornade qui m'habite, à toujours dévaster mon présent et à repenser mon futur »
Il ne voulait rien détruire.
« Je veux construire un empire avec toi. Je ne veux pas seulement échanger des baisers et des corps-à-corps. Je veux pouvoir t'aimer librement sans retenue, tenir ta main dans la rue, partir en week-end avec toi, m'endormir et me réveiller chaque matin avec toi. Vivre avec toi »
Il était rempli de tendresse, dans ses paroles, dans ses gestes, dans son regard. Il exprimait enfin ce qu'il souhaitait. Il s'était toujours contenter de subir ce qu'elle désirait. Elle avait toujours entendu ses cris étouffés. Elle l'écoutait enfin. Elle l'écoutait parce que c'est ce qu'elle désirait également.
« Je n'ai pas mis fin à notre relation à cause de la fugue de Grace. J'y ai mis fin parce que je ne m'étais jamais projetée dans un futur lointain avec toi. Ce 'je t'aime', cette exclusivité que tu m'as offerte, cette demande de rencontre avec les enfants. Tu m'as terrorisée. Ca devenait trop officiel »
« Je suis la maîtresse du patron qui lui demande de divorcer pour vivre ensemble et qui finira morte »
Ils souriaient.
« Il n'y a qu'une solution pour être avec moi : le divorce »
Ils se regardaient. Le divorce. Ils parlaient. Sérieusement. Il avait besoin de poser des mots à ce qu'il voulait réellement. Au diable le mauvais timing. Il avait besoin de voir plus loin. Il avait toujours vu plus loin. Elle voulait ce que lui voulait.
« J'étais venue là dans le but de me faire crier dessus »
Ils se souriaient.
« On peut crier si tu veux mais pas de cette manière »
Il arborait son sourire et son oeil coquins. Elle rougissait. Elle était tentée. Il était juste là devant elle.
« Je te déteste Taz »
Il souriait et devenait sérieux.
« Qu'est-ce que tu décides pour ton avenir ? Te mettre à l'abri de la tornade en étant avec elle ou vivre loin d'elle en étant toujours sur son chemin ? »
La grande question. Elle se la posait tous les jours depuis le scandale et plusieurs fois par jour depuis qu'il l'avait embrassée la première fois. Elle n'avait toujours pas la réponse.
« Pourquoi tu n'as jamais tenté ta chance quand nous étions à Georgetown puisque tu as eu le coup de foudre ? »
« La peur de te perdre »
« Et pourquoi seulement maintenant ? »
« Tu es comme le cri que j'ai toujours réussi à étouffer. Aujourd'hui, je ne fais que le contenir. Demain, je le laisserai exploser »
« Tu seras prêt à tout pour moi ? »
« Comme te laisser partir »
Elle ne savait pas exactement de quoi il parlait. Du travail ? De sa vie privée ?
« Si tu es plus heureuse avec Peter qu'avec moi, reste avec lui. Je ne veux qu'une chose te concernant Alicia : ton bonheur. Et si tu estimes que tu ne le trouves pas à mes côtés, je suis heureux de briller par mon absence »
Elle le regardait. Il s'était brûlé la langue en disant ça.
« Je suis terrifiée Will »
Elle avait la voix qui tremblait. Elle aurait tant voulu qu'il l'engueule. Elle aurait eu ainsi plus de temps pour réfléchir de son futur. Elle savait pertinemment qu'elle ne faisait que repousser son choix.
« Il y a Peter et notre famille d'un côté et puis il y a toi. La tentation, l'inconnu, la promesse d'une grande aventure, la passion. Mais ça s'escompte »
« Que si elle est mal consommée »
Ils se fixaient. Elle savait qu'il ferait tout pour elle. Il l'avait attendue.
« Et pour qu'elle dure, il lui faut d'excellentes bases. Et tu sais lesquelles. Et nous pourrons alors affronter nos démons, nos peurs, nos angoisses ensemble mais également et surtout les moments d'amour, de tendresse, de banalité, de routine. Les moments simples à profiter de chaque instant puisque nous serons ensemble et c'est ce qui compte avant tout. Mais c'est avant tout toi qu'il faut affronter et seule toi peut le faire »
Il avait les bons mots. Ceux qu'elle taisait chaque matin mais également ceux qu'elle voulait entendre.
« Tu ne me traites pas de Taz ? »
« Après ton passage, il ne reste que des sanglots »
Elle se levait. Elle avait dit cette phrase sous le sens de la plaisanterie mais constatait que c'était une vérité si criante qu'elle ne lui sautait aux yeux que maintenant. Il se levait, par automatisme. Il l'avait vu bouleversée. Elle se souvenait de ses moments où ils devaient se quitter, des moments qu'elle haïssait. Elle avait l'impression qu'il repartait toujours avec son bonheur qu'il lui dérobait à chaque fois, en plus d'un orgasme. C'était simplement lui qui lui faisait son bonheur. Elle le dévisageait. Il voyait une pointe de révélation et de détermination dans son regard. Elle savait.
« Ne me largue pas au bord de la route s'il te plaît dans ce qui va être un long périple pour mon divorce »
Il hochait négativement la tête et souriait.
« Je l'annonce à Peter. Nous l'annoncerons aux enfants. Je viendrais à toi lorsque tout sera officiellement terminé et je ne sais pas combien de temps ça va prendre. Sauf si j'ai besoin de toi et de ton soutien »
Il la raccompagnait jusqu'à la porte.
« Tu ne sais pas à quel point j'aimerai rester ici »
« Tu peux rester »
Ils souriaient. Elle allait dans ses bras. Il refermait ses bras autour d'elle. Ils restaient cinq minutes ainsi. A se sentir, à se respirer, à faire battre à l'union leurs cœurs, à apprécier la chaleur de l'autre, à savourer le fait d'être dans les bras l'un de l'autre, à s'en imprégner pour tenir jusqu'à la prochaine étreinte. Elle s'écartait et le regardait. Il la regardait. Ils s'embrassaient d'un tendre baiser. Elle sentait ses jambes tremblées. Il avait ses mains sur ses hanches. Ils restaient appuyés l'un contre l'autre.
« Tu respectes ce qu'on a dit »
« Promis »
« A bientôt Will »
« A bientôt Alicia »
Il ouvrait la porte. Elle déposait un rapide baiser sur ses lèvres. La scène fut immortalisée par un flash qui les éblouissait et les surprenait.
