Hey ! Ca fait longtemps que je n'ai pas vu Merlin (je crois même ne l'avoir jamais fini, pardon pardon oui c'est une honte bon chut maintenant), mais j'ai eu la curieuse envie d'écrire une fic à cause du rp twitter sauvage de trois personnes en particulier que je vais citer sans la moindre pitié : hello SunWings, Kalincka et Siffly 3

Je n'ai aucun droit sur les persos bla bla bla osef. Cette fiction a été commencée dans l'insomnie et terminée dans la chaleur. « Le subtil parfum du feu » vient du livre « Le subtil parfum du soufre », de la série A comme Association. Deathfic.

Enjoy !


De ma lâcheté

Sa respiration était rauque, sifflante, difficile. Chaque bouffée d'oxygène était plus douloureuse que la précédente, plus laborieuse. Son corps tout entier lui faisait mal, son cœur battait à tout rompre, oiseau affolé désirant s'échapper de sa poitrine oppressée… En un mot comme en cent, son être tout entier criait grâce.

Il était aux portes de la Mort.

Oh, il avait eu une longue vie, et s'éteignait à présent dans la vieillesse – tout le monde ne pouvait s'en vanter. Vie pas forcément belle, certes, si ce n'est à ses premières années… Tout s'était arrêté avec la mort, toujours elle, un funeste jour que jamais, sa mémoire ne pourra fuir.

Une vie longue, donc, mais de regrets, de chagrins, de colère ressassée et de rêves brisés, à voir son royaume s'étioler, sombrer dans le chaos, subir le feu et la glace, ployer devant les ténèbres et oublier l'harmonie.

Il avait tenté de faire face, d'avancer, de se battre. Battu, il l'avait fait, battu, il l'était. Un visage jamais oublié collé aux paupières, gravé dans sa chair et sa poitrine, malédiction lancinante lui arrachant sa force vitale et ses espoirs.

Où était donc passée sa vie ?

Amer, il en fit le bilan. Une femme jamais aimée, toujours délaissée, qui avait fini par faire ses valises pour se casser, une sale réputation de roi impuissant, entre autres surnoms charmants, des rumeurs courant dans la bourgeoisie, des famines à répétition, des guerres incessantes, des razzias de sorciers décidés à venger les leurs morts des décennies plus tôt sous le règne d'un autre souverain, des révoltes de paysans vindicatifs et apeurés…

Même maintenant, le mauvais sort le pourchassait. Des nobliaux étaient sortis de nulle part, obséquieux, mielleux, rêvant de se poser sur le trône délaissé par un roi sans descendance, même officieuse.

N'existe-il donc que la désolation ?

Sa propre pensée manqua de lui arracher un rire douloureux. Était-ce donc lui qui posait cette question ? Lui ? Alors que tout était de sa faute, de son unique faute ? Aurait-il fait un choix autre, près de soixante ans auparavant, tout serait différent. Le Royaume, lui, sa vie…

Tout.

Sans prévenir, comme pour appuyer ses tristes pensées, la vivace impression que son corps commençait à brûler le saisit, éprouvante. Il sentait des flammes qui ne pouvaient exister caresser sa peau, des flammes qui ne lui appartenaient pas mais dont il était l'odieux coupable le dévorer de l'intérieur. Plus que le reste, il fut convaincu que c'était là le signe que sa fin approchait.

Cette souffrance qui le saisit fréquemment tout au long de sa vie avait contribué à sa mauvaise réputation. On l'avait dit maudit, malade, les médecins et guérisseurs s'étaient succédé à son chevet, sans succès.

Environ une fois par an au début, le chiffre s'emballant avec la vieillesse, il avait fait des crises de convulsions, où il se sentait dévoré par le feu, où une voix qui n'était pas la sienne hurlait par sa gorge, où le goût de la trahison s'attardait sur ses lèvres. Il ressortait de cette épreuve fourbu, épuisé, frôlant toujours plus le point de rupture.

N'aurait-ce été la haine immémoriale de feu son père pour les sorciers, et qui obscurcissait encore sa vision, il aurait fait appel à eux. Quoique, cela aurait été se jeter dans la gueule du loup, ils n'avaient jamais pardonné au Royaume la mort des leurs.

Lui non plus.

Finalement, cette ultime violence ne l'étonnait pas. Il ne l'aurait jamais laissé mourir sans une dernière fois revenir.

Il avait raison.

Peu à peu, fantomatique, une ombre vaporeuse se dessina dans l'atmosphère. Au début, ce fut sa silhouette qui apparut, frêle, maigre, chétive, dans un dégradé de gris. Puis, ses traits se précisèrent, visage creusé, ses cheveux poussèrent, ses yeux s'ouvrirent, ses membres se délièrent, et con corps d'albâtre fut vêtu de cendres noires.

Aussi jeune qu'il était vieux, aussi brun qu'il avait été blond, aussi fragile qu'il avait été solide, avec des yeux mêlant un bleu presque gris et un or incongru. Des yeux qui le regardaient fixement, d'une façon étrange.

Mais le plus surprenant était sans doute les flammes léchant avidement la peau de l'apparition. Elles ne firent pourtant pas frémir le mourant, habitué à un tel spectacle. Au contraire, il sentit un rire cruel le secouer, lui arrachant une quinte de toux épuisante. La brûlure qui soumettait son corps reprit de plus belle, tandis que la douleur des remords faisait de même avec son esprit, lui tirant une larme rageuse.

Longtemps, il en avait voulu à la silhouette décharnée, la considérant comme responsable de sa déchéance, de son affliction. Cynique malédiction pour lui rappeler son rôle dans l'histoire. Il avait mis des années à comprendre que tout était de sa seule faute.

L'ombre de sa mémoire s'approcha de lui sans faire le moindre bruit. Avec la distance d'une passion oubliée et de péchés à la morsure glaciale, l'agonisant contempla le visage qui lui faisait face, la forme des yeux, les pommettes ciselées, la courbe des lèvres gardant le souvenir d'un sourire narquois et affectueux, les mains aux doigts fins dont il sentait presque la chaleur…

Aussi, et parce qu'il allait mourir, il ne bougea pas lorsque l'apparition posa une main légère sur son bras si lourd. Il pouvait, une dernière fois, exutoire à ses poisons et ses crimes, offrande pour se faire pardonner ses actes passés et ses lâchetés, se laisser aller aux souvenirs. Insouciance, joie immense, monde qui s'écroule et, enfin, cimetière.

Tout doucement, porté par la douce chaleur des doigts sur son bras, il sentit la vague des songes l'envahir, et sombra dans un dernier doux soupir.


Merlin flânait dans les rues de Camelot, profitant d'une des rares journées de repos qu'Arthur daignait lui accorder, et quêtant dans le même temps s'il pourrait se rendre utile à quelqu'un, voire s'informer un peu. Le désavantage d'être un crétin princier, c'est qu'on ne voit pas forcément la misère quand elle s'étale sous nos yeux. Si lui pouvait s'en apercevoir et le rapporter, dans l'espoir d'améliorer un peu le quotidien de ces gens, pourquoi pas ?

Il en était à là de ses réflexions un peu lunaires quand il sentit quelqu'un le bousculer, malgré la rue quasiment vide. Assez vexé, il fit volteface, cherchant la personne qui l'avait ainsi percuté volontairement. Il fut surpris de croiser deux yeux d'un violet intense.

Il s'agissait d'une femme altière, quoique de petite taille, vêtue d'un lourd manteau noir taillé dans un tissu riche. Fermé par une broche d'or ciselée avec soin, il s'entrouvrait sur une tenue masculine et confortable, celle de quelqu'un habitué à courir sur les routes.

Un rideau de flammes cascadait dans son dos, fils légers s'entremêlant et s'engouffrant dans la moindre brise pour prendre de l'ampleur. Ils encadraient un visage triangulaire, un peu félin, aux pommettes aiguisées, au nez pointu. Ses épais sourcils se faisaient flèches tranchant sur sa peau aussi pâle que la neige.

En un mot, elle était belle, d'une beauté sauvage et acide, un peu troublante, teintée d'une élégance presque royale.

- Hm, bonjour, fit assez bêtement Merlin.

Il se reprit devant le sourire clairement moqueur esquissé par l'inconnue, et dansant sur ses lèvres fines et claires. Il ouvrit la bouche pour l'insulter comme il se devait, quand elle le coupa dans son élan.

- On m'avait conté les mots affûtés de Merlin, serviteur du prince Arthur… Me voilà déçue.

Finalement plus intrigué qu'en colère, le sorcier l'observa. Comment ça, on avait parlé de lui ?

- Qui êtes-vous ? interrogea-t-il.

Elle lui décerna un autre sourire taquin.

- Eve Hespéride, répondit-elle. Ou juste Eve. Vous ne voulez pas savoir à quel point ce nom est dur à porter…

Elle laissa filer un rire clair et haut, sonore. Merlin esquissa un sourire.

- Ravi de vous rencontrer, lança-t-il en singeant une révérence maladroite.

Ils échangèrent encore quelques mots. Le jeune homme ne pouvait détacher ses yeux de son visage. Il était pourvu de telles particularités, innombrables, ajoutant toutes quelque chose à son charme, qu'il se sentait obligé de toutes les pourchasser. Là, un grain de beauté. Là, une légère cicatrice, rosée. Son nez partait légèrement de travers. Ici, une tache de naissance.

Il en vint à tout oublier autour de lui, à oublier qu'elle l'avait bousculé sans gêne, que la journée filait, qu'il s'était au départ promis d'aider les habitants de Camelot. Oubliant que le temps s'écoulait, que la faim et la soif le tenaillaient.

Au fil de leur discussion passionnante, ils en virent à s'approcher l'un de l'autre. Les yeux violets – une telle nuance, si intense, si parfaite, existait-elle seulement dans la nature ? comment pouvait-elle illuminer un regard humain ? – l'ensorcelaient presque. Jusqu'à qu'ils le fassent taire, qu'ils l'immobilisent, un peu essoufflé.

Elle s'approchait de plus en plus près. Il sentit son cœur s'emballer, encore et encore, échappant à tout contrôle. Puis, alors qu'elle était à un souffle de lui, il sentit son odeur. Il l'aurait imaginé florale, ou peut-être empreinte de musc et de forêt, mais elle ne lui inspirait que la subtile odeur du feu. Et ce fut cette fragrance étrange qui le tira de sa léthargie.

Pas seulement ça, pour être honnête. Au roux flamboyant, il devait s'avouer qu'il préférait l'or. Au violet insondable, le bleu d'un ciel trop grand. A la neige, le teint d'un homme d'extérieur. A la soie, les cals d'un guerrier. A la subtil odeur du feu, qui ne lui rappelait que trop les brasiers, celle mêlant sueur, savon, noisette.

Tout cela, par contre, était plus difficile à admettre.

Doucement, il opposa ses mains entre eux, lui décernant un sourire désolé.

- Je m'excuse, fit-il, je ne…

Il resta sans voix.

Un frisson descendant lentement son dos.

Le violet incroyable venait d'être illuminé par des ondes d'or, un or qu'il connaissait très bien. Sa respiration s'accéléra, inquiète. Un nœud tordit son ventre. Cédant à la crainte, il saisit brutalement ses bras.

- Qui êtes-vous ? exigea-t-il. Que faites-vous ici ?

Eve lui renvoya un sourire à présent chargé de menace. Lorsqu'elle prit la parole, sa voix, quittant le voile de légèreté dont elle était auparavant parée, enfla pour prendre de la puissance, vibra avec la force rauque et grave d'un âge ancien.

- Nul n'a jamais oublié, Emrys, que tu as trahi les tiens pour défendre le fils du roi sanguinaire, gronda-t-elle. Puisque tu sembles si pressé à le sauver, nous trouverons un autre moyen pour détruire la lignée des Pendragon.

Il n'eut pas le temps de réagir, elle faisait volteface, son manteau claquant derrière elle, et s'enfonça dans les ruelles de la ville. Le laissant seul, haletant, un peu angoissé, les sinus saturés par l'odeur du feu – dieu qu'il détestait cette odeur, celle du bûcher qu'il craignait tant.

Mais, après tout, il avait toujours su protéger Camelot, Arthur et Uther, se morigéna-t-il. Cette fois-ci ne changerait pas des autres. Il n'y avait pas de raison pour que cela change.

Aucune raison.


- Allez, Merlin, fais pas l'effarouché ! Viens !

- C'est toujours non, répliqua fermement l'interpellé avec un sourire narquois, s'installant un peu plus confortablement contre le tronc d'arbre.

Arthur soupira, lança une remarque quelconque sur le côté froussard de son serviteur et plongea sous l'eau, troublant l'onde en lents cercles. Instinctivement, Merlin sentit l'appréhension serrer son cœur. Cet imbécile de prince passait tellement de temps à mettre sa vie en danger qu'il en venait à craindre sans cesse pour lui…

Secouant la tête – il avait beau être stupide, Arthur savait nager – il attrapa son épée et entreprit de l'affûter, histoire de gagner du temps sur ses tâches journalières. Au fond, songea-t-il, il était assez content que le prince ait décidé de s'exiler avec lui près du lac. Le temps était clément, l'endroit paisible… Cela changeait de la chaleur des murs du château, de l'effervescence et de l'air pincé d'Uther. Cela le distrayait de la crainte qui ne cessait de le poursuivre, depuis sa rencontre avec Eve.

Il était à l'abri sous un arbre qui l'ombrait, le protégeant du soleil trop vif. L'eau clapotant doucement jetait des éclats de lumière et la forêt, derrière lui, murmurait. Un sourire distrait aux lèvres, il fit lentement passer et repasser la pierre à aiguiser sur la lame étincelante dans un geste mécanique et presque réconfortant.

Mais l'instant et sa douceur furent brisés par la nouvelle invective d'Arthur, de toute évidence désireux que son serviteur le rejoigne. Serviteur qui se contenta de lever les yeux au ciel, soupirant avec application. Cependant, il ne put empêcher ses yeux de dériver vers le prince.

Il était debout, l'eau atteignant le haut de ses cuisses. Des gouttes ruisselaient sur sa peau, irisées de lumière, qui se prenait dans ses mèches pour les filer d'or, sur le pâle de son teint pour le faire étincelant, glissant sur sa musculature.

Arthur avait beau être un royal imbécile, songea très distraitement Merlin en sentant ses joues chauffer, il avait quand même un corps à se damner. Croisant le regard bleu pétillant de ledit imbécile, il retourna précipitamment à son ouvrage.

Bon sang, si jamais ce crétin s'apercevait de... de ça, il était foutu. Il ne savait pas trop dans quel sens, mais il était foutu. Totalement. Il irait s'enterrer dans le royaume voisin et au diable son destin, et Arthur.

Il fit la moue en repensant au jour où il s'était rendu compte que l'affection qu'il portait au prince dépassait les limites bienséantes de l'amitié. Il fallait bien ça, tiens, pour ajouter un peu plus de bordel et de drama à sa vie. Déjà, tomber amoureux d'un autre homme… L'homosexualité n'était pas vraiment punie, certes, restant généralement cachée, mais quand même… Tomber amoureux du prince le plus imbu de lui-même qu'ait pu voir Camelot…

Cela aurait pu passer, jusqu'à qu'il se rende compte qu'Arthur l'attirait physiquement. Et beaucoup. Les matins où il l'aidait à s'habiller se firent plus laborieux, presque embarrassés, provoquant la plus grande incompréhension chez le guerrier, qui ne parvenait pas à expliquer le changement de comportement du serviteur.

La nuit, il arrivait souvent à ce dernier qu'il rêve de leurs corps serrés l'un contre l'autre.

Gênant, tout cela, vraiment.

Il en était à cet état-là de ses réflexions, cessant même d'affûter l'épée, quand il fut saisi sans aucunes difficultés par un Arthur hilare. Il se retrouva dans ses bras, éberlué.

- Mais qu'est-ce que vous faiiiiiiites ? hurla Merlin à la fois surpris et inquiet.

Un rire clair retentit. Il eut sa réponse quand il se sentit soudain lancé dans les airs pour percuter la surface du lac, s'enfonçant dans l'onde. Furieux, un brin désorienté, il battit violemment des pieds et regagna la surface sans difficultés.

- Arthur, cria-t-il, essoufflé, espèce de crétin, d'imbécile, de prince à la manque, de…

Ignorant royalement ses insultes, l'interpellé riait toujours. Sa joie en vint à devenir communicative et Merlin dut lutter pour ne pas laisser le sourire qui titillait ses lèvres éclore sans honte. Il râla un peu pour la forme et nagea jusqu'au bord. Sortant de l'eau, il se secoua.

- Sérieusement, je suis trempé, maintenant, soupira-t-il.

Il eut le temps de discerner une étincelle maligne dans les yeux bleus d'Arthur avant qu'il ne comble l'espace qui les sépare.

- Va falloir les faire sécher alors, fit-il avec un sourire carnassier. Et puis, tu n'avais qu'à venir te baigner avant.

Merlin lâcha un commentaire sur sa mauvaise foi mais reconnut la pertinence du premier propos. S'écartant un peu du blond, il entreprit de retirer foulard, chemise et pantalon, ne gardant qu'un caleçon comme tout habit. Dédaignant la nouvelle crise de fou rire d'Arthur, il alla suspendre le tout à une branche.

- J'espère que vous êtes au courant que ce n'est pas digne d'un prince, fit-il remarquer cyniquement, se tournant vers lui.

Ledit prince, enfin calmé, ne répondit rien, se contenant de le scruter, presque avidement, jusqu'à en mettre Merlin mal à l'aise. Allons bon, à quoi pensait-il, encore ? L'étincelle narquoise dans les yeux du guerrier fit place à un peu de perplexité et à une intense réflexion – pour changer. Il semblait en plein débat intérieur.

Assez étonné, le sorcier le laissa réfléchir en silence, tout de même assez curieux sur ce qui le turlupinait ainsi. Après un temps qui semblât infini, il releva enfin la tête. Une flamme amusée brûlait dans ses pupilles, mêlée à un sentiment qui fit s'envoler des papillons dans son estomac.

Déterminé, le prince le rejoignit à nouveau. Un brin inquiet, à présent, ne parvenant toujours pas à déterminer ce qu'il avait en tête, Merlin fit quelques pas hésitants en arrière, sans réussir à empêcher le blond d'être auprès de lui.

Non, définitivement, il ne comprenait rien, pas même l'étrange sourire d'Arthur. Cependant, il sentit nettement ses mains se poser sur ses hanches pour le plaquer doucement au tronc de l'arbre derrière lui. Les doigts calleux sur sa peau manquèrent de le faire frémir, et une onde de chaleur naquit dans son bas-ventre.

- Hm… Arthur ? Qu'est-ce que vous faites, au juste ?

Il grimaça en entendant sa voix trembler, grimaça en sentent ses joues s'échauffer considérablement, grimaça encore quand un lent frisson dévala son échine et grimaça enfin quand Arthur sourit, l'air assez satisfait de lui. Crétin narcissique.

- Serais-tu stupide au point de ne pas comprendre, Merlin ? s'amusa-t-il. Même pour toi, c'est un exploit.

Se disant, il fit glisser ses mains sur le torse du serviteur, yeux brillants, le faisant rougir de plus belle. Sa respiration s'accéléra nettement, délicieux contrepoint au discret soupir d'expectative qui échappa à Arthur. Ce dernier se pencha, sans quitter son sourire.

- Alors ? Tu ne comprends toujours pas ? murmura-t-il avec un rire dans la voix.

Les lèvres de Merlin se plaquant aux siennes fut sa seule réponse.


- Arthur ?

- Oui ?

- Votre père serait contre.

- …

- Qu'est-ce qu'on fait ?

- Qu'est-ce que tu veux que l'on fasse ?

- C'est mesquin, de ne pas répondre. Je veux qu'on continue, évidemment. Et arrêtez de rire !

Soupir amusé.

- Alors, on s'en fout, de mon père.

Silence.

- Arthur ?

- Oui ?

- Je vous aime.

Simple évidence.

- Moi aussi, Merlin.

Douce évidence.


Sourire aux lèvres, une silhouette frappa à la porte de la chambre d'Uther. Avant qu'il n'ordonne l'entrée, elle se composa une mine servile, presque effrayée. Lorsqu'elle posa une main légère sur la poignée, une dernière lueur de rage vengeresse éclaira sombrement son visage.

- Allons bon, qu'est-ce que vous voulez ? Et qui êtes-vous ?

- Votre Majesté, mon identité n'a pas d'importance. J'ai une information de la première importance à vous communiquer. C'est à propos du serviteur de votre fils, Merlin…


Merlin rêvait, plongé dans un profond sommeil, quand une brusque poigne de fer le tira hors de son lit, le projetant au sol. Hébété, il sentit sa tête cogner violemment contre la pierre, avant d'être relevé sans douceur. Il cligna des yeux.

Un garde le tenait solidement par le col d'une main gantée. Une dizaine d'autres avaient envahi sa chambre exigüe, tous, le visage sombre, la moitié l'épée au clair. En leur centre, en habits royaux, Uther se tenait droit, yeux froids et bras croisés.

- Qu'est-ce que… commença le serviteur, avant qu'une violente gifle ne le fasse taire, ouvrant sa lèvre dans le même temps.

Il sentit un goût de sang s'attarder sur sa langue. Derrière la troupe d'hommes en armes, il vit se faufiler la silhouette de Gaius, aussi choqué que lui.

- Votre Majesté, tenta-t-il, que…

- Votre protégé est un sorcier, déclara Uther, sa voix claquant avec sévérité.

Il ajouta quelques mots, l'air hors de lui, que ni l'un ni l'autre n'écoutèrent.

Leurs regards s'accrochèrent, désespérés. Dans celui de Merlin luisit la peur, l'incompréhension, une expectative douloureuse, un monde qui vacille, s'écroule. Dans celui de Gaius, la stupéfaction, un calcul déjà en place pour le sauver, et une tentative folle de se raccrocher à l'espoir.

Cela ne pouvait se passer ainsi.

N'est-ce pas ?

Ils retouchèrent terre quand le soldat tenant Merlin fut rejoint par un autre, et qu'ils entreprirent de le sortir de la chambre. Le sorcier résista, désespéré, chercha le regard du roi.

- Comment ?

Un sourire dur étira les lèvres d'Uther. Il n'essayait même pas de nier… Quel immonde être se tenait devant lui. Il ne parvenait pas à comprendre comment il avait pu demeurer caché aussi longtemps. Au moins, une menace de moins pesait sur Arthur, maintenant.

- Une personne bienveillante, daigna-t-il répondre, qui t'as vu user de magie.

La fin de sa phrase fut nettement perceptible malgré l'éloignement, les gardes l'entraînant avec force.

- Etrange femme, par ailleurs. Je n'ai jamais vu pareils yeux violets.


- Alors comme ça, tu es un sorcier, fit une voix un peu hésitante.

Merlin releva la tête, croisa l'intense regard de Morgana. Elle était vêtue de rouge, chaperon bien dangereux, capuche rabattue en arrière laissant libre sa chevelure sombre. Mains jointes, elle le jaugeait sans la moindre vergogne.

- Comme toi, répliqua-t-il, de fort mauvaise humeur, ce qu'on ne pouvait décemment lui reprocher.

Inquiète, la pupille jeta un œil vers les gardes, vérifiant que leur discussion n'était pas entendue, et se pencha un peu en avant. Sa somptueuse cape, rehaussant son élégance naturelle, suivit le mouvement dans un bruit soyeux.

- Comment le sais-tu ?

Le sorcier haussa les épaules en réponse. Levant les yeux au ciel, Morgana abandonna une partie perdue d'avance. Elle aurait certes aimé apprendre plus tôt la véritable nature du jeune homme, afin de chercher de l'aide auprès de lui, mais elle était à présent presque soulagée de n'en avoir rien fait.

Si Uther avait condamné à mort sans le moindre remord le serviteur de son fils, que lui ferait-il, à elle, en apprenant ce qu'elle était ?

Puis, elle mit enfin des mots sur l'expression de profond désespoir du serviteur.

- Arthur n'est pas intervenu en ta faveur, n'est-ce pas ?

Il lui jeta un regard brûlant de colère et de peine, qui ne la fit même pas frémir. En elle-même, elle songea que oui, définitivement, révéler sa propre nature magique était la dernière des choses à faire. Si le prince n'avait même pas tenté de s'opposer à son père pour Merlin, elle n'avait aucune aide à attendre de personne.

Heureuse d'avoir eu ses réponses, elle jeta un dernier regard au sorcier.

- Je suis désolée pour toi, déclara-t-elle d'un ton impassible et indifférent.

Dans un ample mouvement rouge, elle s'éloigna sans guetter une hypothétique réponse.


Merlin guettait, inlassablement. Genoux contre sa poitrine, bras serrés autour de ces derniers, grelottant dans le froid de sa cellule, il attendait le bruit de pas qu'il connaissait par cœur, qu'il avait tantôt cherché, tantôt fui, toujours accompagné par cette voix si particulière, haute, souvent excédée lorsque cela le concernait.

Il était impensable qu'il ne vienne pas, il en était persuadé. Toutes ces années ne pouvaient être balayées comme ça, d'un revers. Il ne pouvait oublier les rires partagés, les colères, les épreuves affrontées, et leurs dernières semaines, corps contre corps, peau contre peau, lèvres contre lèvres.

Il ne pouvait pas. Ce serait le détruire.

Alors, lorsqu'il entendit une marche en sa direction, il faillit hurler de joie. Ce fut avant de reconnaître le pas traînant mais vif qui, bien qu'apprécié, ne remplacerait jamais l'absent. Sa futile illusion fut balayée avec la violence d'une tempête et il se recroquevilla de plus belle.

Gaius se profila devant les barreaux de la geôle. Le chagrin avait creusé de nouveaux sillons autour de ses yeux et noyé son regard. L'âge qu'il avait fait mine d'ignorer s'était abattu sur lui, le faisant ployer avec hargne.

- Merlin, murmura-t-il, comment… ça va ?

Le sorcier grimaça avec évidence, et le guérisseur reconnut la stupidité de sa question. Mais que pouvait-on dire à un condamné ?

- Comment avait-vous réussi à passer les gardes ? interrogea mollement ledit condamné.

Il pouvait comprendre que Morgana soit passée, du fait de son statut, mais Gaius n'était qu'un médecin, qui plus est, son ami. Ce dernier haussa les épaules, balaya la réponse du revers de la main.

- Ce n'est pas important. Merlin, il faut que tu t'échappes. J'ai peut-être un moyen de…

Il fut coupé net par un regard du sorcier.

Les émotions qui y étaient gravées le percutèrent.

- Pourquoi Arthur n'est pas venu ? murmura-t-il.

La détresse de sa voix le fit chanceler. Il ferma les yeux, un bref instant. Les rouvrit.

- Je ne sais pas, Merlin, avoua-t-il.

- Il m'aurait menti ? persista le sorcier.

Il n'explicita pas en quoi, Gaius comprit très bien tout seul. Toute la fatigue du monde effleura ses paupières. Il devait convaincre Merlin de s'enfuir, mais pour cela, Arthur devait venir le voir. Néanmoins, le prince restait introuvable, errant dans le château sans que personne ne comprenne son affliction et ses tourments.

Ce n'était qu'un serviteur, n'est-ce pas ? Juste un serviteur.

Et même une fois trouvé, Gaius devait le convaincre d'aller rendre visite au prisonnier, le convaincre de l'aider sans trop se compromettre. Une parole de travers, et ce serait lui sur le bûcher. Parce que oui, Uther s'était décidé pour un bûcher.

Plus imposant. Plus démesuré.

Accordé à sa folie.

Accordé à la perte incroyable qu'ils allaient tous subir, plus ou moins consciemment.

Le feu était cruel.

- Merlin, tenta-t-il une dernière fois, Il faut que tu t'enfuies. S'il-te-plaît.

Les yeux du jeune homme se perdirent dans le vide.

- Je partirais si Arthur vient, répondit-il simplement.

Vaincu, Gaius repartit. Resté seul, Merlin recommença à guetter.


Arthur progressait à travers les couloirs du château, cœur battant à tout rompre. Un goût de cendres traînait dans sa bouche. Il ne savait s'il devait en vouloir à Merlin, à son père, à lui-même… Le premier, pour lui avoir caché ce… délicat détail, le second pour lui avoir mis en tête que les sorciers devaient être exterminés, et lui, parce qu'il se sentait lâche à, de par sa fausse neutralité, prendre position contre le jeune serviteur.

Sorcier. Le mot, aux consonances maléfiques, serrait encore sa gorge. C'était tout un monde d'illusions qui s'écroulait, comme si la découverte de son amour pour Merlin n'était pas suffisante. Sorcier…

Les paroles-poison de son père résonnaient dans sa tête, s'entrechoquant, l'hébétant. Les sorciers sont dangereux, les sorciers veulent nous détruire, il faut annihiler les sorciers… Comment ne pas le croire, lui qui a toujours entendu ça, qui a vécu dans la haine, presque la peur, de ces êtres magiques ?

A cela s'opposait la raison, mêlée d'une touche non négligeable de subjectivité. Jamais Merlin n'avait tenté de lui faire du mal, de quelque façon que ce soit, lui qui aurait pu détruire le royaume au gré de ses humeurs. Bien au contraire.

Il était à deux doigts de se frapper la tête contre le mur, submergé par les questions lancinantes. Entre son père et Merlin, il ne savait qui choisir. Il aurait voulu ne pas choisir. Le sang et l'amour, le roi et le sorcier, ennemis héréditaires.

C'était dans le but de clarifier un peu son esprit qu'il avançait vers la prison. Cependant, à chaque pas en avant, il hésitait toujours plus. Tout son prétendu courage, toute sa bravoure fuyaient. Bon sang, ce n'était que Merlin, son stupide serviteur narquois, le seul qui se permettait ouvertement de l'insulter, le jeune homme qu'il avait tenu contre lui quelques jours auparavant, dont il avait découvert le corps…

Il était d'abord allé voir Gaius, pour avoir son avis, le soupçonnant dans le même temps de connaître la nature de Merlin, mais le guérisseur semblait dévasté et n'avait répondu que par monosyllabes. N'ayant pas la force de le brusquer, il l'avait laissé en paix, écoutant cependant son conseil : « Allez voir Merlin ».

Il réussit sans problème à passer les gardes, qui l'abreuvèrent de conseils divers « Faites attention, Sire, on ne sait pas de quoi les sorciers sont capables », pour ensuite murmurer dans son dos « C'était son serviteur… Qui sait ce que le sorcier aurait pu lui faire ? ».

Retenant la rage battant dans ses veines, Arthur s'approcha encore de la cellule enfermant son ami. Chaque pas se faisait plus lourd, plus silencieux aussi, comme par peur que Merlin l'entende.

Finalement, il s'arrêta net hors de vue de l'occupant de la geôle. Figé sur place. Respiration rapide.

Il ne pouvait pas.

Il ne pouvait pas.

Il craignait plus que tout de voir le monstre à la place du serviteur. De plonger dans les yeux clairs et d'y trouver la haine plutôt que l'amour, ou ne serait-ce que l'affection. De croire qu'il n'avait été que manipulé. Il ne pourrait le supporter.

Alors, lentement, il fit demi-tour, les épaules ployant sous le poids du monde.

Recroquevillé sur sa couchette, yeux dans le vague, Merlin écouta Arthur s'éloigner, guettant encore le bruit de ses pas.

Abandonna tout espoir.


Merlin haletait, peur et expectative douloureuse mêlées. Inéluctablement, les flammes progressaient, s'approchaient de lui. Il sentait leur chaleur sur sa peau martyrisée, l'air brûlant entrer laborieusement dans ses poumons oppressés. Pire que tout, la trahison labourait sa poitrine. Presque par inadvertance, il chercha Arthur du regard.

Il était là, bien sûr. Le lâche courageux. Il était venu à sa cruelle exécution. Ses traits étaient pâles, tirés, des cernes ombrant ses yeux trop beaux, trop bleus. Malgré lui, il en eut le cœur serré. Il aurait voulu lui dire de ne pas souffrir de sa mort, à lui, l'homme qu'il aimait et qui le laissait mourir…

Un frisson incongru l'agita au souvenir du corps pressé contre le sien, des yeux bleus trop purs, des lèvres chaudes sur les siennes, des mains calleuses sur sa peau, des mèches intensément blondes glissant entre ses doigts, de…

Il reprit contact avec la réalité.

Amer.

Merlin plongea son regard hanté dans celui, fuyant, de son prince, de son Némésis et de sa raison de vivre. Il nota distraitement, en périphérique, la présence d'Uther, odieusement satisfait, de Gaius, dévasté, de Guenièvre, en larmes, et les yeux étincelant de Morgana, impassible, comme en plein débat avec elle-même. Une ombre au regard étrange, quelque part, sourit. Il n'en éprouva même pas de haine. Trop vide.

Trop triste.

Seul l'intéressait Arthur.

Arthur…

Jamais il n'aurait cru qu'une telle douleur était possible.

Par-dessus les flammes, le hurlement du brasier purificateur et de la liesse du public, il murmura quelques mots à son adresse, sans jamais rompre le contact visuel.

« Je ne vous pensais pas si lâche, Arthur… »

Il fut certain, au vu de la grimace de douleur de l'interpellé, que son message avait été inespérément reçu.

« Tais-toi, Merlin », sembla-t-il répondre en retour, sans conviction.

Brisé par ses actes, dévoré vivant par les flammes hurlantes s'accrochant à ses habits, sa peau, Merlin rejeta la tête en arrière, poignardé par la souffrance insupportable. Une larme voulut s'échapper de ses yeux clos, elle se changea en lambeau de fumée.

Et son hurlement, dernier souffle, ne cessa jamais d'hanter Arthur, jusqu'au sien.


La vie est belle. Lol.

J'espère avoir détruit vos feels, n'hésitez pas à laisser une review *cœur*

Y aura peut-être une suite (OUI UNE SUITE j'adore faire des suites quand mes personnages meurent) donc peut-être à bientôt. Peut-être.

Enjoy !