N/A : voici un moment que ça me trottait dans la tête… J'avais bien mon idée, comme toute bonne shippeuse, de ce qui avait pu se passer entre Sam & Jack post-Threads, mais de là à le concrétiser… Ben m'y voilà. L'idée de départ s'est bien modifiée au fil de l'écriture. A raison, j'espère !
Disclaimer : les personnages et les références à la série ne m'appartiennent évidemment pas.
Spoilers : y'en a trop pour les citer. Mais si vous lisez cette fic, c'est que vous êtes calé niveau ship et qu'on n'a rien à vous cacher, mmmm ?
Mon souci premier est de respecter les personnages. Alors n'hésitez pas à laisser une petite review ! 1) ça fait toujours plaisir, et 2) c'est toujours apprécier pour s'améliorer )
Bonne lecture !
Sam était dans l'impossibilité de se concentrer sur quoi que ce soit. L'état stationnaire de son père et les conseils appuyés des infirmières de prendre du repos l'avaient incitée à quitter le chevet de Jacob pour se réfugier dans son laboratoire. Elle n'avait pas envisagé une seconde de se rendre dans ses quartiers pour dormir une heure ou deux. Elle n'en avait pas la force. Ni l'envie. Elle voulait rester accrochée à tout ce qui constituait son monde à elle, et le sien, celui qu'ils avaient partagé depuis maintenant six ans ici et ailleurs, de l'autre côté du Stargate. Au fond d'elle-même, la peur de perdre la conscience de tout cela la rongeait inéluctablement. Son monde, le SGC, sa vie, ne serait plus la même lorsqu'il ne serait plus là. Et elle ne pouvait pas se permettre de gaspiller une seule minute de cette existence commune qui finissait déjà.
La tête enfouie dans ses mains et les yeux mi-clos, elle perçut à peine sa silhouette se dessinant dans l'encadrement de la porte. Pour une fois, elle ne chercha pas à se redresser, ni à faire bonne figure. Elle était trop épuisée à porter ses souvenirs. Mais elle savait aussi que sa présence avait pour but de l'aider dans cette tâche. Et elle l'en remerciait silencieusement, un peu apaisée avant même qu'il eût commencé à parler.
« Vous tenez le coup, Carter ? »
Le timbre de sa voix s'était fait plus doux que d'habitude. Il y avait mis toute son inquiétude et son attention pour le bien-être d'un coéquipier. Pour son bien-être à elle.
« J'ai vécu des jours meilleurs, mais ça va. Merci, mon général. »
Un pâle sourire éclaira son visage. O'Neill savait qu'elle tentait de sauver les apparences, de montrer qu'elle maîtrisait la situation, à la manière d'un funambule mais il sentait aussi que le fil ne demandait qu'à se briser, et qu'il la ramasserait alors en petits morceaux. Et ce serait trop tard. Comme toujours.
« Si vous avez besoin de quoi que ce soit… »
Il ne lui demandait pas de se reposer, comme les autres. Et pour cela aussi, elle lui en était reconnaissante. Il n'avait pas bougé, ne s'était pas approché. Mais la distance qui les séparait n'annulait en rien le réconfort et la chaleur qu'il apportait avec lui. Elle hocha la tête en signe de remerciement. Ses yeux bleus étaient soulignés de cernes de fatigue, et leur éclat pétillant habituel était remplacé par une sombre inquiétude.
« J'aurai besoin de savoir ce que je dois faire de tous ces souvenirs. Les mauvais comme les bons. Ils me harcèlent. »
Les mots étaient sortis tout seuls. Pourquoi avait-elle eu besoin de confesser cela, elle l'ignorait. Elle n'avait pas l'habitude de se livrer comme ça. Surtout pas devant lui. Mais tout était différent aujourd'hui. Elle sentait qu'elle pouvait tout lui dire, qu'il était venu pour ça, qu'il attendait même qu'elle se décharge un peu sur lui de tout ce poids du passé qui l'écrasait.
Elle fut tout aussi surprise de l'entendre répondre. Et perçut la douleur et le remords qui pointaient derrière le conseil amical qu'il tentait de lui donner.
« Ne faites pas comme moi, Carter. N'essayez pas de les enterrer. »
Elle soutint son regard. Il voulait tant lui en dire plus. Lui dire combien il regrettait tout ce qu'il avait enfoui depuis la mort de Charlie, toutes les décisions qu'il avait prises après cela pour se préserver, lui, au détriment de Sara. Malgré les années, malgré sa volonté de les étouffer, les blessures étaient toujours à vif. Il ne voulait pas que Carter subisse une torture semblable dans quelques années. Il ne souhaitait pas qu'elle fasse les mêmes mauvais choix.
Le silence fut le seul témoin de cet aveu muet. Mal à l'aise, il détourna le regard, parcourut la pièce des yeux comme s'il cherchait un prétexte pour relancer un autre sujet. Sam lui vint en aide.
« Merci Monsieur. Je vous appellerai s'il y a du nouveau. »
« Pas la peine d'appeler. Je serai probablement là-haut à rattraper la tonne de paperasse en retard. N'oubliez pas que je fais désormais partie de la caste des bureaucrates. »
L'agacement qu'il ne cachait pas la fit sourire mais elle voulut refuser son dévouement :
« C'est gentil, mais… vous savez, monsieur, si vous restez pour moi… pour mon père… C'est… Ce que je veux dire, c'est que vous n'avez pas à vous sentir obligé de dormir à la base. On vous attend sûrement pour la soirée, vous avez probablement autre chose de prévu. Ne vous embêtez pas pour moi. Je préfère vous appeler. »
« Et moi, je préfère rester ! Qui voudrait d'un vieux général fatigué et cynique ? J'aime autant rester là où je me sens utile. »
« Monsieur ? »
Le ton désinvolte mais rempli de sarcasmes à la Jack O'Neill était sans équivoque. Sam l'interrogeait du regard et demandait une confirmation de ce qu'elle avait déjà bien compris. Comment était-ce possible qu'il ait rompu avec Kerry ? Si vite ? Alors qu'ils s'entendaient à merveille ? Elle devait l'admettre, la jeune agent de la CIA était vraiment la personne dont il avait besoin. Outre le fait qu'elle était une belle femme, elle respirait la bienveillance. Dès le premier coup d'œil, elle lui avait semblé douce, compréhensive, mais en même temps, pleine de ce dynamisme dont O'Neill avait besoin pour aller de l'avant. Elle représentait tout ce qu'elle-même, Samantha Carter, aurait de toute façon été incapable de lui donner, même "si les choses avaient été différentes". Elle avait tourné la page. Du moins, elle avait essayé. Elle croyait construire quelque chose de solide avec Pete, tranquillisée qu'il ait enfin trouvé quelqu'un avec qui avancer lui aussi. Ils sortaient enfin de l'ornière. Jusqu'à maintenant. Jusqu'à ce qu'il lui fasse comprendre, à mots à demi cryptés, qu'il se retrouvait de nouveau seul, prêt à donner du temps pour le SGC, pour elle, à un moment où elle en avait particulièrement besoin. Pourquoi se trouvait-elle toujours sur sa route lorsqu'il arrivait à s'éloigner d'elle ? Pourquoi trouvait-elle toujours le moyen, même contre son gré, même involontairement, de briser ce qu'il avait bâti loin d'elle ? Car ça ne pouvait pas être une simple coïncidence. Ils se connaissaient trop bien, après huit ans, pour ignorer que Sam n'était pas étrangère à cette situation. Jack ne put prolonger le silence plus longtemps.
« Ma place est ici, Carter, a fortiori aujourd'hui. »
Et pour éviter toute tonalité mélodramatique, il s'empressa d'ajouter :
« Et puis, j'ai tout ce retard de dossiers à récupérer, c'est une occasion rêvée, n'est-ce pas ? Ou plutôt une sacrée ironie du sort pour me forcer à travailler, ça dépend comment on prend la chose. »
Il lui décocha un dernier sourire, franc et rassurant, avant de se détourner et de sortir.
La pénombre s'accrochait encore aux moindres recoins de la salle et de son cœur. Sam contemplait le corps de son père allongé sur le lit central de la salle d'isolement. Agonisant, immobile. Son visage creusé ressemblait à celui qu'il aurait dû avoir des années auparavant, s'il n'avait pas accepté alors d'abriter Selmak. Pourtant, il reposait désormais, tranquille, sous le regard aimant et brisé de sa fille. Seul un léger froncement de sourcils trahissait la douleur sur le visage de Jacob. Même dans son sommeil, dans les limbes de l'inconscience, malgré de puissants sédatifs, il souffrait. Et cela, Sam ne parvenait pas à le supporter.
Elle aurait tant voulu porter ce fardeau de la mort avec lui, le soulager de ce tourment, lui souffler des mots apaisants, le réconforter de ses caresses.
Pour se faire pardonner.
De tout ce passé qu'elle n'avait pas su gérer ni admettre, de cette sourde culpabilité dont elle l'avait toujours accusé au fond d'elle-même pour la mort de sa mère, des mots durs qu'elle lui avait parfois lancés au visage, sans se douter qu'elle ne faisait rien d'autre que le détruire plus encore, lui qui avait toujours ce masque d'insensibilité sur le visage.
Se faire pardonner d'avoir si peu compris son père toutes ces années durant. Voilà ce qu'elle désirait dans la solitude de la salle d'observation. Et être là, tout simplement, à ses côtés. Pour rattraper le temps perdu. Et pour ne plus être seuls. Leurs retrouvailles avaient été si éphémères ! Et ce n'était pas avec les rares apparitions de Jacob au SGC ou les quelques missions communes mais mouvementées, qu'ils avaient pu profiter l'un de l'autre.
Ils étaient là aujourd'hui. Enfin rassemblés. Lui au seuil de la mort elle, le cœur déchiré.
D'autant plus déchiré qu'elle remâchait les derniers mots qu'elle avait eus avec lui. Il était si convaincu qu'elle n'était pas heureuse ! Il avait pu lire dans son cœur comme dans un livre ouvert. Sam s'était persuadée qu'elle avait trouvé sa voie avec Pete. Et voilà que son père, sur son lit de mort, lui renvoyait la cruelle vérité au visage. Toute sa vie n'avait été que façade, Sam le savait, façade qui s'effritait dangereusement maintenant que Jacob avait levé le voile sur cette hypocrisie.
L'esprit torturé, les yeux embués de larmes qui se refusaient à couler, elle n'en aperçut pas moins son supérieur s'approcher. Pourquoi faisait-il toujours irruption au moment où elle en avait le plus besoin ? C'était comme si un lien invisible, ténu, mais évident, les reliait par-delà l'espace et le temps. Un appel muet vers l'autre. Etait-elle toujours présente pour lui ? Elle en doutait. Cet instant prouvait une fois de plus que lui était là, et bien là, pour répondre au moindre signal. Apparition discrète. Il ne s'imposait jamais, et préférait d'abord évaluer l'état de Sam avant de s'immiscer dans son espace.
Il vint s'asseoir, en silence, à ses côtés, puis s'inquiéta de son moral. Là encore, elle extériorisa sans complexe ce qu'elle avait sur le cœur, curieusement apaisée à ce moment fatidique. Sa présence lui faisait du bien. Elle n'était plus seule pour porter l'image agonisante de son père et tous les souvenirs avec lesquels elle devait composer. Elle n'avait jamais été seule, en réalité. Mais l'avait-elle seulement accepté ? Cette vérité l'avait trop effrayée pour qu'elle l'admette. Et elle avait fui. Depuis huit ans, elle avait fui. Comme lui.
Il passa son bras autour de ses épaules, en réponse à ses pensées secrètes. Il sentait bien qu'il n'aurait pas accès à ce qui la tourmentait. L'important pour lui, était simplement qu'elle sache qu'elle pouvait compter sur lui. A tout moment.
« Merci. »
« De quoi ? »
« D'être là pour moi. »
« Toujours. »
Les funérailles avaient été simples et discrètes. C'est ce qu'avait souhaité Sam, et c'est probablement ce que son père aurait voulu, lui aussi. Les Tok'ra avaient bien tenté de réclamer le corps de Jacob, qui avait abrité le symbiote le plus âgé et le plus précieux de la Résistance. Mais Dieu sait ce que le général O'Neill leur avait dit pour qu'ils laissent tomber l'affaire et qu'ils permettent à Carter de vivre son deuil comme elle l'entendait.
Elle avait vécu la cérémonie aux côtés de Mark et de sa fille. Main dans la main, ils s'étaient rapprochés, pardonnés, et le même chagrin les réunissait désormais par-delà la mort de leur père.
Certains moments avaient été plus douloureux que d'autres : elle avait tenu à dire quelques mots en hommage à cet homme qu'elle admirait plus que tout, et elle avait cru ne jamais parvenir à sortir un son. Et lorsqu'ils avaient tous les deux jeté la première poignée de terre sur le cercueil qui reposait, seul, au fond du trou, il lui avait semblé que le sol s'ouvrait sous ses pieds.
A travers sa peine et les larmes qu'elle tentait de retenir, elle n'en aperçut pas moins tous ceux auxquels Jacob tenait. Ils étaient tous là. Le général Hammond, son meilleur ami, son frère d'armes, qui était venu, toutes affaires cessantes, par le premier avion. Ses compatriotes Tok'ra, les plus proches, qui lui avaient permis de se battre pour un monde meilleur. Le général O'Neill, Daniel et Teal'c, avec lesquels il avait vécu certaines de ses plus belles aventures. Et quelques membres du SGC que Jacob avait appris à connaître et à apprécier, au fil des années.
Pete n'était pas venu. Sam le lui avait pourtant annoncé, et proposé, malgré la distance qui s'était installée entre eux depuis leur rupture. Un malaise l'étreignait à chaque fois qu'elle le revoyait se lever du banc et se retourner à jamais. Elle y associait toujours ses paroles énigmatiques au sujet de la raison qui l'avait poussée à refuser le mariage. Soupçonnait-il quelque chose ? Il semblait douter que l'agonie de Jacob en soit la véritable cause. Alors, tout en lui envoyant ses condoléances sincères et peinées, il avait prétexté une mission professionnelle à laquelle il ne pouvait se soustraire. Sam n'était pas dupe. L'accueil glacial que son père lui avait réservé avait prouvé que les deux hommes auraient eu de toute façon du mal à s'entendre. Et au fond d'elle-même, elle était soulagée, et reconnaissante, que Pete n'ait pas fait preuve d'hypocrisie en étant présent à l'enterrement. Elle n'aurait pas vraiment pu lui faire face non plus. Surtout sous le regard de ses amis. De son père défunt. Et sous son regard. A lui.
Des coups brefs à la porte la sortirent de sa torpeur.
Mark avait dit qu'il passerait peut-être la voir en fin de journée. C'était la première visite qu'il faisait à sa sœur. Et, cruauté suprême, c'était la mort de leur père qui avait permis cette petite révolution fraternelle.
« Monsieur ? »
