Bienvenue et merci de votre intérêt pour cette histoire. Celle-ci raconte, d'une autre façon, les aventures du manga Naruto, suivant son héros éponyme mais aussi les autres personnages, à travers notre époque. Elle sera sombre, se déroulant dans un Japon moderne et violent. Des thèmes durs seront abordés, certains passages pouvant choquer. Présence de slash.
Mais c'est avant tout une histoire d'amitié, de famille et bien sûr, d'amour. Des destins qui se croisent, des destinées entremêlées. Les premiers chapitres, très importants pour la suite, effleurent le passé des personnages, leurs luttes personnelles qui les mèneront à se rencontrer plus tard. L'intrigue se déroule elle en 2014.
J'espère que vous prendrez plaisir à me lire et que vous serez emporté dans leur monde. S'il vous plait, si c'est le cas, laissez-moi un petit message en review, c'est la seule façon de me le faire savoir et de me donner envie de continuer. Les critiquent constructives et tout avis m'intéressent également, j'attends de vous lire en retour !
Un grand merci à Riiko, sans qui cette histoire ne serait pas et qui lui a donné ses bases.
Bonne lecture
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Le quartier sans retour
10 Octobre 1998, Kamagasaki*, arrondissement de Nishinari-ku, Osaka
« La fierté, l'amour propre... Conneries. Quand on grandit dans la misère de ces rues, élevé par des alcooliques, des repris de justices, entourés de déchets sociaux, on n'a rien de tout ça. Ils peuvent bien tous dire le contraire, je connais la vérité. Lorsque l'on naît dans ces rues, il n'y a plus aucune échappatoire, c'est marche ou crève. Puisque chaque putain de seconde est un compte à rebours menant au déclin, la chute inéluctable qui attend chacun d'entre nous, pauvres que nous sommes. Et ici il n'y a aucune place pour ces principes nombrilistes, tout n'est que façade.
C'est comme ça, on le sait tous. On peut bien le nier, mais un jour on finit par voir la vérité en face : c'est le seul avenir qui s'offre à nous. Ici, on n'est pas élevé pour aimer, ni même pour ressentir. On est élevé pour survivre. Et ça fait une grande différence dans la façon dont on évolue en grandissant. D'aucuns diraient que c'est un cercle vicieux, qu'on crée ainsi notre propre malheur en s'y complaisant, en refusant d'aller contre ce destin tout tracé d'errance de soi.
Quels cons. Ils ne se rendent même pas compte que c'est à cause d'eux, tout ça. Ils sont les chaînes qui entravent nos poignées et nos chevilles, les œillères et le casque qui enserrent nos têtes en une étreinte étanche et persistante. Si l'un deux prenait ne serait-ce qu'une seconde pour nous écouter, une seconde de leur misérable vie d'inconscience pour mettre un pied dans ces quartiers, alors ils comprendraient. Mais quand ils préfèrent fermer les yeux face à la détresse devant eux, alors il n'y a plus rien à faire pour qu'ils nous comprennent. Et tant mieux, d'ailleurs. On s'en sort pas si mal sans leur pitié.
Pauvre de nous, pauvres enfants qui, chaque jour qui se lève, poussent un premier cri entre les murs noirs et épais des secrets amoncelés de cette prison à ciel ouvert, condamné à purger une peine pour le simple fait d'exister. Puis-qu'ici l'innocence n'est qu'illusion, puisqu'il suffit de respirer cet air chargé de pollution, de crasse et de sang pour être coupable des crimes commis à chaque instant. Que ce soit au détour d'une rue, dans le bordel voisin, ou à l'étage supérieur, on est tous complice de ce que l'on décide sciemment d'ignorer, en fin de compte.
A peine né que pourtant, le combat à déjà commencé. Un combat pour gagner le droit d'exister, un combat pour la liberté que l'on nous a ôté, à peine fût elle acquise. Notre combat, celui de bien d'autres avant nous, et dont hériterons nos descendants.
Ce combat fût le mien, comme il sera le leur.
En cela, je ne saurais dire si j'ai de la peine pour cet enfant, si frêle, dans mes bras, ou si d'une certaine manière, je l'envie. Ai-je pitié de la vie de perpétuelles luttes intérieures, noyées d'incertitudes et d'injustices, qui se profile pour lui, ou bien suis-je envieux de cette chance encore vierge d'échapper à ce monde, qui s'offre à lui et que je n'ai pas réussi à saisir, lorsque j'en avais moi-même l'occasion ? Probablement que j'éprouve ces deux sentiments à la fois.
Et qui sommes-nous, en définitive ? Nous ne sommes personnes. Alors, où sommes-nous ? Nous ne sommes nulles part et partout en même temps. Nous ne faisons partie d'aucune ville puisque nous n'avons aucune autre frontière que celle que nous nous imposons, nous ne faisons partie d'aucun groupe, car nous agissons en dehors de la société. Tels des ombres nous frôlons les murs la nuit tombée, errant sans but, mais plus libres que tous, notre seule barrière étant un défi toujours relevé. Jusqu'où irai-je cette fois ? Loin, très loin par delà ces ruelles sordides et ces ghettos pervertis, tel est le rêve silencieux de chacun.
A ce moment-là, au point de la nuit où le soleil rencontre enfin l'horizon, tout mon être, toutes mes pensées sont tournées vers ces enfants, confrontés dès leur premier souffle de vie à la violence d'un monde qui les dépasse. Et tout ce que je leur souhaite, c'est de ne pas reproduire mes erreurs. Ils doivent échapper à cet engrenage destructeur, puisque si eux n'y arrivent pas, alors personne ne le pourra. »
Le nouveau né fixa des yeux azurs, brillants de larmes et de sommeil, dans la direction de l'homme, qui ne pût que détourner les siens. Une minuscule main vint tirer sur ses longs cheveux immaculés, et il raffermit inconsciemment sa prise sur les couvertures. Il jeta un dernier regard derrière lui, embrassant l'aube magnifique, qui dévoilait pourtant un quartier abominable d'immondices en tous genres et dépourvue de toute moralité. Il parcourut une dernière fois les murs fragiles consumés par le feu et la moisissure, noir d'humidité, de ses pupilles voilées. Le sol défraîchis envahit de mauvaises herbes, les graffitis brouillons et à moitié terminés. Il tapa une dernière fois dans un carton renversé, perdu au milieu d'un monticule d'ordures.
Des traces de sang ornant un trottoir captèrent son attention, le ramenant bien malgré lui quelques heures auparavant, quelques insignifiantes heures qui furent pourtant, sans aucun doute possible, les plus abominables de toute sa vie. Et il avait eu une longue vie, contrairement à cet enfant qui commençait la sienne par une telle tragédie... Comment avait-il pu l'envier, ne serait-ce qu'un instant, ne serait-ce que la possibilité de recommencer de zéro ? Rien ne pourrait plus jamais enlever ces images, ces sons, ces odeurs de son esprit. Cette nuit là, dans la vielle ville abandonnée, tous ses sens avaient été saturés par une horreur indescriptible. D'une violence telle, qu'elle avait comme arrêté le temps. Et toutes les personnes présentent, peut-être étaient-t-elles une centaine, peut-être plus, c'étaient alors figées un instant, ne voulant pas croire en la scène qui se déroulait pourtant face à eux.
Un cauchemar, voilà comment il décrirait ce qui s'était passé cette nuit. Sauf que le petit corps chaud qu'il tenait fermement contre sa large poitrine lui rappelait sans cesse que ce cauchemar-là n'appartenait pas au domaine du songe, mais à une triste réalité dont il n'avait pas encore réalisé toute l'ampleur. On avait enlevé tout son monde à un enfant à peine né, lui laissant, à lui, la lourde charge de l'élever, lui qui n'était bon qu'à faire couler le sang. Qui que soit le responsable de ce cruel destin, il lui ferait regretter ses décisions, et cela de la seule façon qu'il avait toujours connue.
Regardant pour la première fois, sans détour, l'enfant, il se fit une promesse qu'il jura de tenir, au prix de sa vie s'il le fallait. Cet enfant trop calme, trop immobile, trop silencieux qu'on l'aurait crût sans vie, lui rendait pourtant son regard en un reflet purifié, plein d'innocence et surtout d'insouciance, qui était douloureux à soutenir. Oui, cet enfant là il le protégerait contre le monde entier, et jamais il ne le traiterait en lâche, jamais il n'éprouverait de la pitié pour lui, jamais il ne le sous-estimerait. Puisque, même âgé de quelques heures et en seulement une nuit, il devenait la personne la plus courageuse qu'il n'avait jamais rencontré, et il se promit à ce titre d'être à la hauteur de la mission qui l'attendait.
*De son nom officiel Airin-chiku, quartier tristement connu pour avoir le taux de criminalité le plus élevé du Japon, abritant les miséreux et laissés pour compte de la société.
