Disclaimer: Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si !

Couple: Harry Potter / Draco Malfoy.

Evaluation: M.

Bonjour à tous et à toutes !

Lys : Hello les jeunes :)

Je SAIS, vous devez vous demander : « Mais qu'est-ce que cet c… (restons poli è.é) a fait ENCORE ? Elle parvient pas à nous pondre un p… (restons poli…) de chapitre de Papillon mais PAR CONTRE, elle nous sort le premier chapitre d'une NOUVELLE fic ! »

Lys : Ca fait beaucoup de choses :o

Oui en effet…

Lys : En fait le retard de Papillon est dû à ce… truc ^^

En effet, sur le forum Harry+Draco=love (enfin c'est un cœur normalement…), a eu lieu un concours. Voici le thème : les amours interdits dans l'antiquité. Nous devions choisir soit la Grèce, soit l'Egypte, soit la Rome Antique.

Lys : Le fait est que ce concours, organisé par Gogobook (oui encore elle…), a été inspiré par l'auteur ici présente (elle a gagné le concours et attend toujours son prix XD).

DONC, je ne pouvais pas se dérober à ses obligations et a dû terminer son OS et donc Papillon est malheureusement passé après (AU PASSAGE ! La suite arrivera bientôt, il est en cours de correction et il manque genre deux ou trois pages avant que le prochain chapitre ne soit terminé)…

Lys : Ce qu'elle oublie de vous dire, c'est que l'OS qu'elle a pondu, en deux semaines, a le modique nombre de 60 pages.

Lys : Taille 10.

Lys : Sans interligne.

On était obligée de préciser tout ça ?

Lys : Devant le rendre un lundi et ne l'ayant pas fini la veille, après sa journée de boulot, elle a tapoté jusqu'à minuit, pondant alors 10 pages.

Lys : Ce OS est un monstre.

Lys : Donc nous avons décidé de le couper en petits bouts afin de vous épargner, comme le dit si bien Jojo Aquarius, le syndrome « de la barre de curseur qui baisse pas » :D.

Oué… Bref T.T Passons. A la base je voulais écrire un OS basé sur l'histoire d'Alexandre le Grand (si y'a des gens qui lisent ce message et qui sont intéressés, faites-moi signe XD), puis en fait j'ai choisi Rome. Je fais des études d'histoire et c'est vraiment pas, mais alors pas du tout ma tasse de thé. Ca passe pas du tout (sauf quand il est question de cul et de généalogie, mais sinon… -.- Préfère étudier Louis XIV :D). J'ai donc écrit ce OS en faisant un max de recherches sur le sujet. Quasiment tout dedans est vrai (la prostitution, la sexualité débridée des Romains à cette époque-là, la vision de l'homosexualité, qui à l'époque ne portait pas ce nom-là, c'était de l'amour viril).

Lys : Si vous avez des questions, hésitez pas :). Et s'il y a des erreurs, ce qui est tout à fait possible, signalez-le et excusez l'auteur !

Voici donc la première partie de ce OS. J'ai décidé de le couper en 10 pages (vu qu'il en fait 60 taille 10 sans interligne, vous avez de quoi faire). Et alors je me suis rendue compte, la bonne blague…, que ce chapitre ne parlait PAS de Harry…

Lys : C'est con ça…

Oué… Donc je me dépêcherai de poster la suite (faut que je corrige pas mal de faute, je l'ai écrit en deux semaines, j'ai pas mal de modif' à faire dessus) afin que vous le voyiez. Mais ne soyez pas déçus ! Car quand il arrive, le Harry…

Lys : Oui, quand il arrive… Y'a de quoi lire :D Croyez-moi, ça vaut le coup d'œil… (surtout les passages bien lemoneux…

J'espère que cette fic vous fera plaisir :)

Lys : Et que vous apprendrez des choses :) !

Maintenant, place aux remerciements ! Je remercie : Gogobook pour ce concours (qui m'a littéralement épuisée mais auquel j'ai su rendre honneur -.- Je suis devenue un monstre par la même occasion mais c'est pas grave, j'assume), Enais Black (parce qu'elle m'a toujours soutenue en me disant à peine bonjour quand elle se connectait sur MSN, me demandant direct la suite XD et parce qu'elle m'a trop fait rire et plaisir), Jojo Aquarius (pour avoir corrigé en un temps record ce OS de 60 pages, soit en une semaines O.o) et puis Fleur de Lisse (juste parce que je l'adore en fait… XD Et aussi parce qu'on a galéré ensemble et qu'elle arrêtait pas de me traiter de monstre quand elle voyait la vitesse à laquelle je tapais…). Et merci à ceux qui ont voté pour moi !

Bonne lecture !


Voici quelques petites notes, afin de vous aider à mieux comprendre certains termes. Ils ne sont pas tous dans ce chapitre mais aussi dans les suivants.

Atrium : Cour intérieure, dotée d'un bassin recueillant les eaux de pluie, autour de laquelle s'ordonne une villa romaine.

Crassus : Gros.

Lararium : Sorte de petite chapelle ou d'appartement, où les statues des Lares (génies tutélaires d'une maison) et des mânes (ancêtres divinisés) étaient placées et adorées.

Lupanar : Lieu de prostitution.

Pluton : Autre nom de Hadès, Roi des morts.

Questeur : Magistrat romain chargé des finances.

Severus Rogunus Snapinus : Ce nom n'a AUCUNE valeur historique mais Jojo Aquarius a tenu à le mettre -.-.

Stola : Vêtement mis par-dessus la tunique.

Volumen : rouleau de papyrus.


Chapitre 1

Le deuil. C'était sans doute quelque chose auquel il ne se ferait jamais.

Cela faisait exactement dix jours que Lucius Manilius Favonius était décédé. Sa mort était survenue comme une pluie soudaine, sans raison particulière, arrosant Rome des sombres sentiments de la tristesse. Lui-même avait encore du mal à y croire. Deux semaines auparavant, son père était encore debout, riant dans son siège tout en buvant une coupe de bon vin, ses yeux gris acérés le regardant d'un air narquois. Et à présent, il n'était plus qu'un cadavre déjà pourrissant dont la mémoire disparaitrait au fil des années.

Rien n'était immortel, sauf la mémoire, lui disait-il souvent. Draco n'y avait jamais cru. Pour lui, la mort était un terme, une chute, comme la fin d'un volumen, comme le dernier acte d'une tragédie. Il n'y avait plus rien à dérouler, il n'y avait plus de suite. La mémoire était comme l'encre des livres, elle finirait par s'effacer. Son père avait tord. Il ne survivrait que dans l'esprit des gens qui l'avaient connu, puis, il disparaitrait complètement, comme s'il n'avait jamais foulé cette terre.

Assis à son bureau, Draco ne parvenait pas à se concentrer sur sa tâche. Il ne cessait de penser à son défunt père. Il repensait aux rites qui avaient ponctué ces derniers jours, plus douloureux les uns que les autres. Son père était mort après une grave maladie qui l'avait conduit à passer d'interminables journées au lit, pris d'affreuses douleurs, avant qu'il ne rende son dernier souffle, épuisé. Par bonheur, ses yeux étaient clos quand on l'avait retrouvé, l'air endormi, au milieu des draps. Comme le voulait la coutume, Draco avait déposé un baiser sur ses lèvres, pour recueillir son dernier soupir. Sentir sa bouche froide sous la sienne l'avait fait frissonner d'horreur et il avait failli fondre en larmes, mais il s'était retenu. Tous les regards étaient rivés sur lui, son père aurait eu honte s'il l'avait vu pleurer. Enfin, son nom avait été prononcé par trois fois. Trois coups dans son cœur déjà bien meurtri…

S'en était suivi d'une cérémonie funèbre, où le corps maigre du défunt avait été lavé par des femmes puis recouvert d'un linceul blanc, et au bout de huit jours, il était emmené à sa sépulture, sa dernière demeure. Ces huit jours, pendant lesquels son père avait reposé dans un vestibule, surveillé par un esclave, avaient été un véritable enfer pour Draco. Il était au centre de tous les regards et de toutes les conversations, tous ces hommes en toge qui le regardaient du coin de l'œil, manigançant dans son dos, murmurant des inepties sur le défunt, ne le craignant plus puisqu'il n'était plus.

S'en était suivi d'une cérémonie funèbre. D'abord, le corps maigre du défunt avait été lavé par des femmes avec de l'huile parfum, puis, allongé sur un lit de parade, le cadavre avait été installé dans l'atrium. Enfin, au bout d'environ huit jours, il était emmené à sa sépulture, sa dernière demeure, réduit à l'état de cendres. Ces huit jours, pendant lesquels son père avait reposé dans un vestibule, surveillé par un esclave, avaient été un véritable enfer pour Draco. Il était au centre de tous les regards et de toutes les conversations, tous ces hommes en toge qui le regardaient du coin de l'œil, manigançant dans son dos, murmurant des inepties sur le défunt, ne le craignant plus puisqu'il n'était plus. De plus, il avait dû supporter le spectacle lamentable des pleureuses, embauchées par sa mère, qui s'arrachaient les cheveux et pleuraient à chaudes larmes un mort qu'elles n'avaient peut-être jamais vu de leur vie. Comme si les cheveux coupés courts de Draco et les vêtements sales de sa mort, signe de deuil, et les vas-et-viens incessant dans sa demeure ne suffisaient pas à exprimer leur souffrance…

Il ne s'y ferait sans doute pas, songea-t-il en fermant les yeux, le dos douloureux et la tête remplie de sentiments contradictoires. Il ne parviendrait sans doute jamais à faire le deuil de son père, cet homme si fier qu'il avait tant admiré étant enfant. Un homme froid, sans sentiments et intraitable, qui ne retirait son masque de marbre qu'en la présence de son fils unique, ses traits se détendant sur son visage fin et sec, ses mains solides s'adoucissant au contact de ses cheveux blonds, ses yeux se faisant moins cruels quand il rencontrait le regard de son enfant.

Son père, un homme terrifiant qui lui avait apporté beaucoup d'amour, de façon cachée, à l'abri des regards, et de façon toujours sous-entendue, maladroite… Parce qu'il n'avait jamais été aimé, parce que ce n'était pas un comportement viril, un comportement d'homme… Parce qu'il n'avait pas à prendre son fils dans ses bras, à le consoler quand il tombait par terre, à le convaincre de ne pas faire de carrière militaire pour le garder encore un peu plus auprès de lui… Personne ne connaissait cette part de son père, pas même sa mère, qui ne lui avait jamais accordé le moindre regard. Le seul qui en avait eu conscience était son esclave personnel, Blaise, avec lequel il avait grandi. Mais c'était tout.

A présent, il était mort, son âme emportée dans les confins de la terre, dans le royaume de Pluton. Il était loin de lui, à présent. Depuis 10 jours, Draco vivait dans le manque, le manque de ce père qui avait été si présent dans sa vie, cet homme qui avait été comme un modèle pour lui. Il le laissait seul dans un environnement qu'il n'avait jamais aimé, avec une famille qu'il n'avait jamais supporté, avec sa mère qui avait tout d'une étrangère et une épouse qui ne se remettait toujours pas de son accouchement.

Draco ferma les yeux un court instant. Il revit pendant quelques secondes son père, qui était si grand et robuste. Il le voyait portant fièrement sa toge, droit et fier, le regardant de haut. Il avait des cheveux blonds et longs, ce qui était plus ou moins bien vu par les autres romains qui avaient tous les cheveux coupés, mais Lucius les avait toujours gardé ainsi, comme pour se différencier des autres, les défier de faire la moindre critique.

Car il n'était plus à ça, dans le fond. Lucius Malfoy avait une tare bien plus grave que des cheveux trop longs. Une tare physique qu'il avait léguée à son fils et dont il avait souffert, plus jeune. Une tare, il le lui avait avoué, qu'il aurait aimé ne pas lui avoir offert à sa naissance.

Draco rouvrit les yeux. Son père était un bel homme, fier, encore dans la force de l'âge. Il avait soixante-huit ans, tout juste. Il avait combattu, il avait servi l'empereur. Il avait connu des combats, la rudesse de l'entraînement, le choc des boucliers, la perte des êtres chers. Puis le repos, le retour à Rome, son mariage avec Narcissa, et non pas avec la concubine avec laquelle il vivait plus ou moins et à laquelle il avait fait des enfants. Il ne les avait jamais reconnus. Draco savait qu'ils existaient mais pas du tout à quoi ils ressemblaient. Mais ce n'était pas comme si c'était vraiment important.

A présent, Lucius : Lucius Manilius Favonius était mort. Il laissait derrière lui un seul fils, un seul héritier, marié et déjà père de deux enfants, à tout juste vingt-cinq ans.

OoO

Draco avait toujours vécu à Rome. Il y avait grandi, dans une vaste demeure, en compagnie de ses parents, de quelques membres de sa famille ainsi que des esclaves et serviteurs. Sa famille était très riche et vivait dans un luxe peu excessif, son père l'ayant toujours habitué à vivre non pas de façon modeste mais de façon correcte, sans s'enfoncer dans la boisson, les orgies en tout genre et autres joyeusetés qui faisaient la honte de Rome.

Il était donc toujours resté auprès de son père et son absence créait un grand vide autour de lui. Le deuil l'avait amené à se renfermer encore plus sur lui-même. Il savait que ses collègues le regardaient d'un drôle d'air, semblant avoir du mal à comprendre comment un homme comme lui pouvait porter aussi longtemps le deuil de son père. Certes, la perte d'un être cher était toujours douloureuse et longue à cicatriser, mais Draco était réputé pour être un homme froid, silencieux et sec, comme l'avait été son défunt père, et il était donc étonnant que les marques du deuil soient encore présentes dans son attitude et ses yeux trop clairs.

Cependant, rien ne l'aidait à surmonter le deuil. Dans sa demeure, de nombreuses personnes ne se remettaient que difficilement de la disparition de Lucius, les esclaves, notamment. Certains devaient être bien contents que leur maître soit mort, d'autres se lamentaient. Les plus âgés pleuraient son décès, ce qui exaspérait son épouse, Narcissa, qui gardait son sang-froid malgré toutes ces marques exagérées de souffrance inutile.

Sa mère… Sa charmante et si jolie mère… Une femme qui avait toujours été une étrangère pour lui, le laissant aux mains de sa nourrice et des professeurs qui venaient dans sa demeure pour l'éduquer. Elle était belle, sa mère, une très belle femme qui sortait peu, ou alors accompagnée de tout un tas de servantes, formant une sorte de petite cours tout autour d'elle. Ses longs cheveux blonds étaient noués en un chignon ornés de bouclettes dorées, sa fine silhouette était parée d'une tunique blanche recouverte d'une stola, quand elle devait sortir. Elle portait toujours de beaux bijoux, se faisait maquiller avec. C'était vraiment une belle femme, digne de son père.

Une potiche. Une potiche que son père s'était procuré après maintes négociations, qui avait su lui donner un fils digne de ce nom, et dont il souciait bien peu. Elle n'avait été là que pour lui donner un héritier. Elle avait d'abord conçu un petit garçon, du temps où le couple éprouvait une tendresse mutuelle qui écartait de leur union de nombreuses disputes. Puis, l'enfant était mort, trop fragile, et quelque chose s'était brisé entre eux. Lucius n'avait plus accordé aucun crédit à son épouse dont il faillit se débarrasser quand, deux ans plus tard, elle mit enfin au monde un second enfant, qui survécu. Lucius mit tous ses espoirs en ce nouveau petit garçon, oubliant quelque peu le troisième fils que Narcissa lui donna : Draco. A nouveau, Lucius perdit son aîné, alors âgé de huit ans, emporté par une grave maladie.

C'était sans doute pour cela que Draco fut tant aimé par son père, qui refusa qu'il s'engage dans l'armée alors que l'adolescent qu'il était voulu y entrer pour suivre le parcours de son géniteur. Lucius ne voulait pas que son unique enfant disparaisse à ses yeux, il avait la sensation qu'il ne le reverrait plus jamais si par malheur il quittait le logis, surtout que Narcissa avait alors été incapable de lui donner d'autres enfants : elle avait failli mourir lors de celui de leur dernier fils, elle était alors incapable de procréer à nouveau. Cela créa la rupture finale entre les deux époux. Lucius la garda comme épouse, entretenant divers concubines, qui lui donnèrent quelques bâtards qu'il ne reconnut jamais. Il poussa le vice à s'attaquer aux amants de sa femme, la faisant espionner et punissant lui-même les malotrus qui osaient s'approcher de son épouse. Draco se demanda longtemps pourquoi sa mère ne fit rien contre son mari. Il comprit plus tard que, s'il divorçait, elle ne retrouverait plus jamais de mari. Sa vie ne rimerait plus à rien.

A présent, Lucius était mort. Cela faisait déjà plusieurs jours que sa mère rodait autour de lui, lui glissant des sous-entendus. Elle était à présent libre de faire ce qu'elle voulait et, autant être honnête, Draco se demandait bien ce qu'elle pouvait préparer. Se demandait-elle s'il serait aussi tyrannique que son père, s'il la laisserait vivre comme elle le désirait depuis des années ? Se montrerait-il naïf et doux, indifférent et maussade ? Elle ne connaissait pas son fils, elle ignorait quelle décision il prendrait à son égard, d'où ses inquiétudes. Astoria, son épouse, lui glissait quelques mots aussi, surement soufflés par sa belle-mère.

En voilà une autre, dont il aurait préféré se passer, à un moment pareil. Il avait épousé Astoria quelques années auparavant. Son père avait négocié ce mariage. Il avait alors dix-neuf ans. C'était tard pour se marier, car comme une mère poule, son père refusait de marier son fils unique trop tôt et il voulait un beau mariage. Cela fut récompensé par la rapide naissance de Tiberius Manilius Scorpius, puis de celle de sa petite fille. Quelques mois auparavant, Astoria avait mit au monde un bébé mort né et elle souffrait toujours de sa dernière grossesse : des maux de tête, de ventre et des fatigues perpétuelles faisaient à présent partie de son quotidien. En somme, elle ne s'occupait pas du tout de ses deux enfants, laissés à la garde d'une nourrice.

Draco n'avait jamais aimé sa femme. Elle était belle, pourtant, avec ses cheveux marron foncé et ses yeux couleur d'ambre. Elle avait des lèvres rouges et le teint blanc. C'était une femme qui avait du caractère, du moins en avait-elle au début de leur mariage. Elle avait fini par devenir comme sa mère : une ombre dans la maison, perpétuellement fatiguée, souffrant de la chaleur, sans le moindre mot pour son mari qui ne la voyait que comme une pondeuse, une potiche.

Dans un sens, Draco n'avait jamais aimé les femmes. C'était un monde auquel il n'avait jamais adhéré. Il avait pourtant eu quelques maîtresses, étant jeune. La beauté de son visage pâle et de ses cheveux blonds avait attiré et attirait toujours le regard des romaines, mais ses maîtresses n'étaient jamais parvenues à l'émoustiller. Elles l'attiraient, lui donnait du plaisir, mais rien dont il ne saurait se passer. En se mariant, il avait mis fin à ses aventures, non pas pour demeurer fidèle à cette femme qu'il n'aimait pas mais qui avait su lui donner un fils, mais car il n'en éprouvait pas le besoin.

Il n'était pas comme son père. Il n'aimait pas la compagnie des femmes, il préférait encore celle des hommes. Dîner chez un ami, discuter pendant des heures et des heures avec des hommes de son âge ou, mieux, plus âgés, était bien plus instructif et plaisant que de faire l'amour à une femme à la recherche de sensations fortes ou, pire, à la recherche d'un peu d'argent. La philosophie, le théâtre, la politique… Tout ceci l'intéressait bien plus, et les femmes n'étaient pas de bonnes personnes pour discuter de tels sujets. Mis à part les prostituées, quand elles étaient éduquées. Mais Draco ne les fréquentait pas.

Il ne fréquentait personne. Il n'en avait pas eu l'envie, et il ne l'avait plus, à présent. L'eau continuait de couler sous les ponts, et lui, il restait sur ce pont, à regarder les jours filer, sans parvenir à fermer les yeux et se laisser guider par les flots du fleuve…

OoO

Le soleil se couchait à l'horizon. Les yeux rivés vers les cieux, Draco marchait en direction de sa villa, traînant sa lourde toge maintenue sur ses épaules, en dépit de la chaleur. Il avait une peau étonnamment clair pour un romain et il attribuait cela à ses origines très certainement gauloises, voire germaniques, mais également à son travail de questeur qui requérait sa présence dans des bureaux qui le cachaient du soleil.

Nous étions en 10 après Jésus-Christ, l'empereur Auguste régnait sur Rome et son empire. Fatigué et bouleversé par la récente bataille de Teutobourg, opposant son armée aux germains révoltés, où trois de ses légions périrent. Lucius avait été ébranlé quand il avait appris la triste nouvelle, il n'était pas sorti de chez lui pendant des jours, jusqu'à se ressaisir. Cela avait été un coup très douloureux pour l'empire et Auguste n'avait pu cacher son désarroi face à la perte d'autant d'hommes.

A l'époque, bien qu'il ait été choqué en apprenant une telle chose, Draco n'avait pas été aussi ébranlé que son père. Il avait un esprit plus lucide, plus terre-à-terre. Les affaires militaires de l'empire l'intéressaient plus ou moins, il avait secrètement vu là le résultat de la volonté impérialiste d'Auguste qui avait désiré, comme César, étendre les frontière de l'empire sans réellement y parvenir : la preuve était la perte de ces trois légions. Mais cet avis, il l'avait gardé pour lui, sans en parler à personne, car cela aurait été trop mal perçu. Et puis, dans un sens, c'étaient les siens qui avaient trouvé la mort, là-bas, en Germanie. Il ne pouvait qu'éprouver au moins un semblant de compassion.

Draco pensa à toutes les conséquences de cette cuisante défaite en rentrant chez lui. Conséquences économiques, politiques… Pas le genre de bataille qu'on oubliait facilement. Avec tous ses retentissements… Qu'est-ce que Draco avait pu en entendre parler, que ce soit sur son lieu de travail ou encore chez lui, quand son père hurlait des injures contre ces maudits germains… Draco avait un esprit trop neutre, trop détaché de ces questions-là pour se mettre en colère. A présent, il ne voyait tout cela que d'un œil morne. Son père s'était énervé comme jamais à cause de ces barbares, et à présent, il n'était plus là pour les maudire encore et encore…

Draco pénétra dans sa villa et fut aussitôt accueillit par des servantes qui lui annoncèrent que son dîner était prêt. Il passa donc à table en compagnie de sa famille, puis voulut se retirer dans sa chambre afin de se reposer. Mais Blaise le retint, posant de façon familière, trop familière, sa main sur son bras. Un geste qui aurait valu une punition, s'il avait été perçu. Mais ils étaient seuls dans le couloir, à la porte de sa chambre. Personne n'était aux alentours. Qu'importe les esclaves qui circulaient à leur guise. Le regard acéré de Narcissa et celui méfiant d'Astoria ne pouvaient les atteindre.

« Draco, ton fils te demande.

- Je suis fatigué, Blaise.

- Et moi je suis fatigué de l'entendre te demander. Il veut te voir. Tu vas encore le priver de ta présence ? Je sais que ton père te manque, mais pense à lui : tu lui manques, à ton fils, et lui est bien vivant. »

Draco baissa les yeux vers le sol dallé, se mordillant la lèvre. Puis, il poussa un soupir et leva son regard vers son esclave. Blaise était un Noir, un homme à la peau d'ébène et aux yeux plus noirs encore, des perles sombres au milieu d'un blanc laiteux. Ses cheveux crépus avaient été rasés, ne laissant que quelques centimètres sur son crâne. Il était laid, d'après certains, car il n'avait pas la beauté des romains à la peau blanches ou bronzée par le soleil d'Italie, mais Draco lui trouvait un charme indéniable, le charme de sa race. Et il était plus beau encore quand il souriait, dévoilant ses dents aussi blanches que l'ivoire. Tant de contraste en cet homme, fait de noir et de blanc…

Ils avaient grandi ensemble. Blaise était né d'une esclave offerte par un des amis de son père qui en avait faite une cuisinière. Il ignorait à l'époque qu'elle portait un enfant. Il naquit deux ans avant Draco et, tout jeunes, ils enfreignirent les règles et jouèrent régulièrement ensemble. Draco se fit souvent sermonner, Blaise se fit souvent punir. Pourtant, leur amitié se renforça au fil des années et Lucius en vint à les laisser faire, même si cela ne plaisait pas à tout le monde. La différence de statut entre les deux hommes ne les empêcha jamais de bien s'entendre et de s'aimer comme des frères.

Astoria détestait Blaise. Peut-être pensait-elle que leur amitié et leurs familiarités n'étaient en fait que des manifestations d'une histoire d'amour cachée aux yeux de tous. Le couple ne dormait pas dans la même couche et Blaise était trop proche de son maître, trop proche de leurs enfants sur lesquels, elle le savait, il avait les pleins pouvoirs. Elle avait hurlé le jour où elle avait surpris le Noir fesser Scorpius et il avait eu droit à des coups de bâton. En apprenant la nouvelle, Draco était rentrée dans une colère noire.

Blaise était la seule personne en qui il avait confiance, à qui il pouvait relever tous ses secrets. Pour lui, ce n'était pas un esclave. C'était un homme, un ami, un être à part entière. Durant un temps, il avait décidé de l'affranchir, mais Blaise avait refusé : il voulait rester à son service et ne jamais le quitter, ni lui, ni ses enfants. Il adorait Scorpius et surtout Proserpine et jamais il ne voudrait s'écarter de la famille. Il n'aurait nulle part où aller, lui disait-il. Je ne veux pas m'en aller, lui répétait-il.

« Je vais aller le voir.

- Sage décision. Ta fille veut te voir aussi, tu lui manques.

- Etais-je ainsi quand j'étais enfant ?

- Non. Mais quand tu étais tout petit, on s'intéressait peu à toi. Quand ton frère est mort, ton père ne t'a plus lâché des yeux, donc il ne te manquait jamais.

- Es-tu en train de me dire que je ne suis pas assez présent pour mes enfants ?

- Un père n'a pas à être présent pour ses enfants. »

Blaise lui coula un regard entendu. Normalement, Lucius n'aurait jamais dû couver son fils comme il l'avait fait, et jamais Draco n'aurait dû s'occuper ainsi du bien-être de sa propre progéniture. C'était à la mère de s'en charger, quand ils étaient encore petits, seule l'adolescence attirait à nouveau de l'intérêt du père pour sa descendance. Lucius s'était attaché à son enfant, seul dernier héritier.

Draco s'était souvent demandé pourquoi diable son père s'était tant attaché à lui. Il n'avait compris que quand Blaise lui avait expliqué que son père avait vu la mort de près, il avait participé à des combats et avait souvent manqué de mourir, ne survivant à ses affrontements que par sa force et son courage. Puis, il avait fondé une famille. Le nourrisson qu'il avait tenu de longues minutes dans ses bras mourut quelques jours plus tard, puis vint deux ans après un autre garçon dans lequel il mit beaucoup d'espoir. Et cet enfant avait disparu, emporté par la Mort. Lucius avait trop perdu dans sa vie, une vie qui ne tenait qu'à un fil. Il avait alors réalisé qu'il ne possédait qu'une seul existence, qu'il se faisait vieux, et que la mort pouvait survenir à n'importe quel moment. C'était pour cela qu'il s'était tant attaché à Draco, le gardant sans cesse près de lui sans jamais vouloir l'écarter de son logis : il ne voulait pas le perdre, cet unique enfant que les dieux lui avaient laissé. Lucius avait conscience de la mort.

Troublé, Draco s'était étonné d'une telle réponse. Blaise lui répondit qu'il était un esclave : tout s'entendait, tout se répétait, tout se savait.

« Viens, Scorpius t'attend. »

Blaise le guida jusqu'à la petite chambre où se trouvait le petit garçon de cinq ans. Il était allongé dans son lit, les yeux rivés sur la petite lampe posée sur un meuble près de son lit, ses paupières papillonnant devant ses yeux, comme s'il luttait pour ne pas s'endormir. Quand l'enfant tourna la tête vers l'entrée de sa chambre et qu'il vit son père, un grand sourire illumina son visage. Il sortit du lit et courut vers Draco qui le saisit au vol, le soulevant dans ses bras pour enfin le serrer contre lui. Blaise s'éclipsa, fermant la porte derrière lui, tandis que son maître s'avançait vers le lit au milieu de la pièce.

Scorpius se mit à lui parler à toute vitesse, comme s'il craignait que son père ne s'envole soudain. C'était comme envahir l'espace, remplir la petite pièce de sa voix d'ange pour combler le vide que son père laissait derrière lui. Draco regardait son enfant en lui répondant de temps en temps, son si petit garçon au visage rond et souriant. Il avait de courts cheveux blonds et doux et ses yeux verts virant au marron vers la prunelle, hérité de sa mère, brillaient de mille feux comme une pierre précieuse.

Cet enfant était sa pierre précieuse. Son envie d'avancer, son envie de vivre.

Draco n'avait jamais aimé les femmes, il préférait la compagnie des hommes. Il n'aimait pas le sexe, il préférait les bavardages incessants. Il n'avait jamais aimé sa vie, cette vie vide qui avait été la sienne durant les premières années de sa vie avant d'être comblée par la présence de son père, cette vie maussade et sans aucun sens, pareille à un long chemin qu'il parcourait parce que, de toute façon, il n'avait rien d'autre à faire.

Etre parfait. Marcher correctement le long de ce chemin sans fin, le dos droit, le regard dirigé vers le lointain. Etre le fils de son père, un enfant modèle, comme il en avait toujours voulu. Lever la tête pour ne pas mourir étouffé dans tant d'espérances et d'attente. Laisser son géniteur conduire son chemin, sans rechigner, le laisser planter des panneaux pour qu'il ne se trompe de route. Le laisser ériger des barrages, des murs, et en silence, toujours en silence, parce que c'était ce qu'il voulait…

Et puis le mariage. La naissance de Scorpius. Son regard s'était comme illuminé. Tant illuminé qu'il avait suffi d'un seul regard, un seul, pour que son père, ce grand commandant, comprenne de suite qu'il ne pourrait pas faire ce qu'il voulait de ce jeune enfant. Un seul regard, pour qu'il voit son propre fils s'animer devant ses yeux, ne pas être un simple automate dont il dirigeait sa vie.

Ce jour-là, par son seul regard tourné vers lui, Lucius vit à nouveau son fils comme un enfant. Un enfant qui s'émerveillait devant quelque chose d'exceptionnel, de vivant, et qu'il tenait doucement dans ses bras, comme pour le protéger.

Laisse-moi vivre…

Plus rien n'avait été pareil, depuis. Plus rien. Draco n'avait pas changé : il était toujours comme avant, silencieux et sage. Mais son père ne le regardait plus de la même façon. Il ne lui parlait plus de la même façon. Sans doute s'était-il rendu compte que son fils n'avait aucune motivation, qu'il était las, menant sa vie parce qu'il devait la mener ainsi, sans passion ni volonté d'aller de l'avant. Qu'en somme, il n'avait jamais été vraiment heureux. Jusqu'à la naissance de son fils. Jusqu'à ce que son regard s'illumine, que ses bras se referment autour de ce petit être qui était devenu le centre de son existence. Cette existence morose sans but, sans histoire.

Le corps de Lucius Manilius Draco s'était épanoui. Son esprit avait mûri. Son cœur demeurait le même depuis toutes ces années.

« Père… Où est Grand-père ?

- Il est mort, Scorpius.

- Je veux le voir.

- Moi aussi. Mais il ne reviendra plus.

- Même si on prie ?

- Même si on prie.

- Même si on donne de l'argent ?

- Même si on donne de l'argent.

- Tu ne vas pas mourir, Père ?

- Je ne sais pas, Scorpius.

- Je ne veux pas.

- Moi non plus. »

L'enfant se blottit dans les bras de son père, enfouissant son nez dans sa tunique. Draco l'enveloppa dans le tissu blanc, le réchauffant dans ses bras. La vie ne tenait qu'à un fil, que ce soit la sienne, celle de son père ou celle de son fils. Ce fils pouvait se rompre à n'importe quel moment, à n'importe quel âge. Il n'y avait pas de logique, à la vie. Les dieux régissaient tout. Ils prenaient, mais ne donnaient rien en retour.

Ils lui avaient pris son père. Laissant derrière eux la tristesse, le chagrin, le deuil.

OoO

On toqua à la porte de son bureau qui s'ouvrit aussitôt, sans attendre son accord. Draco arqua un sourcil et leva la tête vers Blaise qui, bien sûr, venait d'entrer sans attendre son ordre. Son ami semblait de bien bonne humeur, un large sourire illuminant son visage d'ébène. Il referma la porte derrière lui, tenant dans sa main un rouleau de parchemin.

« Draco, cesse donc de faire cette tête d'enterrement et souris un peu, tu me donnerais envie de pleurer.

- Loin de moi l'envie de te voir fondre en larmes. Que m'apportes-tu ?

- Un messager m'a apporté ce message. J'ai eu du mal à lui faire comprendre qu'il pouvait me laisser ce parchemin, mais il a fini par me le donner quand même. »

Blaise se pencha au-dessus du bureau et donna la missive à son maître qui l'ouvrit et la lut. Son visage parut s'adoucir et le Noir ne put s'empêcher de se sentir soulagé. Il avait craint que ce soit de mauvaises nouvelles, mais apparemment, c'était tout le contraire.

« Severus vient à Rome.

- Vraiment ? Je dois donc préparer une chambre.

- Hâte-toi. Il se trouve actuellement à Massalia, il ne mettra que quelques jours à atteindre Rome.

- Pourquoi vient-il ? Une affaire ?

- Il a appris la mort de mon père et il a quelques affaires à régler ici. Et il doit en avoir assez des pyramides, il veut revoir quelque chose de vraiment romain.

- Comme les jeux du cirque ? »

Draco fronça le nez et Blaise éclata de rire. Severus était un vieil ami de Lucius. Ils avaient grandi ensemble puis leurs chemins s'étaient séparés, avant qu'ils ne se retrouvent des années plus tard à Rome, Lucius marié et père de son fils aîné, Severus Rogunus Snapinus grand professeur, historien et philosophe au service des plus puissants. Pendant des années, il avait été le précepteur de Draco, figure froide et sèche dans son univers trop doux, trop impersonnel, figure sèche et stricte qui lui avait permis de se construire, de se différencier, de se créer, comme un jardinier donnant un tuteur à un plan pour qu'il se redresse et pousse bien, s'élevant vers les cieux au lieu de grandir face contre terre. Severus lui avait fait voir les yeux, lui avait montré autre chose que leur logis et la cité de Rome.

Draco avait rapidement compris que son père et Severus, bien que s'entendant très bien, étaient diamétralement différent. Lucius l'amenait toujours quand il y avait des jeux, à Rome. En fait, il l'emmenait partout, qu'importe l'évènement. Draco avait d'abord regardé les combats de gladiateurs d'un œil effrayé, écœuré, de même pour ces chars qui allaient à toute vitesse, créant souvent de grands chocs meurtriers. Son père était un habitué de ce genre de spectacle mais le petit garçon assis près de lui ne parvenait pas à supporter un tel spectacle. Il fallut que Severus entre dans son existence pour qu'il parvienne, imitant son professeur, à demeurer froid et stoïque alors que les chevaux se renversaient sur le sol, épuisés et blessée, alors que les gladiateurs déchiraient la peau, les muscles, les membres de leurs adversaires.

Severus était un homme cultivé qui ne voyait là qu'une représentation barbare de l'être humain. Il détestait ces jeux, n'y venant que pour rencontrer du monde, car ces lieux étaient des endroits où les romains se retrouvaient pour discuter, se revoir. Voyant que le jeune Draco luttait pour garder les yeux fixés sur la scène ou les baissant ostensiblement pour ne pas voir le massacre, Severus avait décidé de lui venir en aide : regarde droit devant toi, oublie tout ce qui se trouve dans ton champ de vision, concentre-toi sur la chaleur du soleil, sur les bruits de la foule, sur la pierre sous ton corps.

Deviens comme aveugle, ignore ce qui se passe devant toi. Tu ne peux rien faire contre ce massacre. Il n'est que le résultat de la bêtise des hommes et de leur barbarie. C'est un fait de société.

« Tu sais bien que Severus déteste ça. Il préfère aller voir une pièce de théâtre. Enfin, va donc préparer sa chambre.

- Tout de suite. »

Blaise sortit de son bureau et Draco laissa ses pensées vagabonder vers son professeur, qui avait été quelqu'un d'important dans sa vie, lui apprenant les choses concrètes de l'existence, l'emmenant au théâtre et le rendant passionnant par ses explications et ses remarques, lui apprenant des rudiments d'histoire, de philosophie… Draco aimait l'écouter parler, de sa voix grave. L'écouter lui raconter l'histoire du monde, traiter le mythe de Remus et Romulus de simple fable et de lui narrer la vie de César avec passion, sans oublier la fabuleuse épopée d'Alexandre le Grand.

Il sentit sa gorge se serrer. Cela lui ferait du bien de le revoir, cet homme si pragmatique et terre à terre qui lui remettrait les idées en place et le sortirait de ce deuil qu'il ne parvenait pas à faire. Ce deuil qui assombrissait son existence, peu à peu, la rendant plus terne et triste qu'elle ne l'était déjà.

OoO

La cité était agitée. En allant travailler ce matin-là, Draco avait senti que quelque chose se tramait, mais il avait laissé tout cela de côté, se concentrant sur sa journée à venir. Il était questeur, s'occupant du trésor de Rome, avec quelques autres hommes. Tant de parchemins, de données, de lettres inscrites sur du parchemin ou autre, de chiffres étalés devant ses yeux… Draco aimait son travail, mais par moments, il était las de tout cela. Cette tâche était monotone, ce qui l'avait, dans le fond, attiré car il n'aimait pas vraiment les changements et, son père lui ayant interdit de s'engager, il s'était alors mis dans la tête qu'il n'était pas bon à tout ce qui était physique, instable, imprévu. Quand il avait expliqué cela un jour à Lucius, ce dernier l'avait regardé avec de grands yeux surpris et il avait répliqué avec force que son fils n'était pas un incapable, qu'il pouvait être tout aussi vaillant que les autres romains. Alors Severus, près d'eux, avait répliqué avec cynisme à son ami que s'il avait élevé son fils comme un homme, un vrai, cela aurait été différent. Lucius n'avait pas compris, sur le coup. Il avait saisi bien plus tard, à la naissance de Scorpius.

Draco finit par atteindre son lieu de travail où il passa de longues heures. Il faisait une chaleur terrible, au point qu'il passa sa journée à boire de l'eau qu'un esclave venait lui porter, épongeant son front du dos de la main. Après une éternité passée dans les couloirs tantôt frais, tantôt alourdi par l'air presque palpable, il finit par quitter les lieux, n'en pouvant plus. Il rentra chez lui, suant à grosses gouttes, sa toge encombrant son corps, ses jambes qui peinaient à le déplacer. Draco pensait à sa villa, aux couloirs frais de la demeure, de l'eau qu'ils boiraient et de cette maudite toge qu'il allait retirer. Il faisait une chaleur effroyable, étonnante pour la saison.

A peine rentré chez lui, Draco fut débarrassé de son vêtement par deux esclaves. Il se sentit revivre, une fois ce lourd vêtement loin de son corps. Puis, n'en pouvant plus, il ôta également sa tunique, se retrouvant en pagne. Il se déplaça avec plus d'aisance dans sa villa, cherchant Blaise du regard. Il avait un message à faire porter à l'un de ses amis et il avait besoin de lui pour l'emmener. Blaise supportait bien mieux le soleil que lui, sa peau noire résistait aux rayons forts et blessants, il ne transpirait pas comme un bœuf quand la température se faisait trop élevée. Severus lui disait que c'était un héritage de son pays d'origine : les hommes à la peau si noire vivait sous un soleil perpétuel, protégés de ses chauds rayons par cette peau d'ébène, si foncée par rapport à leur propre épiderme blanc, qui rougissait et brunissait.

« Cassandre ! Où est Blaise ?

- Il est parti accueillir votre ami, Severus Rogunus Snapinus. Un messager est venu nous prévenir qu'il était arrivé au port et qu'il était en route pour Rome.

- D'accord. Sa chambre est-elle prête ?

- Oui, maître.

- Bien, apporte-moi de l'eau, je vais dans mon bureau. »

L'esclave acquiesça et s'en alla chercher de l'eau pour Draco tandis que ce dernier allait s'installer dans son bureau. La femme, qui devait avoir son âge, déposa un plateau sur son bureau en bois poli, sur laquelle reposait une cruche en argent remplie d'eau ainsi qu'une coupe. Elle lui fit une légère révérence avant de se retirer, en silence. Draco lut diverses missives et documents, à propos des affaires de son père dont il avait hérité. Une heure plus tard, on toqua à la porte : Caius, un vieil esclave de quarante ans, entra et lui annonça que leur invité était arrivé.

Draco revêtit sa tunique afin d'être un peu plus présentable, même s'il se doutait bien que Severus ferait peu attention à sa tenue. Puis, il quitta son bureau qui sortit de la villa. Dehors, en plein soleil, planté devant une charrue contenant divers bagage, son ancien professeur et ami attendait son arrivée.

Cela faisait bien un an que Draco ne l'avait vu, et pourtant, il était pareil que dans son souvenir. C'était un grand homme, droit et mince, aussi rigide qu'une statue. Ses pieds plantés dans le sol semblaient enracinés dans la terre, comme si rien n'aurait pu l'ébranler, en dépit de sa silhouette peu massive. Il se tenait fièrement, ses pieds chaussés de sandales, son corps revêtu d'une tunique blanche et d'une toge sombre, son bras droit replié contre son ventre, l'autre le long du corps. Severus n'avait pas un visage que l'on pourrait qualifier de beau : fin, le teint parcheminé, voire même quelque peu bronzé, il avait des traits sévères, secs, des yeux noirs comme des caves sans fin, encadrés par des cheveux noirs et raides coupés au-dessus de ses épaules. Pourtant, malgré son air peu aimable, ses yeux d'aigle et son nez quelque peu crochu, il se dégageait de sa personne un étrange charisme.

Cet homme n'avait pas la beauté de son père, la vaillance des grands hommes, la force des légions. Cet homme avait l'intelligence, le savoir, une connaissance si étendue que Severus n'avait guère besoin de ses poings pour blesser, ridiculiser, faire taire un homme : quelques mots et un regard suffisaient pour régler la situation.

Cet homme, qui ne souriait jamais, esquissa un léger sourire et ouvrit ses bras pour accueillir son ancien élève. Draco s'avança vers lui et le prit dans ses bras. Severus était comme un arbre, son corps était dur, rigide comme l'écorce, mais ses bras avait la tendresse d'un père, d'un oncle, d'un parent. Draco savoura cette étreinte aussi brève que profonde. Il se rendit compte que c'était ce dont il avait eu besoin, pendant ces trois longues semaines d'agonie : une étreinte. Aussi brève soit-elle.

Puis, Severus s'écarta et le prit par les épaules, le regardant dans les yeux, puis de haut en bas.

« Je suis heureux de te revoir, Draco. Tu n'as pas changé. Enfin, tu as maigri, mais je suppose que c'est normal, vu la situation. Tu devrais tout de même manger un peu plus, ce n'est pas parce que ton père qui quitté notre monde que tu dois le rejoindre en t'arrêtant de te nourrir. »

Sa voix était froide, sèche, et il suffisait de peu pour qu'elle vire méchante, mais en cet instant, elle reflétait l'inquiétude que Severus cachait en lui, son regard voyageant sur la silhouette du jeune homme, qui avait bien minci.

« Entre donc Severus, au lieu de t'inquiéter pour moi.

- Je ne m'inquiète pas pour toi, mais les voyages m'épuisent. Je suis venu pour rendre hommage à ton père, je n'ai pas envie de rentrer en Egypte et à nouveau faire le voyage parce que tu auras eu la bonne idée de mettre aussi fin à tes jours.

- J'ai toujours apprécié votre sens du pratique, Severus.

- Mon cher Blaise, si tu voyageais autant que moi, tu comprendrais aisément mon point de vue. Surtout que je n'aime pas voyager en bateau, c'est rapide mais avec tous ces hommes qui ont le mal de mer, qui pensent qu'ils vont mourir, qui appellent leur mère et qui prient les dieux… Comme si les dieux en avaient quelque chose à faire de notre sort.

- Entre Severus, tu me tiens chaud, avec cette toge sur tes épaules. »

Ils entrèrent dans la villa, Blaise restant dehors avec les deux esclaves que Severus avait emmené avec lui pour transporter les bagages. Severus se dévêtit dans la chambre qui lui était attribuée, retirant la lourde toge puis sa tunique. Il se retrouva alors en pagne, révélant son torse nu et ses longues jambes. Draco sourit en le voyant ainsi se mettre à l'aise.

« Draco, retire-moi cette tunique, il fait trop chaud pour que tu portes un vêtement pareil. Tu es chez toi, mets-toi donc à l'aise.

- Tu passes la majeure partie de ton temps en Egypte et tu ne parviens pas à supporter ces températures ?

- Je crois qu'on ne se fait jamais vraiment à la chaleur. J'ai vécu trop longtemps ici pour cela. »

Draco retira à son tour sa tunique. Du temps de son père, jamais ce dernier n'aurait permis qu'il se dévêtisse ainsi devant un invité, mais Severus ne faisait plus manières avec son ancien élève : ils avaient chaud, qu'ils retirent ces tissus inutiles. Lui qui était si pudique, il avait trop voyagé dans des pays chauds pour être capable de supporter une tunique ou une toge alors qu'il était en mesure de la retirer.

Ils passèrent dans les chambres d'enfants. Scorpius salua respectueusement Severus, qui lui faisait toujours un peu peur. Proserpine se montra moins méfiante. Agée de trois ans, elle baisa volontiers la joue de l'homme de ses petites lèvres roses et joliment ourlées.

« Tu as de bien beaux enfants, Draco. Ton père a toujours été très fier d'avoir de pareils descendants.

- Sans doute. Il aimait beaucoup Scorpius. Il le voyait déjà sénateur.

- Et pourquoi pas empereur. Ton père avait de trop grandes ambitions, ça ne lui a pas réussi. Il a eu une belle vie, professionnellement parlant. Mais il a eu de nombreux échecs d'un point de vue personnel. A viser trop haut, nous finissons souvent très déçus.

- Il a contracté un bon mariage, il m'a eu…

- Après deux échecs, tu n'étais pas fait pour être son héritier, il y a eu Tiberius avant toi. Une épouse qui a mis tant de temps à faire des enfants, deux garçons qui décèdent, une femme qu'il a quittée…

- Il ne pouvait pas l'épouser.

- Oh si, il aurait pu, Draco. »

Severus lui lança un regard entendu, cessant de marcher, le clouant sur place.

« Ton père aurait pu épouser cette indigène qu'il a connue et à qui il a fait des enfants, mais il avait une belle carrière derrière lui, il rêvait d'un mariage tout aussi grandiose. Résultat, il a épousé ta mère. Elle a le mérite d'être amusante, bien plus que ton insipide épouse, que je n'ai toujours pas vue d'ailleurs, mais il n'a jamais vraiment été heureux avec elle.

- Il ne s'est pas marié pour être heureux.

- C'est vrai. Il s'est marié pour poursuivre son idéal de vie. Au final, il a entretenu des courtisanes, il a abandonné celle qu'il aimait et ses bâtards, il a concentré toute son existence autour de sa fonction et de toi. Maintenant, il n'est plus rien que chaire putréfiée et os en poussière. Quelle vie. »

Draco se mordilla la lèvre. Les mots de Severus pénétraient en lui comme des épines s'enfonçant dans son cœur déjà meurtri. Severus commençait déjà le sale boulot : lui remettre les idées en place. Tout détruire pour mieux reconstruire, comme il disait.

« Dis-moi, es-tu libre demain soir ? »

Draco fut étonné par ce soudain changement de sujet mais se laissa aller avec plaisir dans cette nouvelle conversation.

« Très certainement, pourquoi ?

- J'ai rencontré un vieil ami. Marcus Curius Paetus. Tu le connais, il me semble.

- Oui, en effet.

- Il organise un dîner demain soir et j'y suis invité. Je lui ai dit que tu m'accompagnerais. Il y aura sûrement des gens que je n'aime pas, au moins je pourrai discuter avec quelqu'un sans me faire d'ennemi. Je ne suis pas d'humeur à me disputer.

- Je hais cet homme.

- Moi aussi, Draco, mais il m'a rendu quelques services autrefois…

- Il est dégoutant. »

Severus voulut répliquer, mais il se tut. Le regard de Draco s'était assombri. Rares étaient les moments où ses yeux de glace prenaient une telle teinte, s'ornaient de colère. Draco avait acquis cette indifférence, cette neutralité qui le caractérisait depuis l'enfance, et quand ses yeux se troublaient, que ce soit de joie ou de colère, de passion en somme, c'était toujours un moment délicat. Toujours. Car quand ils brillaient de joie, c'était si rare que c'en était presque touchant. Car quand ils brillaient de colère, c'était si rare que c'en était presque terrifiant.

Dans ces moments-là, il lui faisait penser à son père. En pire, sans doute.

« C'est un homme comme les autres. »

Ils continuaient à marcher dans les couloirs, lentement, se baladant entre la fraicheur des murs, à l'ombre du toit de la villa.

« Il venait souvent ici. C'était un ami de Père. Il me regardait bizarrement. Il nous regardait tous bizarrement…

- Draco…

- Severus, je suis devenu père il y a cinq ans. J'ai un petit garçon que j'aime plus que ma propre vie et une petite fille belle comme le jour. »

Draco avait tourné son visage vers lui. Un visage qui laissait apercevoir les sombres sentiments torturés qu'il gardait en lui, inlassablement, comme pour les cachés au reste du monde.

« Jamais je ne pourrai songer à leur faire du mal. Ni à eux, ni à n'importe quelle personne se trouvant ici. Surtout les enfants. Et lui…

- Draco, Draco, Draco… Paetus est un homme comme les autres, un romain tout ce qu'il a de plus banal. Tu es trop bon, trop humain, trop… comment dire… sensible. Tu essaies de le cacher mais tu es sensible, et tu as tendance à ne pas penser avec ce qui se trouve entre tes cuisses.

- Même si c'était le cas…

- Draco, l'homme désire ce qui est bon et beau. Il est donc évident que si un esclave plait à son maître, ce dernier ne va pas se priver de prendre ce qui lui appartient. Un esclave est un comme un animal, Draco, pire même dans certains cas. Un maître n'a pas à se priver du plaisir de s'offrir quelques moments agréable avec un de ses esclaves.

- Mais des enfants !

- Rien n'empêche un homme libre de prendre un enfant. Cela t'écœure, Draco, mais c'est une réalité de la vie. Les hommes sont des bêtes, ils subissent leurs instincts primaires et sautent sur tout ce qui est à leur portée. Les esclaves ne valent rien. Cela n'a rien de choquant qu'un homme besogne un petit esclave, garçon ou fille. Tu es toi-même père et tu n'as jamais été particulièrement attiré par les plaisirs de la chair, par aucun plaisir du tout d'ailleurs, mais ce n'est pas le cas de la majorité des hommes ici bas. Cesse donc de nourrir un tel mépris.

- Ils me dégoutent.

- Ton père n'était guère mieux, tu sais. Ne me regarde pas comme ça, il ne faisait pas mieux que Paetus avant de s'engager dans l'armée. Il s'est assagi avec le temps, encore heureux, mais ne garde pas en tête l'image d'un homme bon et sans défauts, les qualités de ton père se compte sur les doigts de mes mains, peut-être même sur une seule si je suis purement objectif. Il a été un bon père, je ne peux pas le lui reprocher, mais ce n'était pas un homme modèle, Draco. Il n'était pas comme toi. Il n'avait pas ton regard sur la vie, sur la société, sur les êtres humains. Veux-tu que je te donne le nombre de bâtards qu'il a engendré et fait exposer ?

- Non merci…

- Bon. Je comprends que ce soit dur pour toi, que son absence soit une souffrance, elle l'est pour moi aussi, car malgré tout, c'était mon ami, et ne pas avoir été là lors de ses derniers instants m'attriste beaucoup. Cela dit, c'était un homme comme les autres, ni plus cruel, ni meilleur. Un homme avec ses vices, qui a été bon avec toi, mais qui ne l'a pas été avec tous. Regarde ta mère : elle a vécu pendant des années confinées dans cette villa comme une grecque enfermée dans son gynécée, sans personne pour la distraire mis à part ses servantes qui l'habille et la poudre. Son seul loisir et de leur piquer les doigts quand le résultat ne lui convient pas. Avoue que c'est ennuyeux. »

Draco ne put s'empêcher d'esquisser un sourire crispé, imaginant en cet instant même sa mère en compagnie d'Astoria et de deux ou trois esclaves en train de se laver aux thermes.

« Alors, acceptes-tu de m'accompagner ? Sirius piquerait une crise de colère s'il apprend que j'y suis allé seul.

- Tu es toujours incapable de lui mentir ?

- Il est comme un chien : il renifle mes mensonges. Cet homme est impressionnant.

- C'est étonnant que vous soyez toujours ensemble. D'ailleurs, il ne t'a pas suivi ?

- Il n'a pas voulu. Enfin, il m'a accompagné à Massalia, pour ses affaires, mais il n'a pas voulu passer par Rome. Et oui, aussi étrange cela puisse-t-il paraître, nous sommes toujours ensemble. »

Tombé amoureux de l'Egypte, Severus avait effectué de nombreux voyage dans ce si chaud et lointain pays. Il y avait rencontré au cours de ses voyages Sextus Baebius Sirius, héritier d'une puissante famille romaine établie en Egypte. Tombé follement amoureux de Severus, Sirius lui avait fait une cours inlassable. Cela dura deux ans, pendant lesquels Sirius ne cessait de lui déclarer son amour, lui envoyant des missive quand il se trouvait à Rome, lui faisant des cadeaux, cherchant à tout prix à le voir quand il était en Egypte, traversant la méditerranée jusqu'à Rome ou Athènes pour le rencontrer… Et au bout de deux longues années, Sirius parvint enfin à obtenir les faveurs de Severus, qui l'avait fait languir pendant tout ce temps d'abord parce qu'il pensait qu'il se lasserait, puis pour le tester, et enfin parce qu'il était persuadé qu'une fois que ce séducteur aurait eu ce qu'il voulait, il ne lui porterait plus aucun intérêt.

Draco ne savait pas exactement depuis quand Severus et Sirius formaient un couple. Ils s'étaient séparés, remis ensemble… Leur relation n'était pas faite pour durer, elle n'était pas même tolérée, en théorie. Pourtant, elle durait. Draco avait l'impression, quand il entendait Severus ou Sirius parler, que ce soit de l'autre, de leur couple, de leur vie à deux qu'ils avaient régulièrement vécue, entre les voyages de l'un et les affaires commerciales de l'autre, qu'ils avaient toujours été ensemble. Qu'aussi loin qu'ils s'en souviennent, tous deux avaient toujours été ensemble. Et même quand ils se disputaient, se fuyaient, ils se pouvaient s'empêcher de prendre des nouvelles l'un de l'autre. Combien de fois avait-il entendu Severus grogner parce qu'il n'avait pas de nouvelles de ce « stupide cabot », comme il l'appelait, et combien de fois avait-il vu ses yeux noirs s'illuminer quand il recevait enfin une missive ?

« C'est étonnant que cela puisse encore tenir, après tout ce temps.

- C'est vrai. »

Il y eut une pause. Ils marchaient toujours, tournant en rond autour de la cours, à l'abri du soleil. Cela leur faisait du bien de marcher, plutôt que de rester immobile. Et puis soudain, Severus cessa de marcher. Draco s'arrêta à son tour et haussa un sourcil. Son ancien professeur avait soudain l'air un peu anxieux, ce qui étonnant le blond.

« Draco, je ne suis pas simplement venu à cause de la mort de ton père. Je comptais venir, de toute façon, son décès doit être le signe que c'est le bon moment.

- Le bon moment ?

- Oui. J'étais venu t'annoncer que je ne reviendrai probablement plus jamais à Rome. Je me fais vieux, je suis fatiguée. Ce voyage en mer qui me ramènera vers Alexandrie sera le dernier. Je finirai mes jours là-bas, auprès de Sirius. J'en ai assez de courir le monde comme je l'ai fait autrefois. Je ne regrette pas ma vie, elle me plait telle qu'elle est, et je veux la finir tranquillement là-bas.

- Alors… Je ne te reverrai plus ? »

Draco ne cacha pas sa tristesse. Il avait été si habituée à voir Severus bouger dans tous les sens, venant régulièrement à Rome en dépit de son âge, alors que son père peinait à quitter la ville sans rentrer complètement épuisé.

« Sans doute pas, non. Tu vas me manquer. J'étais venu pour te l'annoncer, mais également pour te faire une proposition. La mort de ton père doit vraiment être un signe. Si tu le désires, Sirius peut appuyer ta candidature et tu peux venir auprès de nous, à Alexandrie, avec ta famille. »

Restant sans voix, le jeune homme regarda l'homme en face de lui, son visage ridé qui avait vu les années passées petit à petit sur sa peau, n'atténuant en rien la noirceur et la vivacité de son regard. Ses cheveux étaient toujours aussi noirs, noir corbeau, noir ébène. Le temps était passé sur lui, le caressant presque avec tendresse, sans alourdir son corps et embrouiller son esprit.

« Je ne sais pas quoi dire.

- Alors ne dis rien. »

Severus s'avança d'un pas et posa sa main sur son épaule nue.

« Tu as le temps de faire ton choix. Je reste ici une semaine, puis je m'en vais. Tu peux nous envoyer une lettre quand tu le souhaites. Sirius sera ravi de te revoir. Il aurait voulu me suivre, tu sais. Mais s'il avait été là, je n'aurais sans doute pas eu le courage de t'en parler. Et c'était à moi de le faire. »

Prononcer ces mots, maintes fois répétés dans son esprit, lui faisait plus mal qu'il ne l'aurait cru. Ce discours bien ficelé sans arrêt ressassé dans son esprit durant le voyage s'était désagrégé dans sa bouche, il ne rimait plus à rien. C'était son cœur qui parlait, ce cœur bien caché qui s'était tant attaché à ce petit garçon aux cheveux blonds qui levait ses yeux clairs vers lui, comme s'il lui posait une question muette.

Ses yeux clairs.

Ses yeux bleus.

La couleur de ses yeux…


Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu !