Pile et Face

Chapitre 1

Dix ans. Dix années. Ca faisait dix ans aujourd'hui. Dix ans que la bataille de Poudlard avait éclaté, dix ans que cinquante-trois résistant et plus encore de mangemort avaient été fauchés dans la fleur de l'Age au nom d'un sang supposé pur et de tout un paquet de conneries du genre. Aujourd'hui, le monde sorcier fêtait sa libération. Mais au bureau des Aurors, l'heure n'était pas vraiment à la fête. Presque tous ici avaient été de farouches résistants pendant la guerre, que ce soit comme Auror, élevé, fuyard ou chômeur. Oh bien sûr il y avait eu des Auror mangemorts, mais depuis le bureau avait été épuré. Il ne restait donc que les vétérans et les recrues postérieures.

La célébration tombait mal. La moitié de la brigade se trouvait aux prises avec un solide réseau de trafiquant de substances noires ou dangereuses, mais bien sûr, ca, ça passait au-dessus de cette abrutie d'opinion publique. Non, il FALLAIT que les héros de la guerre soient présents aux commémorations. Le plus sollicité, Harry, avait quasiment été enlevé avant qu'il n'arrive au bureau.

Angelina restait plus dans l'ombre, a son grand bonheur. Elle avait été de l'AD, elle avait été active durant la guerre, mais elle ne faisait pas partit des veinards ayant leur nom au générique, aussi avait-elle put rester dans l'ombre en ce triste anniversaire. Mais l'ambiance, au bureau des Auror était... Ils avaient cru pouvoir vivre cette journée comme n'importe quelle autre journée, mais ils avaient eu trop de deuil.

Angelina fit tourner la bague de fiançailles qu'elle n'avait jamais pu se résoudre à enlever. Une pierre cristalline bizarre, mais d'un beau orange Weasley. Elle n'avait jamais réussis à trouver ce que c'était. Probablement un caillou quelconque trouvé sous un chemin... Ou un truc qui risquait de lui péter à la gueule si elle faisait un truc qui ne lui plaisait pas. Une création Weasley, quoi. Une création de Fred...

Le pesant silence de la brigade fut soudain brisé par le retour de l'Auror en chef Potter. Retenant à grand peine ses larmes, Angelina se leva, et défia son chef du regard:

« Je ne suis bonne a Rien. Je prends ma journée. »

Son ancien partenaire de quidditch baissa le regard sur ses mains, crispées sur sa bague de fiançailles:

« Oui, je comprends. A demain. »

L'ancienne griffondor s'enveloppa de son manteau et s'enfuit bien vite du ministère. Elle ne voulait pas rentrer, être seule chez elle. Elle ne voulait pas sortir, affronter les célébrations d'autrui. Elle servait sa communauté depuis dix ans en temps qu'Auror, aujourd'hui, elle ne voulait pas d'eux. Elle voulait juste... se bourrer la gueule pour oublier, l'espace d'une nuit, ses rêves d'avenir brisés.

Le choix était vite fait, en fait. Elle transplanta devant la tête de sanglier et pénétra dans la gargote.

Son cœur fit un triple salto arrière à boucle lobée en apercevant la silhouette rousse accoudé au bar: Fred!

Mais il se tourna vers quelqu'un et Angelina put constater l'absence de son oreille. Une chape de béton s'abattit sur ses épaules

Evidemment, ce n'était que George. George, qui avait survécu, malgré sa perte d'oreille. George... Qui n'était pas Fred.

Elle ne l'avait pas vu depuis le 4 mai 2008, pour l'enterrement de Fred. Et encore... "Vu", en ce temps-là, c'était beaucoup dire. Elle avait pris un sortilège dans les yeux à la bataille et avait mis plusieurs mois à retrouver une vue normale. Depuis... C'était trop dur d'imaginer revoir le clone de son fiancé. Déjà, elle avait du mal avec le beau-frère de Fred, mais comme Harry Potter-Weasley était son chef, elle était bien forcée de faire un effort.

Le cœur en miette, comme toujours lorsqu'elle pensait à son Fred, la jeune femme se posa dans un coin, dos au mur, reflexe d'Auror oblige et commanda (et paya), malgré l'heure encore trop précoce même pour un tea time, Une bouteille de Pur Feu. De quoi se mettre la tête à l'envers pour la soirée.

Ce qui était bien, se dit-elle en biberonnant, c'est qu'ici, à la Tête de Sanglier, personne te jugeras pour avoir commandé une bouteille de gnole à quinze heures. Un havre de tolérance, en fait, ce bar…

Elle ne pouvait s'empêcher d'observer à la dérobée celui qui aurait dû être son beau-frère. Lui aussi buvais dur. De ce qu'Angie savait, son magasin tournait bien, il y était même très impliqué, après avoir passé plusieurs années à laisser son frère Ron soutenir l'affaire à bout de bras. Mais en ce jour, en cet anniversaire des 10 ans, il devait ressentir le même vide et la même vacuité qu'elle. Ou peut-être un peu moins, qui sait. Lui n'était pas toute la journée face à des apprentis Voldemort en puissance. Ca plaisait à Angie, ce boulot, généralement. Elle aimait se sentir utile et surtout, avoir l'impression de stopper des apprentis mages noir avant que ça ne tourne au Voldemort.

Soudain, il fit un petit geste qui coupa le souffle d'Angie. Cette façon de remettre ses cheveux derrière son oreille ! C'était Fred ! C'était l'un des très rares tics différents entre les deux frères.

Mais juste après, il se frotta le nez dans un mouvement qui n'avait rien à voir avec les gestes des Fred et George de son adolescence.

Les larmes perlèrent à ses yeux. Mais quelle conne elle était ! Ce n'était PAS Fred. C'était Georges. Juste Georges. Fred devait lui manquer autant voir plus qu'a elle-même, il était naturel qu'il ait reprit certains de ses geste machinal…

Sans se rendre compte elle se mit à sangloter et soudain une main se posa sur son épaule :

« Angie ?... »

Oh dieu, non… Il était là… Il la berçait tendrement en lui murmurant des paroles incohérentes…. Avec la voix de Fred. Les mains de Fred. L'Odeur de Fred…

Elle redressa la tête soudainement et sa main partit s'enrouler autour de la nuque de l'artisan… Elle trouva ce qu'elle cherchait, comme si elle avait fait ce geste pour la dernière fois y a dix minutes et pas dix ans. Elle attrapa une pleine poignée de cheveux et d'une geste violent et vengeur, elle lui balança la tête contre le mur avant de se lever, vivante figure de la rage et de quitter le bar pour transplanter sitôt le seuil du bar passé.