Prologue
Et il courait, et il courait et il courait. Le vent fouettait ses mèches ébène, les gouttes de pluie frappaient son visage, et il courait encore. Derrière lui, Lovino pouvait entendre les cris de son frère « Reviens ! Je t'en prie ! » Mais au diable Feliciano. Au diable Nonno. Au diable tout le château. Les mots tambourinaient encore dans sa tête comme les sabots des chevaux qui martelaient le sol. « Si seulement tu pouvais être un peu plus comme Feliciano ! » Le jeune garçon sentit ses forces l'abandonner, ses genoux faiblissaient, il était à bout de souffle. Il se laissa mollement tomber le long d'un tronc d'arbre, l'écorce dans sa tunique et les fesses dans la boue.
J'aurais pu prendre une cape, pensa Lovino. Quelque chose de plus chaud, qu'importe, pour me protéger un temps soit peu de la pluie. Surtout si je ne rentre jamais au château…
Il pourrait peut-être vivre dans la forêt. Il apprendrait à chasser, il irait cueillir des fruits et il se construirait une cabane dans une grotte où il aurait réussi à domestiquer un ours pour le protéger des prédateurs.
Ou peut-être qu'il mourrait, tout simplement. Il mourrait, dans la forêt, dévoré par un loup. Et Feliciano deviendrait roi. Et Nonno serait content. Et tout finirait bien.
- L-Lo…Lovi-no !
L'intéressé releva la tête. Devant lui, terriblement essoufflé, se tenait son petit frère. Il essayait difficilement de reprendre son souffle, appuyé contre un chêne. Il avait dû tomber dans sa course puisque à son genou droit, à travers la déchirure de son pantalon, perlait du sang. Le plus petit renifla et débita d'une traite :
- Je..ah. J'ai cru que je ne te rattraperai jamais ! Et que tu serais mort ! Reviens au château ! Je t'en supplie ! Ou alors laisse-moi au moins venir avec toi !
Lovino Vargas leva les yeux au ciel.
- C'est bon. Je rentre. Mais attends…tu t'es blessé en plus ! Quel abruti. T'aurais dû rester au château, merde.
- Lovi ! le sermonna le cadet visiblement blessé par la remarque. Tu ne dois pas parler de la sorte. Nonno dit que…
- Je m'en fous de Nonno !
Il avait crié si fort que le petit groupe d'étourneaux perchés sur les branches s'était envolé. Or, à peine les mots échappés de ses lèvres que Lovino s'en voulut il ne devait pas passer sa colère sur son frère. Feliciano n'y pouvait rien, après tout.
Mais le jeune garçon avait déjà tendu l'oreille ailleurs. Des pas. Là-bas. Figé, il fixait le buisson.
- Lovi…murmura-t-il. Je crois que…qu'il y a quelque chose.
- Ne sois pas stupide.
La curiosité poussa le cadet à s'approcher du buisson sans même que Lovino n'ait eu le temps de le retenir. Il écarta les feuilles et tomba nez à nez avec un jeune garçon blond.
- Pardon, murmura ce dernier avec un accent des terres du nord.
Lovino, néanmoins, ne le laissa pas s'exprimer d'avantage : déjà il s'était précipité sur le plus petit, sa dague pointée contre son air innocent.
- Présente-toi.
Son ton autoritaire ne laissait place à aucune discussion. Le blondinet le dévisageait de ses grands yeux bleus sans réellement comprendre. Ou alors cherchait-il ses mots pour s'exprimer dans ce langage qu'il ne métrisait pas tout à fait.
- Je. Hum. Je me suis perdu. Je crois.
Il évite ma question. C'est agaçant. Très bien, tant pis. Le regard de Lovino se durcit. Si son grand-père lui avait bien appris quelque chose, c'est qu'il fallait toujours se méfier des inconnus.
Lovino, commença Feliciano en lui attrapant le bras. On devrait peut-être l'aider. Il a l'air jeune.
Jeune, en effet, il en avait l'air. Le même âge que Feliciano sans doute. 12 ans. Et malgré tout, malgré les paroles de Nonno qui résonnaient dans sa tête, l'ainé savait que son petit frère avait raison. Avec toute la volonté du monde, il ne pouvait se résigner à abandonner ce garçon dans les ténèbres de la forêt.
Et peut-être avait-il fait erreur.
