Hello tout le monde. Me revoilà avec une nouvelle fanfiction qui traînait dans mes placards depuis un sacré bout de temps. Elle est née d'un très lointain désir d'écrire un peu sur la jeunesse de Shin avant qu'il ne rencontre ses compagnons, bien avant le début de la saison 1. Normalement, il devrait y avoir d'autres chapitres de prévus, ce n'est ici que le début de sa vie. Mais je ne peux rien promettre, ça ne serait pas la première fois que je me perds mais mes propres projets.

Sinon, comme d'habitude, n'hésitez surtout pas à dire ce que vous en pensez, c'est toujours un plaisir. Bonne lecture et j'espère que cette nouvelle fic vous plaira.


La vie n'est pas un long fleuve tranquille

Tout le village s'était rassemblé. Dans un silence solennel et respectueux, tous étaient venus, même les enfants les plus jeunes. Les têtes étaient basses et immobiles, ne pouvant qu'attendre le verdict avec inquiétude. Au milieu de la foule, il était le seul à ne pouvoir tenir en place. Les autres le regardaient faire les cents pas tandis qu'il tentait désespérément de cacher les larmes coulant sur ses joues et trahissant son inquiétude.

Le silence de la nuit n'était brisé que par les cris stridents de son épouse et les interventions des médecins dans la hutte derrière lui. Il ne pouvait rien faire, personne ne pouvait faire quoi que ce soit. La vie de sa femme et de son enfant dépendait entièrement de ce médecin de malheur ! C'était insupportable.

Puis, après ce qui lui avait semblé être des décennies, les cris de douleur de sa femme furent se turent et furent remplacés par d'autres cris d'une toute autre nature. Le médecin du village sortit de la hutte, s'essuya les mains sur un torchon bien trop rouge et s'adressa à lui d'une voix épuisée mais rassurée :

« Elle va bien. Ils vont bien tous les deux. »

L'exaltation du village criaient leur joie, s'enlaçaient, lui lançaient des « Félicitations ! » tandis que lui pénétra avec appréhension dans la hutte.

Sa femme était là, allongée, épuisée et dans un état lamentable mais un grand sourire dessiné sur le visage. Ne prêtant pas attention aux couvertures tâchées de sang, elle lui tendit le fruit de leur amour. Il le prit avec délicatesse et hésitation, rassuré par les yeux de sa dulcinée, et contempla sa progéniture. Il l'aimait déjà. Avec ses mains d'ours, il le blottit contre lui en prenant toutes les précautions pour ne pas blesser la petite créature.

« … Shinddha... »

Dehors, la pluie venue annoncer l'hiver commença à tomber.


« Shinddha ! »

Il était très tôt ce matin-là mais le clan était déjà réveillé, en partie à cause d'un étrange capharnaüm. Des bruits d'aboiements, de métal clinquant, d'adultes criants, d'étales renversées et de verre brisé résonnaient alors que le soleil venait tout juste de se lever.

« Reviens ici tout de suite! »

Un chien déboula tout à coup de nulle part, détruisant et renversant tout sur son passage. Quelque chose cliqueta derrière lui, il avait en fait une casserole fixée sur une corde attachée à sa queue. Complètement paniqué, ses jappements étaient couverts par le brouhaha général qu'il avait provoqué bien malgré lui dans sa course folle.

Personne n'avait le moindre doute quant à l'origine d'un tel vacarme. Les grands-mères râlaient, les enfants les plus jeunes pleuraient tandis que leurs aînés semblaient très amusés de la situation pendant que tout le reste du village, tentant vainement d'attraper l'animal, était mené par un bonhomme en criant, non pas contre la pauvre bête mais contre sur son propre fils.

« Shinddha ! Tout est encore de ta faute ! »

L'intéressé, âgé de moins de dix ans et demie, était en effet responsable d'un tel chaos. Et trouvait cela très drôle. Installé sur le toit d'une hutte, caché derrière la cheminée, il observait l'étendue de son œuvre d'un sourire malicieux en croquant à pleine dents un pomme que sa mère lui avait donné le matin-même.

L'enfant semblait bien petit pour son âge. Il faut dire qu'il préférai passer son temps à se faufiler dans les recoins de la forêt qui entourait leur village ou à faire peur aux chats voleurs à l'aide de sa fronde plutôt que de jouer aux chevaliers avec des épées en bois comme tous les garçons et filles de son âge. Ses cheveux noirs, hérités de sa mère, semblaient se tordre dans tous les sens tel leur propriétaire exécutant toujours mille et unes pirouettes improbables. Dans ses yeux se reflétaient la malice enfantine qui lui avait valu le titre de petit démon du village.

De là où il était, il pouvait voir son propre père détacher le chien désormais rattrapé. L'animal maintenant calmé et délivré, beaucoup de villageois pestaient toujours contre l'enfant introuvable. Et c'était très bien comme ça.

Depuis qu'il était né, on n'avait cessé de lui dire quoi faire, quoi dire et quoi penser. Ses parents lui répétaient toujours que c'était pour qu'il devienne enfin « un homme fort et digne du clan Kory ». Alors pourquoi refusaient-ils de le laisser les accompagner à la chasse ? Pourquoi n'étaient-ils pas fiers de lui quand, de sa fonde artisanale, il touchait sa cible à tous les coups ? Pourquoi le réprimandaient-ils quand il arrivait à grimper dans les arbres plus haut que quiconque pour récupérer nourriture et herbes médicinales ?

Il savait qu'on le cherchait après ce qu'il avait fait. Il était hors de question qu'on le trouve. Malgré sa bonne cachette actuelle, il allait bientôt devoir bouger. Toujours adossé contre la cheminée du toit, il se leva d'un bond silencieux et jeta un peu plus loin ce qui lui restait de son trognon de pomme. Son geste négligé fut suivi d'un étrange « pom ! » signifiant qu'il venait de toucher quelque chose. Shin se retrouva alors soudainement attaqué sur le toit par un chat qu'il n'avait pas vu et qui n'avait pas du tout apprécié le fait de se prendre une pomme sur la tête.

Les poils du chat s'étaient hérissés et dans un miaulement rauque et colérique, il bondit sur le visage du garçon. Shin paniqua, bascula sur le côté mais posa son pied sur un morceau fragile de la taule. Celui-ci se brisa d'un bruit sec, entraînant dans sa chute l'enfant et l'animal.

Shinddha n'eut pas le temps de crier. Sa courte chute fut très vite amortie par une énorme pile de fruits qui s'effondra lorsque le garçon la percuta. Cet amortisseur de fortune et l'agilité de Shin lui permirent de ne subir aucune blessure. Il s'extirpa de la montagne le plus discrètement possible, complètement couvert de jus et de chair de fruits détruits. Mais on ne pouvait faire moins discret. N'ayant pas d'autre échappatoire, Shin ouvrit la porte avec précaution de la hutte où il avait atterri.

Cependant, le nouveau capharnaüm qu'avaient provoqué la chut et la destruction de l'étalage n'avait fait douter personne. Lorsque Shon sortit, il tomba nez-à-nez avec tous les adultes qui le cherchaient et que lui cherchait absolument à éviter. Un statut quo s'installa entre le gamin frêle et sali et la masse de muscles grave qui le dévisageait. Le chat profita de la tension pour s'échapper, tout gluant, dans un feulement mécontent. Shinddha déglutit. Il savait ce qui l'attendait.

La nuit était tombée, les hiboux et les grillons chantaient dehors tandis que lui restait couché sur son lit, les mains derrière la tête. Par tous ces ancêtres, il croyait bien ne jamais avoir connu pire remontée ! Ses parents avaient confisqué sa fronde et il était désormais contraint de rester dans sa chambre en attendant de pouvoir tout nettoyer et réparer lui-même les dégâts qu'il avait causé. Quelle barbe !

Mais ses parents ignoraient qu'il répétait le même rituel à chaque fois qu'il recevait une nouvelle punition. Dehors, la lumière de la lune donnait à la forêt un air mystérieux et en même temps accueillant. C'était apaisant. Shin avait toujours aimé la forêt et ses habitants, c'était dans son sang.

Sa chambre abritait un passage caché donnant directement sur l'extérieur. Il était dissimulé et bloqué par les meubles, ce qui empêchait les parents de le découvrir ou les nuisibles d'y passer. Il était si étroit que seul un enfant ou un petit animal pouvait l'emprunter.

Toujours couché sur le lit,, Shinddha écoutait et n'attendait que la respiration de ses parents devienne lente et régulière. La voix était libre. Il déplaça dans un habituel silence la petite commode puis son lit et sortit avec difficulté. Il pouvait encore passer mais cela faisait des années que ce passage existait et il avait bien grandi depuis.

Lorsqu'il se retrouva enfin dehors, il eut l'impression qu'un poids lui compressant les poumons venait d'être retiré. Il prit bol d'air, enfin seul à seul avec la nature. S'assurant qu'il n'était pas suivi, il se dirigea vers la forêt toute proche et habillée d'un manteau nocturne.

D'aussi loin qu'il se souvienne, il a toujours ressenti une synergie avec ce qui l'entourait lorsqu'il était seul dans les bois. Les arbres, la rivière, les animaux qui bondissant à travers les branches et même ceux qu'on ne pouvait voir. Au fond de lui, il lui semblait pouvoir sentir toutes les formes de vie qui l'entouraient et vivaient dans un certain équilibre. Était-ce par son éducation ou sa nature solitaire qu'il en était capable ? Il n'en savait rien. Mais il s'en fichait. Il était apaisé et connecté en ce lieu et c'est tout ce qu'il comptait. Sa frénésie diurne disparaissait toujours dans ces instants secrets.

Son père lui avait souvent parlé de ces grandes villes qui régnaient bien au-delà des forêts. Là où les gens courraient dans tous les sens, se bousculaient dans les rues et erraient dans un brouhaha constant. Shinddha s'était maintes fois imaginé ce qui pouvait être la vie en ville. Il se demandait encore comment il était possible de vivre entassé, sans silence et sans moyen de respirer.

Assis sur une branche haute d'un arbre, adossé contre le tronc, il repensa à sa propre vie. Malgré ses incessantes punitions et son incompréhension des adultes, il aimait sa vie ici. Pour rien au monde il ne voudrait vivre dans l'une de ces fameuses villes. La vie en ville semblait étouffante, la vie ici était tranquille. Parfois trop tranquille.

Même si cette vie lui permettait de respirer, le garçon rêvait toujours d'aventures. Il se plaisait à imaginer le monde, ses faces cachées et enfouies et tout ce qu'il pouvait vivre au fil de ses voyages, en partant d'ici. Qui sais, peut-être réussirait-il à se faire des compagnons ? Il s'endormit sur ses rêves d'aventures, de rencontres et de mystères antiques.

Son fils était levé. Il le savait, il l'avait entendu. Comme à son habitude, il avait dû prendre le passage dissimulé dans sa chambre et pensait certainement que personne n'en connaissait l'existence. Il sortit à son tour de son lit le plus silencieusement possible, il ne voulait pas réveiller sa femme. Il se rapprocha de la fenêtre, le vent soufflait dehors et la forêt siégeait devant lui. Son fils méditait dans ces bois, il le savait depuis plusieurs années. Shinddha avait toujours été différent et il le connaissait suffisamment pour savoir qu'il finira un jour par partir. Sans ne l'avoir jamais dit à son fils, il était sûr qu'il allait tôt ou tard porter les couleurs du clan Kory à travers tout le Cratère. Il n'en avait jamais discuté avec sa femme mais elle le savait elle-aussi. Elle avait peur sans le dire mais c'était de ces choses qui ne se disent pas. Mais lui était confiant. La vie de campagne n'était pas déplaisante pour Shinddha mais elle était trop monotone. Au fond de lui, il enviait son fils. Son fils qui, malgré ce que pouvaient penser les anciens, était fier de son clan et de son sang mais finira par tracer sa propre route. Il était le seul à le savoir, personne d'autre ne pouvait le voir. Pas même Shinddha. Oui, il en était certain. Son fils était destiné à faire de grandes choses, à voyager au-delà des mers et d'accomplir moult exploits que personne sur cette terre ne pouvait pas même imaginer.

Dès que le vent soufflera, son fils partira.

Il respira un grand coup, songea une dernière fois à sa progéniture solitaire et tapie dans les bois avant de retourner auprès de sa femme. Il ferma les yeux et pria tout ce qui pouvait être prié et susceptible de l'écouter.

Que les dieux accordent à Shinddha, son fils, le pouvoir d'accéder aux plus grands mystères que renferme le Cratère !