Ses fins et longs doigts se promenaient librement sur la manche du violoncelle, tandis que l'archet frottait doucement les cordes. La mélodie résonnait dans la pièce vide. Elle était d'une tristesse incroyable, mais d'une beauté la surpassant. Les notes se mêlaient entre elles, et la mélodie grave parvenait jusqu'à ses oreilles. Il ferma les yeux pour ressentir la musique jouer en lui. Et la mélodie se répétait inlassablement, le même refrain encore et encore.
Elle lui tournait le dos, elle n'entendait même pas lorsqu'il s'approchait et quand il l'écoutait jouer. La mélodie n'avait pas de suite, elle se répétait, mais elle gardait sa beauté intacte. Son bras tenant l'archet bougeait sans cesse, avec des mouvements las, dépourvus de joie. C'était sa façon de s'exprimer, de dire, de crier au monde ce qu'elle ressentait. Mais lui seul entendait son appel. Il l'entendait, mais n'y répondait pas. Il ne savait pas comment. De quelle manière pouvait-il lui dire qu'il l'entendait, et qu'il voulait l'aidée?
Et la mélodie continuait, se répétant en boucle. Plus elle se répétait, plus elle gagnait en beauté, mais en tristesse également. Elle était vide, elle aussi, remplit d'illusions et de mensonges. Elle reflétait leur vie, un tissu de mensonges et d'illusions. Et la mélodie continuait, résonnant dans la pièce, et dans sa tête.
Pourquoi devrait-elle se répéter ainsi? Ne pourrait-il pas y avoir une suite? Mais là se trouvait le sens de l'appel. Elle attendait une suite, elle attendait une réponse.
Pourquoi ne pouvait-il pas répondre?
Il avait peur. Il avait peur de perturber le silence, de briser la beauté. Mais c'était ce qu'elle voulait. Elle le voulait, donc il le ferait.
Alors que la mélodie s'apprêtait à recommencer de nouveau les mêmes notes, il fit irruption. La mélodie du violon s'éleva, et à travers elle, la joie et la même beauté. La fillette fut étonnée de voir son grand frère au violon, puis sourit. Elle se retourna, lui faisant face, et joua. La même mélodie, mais dépourvue de tristesse, remplacée par de l'amour. Et la beauté était là. La beauté des deux mélodies résonnait, portée par l'amour et la joie. Ils jouaient, et leur chant s'élevait, résonnant dans toute la maison.
Ils se souriaient, leurs bras se balançaient dans des mouvements enjoués et la mélodie continuait, ne connaissant plus le mot «fin».
Des larmes coulaient sur ses joues, certaines roulaient sur son nez cassé. Elle était partie, elle s'est envolée. De par sa faute, elle était morte. Il 'avait rien vu, il ne répondait plus à ses appels. Et malgré le fait qu'il était trop tard, il décida de répondre une nouvelle fois. Un dernier adieu. Devant cette tombe, à cet endroit, il jouerait. Mais il ne lui tournerait pas le dos. Il attrapa le violoncelle et joua la mélodie de sa sœur. Grave, triste mais belle. Il fit les mêmes mouvements las, fatigués et dépourvus de joie. Il ferma les yeux pour laisser la musique résonner. Et la suite qu'ils avaient donné à cette mélodie mourut, emportée avec sa sœur. Il reprit la même mélodie qui retrouva le mot «fin».
Et la mélodie continuait, se répétant inlassablement, revenant en boucle.
